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Et pendant que les prêtres fonnaient du cornet au septième jour, Jofué dit à tout Ifraël Criez, car le Seigneur vous a donné la ville. Que cette ville foit dévouée en anathême. Ne fauvez que la proftituée Rahab avec tous ceux qui feront dans fa maison; que tout ce qui fera d'or, d'argent, d'airain et de fer, foit confacré au Seigneur, et mis dans fes tréfors.... Ils prirent ainfi la ville, et ils tuèrent tout ce qui était en Jéricho, hommes, femmes, enfans, vieillards, bœufs, brebis et ânes ; ils les frappèrent par la bouche du glaive.... après cela ils brûlèrent la ville et tout ce qui était dedans..... Or Jofué fauya Rahab la proftituée, et la maison de fon père avec tout ce qu'il avait ; et ils ont habité au milieu d'Ifraël jufqu'à aujourd'hui. (i)

le récit de Jofué était antérieur au récit famaritain. L'un et l'autre font merveilleux; mais il faut donner la préférence au livre de Jofue.

(i) C'est avec douleur que nous rapportons fur cet événement les réflexions du lord Bolingbroke, lefquelles M. Mallet fit imprimer après la mort de ce lord.

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Eft-il poffible que DIEU, le père de tous les hommes, ait conduit lui-même un barbare à qui le cannibale le plus féroce ne voudrait pas reffembler ? Grand Dieu! venir dans un défert inconnu pour maffacrer toute une ville ,,inconnue égorger les femmes et les enfans contre toutes les lois de la nature! égorger tous les animaux! brûler les maifons et les meubles contre toutes les lois du bon ,, fens, dans le temps qu'on n'a ni maifons ni meubles ! ne pardonner qu'à une vile putain digne du dernier fupplice! fi ce conte n'était pas le plus abfurde de tous, il ferait le plus abominable. Il n'y a qu'un voleur ivre qui puiffe l'avoir écrit, et un imbécille ivre qui puiffe le croire.

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Alors Jofué dit: Maudit foit devant le Sei gneur celui qui releveraet rebâtira Jéricho... (k)

Or les enfans d'Ifraël prévariquèrent contre l'anathême, et ils prirent du réservé par l'anathême; car Achan fils de Charmi déroba quelque chofe de l'anathême; et Dieu fut en colère contre les enfans d'Ifraël. Et comme Jofué envoya de Jéricho contre Haï près de Béthel, il dit: Il fuffit qu'on envoie deux ou trois mille hommes contre Haï. Trois mille guerriers allèrent donc ; mais ils s'enfuirent, et ils

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C'eft offenfer DIEU et les hommes, que de réfuter sérieu fement ce misérable tiffu de fables dans lesquelles il n'y a pas un mot qui ne foit ou le comble du ridicule, ou celui de l'horreur.

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Milord était bien échauffé quand il écrivit ce morceau violent. On doit plus de refpect à un livre facré. Il ajoute que ces mots, jufqu'à aujourd'hui, montrent que ce livre n'eft pas de Jofue. Mais quel que foit fon auteur, il eft dans le canon des Juifs; il eft adopté par toutes les Eglites chrétiennes. Nous avons bien que les rigueurs de Jofue révoltent la faibleffe humaine; qu'il ferait affreux de les imiter, ioit que les habitations qu'il détruifit, et qui nagèrent dans le fang, fuffent des villes ou des villages. Nous ne nions pas que fi un peuple étranger venait nous traiter ainfi, cela ne parût exécrable à toute l'Europe. Mais n'eft-ce pas précitément la manière dont on en ufa envers les Américains au commencement de notre feizième fiècle ? Jofue fut-il plus cruel que les dévastateurs du Mexique et du Pérou ? Et fi l'hiftoire des barbaries européanes eft vraie, pourquoi celle des cruautés de Jofué ne le ferait-elle pas ? Tout ce qu'on peut dire, c'eft que DIEU commanda et opéra lui-même la ruine de Canaan, et qu'il n'ordonna pas la ruine de l'Amérique.

(k) La fentence contre Jéricho ne fut pas exécutée. Jéricho exiftait fous David et du temps des Romains, et exifte encore tel qu'il fut toujours, c'eft-à-dire, un petit hameau à fix lieues de Jérusalem.

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furent poursuivis par les hommes de Haï, qui les tuèrent comme ils fuyaient; et les Juifs furent faifis de crainte, et leur cœur fe fondit comme de l'eau. Et DIEU dit à Josué : Ifraël a péché, il a prévariqué contre mon pacte, ils ont dérobé de l'anathême, ils ont volé et ils ont menti; vous ne pouvez tenir contre vos ennemis jufqu'à ce que celui qui s'eft fouillé de ce crime foit exterminé.

Jofué fe levant donc de grand matin, fit venir toutes les tribus d'Ifraël, et le fort tomba fur la tribu de Juda, puis fur la famille de Zaré..... puis fur Achan fils de Charmi, fils de Zabdi, fils de Zaré..... Et Achan répondit : Il est vrai, j'ai péché contre le Dieu d'Ifraël; et ayant vu parmi les dépouilles un manteau d'écarlate fort bon, deux cents ficles d'argent, et une règle d'or de cinquante ficles, je les pris et je les cachai dans ma tente..... Et Jofué lui dit : Puifque tu nous a troublés, que DIEU te trouble en ce jour. Et tout Ifraël le lapida; et tout ce qu'il poffédait fut brûlé par le feu. (1)

(1) M. Boulanger s'exprime encore plus violemment, s'il eft poffible, que le lord Bolingbroke fur ces morceaux de l'hiftoire de Jofue. Non-feulement on nous repréfente Jofué comme un capitaine de voleurs arabes, qui vient tout ravager et tout mettre à fang dans un pays qu'il ne connaît pas ; mais ayant, dit-on, fix cent mille hommes de troupes réglées, il trouve le fecret d'être battu par deux ou trois cents payfans à l'attaque d'un village. Et pour achever de peindre ce général d'armée, on en fait un forcier qui devine qu'on a été battu parce qu'un de fes foldats a pris

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Jofué fe leva donc, et toute l'armée avec lui, pour marcher contre Haï; et on choifit trente mille hommes des plus vaillans..... Josué brûla la ville, et y fit pendre à une potence le roi. qui avait été tué. Puis on jeta fon corps à l'en. trée de la ville; et on mit deffus un grand tas de pierres, qui y eft encore aujourd'hui. (m)

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», pour lui précédemment une part du butin, et s'eft approprié un bon manteau rouge et un bijou d'or. On fe fert, ,, pour découvrir le coupable, d'un fortilége dont les petits enfans fe moqueraient aujourd'hui : c'eft de tirer la vérité aux dés, ou à la courte paille, ou à quelque autre jeu femblable. Achan n'eft pas heureux à ce jeu. On le brûle vif, lui, fes fils, fes filles, fes bœufs, fes ânes, fes brebis ; ,, et on brûle encore le manteau d'écarlate, et le bijou d'or ,, que l'on cherchait. Si Cartouche, continue M. Boulanger, ,, avait fait un pareil tour, madame Oudot l'aurait imprimé dans fa bibliothéque bleue. Nos hiftoires de voleurs et de forciers n'ont rien de femblable.

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Ce difcours blasphématoire, ces dérifions de M. Boulanger pourraient faire quelque impreffion s'il s'agiffait d'une hiftoire ordinaire arrivée et écrite de nos jours; mais ne peuvent rien contre un livre facré miraculeufement écrit, et miraculeufement confervé pendant tant de fiècles. DIEU était le maître d'exterminer les Cananéens qui étaient de grands pécheurs. Il n'appartenait qu'à lui de choifir la manière du châtiment. Il voulut que tout le butin fût également partagé entre les enfans d'Ifraël exécuteurs de fes vengeances. Il fe fervit toujours de la voie du fort dans l'ancien et le nouveau Teftament, parce qu'il eft le maître du fort. La place de Judas même, ce Judas qui fut caufe de la mort de notre Seigneur, a été tirée au fort. Voilà pourquoi faint Auguftin a toujours diftingué la cité de DIEU de la cité mondaine. Dans la cité mondaine tout eft conforme à notre faible raison, à nos faux préjugés dans la cité de DIE U tout eft contraire à nos préjugés et à notre raison.

(m) Ces mots, un grand tas de pierres, qui y eft encore aujourd'hui, femblent indiquer que ce livre de Jofue n'eft pas écrit par les contemporains. Mais en quelque temps qu'il ait été

Adonifédec, roi de Jérufalem, ayant appris ce que Jofué avait fait dans Haï et dans Jericho, envoya vers les rois d'Hebron, de Jérimoth, de Lachis, &c..... (n)

Jofué tomba donc tout d'un coup fur eux tous; et le Seigneur les épouvanta, et il en fit un grand carnage près de Gabaon. Jofué les pourfuivit par la voie de Béthoron, et les tailla tous en pièces. Et lorfque les fuyards furent dans la defcente de Béthoron, le Seigneur fit pleuvoir du haut du ciel fur eux de groffes pierres, et en tua beaucoup plus que le glaive d'Ifraël n'en avait mis à mort (0)..... Alors

fait, il est sûr qu'il a été infpiré. Jamais un homme aban donné à lui-même n'aurait ofé écrire de pareilles chofes.

(n) Les critiques difent qu'il n'y avait point de roi de Jérufalem alors. Ils prétendent même que le mot de Jérufalem était inconnu. C'était un village des Jébuféens, qui touche au grand défert de l'Arabie pétrée, un lieu fort propre à bâtir une fortereffe fur le paffage des Arabes. Ce font trois montagnes dans un pays aride. Nous difons, avec les commentateurs les plus approuvés, que Jofue n'écrivit point cette hiftoire. Les Samaritains ont un livre de Jofue trèsdifférent de celui-ci. Il y en a un exemplaire dans la bibliothéque de Leyde; mais nous ne reconnaissons que celui qui eft admis dans le Canon. C'eft indubitablement le feul facré et le feul infpiré.

(0) Toute l'antiquité a parlé de pluies de pierres. La première eft celle que Jupiter envoya au fecours d'Hercule contre les fils de Neptune. Dom Calmet affure que c'est un fait conftant qu'on a vu autrefois de fort groffes pierres s'enflammer en l'air et retomber fur la terre, et qu'on ne peut raisonnablement révoquer en doute le prodige raconté par Josue.

On remarque feulement ici que ces pierres étant fort groffes, durent écrafer tous les Amorrhéens qui étaient pourfuivis. par l'armée de Jofus, et qu'il eft difficile qu'il en soit resté

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