Page images
PDF
EPUB

favoir quel mois et quel jour on devait tuer tous les Juifs; et le fort tomba fur le douzième mois, &c. ... (i)

Le roi commanda qu'on allât chez tous les Juifs dans tout l'empire, qu'on leur ordonnât de s'affembler, et de tuer tous leurs ennemis avec leurs femmes et leurs enfans, et de piller leurs dépouilles le treizième jour du mois d'Adar.... Et le roi dit à la reine Efther: Vos Juifs ont tué aujourd'hui cinq cents personnes dans ma ville de Suze..... Combien voulezvous qu'ils en tuent encore? Et la reine répondit: S'il plaît au roi, il en fera massacré autant demain qu'aujourd'hui ; et que les dix enfans d'Aman foient pendus. Et le roi commanda que cela fût fait. (k)

[ocr errors]

(i) Les critiques trouvent avec quelque apparence de raifon, Aman bien imbécille de faire afficher et publier dans tout l'empire le mois et le jour où l'on devra tuer tous les Juifs. C'était les avertir trop à l'avance, et leur donner tout le temps de s'enfuir, et même de fe venger : c'eft une trop grande abfurdité. Tout le refte de cette hiftoire eft dans le même goût; il n'y a pas un feul mot de vraitemblable. Où l'écrivain de ce roman a-t-il pris qu'on coupait le cou à toute femme ou concubine du roi, qui entrait chez lui fans être appelée ? Cet Aman pendu à la potence dreffée pour Mardochée, et tous les épifodes de ce conte du tonneau ne font-ils pas agri fomnia? Mais voici le plus rare du texte.

(k) Il faut pardonner aux critiques s'ils ont exprimé toute l'horreur que leur infpirait l'exécrable cruauté de cette douce Efther, et en même temps leur mépris pour un conte fi dépourvu de fens commun. Ils ont crié qu'il était honteux de recevoir cette hiftoire comme vraie et facrée. Que peut avoir de commun, difent-ils, la barbarie ridicule d'Efther avec la religion

chrétienne, avec nos devoirs, avec le pardon des injures, recommandé par JESUS-CHRIST? N'est-ce pas joindre ensemble le crime et la vertu, la démence et la fageffe, le plat mensonge et l'augufte vérité ? Les Juifs admettent la fable d'Efther; fommes-nous juifs ? et parce qu'ils font amateurs des fables les plus groffières, faut-il que nous les imitions ? parce qu'en tout temps ils furent fanguinaires, faut-il que nous le foyons ? ⚫ nous qui avons voulu fubftituer une religion de clémence et de fraternité à leur fecte barbare? nous qui au moins nous vantons d'avoir des préceptes de juftice, quoique nous ayons eu le malheur d'être fi fouvent et fi horriblement injuftes?

Nous n'ignorons pas que la fable d'Esther a un côté féduifant; une captive devenue reine, et fauvant de la mort tous fes concitoyens, eft un fujet de roman et de tragédie. Mais qu'il eft gâté par les contradictions et les abfurdités dont il regorge! qu'il eft déshonoré par la barbarie d'Efther, auffi contraire aux mœurs de fon fexe qu'à la vraisemblance!

Fin du commentaire fur Efther.

[ocr errors]
[ocr errors]

'PROPHETE S.

Avertiffement du commentateur.

Ce fut dans les querelles entre les tribus,

» et pendant la captivité en Babylone, que les " voyans, les devins, les prophètes, paru,, rent. Nous avons déjà parlé d'Elie, d'Elifée, ,, d'Ifaïe, de Jérémie : nous dirons des autres ce ,, qui paraît néceffaire, fans entrer dans le 99 détail de leurs déclamations. Nous ne fom,, mes pas affez habiles pour comprendre leurs ,, difcours, pour fentir le mérite de leurs répé"titions continuelles, pour diftinguer le fens ,, littéral, le fens mystique, le sens analo"gique, de leurs phrafes hébraïques ou chal,, déennes, que la traduction rend encore plus , obfcures. Nous tâcherons au moins d'être courts en parlant de ces livres fi longs.

"Les Juifs ne lifent point les prophètes " dans leurs fynagogues, ou du moins les ,, lifent très - rarement. Les chrétiens, pour , la plupart, ne les connaiffent que par quel"ques citations. Nous choifirons les mor" ceaux les plus curieux et les plus finguliers. " Commençons par Daniel, dont les aven"tures font du temps de Nabuchodonofor et de " fes fucceffeurs. "

DANIE L.

LES critiques ofent affirmer que le livre de Daniel ne fut compofé que du temps d'AntiochusEpiphane; que toute l'histoire de Daniel n'eft qu'un roman, comme ceux de Fobie, de Judith et d'Efther. Voici leurs raisons, qui ne font fondées que fur les lumières naturelles, et qui font détruites par la décifion de l'Eglife, laquelle eft au-deffus de toute lumière.

1o. Il eft dit que Daniel, efclave dès fon enfance à Babylone avec Sidrac, Mifac et Abdenago, fut fait eunuque avec les trois compagnons, et élevé parmi les eunuques; ce qui le mettait dans l'impuiffance de prophétiser.

On répond qu'il n'eft pas dit expressément qu'on châtra Daniel, mais feulement qu'on le mit fous la direction d'Ashphéner chef des eunuques. Il eft très - vraisemblable que Daniel fubit cette opération, comme tous les autres enfans efclaves réservés pour fervir dans la chambre du roi. Mais enfin il pouvait être destiné à d'autres emplois. Les bostangis ne font point châtrés dans le férail du grand turc. Un eunuque ne pouvait être prêtre chez les Juifs: mais il n'eft dit nulle part qu'il ne pouvait être prophète ; au contraire, plus il était

délivré

[ocr errors]

délivré de ce que nous avons de terreftre, plus
il était
propre au célefte.

2o. Daniel commence non- feulement par expliquer un fonge, mais encore par deviner quel fonge a fait le roi. Le texte dit que le roi Nabuchodonofor fut épouvanté de son rêve, et qu'auffitôt il l'oublia entièrement. Il assembla tous les mages, et leur dit : Je vous ferai tous pendre, fi vous ne m'apprenez ce que j'ai rêvé. Ils lui remontrèrent qu'il leur ordonnait une chofe impoffible. Auffitôt le grand Nabuchodonofor ordonna qu'on les pendît. Daniel Sidrac, Mifac et Abdénago allaient être pendus auffi en qualité de novices-mages, lorsque Daniel leur fauva la vie en devinant le rêve. Les critiques ofent traiter ce récit de puérilité ridicule.

3o. Enfuite vient l'hiftoire de la fournaife ardente, dans laquelle Sidrac, Misac et Abdénago, chantèrent. On ne traite pas cette aventure avec plus de ménagement.

4°. Enfuite Nabuchodonofor eft changé en bœuf, et mange du foin pendant fept ans, après quoi il redevient homme et reprend fa couronne. C'eft fur quoi nos critiques s'égayent inconfidérément.

5o. Ils ne font pas moins hardis fur Balthazar, prétendu fils de Nabuchodonofor, et fur cette main qui va écrivant trois mots en caractères Philofophie, &c. Tome IV. * Qq

« PreviousContinue »