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sances, n'était pas plus qu'aucune d'elles, justiciable du congrès de Vienne.

L'oubli de ces principes, impossible à supposer dans des plénipotentiaires qui pèsent les droits des nations avec réflexion, sagesse et maturité, n'a rien d'étonnant quand il est manifesté par quelques ministres français, à qui leur conscience reproche plus d'une trahison, chez qui la crainte a produit l'emportement, et dont les remords égarent la raison. Ceux-là ont pu risquer la fabrication, la publication d'une pièce telle que la prétendue déclaration du 13 mars, dans l'espoir d'arrêter la marche de Napoléon et d'abuser le peuple français sur les vrais sentimens des puissances étrangères.

Mais il ne leur est pas donné de juger comme elles le mé-rite d'une nation qu'ils ont méconnue, trahie, livrée aux armes de l'étranger.

Cette nation brave et généreuse se révolte contre tout ce qui porte le caractère de la lâcheté et de l'oppression; ses affections s'exaltent quand leur objet est menacé ou atteint par une grande injustice; et l'assassinat auquel provoquent les premières phrases de la déclaration du 13 mars, ne trouvera de bras pour l'accomplir, ni parmi les 25 millions de Français, dont la majorité a suivi, gardé, protégé Napoléon de la Méditerranée à la capitale, ni parmi les 18 millions ́d'Italiens, les 6 millions de Belges ou riverains du Rhin et les peuples nombreux d'Allemagne qui, dans cette conjoncture solennelle, n'ont prononcé son nom qu'avec un souvenir respectueux, ni au sein de la nation anglaise indignée, dont les honorables sentimens désavouent le langage qu'on a osé prêter aux souverains.

Les peuples de l'Europe, sont éclairés: ils jugent les droits de Napoléon, les droits des princes alliés et ceux des Bourbons.

Ils savent que la convention de Fontainebleau est un traité entre souverains; sa violation, l'entrée de Napoléon sur le territoire français ne pouvait, comme toute infraction à un acte diplomatique, comme toute invasion hostile, amener qu'une guerre ordinaire, dont le résultat ne peut être, quant à la personne, que d'être vainqueur ou vaincu, libre ou prisonnier de guerre; quant aux possessions, de les conserver ou de les perdre, de les accroître ou de les diminuer; et que toute pensée, toute menace, tout attentat contre la vie d'un prince en guerre contre un autre, est une chose inouie dans 'histoire des nations et des cabinets de l'Europe.

A la violence, à l'emportement, à l'oubli des principes qui caractérisent la déclaration du 13 mars, on reconnaît les envoyés du même prince, les organes des mêmes conseils qui, par l'ordonnance du 9 mars, mettaient aussi Napoléon hors

la loi, appelaient aussi sur lui les poignards des assassins, promettaient aussi un salaire à qui apporterait sa tête.

Et cependant qu'a fait Napoléon? il a honoré par sa sécurité les hommes de toutes les nations qu'insultait l'infâme mission à laquelle on voulait les appeler: il s'est montré modéré, généreux, protecteur envers ceux-là mêmes qui avaient dévoué sa tête à la mort.

Quand il a parlé au général Excelmans, marchant vers la colonne qui suivait de près Louis-Stanislas-Xavier, au géné ral comte d'Erlon, qui devait le recevoir à Lille, au général Clausel, qui allait à Bordeaux, ou se trouvait la duchesse d'Angoulême, au général Grouchy, qui marchait pour arrê ter les troubles civils excités par le duc d'Angoulême, partout enfin des ordres ont été donnés par l'Empereur pour que les personnes fussent respectées et mises à l'abri de toute attaque, de tout danger, de toute violence, dans leur marche sur le territoire français, et au moment où elles le quitteraient.

Les nations et la postérité jugeront de quel côté a été, dans cette grande conjoncture, le respect pour le droit des peuples et des souverains, pour les règles de la guerre, les principes de la civilisation, les maximes des lois civiles et religieuses. Elles prononceront entre Napoléon et la maison de Bourbon.

Si, après avoir examiné la prétendue déclaration du congrès sous ce premier aspect, on la discute dans ses rapports avec les conventions diplomatiques, avec le traité de Fontainebleau du 11 avril, ratifié par le gouvernement français, on trouvera que sa violation n'est imputable qu'à ceux-là même qui la reprochent à Napoléon.

Le traité de Fontainebleau a été violé par les puissances alliées et par la maison de Bourbon en ce qui touche l'Empereur Napoléon et sa famille, en ce qui touche les intérêts et les droits de la nation française.

1°. L'Impératrice Marie-Louise et son Fils devaient obtenir des passeports et une escorte pour se rendre près de l'Empereur: et, loin d'exécuter cette promesse, on a séparé violemment l'épouse de l'époux, le fils du père, et cela dans les circonstances douloureuses où l'ame la plus forte a besoin de chercher de la consolation et du support au sein de sa famille et des affections domestiques.

2o. La sûreté de Napoléon, de sa famille impériale et de leur suite était garantie (art. 14 du traité) par toutes les puissances; et des bandes d'assassins ont été organisées en France sous les yeux du gouvernement français, et même par ses ordres, comme le prouvera bientôt la procédure solennelle contre le Sr. Demontbreuil, pour attaquer et l'Em

pereur, et ses fières, et leurs épouses: à défaut du succès qu'on espérait de cette première branche du complot, une émeute à été disposée à Orgon, sur la route de l'Empereur, pour essayer d'attenter à ses jours par les mains de quelques brigands; on a envoyé en Corse, comme gouverneur, un sicaire de Georges, le Sr. Brulart, élevé exprès au grade de maréchal-de-camp, connu en Bretagne, en Anjou, en Normandie, dans la Vendée, dans toute l'Angleterre, par le sang qu'il a répandu, afin qu'il préparât et assurât le crime: et en effet, plusieurs assassins isolés ont tenté, à l'île d'Elbe, de gagner par le meurtre de Napoléon, le coupable et honteux salaire qui leur était promis.

3°. Les duchés de Parme et de Plaisance étaient donnés en toute propriété à Marie-Louise pour elle, son fils et ses descendans; et après de longs refus de les mettre en possession on a consommé l'injustice par une spoliation absolue, sous le prétexte illusoire d'un échange sans évaluation, sans proportion, sans souveraineté, sans consentement; et les documens existans aux relations extérieures que nous nous sommes fait représenter, prouvent que c'est sur les solicitations, sur les instances, par les intrigues du prince de Benevent, que Marie-Louise et son fils ont été dépouillés.

devait être donné au prince Eugène, fils adoptif de Napoléon, qui a honoré la France, qui le vit naître et conquit l'affection de l'Italie qui l'adopta, un établissement convenable hors de France, et il n'a rien obtenu.

5°. L'Empereur avait (article 9 du traité) stipulé, en faveur des braves de l'armée, la conservation de leurs dotaLions sur le Monte Napoléone; il avait réservé sur le domaine extraordinaire et sur des fonds restans de sa liste civile des noyens de récompenser ses serviteurs, de payer les soldats qui s'attachaient à sa destinée; tout a été enlevé, réservé par les ministres des Bourbons. Un agent des militaires français, M. Bresson est allé inutilement à Vienne réclamer pour eux la plus sacrée des propriétés, le prix de leur courage et de leur sang.

6. La conservation des biens, meubles et immeubles de la famille de l'Empereur est stipulée par le même traité (art. 6); et elle a été dépouillée des uns et des autres: savoir, à main armée en France par des brigands commissionnès; en Italie par la violence des chef militaires ; dans les deux pays par des sequestres et des saisies solennellement ordonnées.

7°. L'Empereur Napoléon devait recevoir 2 millions, et sa famille 2,500,000 f. par an, selon la répartition établie art. 6 du traité et le gouvernement français a constamment refusé d'acquiter cet engagement, et Napoléon se serait vu bientôt

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réduit à licencier sa garde fidèle faute de moyens pour assurer sa paie, s'il n'eût trouvé dans les reconnaissans souvenirs des banquiers et négocians de Gênes et d'Italie, l'honorable ressource d'un prêt de 12 millions qui lui fut offert.

8°. Enfin ce n'était pas sans motif qu'on voulait par tous les moyens éloigner de Napoléon ces compagnons de sa gloire, modèles de dévouement et de constance, garans inébranlables de sa sureté et de sa vie. L'île d'Elbe lui était assurée en toute propriété (art. 3 du traité); et la résolution de l'en dépouiller, désirée par les Bourbons, sollicitée par leurs agens avait été prise au congrès.

Et si la Providence n'y eut pourvu dans sa justice, l'Europe aurait vu attenter à la personne, à la liberté de Napoléon, relégué désormais à la merci de ses ennemis, loin de sa famille, et séparé de ses serviteurs, ou à Sainte-Lucie, ou à Sainte-Hélène, qu'on lui assignait pour prison.

Et quand les puissances alliées cédant aux vœux imprudens, aux instances cruelles de la maison de Bourbon, ont condescendu à la violation du contrat selennel, sur la foi duquel Napoléon avait dégagé la nation française de ses sermens, quand lui-même, et tous les membres de sa famille, se sont vus menacés, atteints dans leurs personnes, dans leurs proprietés, dans leurs affections, dans tous les droits stipulés en leur faveur comme princes, dans ceux mêmes assurés par les lois aux simples citoyens, que devait faire Napoléon?

Devait-il après avoir enduré tant d'offenses, supporté tant d'injustices, consentir à la violation completée des engagemens pris avec lui, et se résignant personnellement au sort qu'on lui préparait, abandonner encore son épouse, son fils, sa famille, ses serviteurs fidèles à leur affreuse destinée ?

Une telle résolution semble au-dessus des forces humaines; et pourtant Napoléon aurait pu la prendre si la paix, le bonheur de la France eussent été le prix de ce nouveau sacrifice. Il se serait encore dévoué pour le peuple français, duquel, ainsi qu'il veut le déclarer à l'Europe, il se fait gloire de tout tenir, auquel il veut tout rapporter, à qui seul il veut répondre de ses actions, et dévouer sa vie.

C'est pour la France seule et pour lui éviter les malheurs d'une guerre intestine qu'il abdiqua la couronne en 1814. Il rendit au peuple français les droits qu'il tenait de lui; il le laissa libre de se choisir un nouveau maître, et de fonder sa liberté et son bonheur sur des institutions protectrices de l'un et de l'autre.

Il espérait pour la nation la conservation de tout ce qu'il avait acquis par 25 années de combats et de gloire, l'exercice de sa souveraineté dans le choix d'une dynastie et dans

la stipulation des conditions auxquelles elle serait appelée à régner.

Il attendait du nouveau gouvernement, le respect pour la gloire des armées, les droits des braves, la garantie de tous les intérêts nouveaux, de ces intérêts nés et maintenus depuis un quart de siécle, résultant de toutes les lois politiques et civiles, observées, révérées depuis ce tems, parce qu'elles sont identifiées avec les mœurs, les habitudes, les besoins de la nation.

Loin de là, toute idée de la souveraineté du peuple a été écartée.

Le principe sur lequel a reposé toute la législation politique et civile depuis la révolution a été écarté également.

La France a été traitée par les Bourbons comme un pays révolté, reconquis par les armes de ses anciens maîtres, et asservie de nouveau à une domination féodale.

Louis-Stanislas-Xavier a méconnu le traité qui seul avait rendu le trône de France vacant, et l'abdication qui seule lui permettait d'y monter.

Il a prétendu avoir régné 19 ans; insultant ainsi et les gouvernemens établis depuis ce tems, et le peuple qui les a consacrés par ses suffrages, et l'armée qui les a défendus, et jusqu'aux souverains qui les ont reconnus dans leurs nombreux traités.

Une charte rédigée par le sénat, toute imparfaite qu'elle fût, a été mise en oubli.

On a imposé à la France une loi prétendue constitutionnelle, aussi facile à éluder qu'à révoquer, et dans la forme des simples ordonnances royales, sans consulter la nation, sans entendre même ces corps devenus illégaux, fantômes de représentation nationale.

Et comme les Bourbons ont ordonné sans droits et promis sans garantie, ils ont éludé sans bonnefoi et exécuté sans fidélité.

La violation de cette prétendue charte n'a été restreinte que par la timidité du gouvernement, l'étendue des abus d'autorité n'a été bornée que par sa faiblesse.

La dislocation de l'armée, la dispersion de ses officiers, l'exil de plusieurs, l'avilissement des soldats, la suppression de leurs dotations, la privation de leur solde ou de leur re traite, la réduction des traitemens des légionnaires, le dépouillement de leurs honneurs, la prééminence des decorations de la monarchie féodale, le mépris des citoyens, désignés de nouveau sous le nom de Tiers-Etat, le dépouillement préparé et déjà commencé des acquéreurs de biens nationaux, l'avilissement actuel de la valeur de ceux qu'on

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