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qu'elle exerçait, a proclamé le commencement de la monarchie constitutionnelle.

Les principales bases de cette monarchie protectrice de la liberté, de l'égalité, du bonheur du peuple, ont été reconnues par V. M., qui, se portant d'elle-même au-devant de tous les scrupules, comme au-devant de tous les vœux, a déclaré que le soin de réunir nos constitutions éparses et de les coordonner était une des plus importantes occupations réservées à la législature. Fidèle à sa mission, la chambre des représentans remplira la tâche qui lui est dévolue dans ce noble travail; elle demande que pour satisfaire à la volonté publique, ainsi qu'aux vœux de V. M., la délibération nationale rectifie le plus tôt possible ce que l'urgence de notre situation a pu produire de défectueux ou laisser d'imparfait dans l'ensemble de nos constitutions.

Mais en même tems, Sire, la chambre des représentans ne se montrera pas moins empressée de proclamer ses sentimens et ses principes sur la lutte terrible qui menace d'ensanglanter l'Europe. A la suite d'événemens désastreux, la France envahie ne parut un moment écoutée sur l'etablissement de sa Constitution que pour se voir presqu'aussitôt soumise à une charte royale émanée du pouvoir absolu, à une ordonnance de réformation toujours révocable de sa nature, et qui, n'ayant pas l'assentiment exprimé du peuple n'a jamais pu être considérée comme obligatoire pour la nation,

Reprenant aujourd'hui l'exercice de ses droits, se ralliant autour du héros que sa confiance investit de nouveau du gouvernement de l'Etat, la France s'étonne et s'afflige de voir des souverains en armes lui demander raison d'un changement intérieur qui est le résultat de la volonté nationale, et qui ne porte atteinte ni aux relations existantes avec les autres Gouvernemens ni à leur sécurité. La France ne peut admettre les distinctions à l'aide desquelles les puissances coalisées cherchent à voiler leur agression. Attaquer le monarque de son choix, c'est attaquer l'indépendance de la nation. Elle est armée toute entière pour défendre cette indépendance et pour repousser sans exception toute famille et tout prince qu'on oserait vouloir lui imposer. Aucun projet ambitieux n'entre dans la pensée du peuple français; la volonté même du prince victorieux serait impuissante pour entraîner la nation hors des limites de sa propre défense. Mais aussi pour garantir son territoire, pour maintenir sa liberté, son honneur, sa dignité, elle est prête à tous les sacrifices. Que n'est-il permis, Sire, d'espérer encore que cet appareil de guerre, formé peut-être

par les irritations de l'orgueil et par des illusions que chaque jour doit affaiblir, s'éloignera devant le besoin d'une paix nécessaire à tous les peuples de l'Europe, et qui rendrait à V. M. sa compagne, aux Français l'héritier du trône? Mais déjà le sang a coulé, le signal des combats, préparés contre l'indépendance et la liberté françaises, a été donné au nom d'un peuple qui porte au plus haut degré l'enthousiasme de l'indépendance et de la liberté. Sans doute, au nombre des communications que nous promet Votre Majesté, les chambres trouveront la preuve des efforts qu'il a faits pour maintenir la paix du Monde. Si tous ces efforts doivent rester inutiles, que les malheurs de la guerre retombent sur ceux qui l'auront provoquée!

La chambre des représentans n'attend que les documens qui lui sont annoncés pour concourir de tout son pouvoir aux mesures qu'exigera, le succès d'une guerre aussi légitime. Il lui tarde, pour énoncer son vœu, de connaître les besoins et les ressources de l'Etat; et tandis que Votre Majesté, opposant à la plus injuste agression la valeur des armées nationales et la force de son génie, ne cherchera, dans la victoire, qu'un moyen d'arriver à une paix durable, la chambre des représentans croira marcher vers le même but, en travaillant sans relâche au pacte, dont le perfectionnement doit cimenter encore l'union du peuple et du trône, et fortifier aux yeux de l'Europe, par l'amélioration de nos institutions, la garantie de nos engagemens.

Paris, le 11 juin 1815.

(Signé) LANJUINAIS, président. BEDOCH, J. DUMOLARD, Ch. L. CLEMENT (du Doubs) secrétaires.

S. M. a répondu :

Monsieur le président et Messieurs les députés de la chambre des représentans,

Je retrouve avec satisfaction mes propres sentimens dans ceux que vous m'exprimez. Dans ces graves circonstances, ma pensée est absorbée par la guerre imminente au succès de laquelle sont attachés l'indépendance et l'honneur de la France.

Je partirai cette nuit pour me rendre à la tête de mes armées, les mouvemens des différens corps ennemis y rendent ma présence indispensable. Pendant mon absence, je verrais avec plaisir qu'une commission nommée par chaque chambre méditât sur nos constitutions.

La constitution est notre point de ralliement; elle doit être notre étoile polaire dans ces momens d'orage. Toute discussion publique qui tendrait à diminuer directement ou indirectement la confiance qu'on doit avoir dans ses dispositions, serait un malheur pour l'Etat; nous nous trouverions au milieu des écueils, sans boussole et sans direction. La crise où nous sommes engages est forte. N'imitons pas l'exemple du Bas-Empire qui, pressé de tous côtés par les barbares, se rendit la risée de la postérité en s'occupant de discussions abstraites, au moment où la bélier brisait les portes de la ville.

Indépendamment des mesures législatives qu'exigent les circonstances de l'intérieur, vous jugerez peut-être utile de vous occuper des lois organiques destinées à faire marcher la constitution. Elles peuvent être l'objet de vos travaux publics sans avoir avoir aucun inconvénient.

Monsieur le président et messieurs les députés de la chambré des représentans, les sentimens exprimés dans votre adresse me démontrent assez l'attachement de la chambre a ma personne et tout le patriotisme dont elle est animée. Dans toutes les affaires, ma marche sera toujours droite et ferme. Aidez-moi à sauver la patrie. Premier représentant du peuple, j'ai contracté l'obligation que je renouvelle, d'employer dans des tems plus tranquilles toutes les prérogatives de la couronne et le peu d'expérience que j'ai acquis, à vous seconder dans l'amélioration de nos institutions.

No. XVIII.

Exposition of the State of the Empire, by the Minister Carnot.

Paris, le 14 juin.

Messieurs,

L'un des premiers objets de la sollicitude de Sa Majesté, après l'acceptation du nouvel acte constitutionel, a dû être d'offrir aux deux chambres le tableau fidèle de la situation de l'Empire.

Trois mois sont à peine écoulés depuis que l'Empereur a quitté le rocher de son exil, pour venir délivrer la patrie du joug insupportable que ses ennemis lui avaient imposé.

Sa seule présence a suffi pour dissoudre un gouvernement qui semblait n'être installe que pour exploiter le sol de la

France au nom des puissances étrangères, pour avilir la nation, et pour exercer des vengeances.

L'enthousiasme qui a servi d'escorte à Sa Majesté, des bords de la Méditerranée jusqu'à la capitale, et l'abandon singulier dans lequel se vit tout à coup tomber la dynastie qui venait d'apparaître un instant sur le trône, montrent assez de quel côté etait le vœu national; ils prouvent assez que quand même une nouvelle coalition de la part des ennemis, de nouvelles fautes de la nôtre, viendraient à rétablir le sceptre aux mains de la famille déchue, elle le laisserait encore échapper.

Et pouvait-elle le retenir, lorsque tous les engagemens qu'elle avait dû contracter envers les anciens serviteurs qui l'avaient accompagnée dans son émigration se trouvaient en contradiction avec les intérêts évidens de la masse du peuple; lorsque tant de victoires remportées depuis vingt-cinq ans ne pouvaient plus être pour nos braves que des titres de disgrâce et d'humiliation; lorsque la résurrection de tant de priviléges surannés replongeaient la nation dans les turpitudes du régime monastique et féodal; lorsque les préjugés dont cette même famille restait imprégnée, sans espoir d'amendement, se trouvaient si peu en harmonie avec les lumières du siècle ?

Maintenant, Messieurs, abandonnerons-nous encore les destinées de notre belle patrie à ces irreconciliables ennemis de toutes les pensées libérales? Confierons-nous notre existence et l'honneur national à leurs promesses tant de fois monsongères? Livrerons-nous à leur animosité celui qui est venu nous affranchir des honteux instrumens de l'oppression britannique? et pensez-vous que ses anciens frères d'armes, les vainqueurs de Marengo, d'Austerlitz et d'Jéna, abandonneront lâchement le restaurateur de leur gloire? Non, Messieurs, quels qu'aient été nos sentimens divers sur les principes de la liberté, sur les degrés de latitude dont elle est susceptible, tous se rallieront au drapeau tricolore, tous céderont au sentiment de la reconnaissance pour celui que ses malheurs ont instruit, pour celui qui seul pouvait réparer les nôtres.

Sa Majesté, éclairée par les événemens passés, est revenue le cœur plein du desir et de l'espoir de conserver la paix au dehors et de pouvoir gouverner paternellement; mais les puissances étrangères sont loin de partager ces sentimens généreux: suscitées par les intrigues de la famille prétendante et par l'or des Anglais, leur ligue formidable menace hautement notre indépendance; elle ne dissimule plus ses projets de démembrer l'Empire; déjà elle embrasse nos frontières, déjà les hostilités sont commencées.

Ce n'est donc plus le tems des demi-mesures; tout le reste peut s'ajourner; mais le besoin d'éviter un joug ignominieux ne s'ajourne pas; le besoin de défendre l'intégrité du territoire ne donne lieu à aucune hésitation.

Si l'Empereur était moins sûr de la force de son caractère et de la pureté de ses résolutions, il pourrait se regarder peut-être comme placé entre deux écueils, les partisans de la dynastie dépossédée, et ceux du systême républicain: mais les premiers n'ayant pas su conserver ce qu'ils tenaient, sauront encore bien moins le ressaisir; les autres, désabusés par une longue expérience, et liés par gratitude au prince qui les a délivrés, en sont devenus les plus zélés défenseurs; leur franchise, aussi connue que le fut leur exaltation philantropique, environne ce trône occupé par l'auguste fondateur d'une dynastie nouvelle, qui se fait gloire d'être sorti de nos rangs populaires.

Le desir de satisfaire à la juste impatience de la nation, a laissé trop peu de tems pour la parfaite rédaction d'un acte constitutionnel, qui d'ailleurs consacre les principes et les droits les plus sacrés des citoyens. Vos lumiéres, Messieurs, feront connaître les améliorations dont sa forme est susceptible: plus nous nous éclairerons sur nos véritables intérêts, plus il sera reconnu, n'en doutons pas, qu'ils sont les mêmes pour tous, et que ceux du chef de l'Empire ne peuvent qu'être en parfaite harmonie avec ceux de tous les autres membres qui le composent.

Le génie de notre nation qui a toujours repoussé l'ambition des conquêtes, et les malheurs qui ont été le résultat de nos expéditions lointaines, devaient être pour les puissances étrangères une garantie suffisante de l'assurance donnée que nous voulions nous en tenir aux limites fixées par le traité de Paris; aussi la crainte ridicule qu'elles ont affectée d'une nouvelle invasion de notre part, n'est-elle, aux yeux de tous les hommes de bonne foi, qu'un prétexte pour masquer leur propre ambition, qu'un moyen d'isoler du reste de la nation celui qui seul y met un obstacle invincible. Mais les actes insensés du congrès de Vienne, les déclarations faites au parlement d'Angleterre, les subsides votés pour les autres membres de la coalition, les hostilités déjà commises sur terre et sur mer, sans aucune provocation, les descentes opérées ou tentées sur nos côtes de l'ouest, les manœuvres ourdies dans l'intérieur pour y rallumer le flambeau de la guerre civile; toutes ces choses nous donnent la mesure de la justice et de la modération de nos ennemis; elles prouvent que leurs intentions aujourd'hui sont encore les mêmes que celles qui furent consignées en 1792 dans le trop fameux manifeste de Brunswick.

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