parce que les dépêches télégraphiques qui l'ont d'abord fait connaître, ne donnaient encore aucuns details. Bonaparte est sorti de Porto-Ferrajo le 26 février, à neuf heures du soir, par un tems extrêmement calme, et qui s'est soutenu jusqu'au 1 mars. Il montait un brick, et était suivi de quatre autres bâtimens, tels que pinques et felouques, portant de 1000 à 1100 hommes au plus, composés d'une petite partie de français, le reste de polonais, corses, napoitains, et d'hommes de l'Isle-d'Elbe. Les bâtimens sont venus mouiller dans la rade du golfe de Juan, près Cannes, le 1 mars; les troupes mirent pied à terre. Cinquante hommes se portèrent le même jour à Cannes, où ils pressèrent le maire d'aller prendre les ordres de celui qu'ils nommaient le géneral en chef, au golfe de Juan. Mais le maire s'y refusa absolument; il reçut de suite l'ordre de préparer trois mille rations pour le soir même. Le même jour, 15 hommes de l'expedition s'étaient présentés devant Antibes, demandant à y entrer comme déserteurs de l'Isle d'Elbe. Le général baron Corsin, militaire distingué et couvert d'honorables blessures, qui commande cette place, les reçut en les faisant désarmer. Peu de tems après un officer vint sommer la place, au nom de Bonaparte; il fut arrêté et mis en prison. Enfin un troisième émissaire se présenta au commandant pour réclamer les 15 hommes retenus, et l'inviter, au nom du general Drouet, à se rendre au golfe de Juan avec les autorités civiles; cet émissaire pour toute reponse a été arrêté. Le lendemain, les hommes débarqués se mirent en route pour Grasse; mais ils évitèrent de passer par la ville, et ils suivirent la route de Digne, où l'on assure que leur troupe a bivouaqué le 4. Le 2, le général Morangier, qui commande dans le département du Var, avait réuni à Frejus la garnison de Draguignan, et les gardes nationales des communes environnantes. Toutes les routes qui auraient pu permettre aux hommes débarqués des communications avec la mer, ou la possibilité de retourner sur leurs pas, sont bien gardées, et entièrement interceptées. Une dépêche du maréchal prince d'Essling, annonce qu'il a dirigé sur Aix un corps sous les ordres du général Miollis, pour couper la route que l'expédition a suivie. Le général Marchand a reuni à Grenoble des forces imposantes avec lesquelles il pourra agir suivant les cir constances. Les premières nouvelles de ces événemens sont arrivées à Paris dans la journée du 5, et MONSIEUR est parti la nuit suivante pour Lyon, où S. A. R. doit arriver ce soir. Napoleon, par la Grâce de Dieu et les Constitutions des l'Empire, Empereur des Français, &c. &c. &c. Soldats! A' L'ARME'E. Nous n'avons pas été vaincus-Deux hommes sortis de nos rangs ont trahi nos lauriers, leur pays, leur Prince, leur bienfaiteur. Ceux qui nous avons vu pendant vingt-cinq ans parcourir toute l'Europe pour nous susciter des ennemis, qui ont passé leur vie à combattre contre nous dans les rangs des armées étrangères en maudissant notre belle France; prétendraient ils commander et enchaîner nos aigles, eux qui n'ont jamais pu en soutenir les regards? Souffrirons nous qu'ils héritent du fruit de nos glorieux travaux? qu'ils s'emparent de nos honneurs, de nos biens, qu'ils calomnient notre gloire? Si leur règne durait, tout serait perdu, même le souvenir de ces immortelles journées. Avec quelle acharnement ils les dénaturent ils cherchent à empoisonner ce que le monde admire, et s'il reste encore des défenseurs de notre gloire, c'est parmi ces mêmes ennemis que nous avons combattus sur le champ de bataille. Soldats! dans mon exil j'ai entendu votre voix, je suis arrivé à travers tous les obstacles et tous les périls. Votre général, appelé au trône par le choix du peuple, et élevé sur vos pavois, vous est rendu: venez le joindre. Arrachez ces coleurs que la nation a proscrites, et qui, pendant vingt-cinq ans, servirent de ralliément à tous les ennemis de la France. Arborez cette cocarde tricolore ; vous la portiez dans nos grandes journées! Nous devons oublier que nous avons été les maîtres des nations, mais nous ne devons pas souffrir qu'aucune se mêle de nos affaires. Qui prétendrait être maître chez nous? Qui en aurait le pouvoir? Reprenez ces aigles que vous aviez à Ulm, à Austerlitz, à Jena, à Eylau, à Friedland, à Tudella, à Eckmülh, à Essling, à Wagram, à Smolensk, à la Moscowa, à Lutzen, à Vurtchen, à Montmirail. Pensez vous que cette poignée de Français, aujourd'hui si arrogans, puissent en soutenir la vue? Ils retourneront d'où ils viennent, et là, s'ils le veulent, ils régneront comme ils prétendent avoir regné depuis dix-neuf ans. VOL. II.-App. C Vos biens, vos rangs, votre gloire, -les biens, les rangs, et la gloire de vos enfans, n'ont pas de plus grands ennemis qui ces princes qui les étrangers nous ont imposés; ils sont les ennemis de notre gloire, puisque le récit de tant d'actions héroïques qui ont illustré le peuple françois combattant contre eux pour se soustraire à leur joug, est leur condamnation. Les vétérans des armées de Sambre et Meuse, du Rhin, d'Italie, d'Egypte, de l'Ouest, de la Grande Armée, sont humiliés; leurs honorables cicatrices sont flétries, leurs succès seraient des crimes, ces braves seraient des rebelles, si, comme le prétendent les ennemis du peuple, des souverains légitimes, étaient au milieu des armées étrangères. Les honneurs, les récompenses, les affections sont pour ceux qui les ont servis, contre la patrie et nous. Soldats! venez vous ranger sous les drapeaux de votre chef. Son existence ne se compose que de la vôtre, ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres; son interêt, son honneur, sa gloire, ne sont autres que votre intérêt, votre honneur, et votre gloire. La victoire marchera au pas de charge, l'aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher, jusqu' aux tours de Notre-Dame: alors vous pourrez montrer avec honneur vos cicatrices: alors vous pourrez vous vanter de ce que vous aurez fait; vous serez les liberateurs de la patrie. Dans votre vieillesse, entourés et considérés de vos concitoyens, ils vous entendront avec respect raconter vos hauts faits, vous pourrez dire avec orgueil: "Et moi aussi, je faisais partie de cette Grande Armée, qui est entrée deux fois dans les murs de Vienne, dans ceux de Rome, de Berlin, de Moscow, qui a délivré Paris de la souillure que la trahison et la présence de l'ennemi y ont empreinte." Honneur à ces braves soldats, la gloire de la patrie, et honte éternelle au Français criminels, dans quelque rang que la fortune les aît fait naître, qui combattirent vingt-cinq ans avec l'étranger pour déchirer le sein de la patrie. Par l'Empereur, (Signé) NAPOLEON. Le Grand-Maréchal faisant fonctions de Major-Général de la Grande Armée. PROCLAMATION. Au Golfe-Juan, le ler mars, 1815. Napoléon, par la Grâce de Dieu et les Constitutions de l'Etat, Empereur des Français, &c. &c. &c. Français, AU PEUPLE FRANÇAIS. La défection du Duc de Castiglione livra Lyon sans défense à nos ennemis; l'armée dont je lui avais confié le commandement, était, par le nombre de ses bataillons, la bravoure et le patriotisme des troupes qui la composaient, à même de battre le corps d'armée Autrichien qui lui était opposé, et d'arriver sur les derrières du flanc gauche de l'armée ennemie qui menaçait Paris. Les victoires de Champ-Aubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamp, de Mormans, de Montereau, de Craone, de Reims, d'Arcy-sur-Aube et de Saint-Dizier, l'insurrection des braves paysans de la Lorraine, de la Champagne, de l'Alsace, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les derriéres de l'armée ennemie en la séparant de ses magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une situation desespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissans, et l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressource; elle eût trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du Duc de Raguse livra la capitale et désorganisa l'armée. La conduite inattendue de ces deux généraux qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre. La situation désastreuse de l'ennemi était telle, qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu devant Paris, il était sans munitions, par la séparation de ses parcs de réserve. Dans ces nouvelles et grandes circonstances, mon cœur fut déchiré: mais mon ame resta inébranlable. Je ne consultai que l'intérêt de la patrie: je m'exilai sur un rocher au milieu des mers: ma vie vous était, et devait encore vous être utile, je ne permis pas que le grand nombre de citoyens qui voulaient m'accompagner partageassent mon sort; je crus leur presence utile à la France, et je n'emmenai avec moi qu'une poignée de braves, nécessaires à ma garde. Elevé au trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illégitime. Depuis vingt-cinq ans la France a de nouveaux intérêts, de nouvelles institutions, une nouvelle gloire, qui ne peuvent être garantis que par un gouvernement national et par une dynastie née dans ces nouvelles circonstances. Un prince qui regnerait sur vous, qui serait assis sur mon trône par la force des mêmes armées qui ont ravagé notre territoire, chercherait en vain à s'étayer des principes du droit féodal, il ne pourrait assurer l'honneur et les droits que d'un petit nombre d'individus ennemis du peuple, qui depuis vingt-cinq ans les a condamnés dans toutes nos assemblées nationales. Votre tranquillité intérieure et votre considération exterieure seraient perdues à jamais. Français! dans mon exil, j'ai entendu vos plaintes et vos voeux; vous réclamez ce gouvernement de votre choix qui seul est légitime. Vous accusiez mon long sommeil, vous me reprochiez de sacrifier à mon repos les grands intérêts de la patrie. J'ai traversé les mers au milieu des perils de toute espèce; j'arrive parmi vous, reprendre mes droits, qui sont les vôtres. Tout ce que des individus ont fait, écrit ou dit depuis la prise de Paris, je l'ignorerai toujours; cela n'influera en rien sur le souvenir que je conserve des services importans qu'ils ont rendus, car il est des événemens d'une telle nature qu'ils sont au-dessus de l'organisation humaine. Français! il n'est aucune nation, quelque petite qu'elle soit, qui n'ait eu le droit, et ne se soit soustraite au déshonneur d'obéir à un Prince imposé par un ennemi momentanément victorieux. Lorsque Charles VII. rentra à Paris et renversa le trône éphémére de Henri VI. il reconnut tenir son trône de la vaillance de ses braves, et non d'un prince régent d'Angleterre. C'est aussi à vous seuls, et aux braves de l'armée, que je fais et ferai toujours gloire de tout devoir. (Signé) Par l'Empéreur, NAPOLEON. Le Grand-Maréchal faisant fonctions de Major-Général de |