Page images
PDF
EPUB

Hautefenille.

Gessner.

Boeck.

Perels.

Résumé.

Transport de militaires

engagés 811

l'ennemi.

Ortolan,

des neutres, mais pour tous, excuse d'une telle lésion, sauf l'obligation de réparer le préjudice qui en est résulté ».

Hautefeuille nie jusqu'à l'existence d'un droit suprême en cette matière; Gessner n'y voit qu'une question de fait subordonnée à l'appréciation des circonstances.

Boeck pense qu'on ne saurait contester aux belligérants le droit de préemption, sur mer, ce droit correspondant à celui de réquisition, sur terre. Mais il ne peut être exercé que dans les cas de nécessité constatée et moyennant indemnité.

Perels, en revanche, repousse absolument le droit de préemption, à moins de nécessité absolue et uniquement à l'égard des vivres que l'on transporte vers le pays ennemi, quand même leur destination ne serait pas évidente, et moyennant indemnité. Ce n'est point un droit de préemption, mais un droit du même genre que celui d'angaric.

§ 2795. De ce qui précède on peut conclure que la théorie est d'accord avec la pratique pour admettre l'exercice du droit de préemption toutes les fois qu'il se produit dans des cas de force majeure qui en légitiment l'emploi. Il va sans dire que le belligérant qui y a recours, sans y être moralement contraint, ou sans indemniser ceux au préjudice desquels il l'exerce, engage sa responsabilité et doit en subir les conséquences au même titre que s'il s'était indùment emparé de marchandises de commerce licite *.

§ 2796. Le transport sur des navires neutres de militaires ou de et de marins marins engagés au service d'un belligérant est assimilé au transport service de de matériel de guerre et considéré comme contrebande. Ce transport, indépendamment même des circonstances particulières qui peuvent l'accompagner, est un acte d'hostilité réellement caractérisé, dont les sérieuses conséquences ressortent d'elles-mêmes : « En fait, dit Ortolan, un pareil transport est beaucoup plus grave que le transport de marchandises de contrebande de guerre; car si ce dernier peut en quelque sorte n'être considéré que comme un acte purement commercial, dont l'auteur n'est pas tenu, on pourrait dire, de prévoir les résultats, l'autre est un acte décidément hostile, sur la portée duquel il n'est plus permis de se méprendre. Le navire neutre qui transporte des gens de guerre pour le compte d'un Etat belligérant se met évidemment au service de cet Etat ; il perd dès

* Phillimore, Com., v. III, § 268; Ortolan, Règles, t. II, pp. 220 et seq.; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 50-53; Gessner, pp. 132-140; Hall, International law, p. 585; Creasy, First Platform, § 596.

lors entièrement son caractère de neutre, et le belligérant opposé est

en droit de le traiter tout à fait en ennemi. »

Heffter exige expressément, pour que le transport soit punissable, Heffter. qu'il soit absolument volontaire.

Hautefeuille estime pareillement que les neutres ne sont punis- Hautefeuille. sables que si leur navire a été frété par l'ennemi expressément pour

le transport de ses soldats; si cette condition n'est pas remplie, le

neutre ne viole pas ses devoirs.

Pratique

anglaise et

§ 2797. La pratique anglaise et américaine, au contraire, ne fait aucune distinction en faveur du navire neutre contraint par l'ennemi américaine. au transport. Phillimore et Wheaton citent à l'appui plusieurs sentences de tribunaux de prises anglais, desquelles il ressort, en outre, cette particularité que la culpabilité du navire neutre ne dépend pas du nombre des hommes transportés, attendu que le transport d'un petit nombre d'officiers supérieurs a plus d'importance que celui d'un grand nombre de simples soldats ou de matelots.

La défense faite aux neutres de se livrer à un pareil transport a été l'objet de nombreuses stipulations conventionnelles. Il est de règle générale que le navire qui y est employé est passible de saisic et de confiscation, et que les hommes qu'il transporte sont exposés à être faits prisonniers; mais il est aussi généralement admis que le navire redevient neutre aussitôt que le transport a été effectué, et qu'il ne peut plus être capturé après que le débarquement a eu lieu *.

Sentence des tribunaux

§ 2798. Les annales des Cours de prises offrent un certain nombre de jugements relatifs à des cas de transport de marins et de mili- de prises. taires pour le compte de l'ennemi. Parmi les plus importants, on peut citer les suivants :

Dans l'espèce du navire nord-américain Friendship, il s'agissait d'un contrat passé avec des agents du gouvernement français pour transporter en France quatre-vingts marins, officiers et matelots, restant des équipages de plusieurs bâtiments naufragés et qui, sous les ordres de leurs chefs respectifs, conservèrent pendant la traversée leur caractère militaire. Le contrat d'affrètement avait été soustrait ou lacéré; mais de l'examen des faits, il résulta jusqu'à

Gessner, pp. 100 et seq.; Ortolan, Règles, t. II, pp. 234 et seq.; Bluntschli, § 815; Heffter, 157; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 173 et seq.; Jouffroy, p. 136; Phillimore, Com., v. III, § 272; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. III, § 25; Duer, v. I, lect. 4, §§ 55-58; Halleck, ch. xxvi, § 17; Dana, Elem. by Wheaton, note 228; Pratt, Law of contraband, p. ix; Bluntschli, § 818; Diaz Covarrubias, Bluntschli, § 831; Perels, Droit muritime, p. 286; Boeck, § 662; Hall, International law, p. 595; Testa, p. 210.

Le navire

Friendship.

L'Orosembo.

Affaire du Cagliari.

l'évidence que le navire ne pouvait pas prendre d'autre chargement, que le gouvernement français avait payé le fret et que l'opération pouvait être assimilée à un mouvement effectué par la marine française d'un port des Etats-Unis à un port de France. Le navire fut en conséquence déclaré de bonne prise.

§ 2799. Un autre navire appartenant également aux Etats-Unis, l'Orosembo, partit de Rotterdam à destination de Lisbonne, où il reçut à son bord trois officiers supérieurs hollandais, qu'il se chargea de conduire à Batavia, quoique ostensiblement il fût destiné pour Macao. La charte partie qui fut produite devant le tribunal stipulait que le capitaine recevrait 5,000 francs par mois pour le transport exclusif d'un nombre indéterminé de passagers. Ce contrat spécifiait bien qu'il avait été passé avec un sujet portugais résidant à Lisbonne ; mais Sir W. Scott fut d'avis que le véritable contrat avait été fait avec le gouvernement hollandais pendant le séjour du navire à Rotterdam, et qu'il avait pour objet de transporter des militaires dans une colonie éloignée de la métropole. Quant au nombre des passagers trouvés à bord, ce juge le considéra comme indifférent et dit que l'on pouvait supposer que le gouvernement hollandais s'était réservé de fixer le nombre des passagers qu'il lui conviendrait de faire embarquer; d'autre part, que c'était pour faciliter son opération que le bâtiment naviguait avec de fausses pièces de bord. Le principe qui attribue le caractère ennemi au navire neutre employé comme transport par les belligérants n'admet aucune exception; et en mentionnant la présence sur l'Orosembo de deux employés hollandais de l'ordre civil, Sir W. Scott s'exprima en ces termes : « Je ne vois pas qu'il y ait nécessité de décider si le principe dont il s'agit serait applicable même dans le cas où tous les passagers seraient simplement des fonctionnaires civils; mais mon opinion personnelle penche pour l'affirmative *. »

§ 2800. Au mois de juillet 1857, le bateau à vapeur sarde le Cagliari sortit du port de Gênes à destination de Tunis avec vingt et un passagers. A peine le navire cut-il atteint la pleine mer, ceux-ci se révoltèrent, s'emparèrent du navire et se dirigèrent sur une île napolitaine, où ils trouvèrent quelques prisonniers politiques, qu'ils mirent aussitôt en liberté. Ayant ensuite fait mettre le cap sur l'entrée du golfe de Naples, ils s'y firent débarquer, dans

[ocr errors]

Duer, v. I, lect. 4, § 58; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 1, § 25; Dana, Elem. by Wheaton, note 228; Phillimore, Com., v. III, § 272 ; Halleck, ch. XXVI, § 17.

l'intention de provoquer une révolution dans le pays. Le capitaine s'éloigna ensuite de la côte et reprit son voyage interrompu; mais, pendant la traversée, il fut saisi par un corsaire napolitain ct traduit devant une Cour de prises, qui ordonna la confiscation du Cagliari. Le capitaine et les hommes de l'équipage, parmi lesquels se trouvaient deux mécaniciens anglais, Watt et Park, furent retenus comme prisonniers de guerre.

Le gouvernement sarde ne perdit pas un instant pour réclamer la relaxation du navire et de son équipage, en se fondant sur ce que le capitaine avait agi sous le coup d'une force majeure et dans l'ignorance du caractère et des intentions des passagers qu'il conduisait, jusqu'au moment où ils s'étaient soulevés contre son autorité. Il faisait valoir en outre qu'au moment de sa capture le Cagliari se dirigeait réellement vers son port de destination. Malgré la force et la justesse incontestables de ces raisons, le gouvernement napolitain refusa d'accéder à la demande du cabinet de Turin. Le comte de Cavour eut alors l'idée d'en appeler à l'opinion des jurisconsultes anglais Twiss et Phillimore. Ceux-ci constatérent que le Cagliari naviguait sous le pavillon sarde et était muni de papiers de mer réguliers; qu'au moment où il avait été capturé il se dirigeait vers Tunis, son port de destination; qu'à cette époque le gouvernement de la Sardaigne et celui de Naples étaient mutuellement en paix. De l'ensemble de ces faits, ils déduisirent que la capture du navire n'avait pu avoir lieu par l'exercice normal des droits inhérents à un belligérant, mais uniquement en vertu de la loi politique du pays; et ils conclurent que tout ce que pouvait faire le gouvernement napolitain, c'était de mettre le cabinet sarde en demeure d'agir comme dans les cas où le coupable s'est soustrait à l'action de la justice de l'offensé. Les grandes puissances européennes, qui avaient été invitées en même temps à examiner l'affaire, furent d'avis qu'il y avait lieu de la soumettre à un arbitrage, selon le vœu général formulé par le congrès de Paris en 1856 en matière de conflits internationaux.

L'emprisonnement des mécaniciens anglais du Cagliari, qui durait depuis dix mois déjà, dans des circonstances nuisibles à leur santé, poussa le cabinet de Londres à insister vivement auprès du gouvernement napolitain pour obtenir leur mise en liberté immédiate. Lc roi Ferdinand accéda à cette demande, en déclarant toutefois qu'il n'agissait que par humanité envers les prisonniers et par déférence pour la reine Victoria, mais non par conviction que la réclamation du gouvernement anglais était fondée; inébranlable d'ailleurs dans

Transport

de dépêches.

sa ligne de conduite, il refusa formellement de restituer le Cagliari et d'accepter l'arbitrage proposé.

Lord Malmesbury, alors ministre des affaires étrangères en Angleterre, revint à la charge et engagea vivement les ministres napolitains à mettre à profit dans le plus bref délai possible le moyen de conciliation qui leur était offert; il faisait valoir, entre autres raisons, que s'y refuser plus longtemps constituerait, dans l'opinion des jurisconsultes les plus éminents, une infraction à la loi des nations; et il ajoutait que, suivant lui, le gouvernement napolitain était moralement tenu de mettre en liberté sous caution les hommes de l'équipage du Cagliari.

Cette intervention de l'Angleterre fut enfin couronnée de succès: le navire et l'équipage furent remis, sans que le gouvernemen sarde eût à intervenir, au consul anglais à Naples, qui fit conduire le Cagliari à Gênes, pour être livré aux autorités locales par les soins du consul anglais résidant dans ce port.

Malgré cette restitution, la procédure suivit son cours devant les tribunaux de prises napolitains, qui décidèrent en définitive que le Cagliari avait été employé à des actes de guerre et de piraterie; que ces actes avaient été commis sciemment par le capitaine et son équipage; qu'en conséquence le navire s'était mis dans le cas d'être capturé et confisqué, en même temps que les propriétaires devaient être condamnés aux frais et aux dépens *.

§ 2801. On range aussi parmi les objets de contrebande de guerre les dépêches adressées aux belligérants et relatives à la guerre. Le transport de plis officiels pour le compte de l'ennemi peut avoir les conséquences les plus funestes. Une seule dépêche en effet ne suffit-elle pas pour développer tout un plan de campagne ou pour donner un avis de nature à neutraliser et à renverser les projets de l'adversaire? Mais, pour que la confiscation puisse équitablement être prononcée, il ne suffit pas que les dépêches ennemies soient trouvécs à bord; il faut encore que leur transport constitue réellement un acte hostile, et pour cela 1° que la dépêche soit relative à la guerre; 2o que le navire ait été expressément affrété dans ce but.

Les dépêches qui n'ont pas trait à la guerre, les dépêches et les lettres privées peuvent être expédiées par les navires neutres. L'usage a établi une exception particulière en faveur des correspondances ayant un caractère purement diplomatique, des dépêches

[ocr errors][merged small]
« PreviousContinue »