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« Je ne doute pas que la postérité, qui verra un

...« jour, d'un côté les grandes choses que le roi a faites

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« pour l'avancement de la religion catholique, et de « l'autre, les grands services que M. Arnauld a ren« dus à l'Église, et la vertu extraordinaire qui a éclaté <<< dans la maison dont nous parlons, n'ait peine à comprendre comment il s'est pu faire que sous un roi « si plein de piété et de justice, une maison si sainte « ait été détruite.

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L'objection est pressante; la réponse sera péremp

toire.

Racine, la veille de sa mort, remit son Histoire de Port-Royal entre les mains d'un ami. Louis Racine, son fils, ignora long-temps le sort de ce manuscrit; il le croyoit anéanti, lorsqu'en 1742 il apprit qu'on en avoit imprimé la première partie, sans savoir comment, après avoir été enseveli pendant quarante ans, cet ouvrage étoit enfin parvenu à voir la lumière. Il acquit depuis des renseignements plus exacts, et même il recouvra le manuscrit de la seconde partie, qu'il déposa à la bibliothèque du roi, avec cette note écrite de sa main:

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Ce qui s'est trouvé de l'Histoire de Port-Royal dans les papiers de Jean Racine.

« Le tout est écrit de sa main, excepté les feuil«<lets 1, 2, 3, 4, qui sont écrits de la main de Boileau.

<< Tout ce morceau est de la seconde partie : on ne «< trouva rien, dans ses papiers, de la première partie « de cette histoire. »

Le passage dans lequel il est question de la destruction de Port-Royal se trouve dans le premier feuillet, écrit de la main de Boileau, qui vécut encore deux ans après cet événement, et qui a fait à cette partie de l'ouvrage de son illustre ami les changements indiqués par les circonstances.

C'est donc en vain qu'on a essayé d'élever des doutes sur l'authenticité de cette seconde partie : elle est incontestablement de la même main que la première.

ABRÉGÉ

DE

L'HISTOIRE DE PORT-ROYAL.

PREMIÈRE PARTIE.

L'abbaye de Port-Royal, près de Chevreuse, est une des plus anciennes abbayes de l'ordre de Citeaux. Elle fut fondée, en l'année 1204, par un saint évêque de Paris, nommé Eudes de Sully, de la maison des comtes de Champagne, proche parent de Philippe Auguste1. C'est lui dont on voit la tombe en cuivre, élevée de deux pieds, à l'entrée du chœur de NotreDame de Paris. La fondation n'étoit que pour douze religieuses; ainsi ce monastère ne possédoit pas de fort grands biens. Ses principaux bienfaiteurs furent les seigneurs de Montmorency et les comtes de

1 C'est par erreur que Racine attribue la fondation de PortRoyal à Eudes de Sully. Cette abbaye doit son origine à Matilde de Garlande, femme de Mathieu [er de Marly, cadet de la maison de Montmorency. Ce seigneur, en partant pour la Terre Sainte, laissa à sa femme une somme pour l'employer en œuvres de piété. Matilde, suivant l'intention de son mari, et seulement d'après le conseil de Eudes de Sully, acheta le fief de Porrois ou Port-Royal, Y fonda une abbaye. (Anon. )

et

Montfort. Ils lui firent successivement plusieurs donations, dont les plus considérables ont été confirmées par le roi saint Louis, qui donna aux religieuses, sur son domaine, une rente en forme d'aumône, dont elles jouissent encore aujourd'hui; si bien qu'elles reconnoissent avec raison ce saint roi pour un de leurs fondateurs. Le pape Honoré III accorda à cette abbaye de grands priviléges; comme, entre autres, celui d'y célébrer l'office divin, quand même tout le pays seroit en interdit. Il permettoit aussi aux religieuses de donner retraite à des séculières qui, étant dégoûtées du monde, et pouvant disposer de leurs personnes, voudroient se réfugier dans leur couvent pour y faire pénitence, sans néanmoins se lier par des vœux. Cette bulle est de l'année 1223, un peu après le quatrième concile général de Latran.

Sur la fin du dernier siècle, ce monastère, comme beaucoup d'autres, étoit tombé dans un grand relâchement: la règle de saint Benoît n'y étoit presque plus connue, la clôture même n'y étoit plus observée, et l'esprit du siècle en avoit entièrement banni la régularité. Marie-Angélique Arnauld 1, par un usage qui n'étoit que trop commun en ce

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Marie-Angélique Arnauld, sœur du grand Arnauld, morte en 1661. Il ne faut pas là confondre avec la mère Angélique de Saint-Jean Arnauld, sa nièce, religieuse comme elle à Port-Royal, et pendant vingt ans maîtresse des novices, et ensuite abbesse. Cette dernière mourut en 1684. On a publié en 1760 ses Conférences, 3 vol. in-12. (G.)

temps-là, en fut faite abbesse en 1602, n'ayant pas encore onze ans accomplis. Elle n'en avoit que huit lorsqu'elle prit l'habit, et elle fit profession à neuf ans entre les mains du général de Cîteaux, qui la bénit dix-huit mois après. Il y avoit peu d'apparence qu'une fille faite abbesse à cet âge, et d'une manière si peu régulière, eût été choisie de Dieu pour rétablir la règle dans cette abbaye. Cependant elle étoit à peine dans sa dix-septième année, que Dieu, qui avoit de grands desseins sur elle, se servit, pour la toucher, d'une voie assez extraordinaire.

Un capucin, qui étoit sorti de son couvent par libertinage, et qui alloit se faire apostat dans les pays étrangers, passant par hasard (en 1608) à Port-Royal, fut prié par l'abbesse et par les religieuses de prêcher dans leur église. Il le fit, et ce misérable parla avec tant de force sur le bonheur de la vie religieuse, sur la beauté et sur la sainteté de la règle de saint Benoît, que la jeune abbesse en fut vivement émue. Elle forma dès-lors la résolution non seulement de pratiquer sa régle dans toute sa rigueur, mais d'employer même tous ses efforts pour la faire aussi observer à ses religieuses. Elle commença par un renouvellement de ses vœux, et fit une seconde profession, n'étant pas satisfaite de la première. Elle réforma tout ce qu'il y avoit de mondain et de sensuel dans ses habits, ne porta plus qu'une chemise de serge, ne coucha plus que sur une simple paillasse, s'abstint de manger de la viande, et fit

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