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dit que des hommes du troisième rang l'avaient

crié.

M.. Berryer a demandé s'il n'avait pas connaissance d'une lettre écrite à M. Durand, du 14 au 15. Le témoin. Oui, je le crois, pour le prévenir

que le maréchal avait donné l'ordre de l'arrêter, en envoyant l'ordre d'arborer le drapeau tricolore. Mr. Berryer a demandé que le joaillier fût interrogé.

M. Bellart s'y est opposé, en disant que le maréchal pouvait avoir conservé une ancienne décoration.

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Un pair. Le maréchal dit qu'il a agi pour éviter la guerre civile. Şavait-il donc que l'armée sous Paris était déterminée à trahir? Autrement, par sa proclamation, il commençait la guerre civile.

Le maréchal. Je n'avais reçu aucune nouvelle. M. de Mailhé et M. de Saurans peuvent le témoigner.

Un pair a demandé si le maréchal, depuis son arrivée à Besançon, avait fait jusqu'au 14 quelque proclamation pour raffermir les troupes au service

du Roi.

Le maréchal. Non; je n'avais pas le commandement. Les troupes étaient sous les ordres de Monsieur. C'est le duc de Mailhé qui a donné

l'ordre de les faire partir; je n'avais rien à faire; tant que je n'avais pas reçu du ministre la confirmation de la démarche que j'avais faite de sortir de Besançon. Le duc de Mailhé sait que, ne pouvant quitter la direction de mes troupes, j'avais demandé un rendez-vous à Monsieur.

Me. Berryer. Le 13, au soir, n'a-t-on pas fait prêter serment aux troupes d'être fidèles au Roi?

Le témoin. Non; mais les chefs de corps avaient rassemblé les sous-officiers pour les maintenir dans de bonnes dispositions.

M. Bellart. Quelle importance attachez-vous à la déclaration du joaillier?

Le maréchal. Je ne sais ce qu'il dira; mais j'établirai par-là que j'ai commandé à Paris des décorations à l'aigle, et que je n'ai jamais porté à Lons-le-Saulnier que la décoration du Roi.

Ici on a représenté des papiers au maréchal.

Sur l'interpellation du procureur général, le maréchal a déclaré qu'il reconnaissait les passe-ports qu'on lui présentait, et que le nommé Fanise, au nom duquel il en a été expédié un, existait réel-; lement; que c'était un ancien hussard, attaché à

son service.

M. Bellart a reconnu la vérité de cette déclaration.

Sur l'ordre de M. le président, on a donné

lecture de la déclaration du lieutenant-général Lecourbe.

En voici les passages les plus remarquables :

« Le maréchal Ney fit appeler le général de Bourmont et moi dans sa chambre, et nous communiqua alors ses projets. Il nous fit lecture de la proclamation qu'il devait faire aux troupes, et que tout le monde connaît. Il nous représenta qu'il n'y avait plus à balancer; que Lyon avait ouvert ses portes; que tous les départemens accouraient au-devant de Bonaparte, et que nous courions des dangers de la part des troupes, si nous ne nous rangions de son parti. En effet, la nuit du 12 au 13 avait été fort agitée à Lons-le-Saulnier; mais j'ai toujours ignoré si le maréchal Ney avait provoqué les troupes à la révolte. Le fait est que, la veille, il nous avait paru, à Bourmont et à moi, dans les meilleures intentions pour le Roi. Le général Bourmont et moi lui fîmes des observations sur ce changement; alors, il chercha à nous persuader que c'était une affaire arrangée, et que rien n'empêcherait Bonaparte d'aller à Paris. >>

Septième témoin, M. le marquis de Vaulchier du Vichot, âgé de trente-cinq ans.

M. le président. Connaissez-vous l'accusé ? R. Il y a quinze ans, j'ai vu le maréchal aux eaux de Plombières.

D. Déposez ce que vous savez des faits contenus dans l'acte d'accusation,

R. Le maréchal est arrivé à Lons-le-Saulnier dans la nuit du 12 mars, à trois heures. Le maréchal devait donner l'ordre de faire rétrograder les troupes dirigées sur Moulins; je l'ai écrit en conséquence au préfet de Saône-et-Loire. D'après l'avis de M. Bourmont, j'ai envoyé deux exprès au fort Barreau pour nous mettre en communication avec le général Marchand et avec Masséna. Vers neuf heures, j'ai fait partir trois dépêches du maréchal, l'une pour le duc de Reggio, l'autre pour le duc d'Albufera, la troisième pour le ministre de la guerre. Le soir du 12, le maréchal apprit l'arrivée de Bonaparte à Lyon; il se plaignit des mauvaises dispositions qu'on avait prises, de ce qu'on n'avait pas marché de suite sur Bonaparte. Il a ajouté que Monsieur aurait dû, pour la première fois, faire monter un maréchal dans sa voiture et marcher à l'ennemi; que, s'il y avait été, il lui aurait dit: Allons, Monseigneur, aux avant-postes, Il parla des désagrémens qu'il avait reçus à la cour, et de ceux qu'avait éprouvés madame la maréchale; qu'on avait aussi mécontenté les troupes; que, lorsque le Roi revint et s'arrêta à Compiègne, la garde impériale fit le service auprès de sa personne ; que les soldats en furent flattés; que, si on avait

continué, ils auraient été gagnés à jamais au Roi ; qu'il commandait alors cette garde.

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>> C'est par les ordres du maréchal que j'ai fait partir M. de Rochemont.

» Le 12, plusieurs régimens arrivèrent à Lons-leSaulnier; les officiers étaient assez froids; cependant rien n'annonçait une défection. Le 13 au soir, le maréchal envoya deux émissaires à Châlons; il les pressa beaucoup, en disant qu'il attaquerait Bonaparte sur leur rapport. Le 14, un de mes amis vint m'apprendre que M. Bourmont lui avait dit en confidence, que le gouvernement royal allait être renversé : Attendez un moment, avait-il ajouté, et vous en serez témoin. J'allai deux fois chez M. Bourmont sans pouvoir lui parler; à la troisième fois, il était parti pour la réunion des troupes. Des personnes qui revenaient de cette revue me racontèrent tout ce qui s'y était passé. Je reçus ensuite une lettre du maréchal, dans laquelle il me recommandait le maintien du bon ordre, de faire relâcher les personnes détenues pour opinion. J'ai vu le maréchal l'après-midi, et je lui ai dit. que mes sermens s'opposaient à ce que j'administrasse pour Bonaparte. Il me répondit : Vous faites une bêtise; il ajouta des expressions offensantes pour les princes; qu'ils ne pouvaient régner, qu'ils offensaient la nation. Êtes-vous Français ?

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