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un apanage, et on les conduira aux frontières. Les maréchaux exposeraient leur vie pour les défendre.

» Il ajouta que dans le même moment le duc de Dalmatie faisait son mouvement à Paris. Le colonel Tessen m'a dit qu'il avait ordre de m'arrêter.

M. le président. Avez-vous remarqué la décoration que portait le maréchal ?

Le témoin. Je crois être certain qu'il avait la plaque à l'aigle, cependant je ne puis l'affirmer ; il me semble aussi qu'il avait la croix de Saint-Louis, et je ne pouvais assembler cela.

Le maréchal. Les discours qu'on me prête sont beaucoup trop longs. M. le préfet a eu le temps de les préparer. A l'époque dont je parle, le duc de Dalmatie n'était plus ministre de la guerre, c'était le duc de Feltre. Ce que j'ai dit est la suite des conversations que j'ai eues après le 14, et de l'influence des agens de Bonaparte; au reste, ce que vous m'avez dit m'a fait beaucoup de mal. Me. Berryer a expliqué que ce que le maréchal venait de dire s'appliquait surtout aux détails que le témoin lui avait donnés sur l'esprit public et les dispositions des troupes. Il l'a invité à vouloir bien les préciser.

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Le témoin. Eu rapportant ce qui s'était passé à Bourg, j'ai dit que c'était une rechute révolutionnaire ; j'ai dépeint la stupeur profonde des gens

de bien; j'ai dit que trois ou quatre communes limitrophes de mon département avaient arboré le drapeau tricolore; que j'étais depuis deux jours dans une impuissance absolue, lorsque le 76°. ré giment s'est insurgé.

Neuvième témoin. Le comte de Grivel, maréchal des camps et armées du Roi, inspecteur des gardes nationales du département du Jura, chevalier de Saint-Louis, etc., après les interpellations ordinaires, a déposé à peu près en ces

termes :

le 12;

« Le maréchal arriva dans la nuit du 11 au 12 mars à Lons-le-Saulnier. Je me présentai chez lui il me demanda l'état des gardes nationales du département. Le lendemain 13, alarmé des bruits qui se répandaient sur la marche rapide de Bonaparte en-deçà de Lyon, je me transportai chez le maréchal; je lui offris de faire marcher sur Dôle tous les volontaires du département et ceux de la garde nationale; qu'ils se mettraient en rang avec ses soldats, et qu'il n'en pourrait résulter qu'un très-bon effet; le maréchal Ney répondit d'un ton véhément que tout le monde était de bonne volonté, mais que les volontaires marcheraient quand il en serait temps, et qu'il en donnerait l'ordre; qu'il n'avait besoin avec lui ni de pleurnicheurs ni de pleurnicheuses.

>> Sur mon observation, que les volontaires que je lui proposais ne verseraient point de larmes ; qu'ils étaient Français, dévoués à leur Ror; qu'ils s'armeraient,s'équiperaient et s'entretiendrait à leurs frais; et que, s'il voulait les faire marcher, il fallait au moins les avertir de se tenir prêts et en faire un état, il se radoucit alors extrêmement, et me dit: Faites cela.

» Dans la soirée du 13 j'écrivis trois lettres, une au Roi, une au comte Dessoles, et la troisième au comte de Vioménil. Je leur rendais compte de l'esprit des troupes; dont je leur annonçai que plus de la moitié passerait du côté de Bonaparte si elles se trouvaient en présence; que, quant au maréchal Ney, il brûlait de se mesurer avec l'ennemi de la France; car je croyais le maréchal fidèle et dévoué au Roi,

» C'était l'opinion générale, et celle du comte de Saurans, aide-de-camp de MONSIEUR, et qui se soutint jusqu'au 13 au soir.

» Le 14 je me rendis à la revue. J'y vins près de trois quarts d'heure avant le maréchal, qui y arriva avec de la cavalerie.

» On vint me prévenir que j'avais tort d'assister à la revue ; qu'il était certain que le maréchal Ney allait trahir le Roi en proclamant Bonaparte,

et que le fait avait été avancé par M. le lieutenant général Bourmont. Je n'y voulais pas croire.

>> Le maréchal ordonna qu'on fit sortir du carré les personnes étrangères. Je crus que cet ordre ne me concernait pas, puisque j'étais revêtu de mon uniforme, avec les marques distinctives de maréchal-de-camp, inspecteur de la garde nationale. Je ne m'éloignai donc pas. Le maréchal s'en aperçut, et me fit de la main commandement de me retirer, en disant : Et M. de Grivel aussi derrière l'infanterie.

» Je soupçonnai alors que l'avis qui m'avait été donné n'était pas sans fondement. Je m'acheminai lentement vers un angle inférieur du carré, où je restai. Le maréchal alla se placer à l'angle opposé de l'extrémité du carré, se tourna vers les officiers et sous-officiers de cavalerie, qui avaient mis pied à terre, et lut la proclamation qui commence par ces mots Officiers, sous-officiers et solḍats, la cause des Bourbons est à jamais perdue, etc.

Surpris et indigné de ce que personne ne réclamait et ne s'opposait à cette démarche, je me retirai, et remontai à cheval. En traversant la ville, je vis les soldats et les habitans en insurrection, m'accablant de cris séditieux. Je me rendis chez M. le préfet, et partis ensuite pour Dôle, où j'espérais encore conserver au Roi des sujets dévoués;

je m'arrêtai en route chez le père de M. de Vaulchier, où je couchai. Je l'y rencontrai lui-même. Il me montra l'ordre du maréchal d'administrer le département au nom de Bonaparte; et que, sur son refus, il lui avait dit que c'était une bêtise; que tout était préparé d'avance; que les troupes étaient échelonnées de distance en distance jusqu'à Paris, et que l'empereur y entrerait sans brûler

une amorce.

» Le témoin a déposé de plus, par'ouï-dire, que les caissons arrivés étaient vides, mais qu'il n'en avait pas la certitude, qu'il ne les avait pas vus luimême; et qu'un colonel, par son influence, avait fait rétablir le drapeau blanc à Lons-le-Saulnier, le 14.»

Le maréchal a prétendu ne pas avoir connaissance de ce fait, et assuré que l'on n'avait pas crié vive le Roi!

Dixième témoin, M. le comte de la Genetière, major d'infanterie, chevalier de Saint-Louis et de la Légion d'honneur, a déposé, à peu près comme il suit :

« J'étais major en second au 64 régiment de ligne, à la demi-solde, à Besançon.

>> Ayant appris, le 9, le débarquement de Bonaparte, j'allai offrir mes services à M. le comte de Bourmont, qui commandait alors la division, afin de marcher contre Bonaparte sous les ordres du

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