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maréchal Ney, qui venait d'arriver à Besançon, Mes services furent agréés par le maréchal, et je partis le 11 avec M. de Franoy (aujourd'hui capitaine au régiment de la Couronne), pour me rendre à l'état-major à Lons-le-Saulnier, où devait se trouver le maréchal Ney. J'arrivai le même jour, dans cette ville. Le 12 et le 13 furent employés à l'organisation d'un état-major dont M. de Passinge de Préchamp était le chef. J'y fus employé provi, soirement comme sous-chef. Le matin, cet officier supérieur me fit connaître que le maréchal, dans la nuit du 13, m'avait désigné pour remplir les fonctions de chef d'état-major de la 1re. division, commandée par le lieutenant général Lecourbe, Après avoir communiqué à cet officier général mes lettres de service, je me rendis sur la place de Lons-le-Saulnier, où l'armée se trouvait sous les armes. Il était environ une heure après midi. Le maréchal vint, accompagné des généraux Lecourbe et Bourmont, et autres officiers de l'état-major, ainsi que des chefs de corps.

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Après avoir fait former le carré, M. le maréchal fit battre un ban, tira son épée, et, ayant dans la main un papier, il lut la proclamation commençant par ces mots : Soldats, la cause des Bourbons est à jamais perdue, etc.

>> Elle fut suivie du cri de vive l'empereur!

Le maréchal embrassa toutes les personnes qui l'entouraient. Il se manifesta un enthousiasme général.

» Les généraux Bourmont et Lecourbe et plusieurs autres officiers l'entourèrent, et le colonel Dubalen lui dit que ce langage était peu conforme à celui de la veille. Le maréchal dit alors que c'était une affaire arrangée, et que le retour de Bonaparte était le vœu de toute l'armée.

>> Immédiatement après, les troupes défilèrent devant le maréchal aux cris de vive l'empereur! Après qu'on eut reconduit le maréchal à l'auberge de la Pomme d'Or, où il logeait, les soldats se répandirent dans la ville, détruisirent partout les armes des Bourbons, et les inscriptions de la famille royale. Il y eut sur la place un café de pillé.. La cocarde tricolore fut arborée.

» Le baron de Préchamp fut envoyé à Bonaparte pour lui annoncer le changement qui venait de s'opérer. Le maréchal me donna provisoirement la direction de l'état-major.

J'étais dans une position difficile pour un homme d'honneur. Les troupes devant se rendre le 15 à Dôle, les 16 et 17 à Dijon, où l'on supposait que devait se rendre Bonaparte, j'écrivis à minuit au maréchal la lettre qui est parfaitement connue, et que je crois inutile de reproduire ici.

» Je lui demandai à aller à Besançon, et je

partis pour cette ville le 15 à trois heures, pour me rendre près le chevalier Durand. J'espérais concourir avec lui à maintenir cette place dans la fidélité due au Roi. Nous en eûmes l'espoir jusqu'au 20. »

Le témoin a rendu compte de l'insurrection de Besançon.

Le 21, comme il fut averti par M. de Jouffroy qu'il devait être arrêté, il partit pour la Suisse, où il a rempli, sous M. le comte de Gaëtan de la Rochefoucauld, les fonctions de sous-chef d'état-major.

Depuis il n'a eu aucune relation avec le maréchal.

Le maréchal. Dubalen est le seul officier qui ait fait son devoir. Je n'ai pas reçu la lettre dont vous parlez.

Le témoin. M. le maréchal l'a tellement reçue, qu'il l'a envoyée au général Bourmont à une heure dans la nuit du 15.

M. le président au comte de Bourmont. Avezvous reçu la lettre?

M. de Bourmont. Oui, Monseigneur, je l'ai reçue; et l'officier chargé de me l'apporter me demanda, de la part du maréchal, ce que cela voulait dire. Le maréchal. Quel est cet officier?

Le comte de Bourmont. Un officier de l'étatmajor. Je ne sais lequel.

M. le maréchal. Vous deviez le connaître

mieux

que

moi.

Me. Berryer au témoin. Avez-vous remarqué dans les discours et les dispositions du maréchal, ·la fidélité pour le Roi?

Le témoin. Oui, jusqu'au 13 le maréchal fut fidèle. Il paraît que les lettres venues dans la nuit le firent changer.

<< Le 13 même, il fit venir tous les officiers, et leur tint les discours les plus favorables à la cause du Roi, »

Me. Berryera invitéle témoin à s'expliquer sur l'esprit des troupes dans les provinces.

Le témoin. Je pense que les officiers supérieurs des corps, et les officiers employés dans l'armée et qui avaient reçu des faveurs du Roi, étaient dévoués à sa cause. Quant aux officiers en demi-solde, il est aiséde concevoir la cause de leur exaspération.

A Besançon, les cris séditieux n'avaient pas été très-forts. Ils avaient été réprimés d'abord, et punis.

Onzième témoin, M. le baron Clouet, colonel, etc., chevalier de Saint-Louis, officier de la Légion d'honneur, a dit :

«

Depuis huit ans j'étais le premier aide-decamp de M. le maréchal.

» A l'époque du débarquement de Bonaparte,

le maréchal était dans sa terre des Coudreaux, et j'étais à Tours, dans ma famille.

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>> Le 9 mars, je reçus l'avis que M. le maréchal venait de passer à Paris pour se rendre à son gouvernement de Besançon. Je partis le 10, et, en passant par Paris le 12, j'y trouvai l'ordre de le rejoindre; je partis le même jour. Je fis un détour pour ne point entrer à Dijon, qui avait arboré le drapeau tricolore. Je suis arrivé à Dôle le 15, entre cinq et six heures du soir, j'y trouvai les troupes françaises portant la cocarde tricolore. J'appris que M. le maréchal était dans la ville je me rendis chez lui; et c'est aloils eseulement que j'eus connaissance des événemens du 14. Je dînai à la table du maréchal, et deux heures après j'entrai dans son cabinet pour le prier de me permettre de retourner dans ma famille; ce qui me fut accordé d'autant plus facilément, que j'étais malade. Je ne me souviens pas des propos qui furent tenus à table; mais j'ai l'idée qu'ils étaient indifférens. J'ai écrit au maré-chal; cette lettre m'a coûté beaucoup à cause du respect et de la reconnaissance que je lui dois. Je rejoignis M. de Bourmont à Lons-le-Saulnier dans la nuit ; il était au lit, très-affligé : nous nous entendimes sur-le-champ ; il m'engagea à parti pour Paris au moment où j'allais lui en parler.

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