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mais cette marche fut impossible, il n'y avait point de canons. Il fallut rétrograder. J'arrivai le 10 à Besançon. Je n'y trouvai point M. le duc de Berry. Je me présentai chez M. de Bourmont et nous allâmes ensemble chez M. le maréchal. Je lui appris les mauvaises nou velles; que Monsieur était forcé de se retirer sur Roanne. Le maréchal nous dit que nous allions partir sur-le-champ pour rejoindre Monsieur. Je sortis pour aller faire mes préparatifs pour ce départ; je revins chez M. le maréchal, mais il avait changé d'idée. Il dit qu'il voulait se porter sur Lons-le-Saulnier; que là il serait au centre.

Le maréchal Ney. Je prie le témoin de déclarer si je l'ai chargé de demander un rendez-vous à Monsieur pour moi; si je ne lui ai pas dit que je n'avais rien à faire à Besançon, et qu'il fallait marcher à Bonaparte? M. de Mailhé est parti. Je n'ai plus eu depuis des nouvelles de lui ni de Monsieur. Les événemens en ont décidé.

Le témoin. Le maréchal ne pouvait pas me dire d'inviter Monsieur à le joindre; Monsieur était alors avec le maréchal Macdonald. J'ajoute que M. de Bourmont me dit : « Le maréchal est très» bien disposé; il vient de me dire: Allons, » Bourmont, nous marcherons, quoique bien >> inférieurs en nombre. >>

Le maréchal. Les troupes marchaient par deux bataillons, d'après les ordres du ministre. Elles étaient absolument perdues. Monsieur ne m'a donc pas donné d'ordre.

Vingt-sixième témoin, M. de Ségur, maréchal des camps et armées du Roi, l'un des commandans de la Légion d'honneur, chevalier de SaintLouis. Il a dit :

<< Je déclare avoir connu le maréchal, et que le 7 mars, jour de son arrivée à Paris, le maréchal m'a dit qu'il allait s'opposer de toutes ses forces à l'invasion de Bonaparte; que, comme chef de l'état-major de la cavalerie, je prendrais les ordres du ministre de la guerre, pour les transmettre à MM. les généraux. Tout ce qui est sorti de la bouche de M. le maréchal respirait l'honneur et la fidélité, et est en tout digne d'un militaire qui a fait la gloire de l'armée française pendant vingt campagnes. >>

Vingt - septième témoin, M. le marquis de Saurans; il a dit:

« Le 5, j'ai reçu ordre de partir le 8 de Paris pour Lyon. J'ai traversé la Champagne, la Bourgogne, la Franche-Comté, pour examiner l'esprit des préfets et des généraux, et en rendre compte. >> Le 9 au soir, je suis arrivé à Besançon. Je vis de suite M. de Bourmont, les généraux et le

préfet. Ils me parurent disposés à faire leur devoir. Je rencontrai, le 10, à huit heures du soir, le maréchal dans sa voiture près de Dôle.

>> En arrivant à Lons-le-Saulnier, je voulais continuer ma route pour Lyon. Un officier que je rencontrai m'engagea à me diriger sur Moulins. Je résolus alors de retourner à Besançon. Je rencontrai M. de Saint-Amour. Nous fimes ensemble trois postes. J'ai vu sur ma route deux régimens, le 61. et le 67., qui ne parurent m'offrir qu'une médiocre garantie. Peu après je vis les deux colonels, qui me dirent que les dispositions de leurs soldats étaient bonnes. Je rencontrai M. le maréchal à Quingey. Nous arrivâmes ensemble à Lons-le-Saulnier. Je déjeunai dans la matinée avec le maréchal, qui me parut très-bien disposé. Il fit venir en ma présence deux gendarmes déguisés, qu'il envoya à la découverte. Je dînai avec M. le maréchal. Le soir' on apporta les proclamations. Nous y remarquâmes ces expressions: la victoire marche au pas de charge. L'aigle volera de clocher en clocher jusque sur les tours de Notre-Dame.

» Le maréchal nous dit: C'est là ce qu'il faut. Le Roi ne parle pas comme cela. Il le devrait, cela plairait aux troupes.

» Les corps d'officiers vinrent et furent harangués par le maréchal,

» Le lendemain, je priai le maréchal de me renvoyer près de Monsieur, que j'avais quitté depuis bien long-temps, et qui devait être inquiet de moi. Le maréchal ne me donna aucun ordre par écrit, mais il me dicta une lettre. Monsieur était à Sens. J'allais l'y rejoindre. Je rencontrai dans ma route un régiment de dragons et un régiment de ligne. J'arrêtai leur marche, parce qu'ils allaient tomber dans les lignes de Bonaparte. Je fis aussi changer de route aux équipages de M. le maréchal Ney, pour qu'ils ne tombassent pas au pouvoir de l'ennemi. J'arrivai à Paris, et je remis au ministre de la guerre la lettre de M. le maréchal. >>

M. Berryer. Quelles expressions le témoin entendit-il proférer aux soldats?

R. Ils criaient vive l'empereur! mais la masse marchait en ordre et avec silence. J'ajoute que, quand je vis M. le maréchal', je lui parlai de sa position; que je la trouvais bien plus difficile que dans les autres campagnes. Il me répondit : « D'or» dinaire, quand j'avais toutes mes dispositions » faites, je dormais; aujourd'hui je n'ai pas un >> moment de repos. »

<«< Sur les inquiétudes que je lui témoignais, il me répondit: Les troupes se battront; je tirerai, s'il le faut, le premier coup de fusil ou de carabine, et, si un soldat bronche, je lui passerai

mon épée au travers du corps, et la poignée lui servira d'emplâtre. Ce n'est pas avec des fusils qu'on fait marcher le soldat; il faut du canon, et mon aide-de-camp sait l'appliquer. (On a fait la lecture de la lettre de M. le maréchal.)

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M. le président. Monsieur le maréchal, vous reconnaissez cet ordre'?

Le maréchal. Oui, Monseigneur.

M. le président. Il est du 13 au soir. Comment, Monsieur le maréchal, après avoir pris ces longues et sages dispositions, avez-vous pu être conduit le 14 à un résultat si différent?

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Le maréchal. Votre observation est juste ; mais les événemens ont été si rapides, une tempête si furieuse s'est formée sur ma tête, que chacun m'abandonnant, chacun cherchant à se sauver à mes dépens, et en me sacrifiant, j'ai été entraîné à l'action que vous connaissez. D'ailleurs, mon avocat entrera dans des développemens à cet égard.

A

Me. Berryer a demandé que M. le président fit donner aux défenseurs copie de cette pièce.

M. Bellart ne s'est pas opposé à ce que la minute fût au service des défenseurs lors de la plaidoirie.

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