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Me. Berryer a insisté

pour

avoir une expédition

de la pièce : elle lui a été accordée.

M. Frondeville, pair de France. Je demande à l'accusé ce qu'il entend par la tempête qui a fondu sur lui?

Le maréchal. C'est la fureur révolutionnaire qui éclata dans les troupes le 13 au soir. Il était impossible d'en disposer, de les faire marcher où on aurait voulu les conduire.

M. de Saint-Romans, (un des pairs), a demandé au maréchal pourquoi il n'avait pas fait arrêter ces émissaires venus le 13; car ce sont eux qui ont ainsi changé l'esprit du soldat.

Le maréchal. J'ai déjà répondu à cette ques tion. Je n'avais personne pour faire arrêter; il m'était impossible de le faire.

Vingt-huitième témoin, M. Renaut-de-SaintAmour. Ila dit: « Depuis vingt-deux ans que je sers, j'ai vu deux fois M. le maréchal. Les journaux ont publié des déclarations qui ne sont pas miennes.

» Le 7, je remis mes dépêches à Dijon : on m'apprit le débarquement de Bonaparte. Je crus que mes ordres avaient pour objet de rassembler les troupes. Je me dirigeai sur Bourg, de là à Lyon

et à Vienne. Je voulais me rendre à Grenoble.

Un officier déguisé me dit de changer de route.

Je revins à Lyon. Monsieur me dit qu'il partait.

» A Poligny, je rencontrai le marquis de Saurans, et je l'ai accompagné jusqu'à Quingey. Beaucoup de soldats que nous rencontrions sur notre route criaient vive l'empereur, et nous faisions entre nous cette réflexion, qu'on ne pouvait plus compter sur eux.

» J'allai le 11 au soir à Quingey, chez M. le maréchal Ney, qui me dit qu'il ne pouvait pas concevoir qu'on n'eût pas défendu le passage du Rhône, et coupé les ponts à Lyon. Il me donna l'ordre pour M. le directeur d'artillerie de Besançon, d'envoyer des cartouches à Lons-le-Saul

nier. »

Mr. Berryer. Quel était l'esprit des campagnes?

R. Dans le département de l'Ain, à Bourg, les paysans criaient vive l'empereur ! dans les villages et dans les cabarets, la même agitation existait aux alentours de Lons-le-Saulnier.

Vingt-neuvième témoin, M. Boulouse, négociant; il a déposé :

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« J'ai quitté Lyon samedi II à neuf heures du soir. Craignant d'être arrêté, j'ai pris la route de Bourg et de Genève. A Lons-le-Saulnier, on me demanda mon passe-port. Un officier vint ensuite me trouver pour savoir de moi ce qui se pas

sait; il me dit : « Je suis bon Français. Le prince >> est dans les plus vives inquiétudes. >>

» Il vit que j'étais dans les mêmes dispositions : il me demanda si je voulais qu'il me conduisît au maréchal; j'acceptai cet honneur avec reconnaissance. M. le maréchal me fit beaucoup de questions. D. D'où venez-vous? R. De Lyon. D. Que s'y passe-t-il ? R. L'empereur est entré sans troupes, et seulement avec son état-major. D. Quelle conduite a-t-il tenue? R. Il s'est montr à la fenêtre pour haranguer la populace, qui se pressait pour le voir. Il a passé ensuite ses troupes en revue sur la place Bellecour; il pouvait avoir sept à huit mille hommes. Je donnai au maréchal les numéros de tous les régimens, et les détails que j'avais recueillis sur leur composition. J'ajoutai au maréchal qu'il avait fait des proclamations. Je lui en montrai une que je m'étais procurée; il me la prit, en me disant qu'il s'en faisait le cadeau. Il prit les noms de ceux qui avaient signé cette proclamation, en me disant Cela n'est pas dangereux; il n'y a rien à craindre; quarantecinq mille hommes garantiront Paris. Le premier coup en décidera. Comme je paraissais inquiet sur ce gr'on m'avait parlé d'une alliance avec l'Autriche, il ajouta C'est là sa jactance ordi→

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naire. Pourquoi MONSIEUR ne l'a-t-il pas combattu?

M. le président au maréchal. C'est le 12 que vous avez tenu cette conversation. Vous connaissiez cependant les progrès de Bonaparte. Aviezvous donc l'opinion qu'il n'était pas dangereux ? M. le maréchal. Oui, Monseigneur.

Me. Berryer. Le témoin n'a-t-il pas fait au maréchal le compliment d'avoir sauvé la France à Fontainebleau ?

R. Oui, je me rappelle avoir dit cela: j'étais transporté des sentimens dont M. le maréchal était animé; je saisis même et pressai le bras de M. le maréchal.

M. Bellart. Pourquoi le maréchal retenait-il la proclamation ?

Le maréchal. Pour la communiquer aux autres généraux ; c'était une curiosité toute simple.

Le témoin. Le maréchal me dit: Mais ne crai gniez-vous pas de vous compromettre en gardant sur vous ce papier? Je lui répondis: non; il était 'caché dans un secret de ma voiture. M. le maréchal m'observa qu'il était dangereux de propager cette proclamation.

Trentième témoin, Madame Maury.

« Les 16 et 17 mars, dit-elle, j'étais à Dijon. M. le comte de Bagnano, italien, me dit que M. le

TOME II.

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maréchal lui avait dit, en causant avec lui: Vous êtes bien heureux de n'avoir pas de place; vous n'êtes pas obligé de transiger avec vos devoirs : je me félicitais d'avoir forcé l'empereur à abdiquer, aujourd'hui il faut le servir.

Le maréchal. Je ne connais pas le comte italien Bagnano ; je ne l'ai jamais vu. Il est possible quej'aie tenu quelques discours semblables à ce que le témoin déclare; mais je ne m'en souviens pas.

Trente-unième témoin, M. Passinge de Préchamp. Iladit : «Le maréchal Ney est arrivé à Besançon le 10 au soir. Jene l'ai vu que quand il montait en voiture avec M. de Bourmont : je les suivis. J'arrivai à Lons-le-Saulnier. Tous les ordres donnés par le maréchal, tous ceux transmis aux troupes, l'ont été dans l'intérêt de la cause du Roi; mais les difficultés sont bientôt devenues des obstacles. Les troupes qui, casernées, pouvaient encore être contenues dans le devoir, n'ont plus connu de frein lorsqu'elles ont été mises en contact avec la populace. Le 76°., en passant à l'ennemi, a donné le signal d'une défection générale. Lors de la revue sur la place de Lons-le-Saulnier, la tristesse était peinte sur tous les visages; rien que cette posture, qui n'est pas ordinaire aux Français, présageait une grande catastrophe. Je m'attendais que mes officiers seraient victimes de leurs

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