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soldats, ou qu'il y aurait quelque révolution, comme en 1793.

Je reçus un ordre pour me rendre auprès du général Bertrand. Mes instructions n'avaient pour but que d'assurer le service des troupes et faire respecter partout les serviteurs du Roi. »

Me. Berryer. Le témoin n'a-t-il pas eu connaissance que des gentilshommes aient été incorporés par les ordres du maréchal?

R. Oui, j'en ai parlé au colonel Dubalen; mais les événemens se sont succédés avec une telle vivacité, que je ne sais pas si cet ordre a été exécuté.*

· Me Berryer. Savez-vous si le 12 et le 13 les troupes avaient reçu des proclamations?

R. Elles n'en ont reçu que dans les jours postérieurs au 14.

M. Berryer. Le témoin n'a-t-il pas vu un exemplaire de la proclamation fatale, datée du 13?

R. Oui, à Auxerre, et j'en fis même l'observation.

M. le duc de Fitz-James (l'un des pairs). Quand les troupes ont-elles été en contact avec la populace? R. En sortant de Besançon, les 11 et 12.

Trente-deuxième témoin, M. Dranges de Bourcia, sous-préfet de Poligny, a déposé :

<«< Le 11 mars, j'étais dans mon cabinet ; j'en

que

tendis arriver une voiture à grand bruit je crus c'était M. le duc de Berry. J'ycourus. Je vis deux officiers généraux, M. le maréchal et M. le comte de Bourmont. Je lui offris ma maison. II me répondit: De préférence chez vous, mon ami, Je réunis le commandant et quelques officiers de la garde nationale; il était dix heures quand nous nous mîmes à souper. Le maréchal me demanda quel était l'esprit des habitans. Comme j'avais vụ passer un régiment à l'ennemi, je pouvais avoir des inquiétudes sur les troupes qui étaient à Poligny; mais j'offris à M. le maréchal une nombreuse garde nationale; j'offris même de me mettre dans leurs rangs pour les entraîner par mon exemple.

» En parlant des événemens qui venaient de se passer, le maréchal nous dit qu'il savait bien que le général Bertrand n'avait pas assez de têtepour résister à Bonaparte; qu'il aurait fallu l'attaquer comme une bête fauve, et le mener à Paris dans une cage de fer. J'observai à M. le maréchal qu'il valait mieux le conduire à Paris dans un tombereau. Le maréchal me répondit que je ne connaissais pas Paris : qu'il fallait que les Parisiens vissent. M. le maréchal exprima ensuite quelques sujets de mécontentement qu'il avait contre M. de Blacas. Il nous dit que le Roi aurait dû employer pour son service la garde impériale.

» A minuit, le général Bourmont et le maréchal montèrent en voiture, en me disant de diriger mes troupes sur Lons-le-Saulnier.

>> Quel fut mon étonnement à la nouvelle de la défection du 14! Je vis alors le général Lecourbe qui me dit qu'il fallait sé rallier au Roi.»

Le maréchal Ney. J'ai remarqué dans le discours de M. le sous-préfet, qu'il a parlé de la garde impériale. A Compiègne, je commandais la garde de service. J'avais l'honneur d'être assis à côté du Roi. Je lui ai donné le conseil d'attacher à sa personne la garde impériale ; j'ajoutai que c'était la récompense de toute l'armée. Il me répondit qu'il réfléchirait sur cet avis. Bonaparte en a été instruit; car il m'a dit, en me le reprochant à Auxerre : Si votre avis avait été suivi, je n'aurais jamais remis le pied en France.

Me. Berryer. Le témoin n'a-t-il pas, entendu parler au général Lecourbe de l'esprit des troupes?

Le témoin. Le général Lecourbe est mort, je dois respecter sa mémoire; il ne m'a rien dit de

cela.

M. Bellart. M. de Vaulchier sait-il si des gentilshommes se sont réunis aux troupes du maréchal?

M. de Vaulchier. J'en avais envoyé trente à Lons-le-Saulnier; on les a renvoyés à Bourg

M. Bellart. M. Capelle sait-il quelle était la disposition des esprits à Lons-le-Saulnier? Je fais cette demande, parce qu'il m'a été adressé une pétition au nom des habitans de Lons-le-Saulnier, qui réclament contre les sentimens qu'on leur a prêtés.

M. Capelle. Je ne connais pas l'esprit de Lonsle-Saulnier. Mon collègue de Vaulchier en est bien mieux instruit que moi; c'est le lieu de sa résidence. J'ai vu seulement, le jour où j'y étais, beaucoup plus de populace que de soldats se mêler aux troubles du café Bourbon.

M. de Vaulchier. La majorité était indifférente. Une portion était mauvaise. La population, à ce que j'ai ouï dire, a pris peu de part aux troubles du café Bourbon. Le soir, ce sont des soldats seuls qui m'ont insulté. J'avais conservé, sans y faire attention, le ruban blanc.

Trente - troisième témoin. M. Jean-BaptisteVincent Durand, maréchal-de-camp, lieutenant du Roi à Besançon. Il a déposé :

« Le maréchal est arrivé à Besançon le 9 mars après-midi. Les officiers supérieurs lui furent de suite présentés par le lieutenant général Bourmont, commandant la division. Pendant la visite, le maréchal s'exprima en des termes qui ne purent que confirmer toute la confiance qu'on pouvait

avoir dans ses opérations ultérieures. Le débarquement de Bonaparte, disait-il, ce sont ses propres expressions, était un bonheur pour la France, puisque ce serait le cinquième acte de sa tragédie. Il donna l'ordre aux troupes de partir, et il partit lui-même le 10 au matin. Avant de se mettre en marche, il adressa aux chefs des discours qui ne pouvaient qu'augmenter toute la confiance. Il leur recommanda d'être dévoués au Roi.

» Les officiers supérieurs voyaient dans les discours, dans la conduite du maréchal, dans ses talens et sa loyauté, la grande influence qu'il exerçait à juste titre sur les troupes, les garanties les plus fortes pour le service du Roi. Il disait qu'il ferait de Bonaparte sa propre affaire. »

Le témoin a ajouté beaucoup d'autres considérations qui devaient, a-t-il dit, concilier au maréchal la confiance générale.

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« On espérait que le concours des officiers généraux, les offres de services de bons Français qu'il aurait placés dans les rangs, auraient augmenté ses forces et amélioré l'esprit public.

>> On avait la conviction que la loyauté du maréchal et ses discours énergiques entraîneraient ses troupes dans le chemin de l'honneur du devoir.

» Les ordres qu'il avait donnés le 3 étaient

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