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était le sens que lui et le gouvernement provisoire donnaient à l'art. 12.

M. Bellart. Les commissaires du Roi s'opposent à cette question indiscrète. La discussion, je le vois bien, roulera sur la capitulation; mais l'acte existe comme il existe. L'opinion du prince n'y peut rien changer. Un acte ne peut pas être altéré par des déclarations.

Le maréchal Ney. La déclaration était tellement protectrice, que c'est sur elle que j'ai compté. Sans cela, croit-on que je n'eusse pas préféré de périr le sabre à la main ? C'est en contradiction de cette capitulation que j'ai été arrêté, et sur sa foi je suis resté en France.

Le président. C'est dans la capitulation écrite que son sens est renfermé; peu importe l'opinion que chacun peut en avoir. En vertu du pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré, la question ne faite. J'ai d'ailleurs consulté la chambre, et la grande majorité a été de mon avis.

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Trente sixième témoin, M. le comte de Bondy, ancien préfet de la Seine.

M. le président. Vous êtes appelé pour donner connaissance des faits relatifs aux militaires compris dans la capitulation de Paris.

R. La principale base de la convention était la tranquillité publique, la sûreté de Paris, le respect

des personnes et des propriétés. C'est dans cette intention qu'elle a été rédigée et proposée aux généraux Blücher et Wellington. Il y a eu quelques débats sur ces dispositions, mais aucune difficulté sur l'article 12 il a été accepté de la manière la plus rassurante pour ceux qui y étaient compris.

Un pair. Je prie Monseigneur le président de vouloir bien demander au prince d'Eckmuhl et à M. de Bondy, de dire sur l'honneur s'ils pensent que, sitôt après la capitula tion, le Roi fùt le maître de rentrer dans sa capitale; car, s'il ne l'était pas, il ne serait pas rentré en vertu de la capitulation; il ne pourrait donc pas être lié par elle.

Un autre pair (M. le comte de Lally-Tolendal). Cette observation est inconvenante. Elle devrait être renvoyée à un tout autre temps, à un tout autre lieu.-Ce n'est pas dans une séance publique telle que celle-ci, que de semblables question doivent être agitées.

Trente-septième témoin, M. Guilleminot, lieutenant général.

Le président. Vous êtes appelé à déposer sur la part que vous avez eue dans la capitulation de Paris, relativement aux militaires.

M. Guilleminot. Comme chef de l'état-major, j'ai été chargé de stipuler l'amnistie en faveur des personnes, quelles qu'enssent été leurs opinions, leurs fonctions et leur conduite; ce point a été

accordé sans aucune contestation. J'avais ordre de rompre toute conférence, si l'on m'eût fait éprouver un refus : l'armée était prête à attaquer; c'est cet article qui lui a fait déposer les armes.

Me. Dupin. Cette convention était militaire; pourquoi y adjoindre MM. de Bignon et de Bondy?

M, Guilleminot. Ils stipulaient pour les non militaires, comme moi pour les militaires.

M. le président a demandé à l'accusé, aux défenseurs et à M. le commissaire du Roi, s'ils n'avaient pas d'observations à faire.

Sur leur réponse négative, la parole a été accordée à M. le commissaire du Roi.

M. Bellart. «Messieurs les pairs, lorsqu'au fond des déserts, autrefois couverts de cités populeuses, le voyageur philosophe, qu'y conduit cette insatiable curiosité, attribut caractéristique de notre espèce, aperçoit les tristes restes de ces monumens célèbres construits dans des âges reculés, dans le fol espoir de braver la faux du temps, et qui ne sont plus aujourd'hui que des débris informes et de la sière, il ne peut s'empêcher d'éprouver une mélancolie profonde, en songeant à ce que deviennent l'orgueil humain et ses ouvrages. Combien est plus cruel encore pour celui qui aime les hommes, le spectacle des ruines d'une grande gloire, tombée

pous

dans l'opprobre par sa propre faute, et qui prit soin de flétrir elle-même les honneurs dont elle fut d'abord environnée !

>>>Quand ce malheur arrive, il y a en nous quelque chose qui combat contre la conscience, par la routine du respect long-temps attaché à cette illustration à présent déchue. Notre instinct s'indigne de ce caprice de la fortune, et nous voudrions, par une contradiction irréfléchie, continuer d'honorer ce qui brilla d'un si grand éclat, en même temps que détester et mépriser celui qui causa de si épou

vantables malheurs à l'état.

» Telle est, Messieurs les pairs, la double et contraire impression qu'éprouvent, ils ne s'en défendent pas, les commissaires du Roi, à l'occasion de ce déplorable procès. Plût à Dieu qu'il y eût deux hommes dans l'illustre accusé, qu'un devoir rigoureux nous ordonne de poursuivre! mais il n'y en a qu'un. Celui qui pendant un temps se couvrit de gloire militaire, est celui-là même qui devint le plus coupable des citoyens.

» Qu'importe à la patrie sa funeste gloire, qui depuis attira sur la France des revers que, sans elle, elle n'eût jamais connus! Qu'importe sa funeste gloire, qu'il a éteinte toute entière dans une trahison, suivie, pour notre malheureux pays, d'une catastrophe sur laquelle nous osons à peine faire

reposer notre attention! S'il a servi l'état, c'est lui qui contribua le plus puissamment à le perdre : il n'y a rien que n'efface un tel forfait. Il n'est pas de sentiment qui ne doive céder à l'horreur qu'inspire cette grande trahisen.

» Brutus oublia qu'il fût père, pour ne voir que la patrie. Ce qu'un père fit au prix de la révolte même de la nature, le ministère, protecteur de la sûreté publique, a bien plus le devoir de le faire, malgré les murmures d'une vieille admiration qui s'était trompée d'objet. Ce devoir, il va le remplir avec droiture, mais avec simplicité. On peut du moins épargner à l'accusé d'affligeantes déclamations. Qu'en est-il besoin à côté d'une conviction puisée dans une incontestable évidence? Je les lui épargnerai. C'est un dernier hommage que je veux lui rendre. Il conserve şans doute encore assez de fierté d'âme pour en sentir le prix, pour se juger lui-même, et pour distinguer dans ceux qui subissent la douloureuse fonction de le poursuivre, ce mélange vraiment pénible de regrets qui sont de l'homme, et d'impérieuses obligations qui sont de la charge. >>

(Après cet exorde, M. Bellart a continué à près en ces termes):

peu

« Les faits offerts à votre attention réunissent à une grande simplicité, une évidence entière; et

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