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et à qui il ne pardonnait pas, soit de l'avoir abandonné, soit d'avoir résisté à ses ordres; savoir :

MM. de Bourmont, Lecourbe, Delort, Jarry, la Genetière, Durand, Duballen, son propre aidede-camp Clouet, le comte de Scey, et le com

mandant d'Auxonne.

Il écrivit au duc de Bassano, par ordre de Buonaparte, de suspendret outes mesures à Paris ; ce qui s'entend sans doute de quelques mesures qui avaient été méditées par cet usurpateur, s'il eût éprouvé quelque résistance.

I osa même écrire aux maréchaux ducs de Reggio.et d'Albuféra pour leur transmettre des ordres de Bertrand.

» Il donna l'ordre au commandant d'Auxonne de rendre sa ville aux troupes de Buonaparte; et ce fut même pour punir l'indocilité honorable de cet officier, que peu de jours après il inscrivit son nom dans la liste de ceux qu'il ordonnait de priver de leur liberté.

» Il faut s'arrêter ici.

>> Toute la France, toute l'Europe a su que, depuis, le maréchal Ney a persisté avec éclat dans sa rébellion; mais tous les faits qui se rattachent à sa conduite ultérieure, n'étant que la conséquence de sa première trahison, méritent à peine

d'être remarqués auprès de ce grand acte d'infidélité, l'une des sources des malheurs qu'une fatale usurpation attira sur la France.

» Ces malheurs aussi ne doivent pas être retracés, tout propre que serait le tableau fidèle que l'on en pourrait faire à soulever l'indignation universelle contre l'un des hommes qui en furent les principaux artisans.

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>> Il faut en détourner la vue, parce que le spectacle en est intolérable; il faut en détourner la vue, sans pouvoir comprimer pourtant la cruelle réflexion que tous les maux dont la patrie est dé solée sont dus à une poignée d'hommes qui, parce qu'ils se distinguèrent par quelques beaux faits militaires, ont cru qu'ils avaient le droit de se mettre au-dessus des lois, de se jouer des sentimens les plus sacrés, de la fidélité elle-même à leur Roi et à leur pays, et d'y faire impunément toutes les révolutions dont peut s'aviser leur ambition souvent irréfléchie; persuadés qu'ils sont que parce qu'ils furent de braves militaires, il leur est permis d'être, à la face de la nation et de l'Europe, des sujets déloyaux et de mauvais citoyens : doctrine déplorable qui n'est heureusement que la doctrine exclusive de cette poignée d'ambitieux pervers; doctrine désavouée par le véritable honneur militaire et par cette foule de braves dont les

yeux enfin dessillés ne peuvent plus reconnaître la gloire dans ceux que jadis ils virent aux champs de l'honneur, s'ils ne les retrouvent pas dans les routes de la fidélité à leur Roi et à leur patrie, et s'ils ne les voient pas se montrer à la fois grands citoyens autant que grands capitaines, et hommes de bien non moins que guerriers pleins de valeur.

» En conséquence de tous ces différens faits, Michel Ney, maréchal de France, duc d'Elchingen, prince de la Moscowa, ex-pair de France, est accusé devant la chambre des pairs de France par les ministres du Roi et par le procureur-général près la cour royale de Paris, commissaires de S. M.,

>> D'avoir entretenu avec Buonaparte des intelligences à l'effet de faciliter à lui et à ses bandes leur entrée sur le territoire français, et de lui livrer des villes, forteresses, magasins et arsenaux de lui fournir des secours en soldats et en hommes, et de seconder le progrès de ses armes sur les possessions françaises, notamment en ébranlant la fidélité des officiers et soldats ;

» De s'être mis à la tête de bandes et troupes armées, d'y avoir exercé un commandement pour envahir des villes dans l'intérêt de Buonaparte, et pour faire résistance à la force publique agissant contre lui;

>> D'avoir passé à l'ennemi avec une partie des troupes sous ses ordres;

» D'avoir, par discours tenus en lieux publics, placards affichés, et écrits imprimés, excité directement les citoyens à s'armer les uns contre les

autres ;

>> D'avoir excité ses camarades à passer à l'ennemi;

>> Enfin, d'avoir commis une trahison envers le Roi et l'Etat, et d'avoir pris part à un complot dont le but était de détruire et changer le gouvernement et l'ordre de successibilité au trône; comme aussi d'exciter la guerre civile en armant ou portant les citoyens et habitans à s'armer les uns contre les autres';

er

>> Tous crimes prévus par les articles 77, 87, 88, 89, 91, 92, 93, 94, 96 et 102 du Code pénal, et par les articles 1o. et 5 du titre I., et par l'article 1. du titre III de la loi du 21 brumaire an 5.

» Fait et arrêté en notre cabinet, au au palais de la chambre des pairs, le 16 novembre 1815, à midi. »

» Signé RICHELIEU, BARBÉ-MARBOIS, le comte
DU BOUCHAGE, le duc DE FELTRE, VAU-
Vau-
BLANC, CORVETTO, DE CAZES, BEllart. >>

Cette lecture terminée, M. le président a adressé la parole au maréchal, et lui a dit :

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« Vous avez entendu la lecture des charges qui s'élèvent contre vous. Vous êtes accusé d'avoir abusé du commandement d'une armée destinée à repousser l'usurpateur, pour favoriser ses projets; d'avoir excité ou fait exciter, par vos ordres, la défection de l'armée; d'avoir lu devant vos troupes une proclamation séditieuse, de l'avoir soutenue dans des ordres du jour, de l'avoir fait imprimer et afficher; enfin, d'avoir donné l'exemple d'une défection qui a été si fatale. Le crime dont on vous accuse est odieux à tous les bons Français, mais ce n'est pas dans la chambre que vous avez des haines à craindre; vous y trouverez plutôt des intentions favorables dans les souvenirs glorieux attachés à votre nom. Vous pouvez parler sans crainte, expliquer les moyens que vous pouvez avoir contre les charges qui pèsent contre vous; mais avant d'ouvrir les débats, je dois vous demander si vous avez des moyens préjudiciels à proposer. >>

Le maréchal s'est levé, et a répondu :

Monseigneur le chancelier et Messieurs, >> La chambre des pairs ayant décidé qu'il me serait permis de présenter des moyens préjudiciels,

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