Page images
PDF
EPUB

>> Les troupes de Bonaparte étaient annoncées » pour aujourd'hui à Beaune; une lettre datée de Chagny, le 15, d'un major commandant l'avantgarde de l'avant-garde, ainsi qualifié, adressée » au maire de Beaune, y demande cinq mille ra» tions pour le 14 au soir; je n'ai pas cependant » de certitude qu'elles y arrivent; votre présence » doit les inquiéter et les arrêter.

[ocr errors]

» Je quitterai probablement Dijon aujourd'hui ; » le préfet est déjà parti: si votre altesse a la bonté » de me faire connaître ses mouvemens, je la prie » de m'adresser ses dépêches sur Châtillon; je » compte coucher ce soir à Charceaux.

» J'ai donné l'ordre d'évacuer sur Auxonne le » dépôt de poudre de vente qui était à Dijon, et » qui consistait en trente milliers environ.

>>> J'ai aussi donné au général Pellegrin celui de >> faire entrer à Auxonne celle de la poudrerie de » Vauges, et j'ai donné à ce général le comman» dement supérieur de la ville d'Auxonne.".

[ocr errors]

J'apprends qu'Autun est aussi en insurrection; » des officiers, qui allaient en poste sur cette route » à Moulins, ont été arrêtés par les insurgés.

» Un officier dépêché par Monsieur a passé ici aujourd'hui; il va à Langres et dans cette di»rection pour faire diriger toutes les troupes sur » Sens; il voulait essayer de remplir la même

» mission sur Bourg, Saint-Amour et Sellières ; >> mais il n'avait pas passé et avait été en arresta» tion quelques heures du côté d'Autun.

» Je n'ai aucune autre troupe qu'environ deux » cents hommes du 23o.; je ne sais si je pourrai » les conserver; je ne compte pas plus sur la gen» darmerie. Le 3o. bataillon du 36°., qui était fort » d'environ deux cent cinquante hommes, et le » détachement du 6. escadron du train d'artille» rie qui était à Châlons, et que M. le général » Rouelle avait fait partir au moment de son dé» `part en leur donnant l'ordre de se diriger sur » Dijon, ont déserté.

» Je suis avec respect, Monseigneur,

» De votre altesse

» Le très-humble et très-obéissant serviteur,
» Le lieutenant général commandant
la 18. division,

[ocr errors][merged small]

"

Quel espoir conserver pour soi lorsque, à une distance éloignée de plus de trois lieues que Lons-le-Saulnier du foyer de l'insurrection, elle éclatait avec tant de violence!

» Mais, Messieurs, le maréchal Ney n'en était plus à conjecturer, d'après cette agitation des pays environnans, ce qui pouvait lui arriver. Dans la

nuit du 14 mars, il avait acquis de douloureuses certitudes sur la désertion actuelle d'une portion notable de ses forces, sur l'inévitable défection du surplus.

>>

Déjà, je vous ai cité ce cri d'alarmes que M. le préfet de l'Ain était venu jeter, fort en avant, dans la soirée du 13 mars: C'est une rechute de la révolution. En preuve de ce terrible prononcé, M. de Capelle avait raconté l'entière défection du 76. régiment, stationné à Bourg. Sur les trois bataillons dont il se composait, l'un, servant d'avant-garde au maréchal depuis deux jours, venait de passer à Bonaparte. Les deux autres bataillons, insurgés dans Bourg, gardaient à vue, dans son domicile, le général Gauthier, leur chef.

» Vous avez entendu, Messieurs, sur cette conduite désordonnée du 76°., ce qu'en a rapporté le général Gauthier lui-même. Il vous a tout dit, en vous déclarant que ses soldats l'avaient contraint de rejoindre Bonaparte, qu'ils avaient rencontré à Châlons. Qui s'avisera de faire un crime à ce brave officier d'avoir cédé à la violence ?.

» Ce qu'elle a opéré à Bourg, infailliblement elle devait l'opérer à Lons-le-Saulnier, sur des troupes dont celles-là formaient l'avant-garde ; tout se transmet avec rapidité dans tous les rangs

2

d'une même armée, surtout à si peu de distance. Le départ du 76°. régiment, dans la matinée du 13, pour se rendre avec Bonaparte, en forçant son chef à l'y conduire, était connu à Lons-le-Saulnier dans la matinée du 14. Dieu sait quelle rumeur ily avait excitée ! quelle répétition des mêmes scènes les soldats s'y étaient promises!

» Y avait-il en effet, parmi les troupes réunies à Lons-le-Saulnier, des dispositions antérieures et prononcées de se ranger du côté de Bonaparte? et est-ce, comme l'acte d'accusation l'affirme, le maréchal Ney qui le premier, et par sa démarche, leur a suggéré ces dispositions?

[ocr errors]

» C'est là, comme nous le concevons tous, le siége principal de l'incrimination. Il est donc in dispensable qu'une révision rapide des témoignages entendus achève d'éclairer vos consciences à cet égard.

C

» On vous a dit. « qu'à la sortie même de Be»sançon, plusieurs soldats avaient manifesté de >> mauvaises dispositions. »

«M. de Grivel : « Que dans la soirée du 15 » mars, étant à Lons-le-Saulnier, il avait écrit » trois lettres; l'une, au Roi; la deuxième, au gé

[ocr errors]

néral Dessoles; la troisième, à M. le comte de

» Vioménil. Dans ces lettres, dit-il, je rendais

>>

» compte de l'esprit des troupes, et je mandais

» que si celles que je voyais dans le département » du Jura se trouvaient jamais en présence de Bo» naparte, plus de la moitié passerait de son côté, >> officiers et soldats. >>

» M. de la Genetière: « Que plusieurs villes >> du Jura avaient un mauvais esprit. La ville de >> Lons-le-Saulnier renfermait aussi une masse » d'hommes dévoués à Bonaparte. »

» M. de Faverney: « Qu'il tient du général » Lecourbe ce propos expiatoire de l'assentiment » qu'il avait donné à la journée du 14: « Que » voulez-vous que je fasse ( avec des juremens ), » si les soldats ne veulent pas se battre?»

[ocr errors]

une

» M.. de Bourmont lui-même : « Il y avait depuis Lyon jusqu'à la limite du Jura >> fureur révolutionnaire fort dangereuse. » » M. Passinges de Préchamp, colonel de Vétatmajor : « J'avais la presque certitude que tout » ce qui était sous-officiers et soldats, et la plus grande partie des officiers subalternes, étaient

[ocr errors]

>> restés affectionnés à Bonaparte, et qu'on ne

[ocr errors]
[ocr errors]

pouvait rien en espérer pour le service du Roi. »>

>> M. le maréchal de camp Guy: « On disait

publiquement que les troupes de l'armée du » maréchal Ney, qui étaient à Lons-le-Saulnier, >> manifestaient hautement et généralement une >> intention bien prononcée de se joindre à Bona

TOME II.

18

« PreviousContinue »