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>> parte, plutôt que de se battre contre lui, en je>> tant dans les rues les cocardes et leurs cartou>>ches, aux cris répétés de vive Napoléon! vive » l'empereur!

>> M. le comte Heudelet : « L'opinion publique » et les dires des voyageurs s'accordaient à peindre » la situation des esprits dans le Jura, comme » étant à peu près dans les mêmes dispositions que >> ceux de mon commandement; la situation politi» que de ceux-ci n'était rien moins que rassurante. » Les royalistes étaient en extrême minorité. La >> masse du peuple était prononcée pour Bona» parte; elle comprimait les serviteurs du Roi, >> elle les menaçait déjà hautement, et les compagnies manifestaient généralement l'intention de grossir l'armée rebelle.

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Je ne crois pas qu'alors le maréchal Ney eût pu s'opposer efficacement aux progrès de Bonaparte, et, à plus forte raison, si, comme j'en suis persuadé, il ne pouvait plus compter sur la fidélité de ses troupes. »

» M. le baron Mermet: « L'intention du ma» réchal était de concentrer ses forces, pour ne » pas livrer les corps isolés à eux-mêmes et éviter >> des points de contact avec Napoléon.

» M. le général Bessières : « Les troupes tin>> rent une conduite disciplinée à la sortie de

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Besançon; mais elles me parurent disposées >> en faveur de Bonaparte... Par cette raison, le » maréchal Ney n'était pas en mesure de s'op» poser aux progrès de Bonaparte; la masse des » habitans du Doubs était en sa faveur. >>

» M. de Vaulchier: « (Avant l'arrivée du ma>> réchal) la disposition des troupes était équi» voque. Je parlai aux officiers de deux régimens >> d'infanterie qui me parurent très-froids. »

>> Enfin, M. de Capelle, dont les déclarations atténuantes pour le maréchal sont si loin d'être suspectes: << J'avais précédemment observé à M.de » Bourmont que, n'ayant environ que quatre » à cinq mille hommes, il me paraissait impos»sible, avec cet esprit de vertige qui se déve»loppait parmi les soldats, il pût espérer au>> cune chance avantageuse en marchant sur les >> troupes de Bonaparte.

>> J'étais convaincu que les troupes du ma» réchal Ney, mal disposées et inférieures en » nombre, n'auraient pas tenu devant celles de » Bonaparte, et auraient immédiatement grossi » le nombre des traîtres, etc., etc. »

>> Dans quelle procédure, sur l'objet capital de l'accusation, a-t-on jamais rassemblé des instructions aussi concordantes, aussi positives? Que résulte-t-il de ces observations multipliées sur l'es

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prit qui dominait à Lons-le-Saulnier, notamment parmi les troupes ? qu'elles étaient, avant le 14 mars, avant l'instant fatal où le maréchal Ney s'est prononcé, tout-à-fait décidées et d'elles-mêmes à aller au-devant de Bonaparte, à suivre l'exemple de leurs camarades du 76°., et s'assurer par les mêmes voies de la résignation du maréchal à les y conduire.

» Ceci à toujours restera pour démontré aux impartiaux; ceci l'était bien pertinemment en tout cas pour le maréchal, lorsqu'il a paru prendre une détermination, et que, dans le fait, il s'est résigné, afin d'éviter un plus grand mal, à concourir à une jonction qui se fût bien effectuée sans lui.

>>

Jusqu'à présent vous êtes fixés, Messieurs, sur une foule de causes, tant générales que particulières, qui ont dû puissamment concourir à ébranler la constance du maréchal Ney; mais ce qui devait achever d'en triompher, vous ne le connaissez pas encore. Je suis ici forcé de rappeler toute votre

attention.

» Sur les simples annonces de l'arrivée de Bonaparte, et plus il approchait des contrées voisines de Lons-le-Saulnier, le faux enthousiasme du soldat avait été croissant de minute en minute. Dans la nuit du 15 au 14 mars, il est tout à coup porté à son comble. De nombreux émissaires de Bona

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parte pénètrent dans le camp du maréchal; ils l'inondent d'affiches et de proclamations imprimées, où sont distillés tous les poisons de la séduction. Le soldat y puise à longs traits l'ivresse et le délire. Les têtes fermentent, toutes se portent au plus haut degré d'effervescence. Bientôt le maréchal en est informé.

» M. Passinges de Préchamp, sous-chef d'étatmajor, est affirmatif sur ce fait de la distribution des affiches et proclamations imprimées.

>> C'était la tactique bien connue de Bonaparte ; il l'avait exactement pratiquée sur toute sa route, à mesure qu'il gagnait du terrain.

>>

Que s'ensuivit-il? qu'à partir de ces contagieuses distributions, le maréchal n'eut plus d'armée; que tous les principes d'action partirent des extrémités au lieu d'être imprimés par la tête du chef.

» A tous ces assauts livrés coup sur coup et de tous côtés à l'imagination du maréchal, vint s'en joindre un dernier, dans la même nuit du 13 au 14 mars, non pas par l'accès donné au fond de sa maison à de vils corrupteurs qui se présentassent avec l'abominable projet d'acheter sa foi; mais par le tableau raisonné dans le sens le plus propre à séduire l'ami fidèle de son pays, celui qui lui avait jusqu'alors tout sacrifié; mais par une habile

énumération de toutes les garanties que Bonaparte prétendait avoir du côté des puissances, du côté de l'Autriche surtout; mais par une peinture déchirante des maux qui allaient se déverser sur la patrie, si le maréchal, par une résistance inconsidérée, et, áprès tout, désormais infructueuse, allait l'exposer à des déchiremens.

» Je veux parler de la lettre reçue du général Bertrand, cet intime confident de Bonaparte, qui sut si bien alors propager ses insidieuses assertions. Tout y était prévu et mis dans la balance. Il y avajt solution à tout; et ce qui acheva de vaincre la répugnance du maréchal, de détruire ses scrupules, dé triompher de ses irrésolutions, ce fut ce qu'affirmait le général Bertrand, ce dont le maréchal était d'ailleurs préoccupé et déja convaincu, que S. M., que son auguste famille, au 14 mars, avaient quitté Paris, et très-probablement aussi la France ellemême; en sorte qu'il y avait, dans l'opinion du maréchal, absence du gouvernement envers lequel il était lié.

>>> Ce dernier aspect sous lequel le changement a été proposé au maréchal, ayant été le plus décisif, vous me pardonnerez, Messieurs, d'y insister. » Vous vous rappelez que les instructions du ministre de la guerre, les seules que le maréchal ait reçues, lui donnaient pour chef supérieur mi

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