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je demande qu'on veuille bien en entendre le développement avant de passer outre à aucune partie de l'instruction. >>

M. le procureur général Bellart, commissaire du Roi, a demandé que le maréchal fùt tenu de présenter ses moyens cumulativement, attendu, at-il ajouté, l'urgente nécessité de mettre fin à une affaire qui intéressait si essentiellement la sûreté

de l'état.

Me. Berryer ayant ensuite obtenu la parole, a prononcé le plaidoyer suivant :

« Je parle pour le maréchal Ney; mes conclusions sont à ce qu'il plaise à la cour, vu l'article 33 de la Charte constitutionnelle; vu l'article 34 de la même Charte, attendu qu'une loi spéciale est nécessaire pour compléter l'organisation de la chambre des pairs en cour de justice, il soit ordonné qu'il sera sursis à toute poursuite contre le maréchal Ney, jusqu'à ce que, par une loi organique et spéciale, la procédure à tenir en la cour ait été fixée.

» Il est pénible, pour le maréchal Ney et ses conseils, d'être réduits à proposer de nouvelles exceptions; nous devons, à la prudence et à la sagesse du Roi, d'avoir reconnu l'erreur dans laquelle les ministres du mois de juillet étaient tombés en attribuant le jugement d'un pair à un

conseil permanent militaire; nous devons à son incroyable magnanimité, d'avoir voulu que cette atteinte portée à la Charte fût réparée; nous devons à cette bonté touchante qui le caractérise éminemment, d'avoir sanctionné la déclaration par laquelle ce conseil s'est déclaré incompétent; d'avoir rendu à la chambre des pairs la haute prérogative de connaître des crimes et délits commis par ses membres en matière criminelle.

>> L'ordonnance du Roi a fixé invariablement la compétence de la chambre des pairs à l'égard du maréchal Ney. Il est enfin rendu à ses juges naturels, qu'il n'avait pas cessé de réclamer; c'est donc à vous seuls qu'il appartient de prononcer sur

son sort.

:

» Je regrette seulement que les ministres du Roi n'aient rendu qu'en partie au maréchal la justice qu'il réclamait c'était comme investi de la qualité de pair au 14 mars, et n'ayant pu perdre cette qualité que par un jugement, qu'il réclamait votre juridiction. Les ministres paraissent avoir craint d'avoir fait cette concession toute entière, celle surtout si importante, que les droits de la pairie à vie ne peuvent se perdre que par un jugement; et ne rendant hommage qu'à l'article 33 de la Charte, le maréchal n'a été traduit devant vous que comme coupable de haute trahison; c'est-à

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dire, que les ministres ne vous ont supposé la compétence qu'à raison de la matière et de la nature du délit, et qu'ils vous l'ont implicitement niée sous le rapport de la personne.

» Etrange abstraction [ministérielle! problème qu'ils ont tranché, de savoir si le statut constitutionnel n'élève pas un pair de France, membre du premier corps de France, à ce degré d'inviolabilité qu'il ne peut être dépouillé de sa qualité que par une condamnation émanée de vous!

» Si cet acte était maintenu, il n'y aurait plus l'ombre d'une garantie pour les pairs contre les entreprises ministérielles, contre l'esprit de parti, qui ont tant de fois attaqué et renversé les institutions les plus utiles.

» Le maréchal Ney n'a pas cessé de penser que malgré le poids de l'accusation terrible qui pèse sur sa tête, l'intégrité des pairs n'a cessé de le protéger, et le protégera toujours jusqu'à la fin de sa vie civile.

» Le maréchal Ney, traduit devant vous, était sans contredit pair de France de nomination royale du 14 mars; il vous sera impossible de ne pas le juger en cette qualité, en même temps que vous apprécierez l'action qu'on lui impute, en jugeant le mérite de l'accusation. Il importe de faire sentir cette distinction, afin de ne jamais séparer l'intérêt

de l'accusé d'avec l'intérêt de la pairie engagé dans l'affaire. Faisons donc abstraction du cas accidentel de démission ou d'abdication; c'est le jour seul où le délit est censé avoir été commis qui doit être pris en considération; l'état possédé au jour de la faute, voilà le régulateur éternel de la forme du jugement criminel duquel seul il peut résulter que le pair demeure sans sauve-garde puisqu'il est sans titre.

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Après ce premier coup d'oeil, je m'abstiendrai des impressions nombreuses que l'acte d'accusation a faites sur l'accusé; l'extrême urgence de la provocation, le ton d'alarme qui y règne, la France, l'Europe qu'on y représente comme sou⚫levées, l'accusé offert comme en holocauste; ceci est du domaine de l'attaque, c'est le langage de l'accusateur, celui de la passion; je ne puis croire que ce soit celui du Roi et de l'Europe.

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» Je ne m'arrêterai pas sur un autre point de vue, sur le premier acte de plainte non reçu ni décrété par la chambre. Je ne pourrais que m'affliger de cette déviation de la marche ordinaire; il sera toujours assez temps pour la défense de l'accusé, de demander si cette conduite est bien le résultat du devoir.

al ob plien » Je ne vous occuperai point d'un troisième point de vue, sous lequel l'ordonnance a blessé les

regards et étonné les esprits même les plus prévenus. Je veux parler de cette espèce d'injonction d'instruire à huis clos sur une procédure illégale.

>> Les amendemens généreux apportés dès le lendemain par la sublime inspiration du monarque, l'ordre postérieur d'instruire publiquement, inspirent le respect et la reconnaissance. Ah, Messieurs! j'osé en concevoir le plus doux espoir; qu'il nous soit permis de l'épancher dans des cœurs français! Si l'Europe considère ce procès solennellement instruit à la face de l'univers, ce monarque comprimant les passions, opposant à leur débordement uue longanimité si touchante, l'Europe reconnaîtra qu'un souverain n'a jamais mieux connu les ressorts de la monarchie qu'en la plaçant dans son cœur et dans son ineffable bonté. C'est encouragé par cette espérance que je passe à l'analyse de la seconde ordonnance.

» Cette ordonnance se réfère aux principes constans; on y trouve nouvelle audition de témoins, communication avec l'accusé, publicité des débats; on respire. Pourtant, quand on considère l'indépendance, la gravité de l'accusation, l'autorité qui accuse, le temps, les événemens où le fait qui donne lieu à l'accusation s'est passé, la définition du délit, combien l'accusé diffère des prévenus ordinaires, on se demande; mais convenait-il

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