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litaire S. A. R. Monsieur, et lui faisaient une loi impérative de prendre les ordres de ce prince, de le seconder, etc.

» Vous vous rappelez que le maréchal Ney, fidèle à ces instructions, avait débuté, dès le 10 mars, par demander à Monsieur de le mettre à la tête de son avant-garde,,

Que la marche accélérée de Bonaparte, et les destinées de la France, en avaient décidé autrement dans Lyon, avant même que l'offre de dévouement du maréchal fût parvenue.

» Vous avez remarqué l'excès de contrariété et d'affliction que la retraite inopinée de Monsieur, de Lyon sur Roanne, avait causé au maréchal Ney, puisqu'en cette occurrence il avait été jusqu'à improuver, ignorant la gravité des obstacles, qu'on n'eût pas marché droit, et tout de suite, contre Bonaparte; qu'on ne l'eût pas combattu, etc.

>> Dans les premiers momens, ce qui avait modéré le chagrin du maréchal Ney, c'est que la retraite sur Roanne, quoique, relativement à lui, elle fût un faux mouvement en ce qu'elle l'éloignait du prince, c'est-à-dire, du centre des opérations; cette retraite du moins était une preuve que tout. n'était pas perdu, qu'il y avait encore moyen de se rallier et de s'entendre.

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» Mais dans les trois jours qui se sont écoulés,

du 10 au 13 mars, ce dernier espoir lui-même d'une communication utile avec Roanne venait d'être enlevé au maréchal Ney. Il avait fait tous ses efforts, d'abord par l'entremise de M. le duc de Mailhé, ensuite par celle du marquis de Saurans, pour obtenir que Monsieur lui intimât ses ordres ou lui communiquât ses plans; qu'à défaut de ressource sur Roanne, S. A. R. daignât venir le joindre à Lons-le-Saulnier, et relever par sa présence tous les courages, toutes les généreuses intentions.

» Aucun des messages du maréchal Ney n'avait pu rejoindre Monsieur. Dans la nuit du 13. an 14, il eut la certitude que S. A. R. s'était rendue directement à Paris; qu'ainsi tout plan de campagne était abandonné.

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>>> Six lettres consécutives que le maréchal avait adressées en trois jours au ministre de la guerre, par des courriers extraordinaires et à heures datées, étaient restées sans réponse. Aucune nouvelle de Paris ne lui était parvenue. Il ignorait absolument ce qui pouvait s'y passer. Dans un tel délaissement, quelles inquiétudes, ou plutôt quels noirs pressentimens l'imagination troublée du maréchal ne devait-elle pas concevoir? Et quel crédit ont dû avoir sur son esprit les assertions du général

Bertrand, que la famille royale avait pris le parti de se retirer!

gouver

» Ce n'était pas d'ailleurs uniquement par cette voie, que le maréchal avait été abusé sur le départ anticipé des princes. Il paraît que Bonaparte, enflé de ses succès dans Lyon, y avait commencé à en semer le bruit. Il fallait bien qu'il eût ainsi expliqué les mesures qu'il prenait de s'emparer du nement, comme vacant, pour que les 11 et 12 mars, le maire de la ville de Lyon, homme estimable sous tous les rapports, royaliste fidèle, et qui de sa vie n'avait été en rapport avec Bonaparte, prît sur lui de faire imprimer et afficher les deux proclamations dont je suis muni. Ce maire ayant cédé à l'illusion nécessaire de l'interrègne, le maréchal Ney,qui n'était qu'à vingt-trois lieues de distance, avait dû promptement la partager.

» A plus forte raison, trois jours plus tard que le 11, Bonaparte, toujours plus attentif à ce qui ponvait lui aplanir les obstacles, ceux l'honque Deur surtout devait lui opposer, n'avait-il pas manqué de propager son fabuleux système de la retraite du Roi?

» Lisez, Messieurs, le Moniteur du 19 mars; vous y vérifierez, à l'article Paris du 18, qu'avant d'entrer dans Autun, Bonaparte avait fait publier, entre autres, cette imposture. L'article porte :

Bonaparte continue à répandre sur la route le » mensonge et la corruption.... Il débite les fables » les plus absurdes, telles que le départ du Roi de » Paris, et le soulèvement de la capitale, etc. »

>> En même temps reportez-vous, Messieurs, à ce témoin que j'ai déjà tant de fois invoqué, quoiqu'il nous soit de tous le moins favorable; c'est M. de Bourmont; que vous atteste-t-il? Que dans la matinée du 14, le maréchal Ney, au moment où il communiqua à lui et au général Lecourbe la proclamation qu'il se proposait de lire aux troupes, en donna pour motif, que tout était fini, que le Roi devait avoir quitté Paris. M. de Bourmont, pour l'acquit de sa conscience, sans doute, est revenu à deux reprises sur cette particularité: en un autre endroit de sa déposition écrite, il a répété tenir du maréchal, que le Roi ne devait plus être à Paris, que le conseil lui avait été donné de quitter cette ville, etc.

» En combinant toutes ces relations, il n'y a aucun doute que le maréchal Ney n'ait cru fermement que sa détermination ne ferait aucun tort au Roi; que S. M.,pour éviter l'effusion du sang, s'était éloignée; qu'il y avait absence réelle de tout gouvernement, et qu'au total c'était au salut de la chose publique qu'il fallait courir.

>> Tout cet antécédent demeurant avéré, je vous

supplie présentement, Messieurs, avant d'asseoir votre jugement sur la lecture de la fatale proclamation, de saisir diverses nuances qui me semblent en atténuer excessivement le reproche.

>> D'abord c'est un point qu'on ne me contestera pas, que cette pièce n'est nullement l'ouvrage du maréchal Ney.Le style seul en décèle assez l'auteur. Elle lui a été apportée toute rédigée. En s'arrê tant à la date qu'elle a conservée, du i3 mars, il est évident qu'elle était composée d'avance, le jour de la lecture qui en a été faite se trouvant unanimement fixé au 14.

>> Ensuite son contenu n'offrait rien de neuf : à quelques tournures de phrases près, c'était en substance la répétition de tant d'autres affiches et proclamations déjà lues, déjà affichées ou distribuées, saus qu'aucun des auteurs de cette publicité ait été recherché.

»Dans l'état d'exaspération où étaient les troupes, la leur faire connaître n'avait au fond rien de dan-> gereux. C'était les occuper tout simplement de lat lecture d'une gazette dont plusieurs soldats avaient des exemplaires dans leurs poches. Cette lecture ne pouvait pas changer les dispositions d'un seul homme: elles étaient, chez tous, assez prononcées.

» Quand le maréchal se fut décidé à satisfaire l'impatience des soldats, par ce signe d'adhé

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