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ce que le 14 il venait de consentir à Lons-le-Saulnier? N'est-il pas exactement entré, par le fait, dans les vues de l'auguste monarque, d'épargner par-dessus tout l'effusion du sang, préférant de faire à la France tous les sacrifices d'amour-propre, d'intérêt, même de gloire du moment, plutôt que de la livrer à tous les fléaux de la guerre civile?

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»Cependant, Messieurs, et quelle que soit ma sécurité sur le jugement qu'en ont déjà porté toutes les consciences impartiales, je ne m'aveugle point; je sens que la part n'est pas faite encore entière pour l'honneur du maréchal de France, pour sa justification absolue, et vis-à-vis de la patrie, dont il est accusé, lui son défenseur passionné, d'avoir aidé à préparer les malheurs; et vis-à-vis des hommes de guerre, qui -estiment que le maréchal aurait dû préférer tout autre expédient; et vis-à-vis de nos princes augustes, que de calomnieuses et inconvenantes allégations imputent au maréchal de n'avoir pas respecté comme devaient l'être d'aussi illustres infortunés.

Vous le savez, Messieurs, l'acte d'accusation procède contre le maréchal Ney, par la supposition, à présent bien démentie, que c'est lui qui, સે par la lecture de la proclamation, a détaché du service du Roi des troupes qui lui seraient restées

TOME II.

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fidèles; puis par cette autre assertion, qui n'est plus qu'une induction, que c'est donc essentiellement à la trahison, au parjure du maréchal Ney, qu'il faut attribuer ce déluge de maux dont la France fut inondée.

» Si le maréchal Ney n'avait besoin, dans cette notable affaire, que de parler à la raison impassible de ses juges, je dédaignerais, Messieurs, de le disculper plus pertinemment de ces contumélieuses excursions. Mais nous ne nous le dissimulons pas; nous avons besoin de ramener même un peu de bienveillance. La vérité des faits y a des droits certains faisons donc connaître ceux qui sont de nature à démontrer que l'action du maréchal, dans la journée du 14 mars, à Lons-le-Saulnier, n'a exercé aucune influence réelle d'abord sur les troupes qui en ont été les témoins, ni sur l'occupation de Paris par Bonaparte, ni conséquemment sur les suites de cette occupation. Transitoirement nous vengerons le maréchal des atteintes portées à ce qui le distingue le plus éminemment, les qualités du cœur, la droiture de son âme,

» Que le maréchal Ney, dans le cours d'une instruction criminelle, commencée au mois de septembre 1815, trois mois après l'heureux retour de S. M. daus la capitale, et le rétablissement de son immuable puissance, ait été calomnié par

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quelques témoins, même avec violence, au sujet de la proclamation lue, des effets qu'elle avait produits, ou des discours qu'il aurait tenus pour la faire trouver raisonnable, nécessaire; ceci, Messieurs ne doit étonner personne.

» La révolution, c'est le lot ordinaire de tous les hommes en place; les intentions les plus pures, les plus généreuses, n'empêchent pas qu'on ne le leur assigne; chacun d'ailleurs voit les choses avec le prisme de la prévention, et en raisonne dans le sens toujours conforme à ses vues. Que si, ce qui n'est que trop ordinaire, il se mêle à ces manières de voir quelques craintes d'être surpris soi-même portant encore la tache de quelque péché originel, ou quelque ambition d'être réputé avoir toujours marché dans la voie de la prescience, de l'infaillibilité et du salut, alors les divagations impitoyables sur autrui s'expliquent, et aussi les coups en sont bientôt amortis.

» Tout le monde se le dit : L'aurore, à son apparition, dissipant les pâles clartés, éveillant tous les intérêts personnels, fixe, vers l'astre du jour, les regards de plus d'un converti.

>> Un homme, d'ailleurs, du caractère prononcé du maréchal Ney, qui n'a le langage que d'une franchise martiale indomptée, qui, en toutes les occasions, consulta, non ce qui importait à sa

gloire ou à sa fortune, mais ce qui importait au bien de son pays, dont il est idolâtre; un homme qui n'a jamais pu se familiariser avec les mœurs des salons et des cours; un pareil homme, qui ne sait que se battre, a dû se faire beaucoup d'ennemis, et attirer sur lui d'inévitables orages, par cela même que c'était un rocher assis au milieu des vagues.

>> On parle et reparle sans cesse de la proclamation qu'il a lue aux troupes de Lons-le-Saulnier. Mais, avant celle-là, combien d'autres proclamations du même genre avaient été lues, et avaient causé précisément ces ravages qui ont nécessité la sienne? Pourtant le maréchal Ney (Dieu soit loué, du moins pour le nombre!) est le seul qui soit traduit, pour ces simples lectures, sur le banc des accusés.

» Mais c'est cette lecture, poursuit-on, qui a désorganisé l'armée de Lons-le-Saulnier. Je pourrais, sans danger, m'en tenir à la preuve que j'ai faite plus haut du fait que les dispositions des troupes à Lons-le-Saulnier étaient mauvaises; que le génie de l'insurrection y dominait; que déjà il avait éclaté si bien que, deux des plus braves généraux n' 'n'admettaient aucune sûreté pour eux-mêmes à le contrarier, et qu'ils l'auraient hasardé en pure perte.

» Visiblement, si ces mauvaises dispositions s'étaient manifestées d'avance, la lecture de la clamation n'a pas pu les faire naître.

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» A toutes fins néanmoins, et pour d'autant plus soustraire le maréchal Ney à la responsabilité de l'insurrection, dont ses accusateurs le chargent je me hâte de rappeler ce que les témoins nous attestent des résultats de la lecture.

» M. de Bourmont, interpellé à ce sujet, a déposé : « La lecture fit crier vive l'empereur! » aux trois quarts de l'infanterie et aux sous-offi»ciers de cavalerie qui avaient mis pied à terre. » En cela M. de Bourmont semble laisser planer sur M. le maréchal le soupçon d'avoir devancé le vœu au moins du dernier quart de l'armée; et il l'aggrave par l'allégation que lui-même avait dissuadé de la lecture et l'avait blâinée. Je ne lui ferai plus qu'une difficulté: s'il était vrai que M. de Bourmont se fut déclaré aussi fort opposant à la lecture, pourquoi est-il venu, à quelques heures de là, se placer au banquet de corps qui fut donné ?

» M. le général Lecourbe avait sans doute mieux observé que M. de Bourmont l'effet de la lecture; car il a déposé (qu'après l'avoir entendue),

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la majeure partie des troupes, ou plutôt la cé» NÉRALITÉ, manifesta hautement son opinion » en criant vive l'empereur! Quelques officiers

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