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l'évacuation de Paris. Ce dernier avantage ne doit pas rester à l'imposture qui a égaré les accusateurs du maréchal.

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Daignez, Messieurs, consulter tous les journaux des 15, 16, 17 et 18 mars, qui sont ceux des derniers jours d'irrésolution; je les ai tous trèsscrupuleusement vérifiés; tons, ils continuaient à parler des excellentes dispositions du maréchal Ney on ignorait à Paris, encore au 18 mars, qu'il eût été contraint d'en changer. Sa démarche n'a donc exercé aucune influence réelle.

>> 'Je finis, Messieurs, cette partie de la défense, par repousser avec le sentiment de l'indiguation dont le maréchal est pénétré, cette vile et scandaleuse attaque livrée à son caractère par des hommes qui ont cru s'accréditer en le rendant odieux à nos princes; ils ont sali leurs dépositions, devant le conseil de guerre surtout, de téméraires ouï-dire, sur ce qui serait échappé au maréchal Ney de discours offensans pour Sa Majesté. Quelle plus lâche tradition propagea jamais l'esprit d'intrigue et de calomnie! C'était là, selon eux, le moyen certain de perdre le maréchal, l'occasion unique de se donner du relief à eux-mêmes.

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Qu'elle est admirable dans ses dispositions, cette Providence qui, tôt ou tard, fait prédominer la vérité! A côté de ces criminelles suppositions,

se montrent désormais à toutes les pages de l'instruction, des témoignages irrécusables du respect que le maréchal a toujours porté au Roi et à sa famille, de sa sincère admiration pour les qualités qui la distinguent, de l'intérêt non douteux qu'il prenait à sa cause. Et ces premières harangues à ses soldats, et ces larmes versées sur le sort de Louis XVI, et ces offres écrites de marcher à l'avant-garde de Monsieur; tous ces traits d'élan naturel ne démontrent-ils pas que, de la même bouche, n'ont pu sortir des expressions contradictoires pour l'intention, et blasphématiques?

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» Ceux qui savent à quelle famille le maréchal s'est allié, quelles opinions il a dû y prendre, d'après les maux qu'elle a bravés pour la cause royale et l'attachement qu'elle lui a gardé pendant vingt-cinq ans, d'avance ont prononcé anathème contre les dénonciateurs du maréchal. Un d'eux a été assez lâche pour le poursuivre dans la personne de sa femme, en mettant dans la bouche du maréchal des plaintes que celle-ci lui aurait faites sur l'accueil qu'elle recevait à la cour. Le témoin aura confondu et adopté ce propos de Bonaparte, qu'il n'a que très-notoirement encensé depuis le 20 mars. Madame la maréchale, traitée toujours avec bonté par des princes qui savent tenir compte des sentimens qu'on leur doit, n'a

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jamais pu avoir sur les lèvres l'accent de la plainte, ni son mari la repéter. »

Ici Me. Berryer, qui avait parlé plusieurs heures, a paru très-fatigué, et a annoncé qu'il lui restait à développer les moyens de droit. Alors Me. Dupina 'demandé que le reste de la défense de l'accusé, infiniment moins long que la première partie, fût 'continué au lendemain, en faisant observer que les avocats étaient épuisés de veilles et de fatigues. M. Bellart. Ce qu'on vient demander est sans exemple.

Me. Dupin. Messieurs, je réduis ma demande à une simple question d'humanité.

M. le duc d'Uzès. Monsieur le président, veuillez rappeler l'avocat à l'ordre.

M. le président a accordé une heure de suspension dans la séance, et a permis à l'accusé de se retirer.

Pendant cet intervalle, MM. les pairs se sont réunis dans la salle du conseil.

M. le président a lu un billet de M. le comte Tascher, pour demander d'interdire à l'accusé de faire lire, par ses défenseurs, l'art. 12 de la convention faite sous 'Paris.

M. le président. Je suis, Messieurs, de l'avis de M. le comte Tascher; j'ai le droit, par le pouvoir discrétionnaire que m'accorde la loi, de faire

cette interdiction; je désire néanmoins connaître l'avis de MM. les pairs.

M. le comte Garnier. Le moyen que l'accusé pourrait tirer de cette convention est sans fondement; il ne peut être entendu, parce que c'est tout-à-fait un moyen préjudiciel. Les défenseurs

sont plus recevables à rien présenter de semblable, depuis l'arrêt qui leur a ordonné de produire tous leurs moyens préjudiciels.

M. le comte Lanjuinais. Je demande la parole.

M. Desèze. Il y a arrêt, vous ne pouvez pas parler contre un arrêt.

M. le comte Lanjuinais. Oui, c'est cela même ; je veux parler contre cet arrêt.

« La convention faite sous Paris a été stipulée précisément pour les délits politiques, et il s'agit dans ce moment du sort d'un militaire illustre ! Cette convention. fournit une exception, non pas seulement préjudicielle, mais péremptoire, puisqu'elle détruit l'accusation. Les exceptions péremptoires peuvent s'opposer à toutes les périodes de la procédure, jusqu'à ce qu'il y ait condamnation. Cela est reconnu, écrit dans tous les livres, reçu dans tous les temps, admis dans tous les pays.

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Quant à l'arrêt, il n'est dans sa nature qu'interlocutoire, que préparatoire : jamais les juges

ne sont liés

par de tels actes; c'est encore là un des premiers principes de procédure.

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M. le président. Lorsqu'on opinera, ce moyen pourra être discuté; cependant il convient d'interdire la lecture de l'art. 12 de la convention.

M. le comte Molé. Cette convention est purement militaire ; si on pouvait en faire l'application au prévenu, l'ordonnance du Roi du 24 juillet n'aurait pas été rendue.

Le président a mis la question aux voix, et la chambre a décidé qu'on ne permettrait pas la lecture de l'article.

La séance ayant été reprise, M. Berryer a continué :

« Je crois avoir complètement justifié M. le maréchal Ney sur le fait de la préméditation dans le crime qui lui est imputé; je crois avoir démontré jusqu'à la dernière évidence que le maréchal n'avait rien prévu, rien médité. Dans toute sa conduite, dans toutes ses actions, il n'a eu d'autre objet en vue que la patrie. Quelle que soit la nature des gouvernemens qui se sont succédés en France, le maréchal Ney, dans tous ces orages politiques, n'a jamais cessé d'être guidé par l'amour de son pays. Ne l'a-t-on pas vu, dans le mois de mars de l'an dernier, à Fontainebleau, dictant, en faveur de la France, à Bonaparte, l'abdication de son

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