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M. le maréchal. Je défends à mes défenseurs de parler, à moins qu'on ne leur permette de me défendre librement.

M. Bellart. Puisque M. le maréchal veut clore les débats, nous ne ferons plus, de notre côté, de. nouvelles observations. Nous ne répondrons même pas à ce qu'on s'est permis de dire contre quelques témoins, et nous terminerons par notre réquisitoire.

1

Ici, M. le procureur-général a donné lecture de son réquisitoire, dans lequel il a requis, au nom des commissaires du Roi, que la chambre appliquât au maréchal Ney les articles du Code pénal, relatifs aux individus convaincus du crime de haute trahison et d'attentat à la sûreté de l'état. Le président. Accusé, avez-vous quelques observations à faire sur l'application de la peine? Le maréchal. Rien du tout, Monseigneur. Le président. Faites retirer l'accusé, les témoins et l'audience.

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Sur cet ordre, tout le monde s'est retiré, et la Cour est demeurée dans la salle pour délibérer.

Avant de donner quelques détails sur la délibération de la chambre, nous croyons devoir mettre sous les yeux du lecteur la pièce suivante ; elle faisait partie de la défense du maréchal, et devait servir de base à la réplique de Me, Dupin,

CONSIDÉRATIONS SOMMAIRES

SUR L'AFFAIRE

DE M. LE MARÉCHAL NEY;

PAR M. DUPIN, AVOCAT.

Accusateurs, vons voulez placer sa tête sous la foudre; et nous nous voulons montrer

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comment l'orage s'est formé !

« UN homme qui, depuis vingt-cinq ans, n'a cessé de combattre à la tête de nos armées; dont le nom se rattache à tous les faits d'armes qui ont illustré notre pays; dont l'Europe entière admire la valeur et le génie militaires; qui, de simple soldat, sans intrigue et sans blesser l'envie, est arrivé de lui-même aux plus hautes dignités nationales; l'élève, le camarade, l'émule des Klébert et des Moreau, est accusé du crime de haute trahison!

» Il est accusé d'avoir attaqué la France et le Gouvernement à main armée (1) : la France

(1) Ordonnance du 24 juillet.

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qu'il aima si passionnément, qu'il défendit avec tant de courage! le gouvernement d'un Roi dont il chérissait la personne, pour se jeter dans les bras d'un usurpateur qu'il avait, peu de mois auparavant, forcé à l'abdication!.

» Le maréchal Ney, dit-on, pouvait arrêter la marche de Bonaparte ; il pouvait sauver son pays ! et, par une conduite opposée, il a attiré sur la France tous les malheurs dont elle est maintenant accablée.

» Ainsi, dans le système de l'accusation, le maréchal est encore agrandi. Il semble que dans ses seules mains était le salut de l'état ; que lui seul pouvait, s'il l'avait voulu, sauver la monarchie de la plus funeste des révolutions!

» Ah! si telle eût été la position du maréchal Ney, qu'il eût réuni près de sa personne les moyens nécessaires pour obtenir un si beau résultat, qui peut douter que son âme ardente, surtout lorsqu'il s'agissait de la gloire, n'eût saisi avec transport l'heureuse occasion de nous soustraire au nouvel empire de notre ancien tyran ?

>> Mais il ne faut que se reporter à la fatale journée du 14 mars, pour être convaincu qu'à cette époque, le mal de l'insurrection avait déjà fait des progrès si rapides, qu'il n'était plus possible de l'arrêter. C'était comme une marée dont la

force, toujours croissante, devait s'élever irrésistiblement jusqu'à la hauteur marquée par le doigt de Dieu huc usquè venies.

:

» L'accusation a d'abord pris tous les traits de la calomnie.

<< Dans les premiers temps de l'arrestation du maréchal, on a imprimé et publié, dit et répété,

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Qu'il était entré dans un complot, dont le but était de remettre Bonaparte sur le trône;

>> Que, pour le mieux seconder après son débarquement, il avait offert ses services, et promis de le ramener dans une cage de fer;

>> Qu'en baisant la main du Roi, il avait déjà formé dans son cœur le dessein de le trahir; » Que, joignant l'avidité à la perfidie, il s'était fait compter, avant son départ, une somme de 600,000 francs;

>>

Qu'enfin, il avait effectivement trahi son prince et son pays dans la journée du 14 mars ; » Et qu'ainsi, il était coupable du crime de haute trahison et d'attentat à la sûreté de l'Etat.

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Aujourd'hui il est bien démontré:

Que le maréchal n'a ni demandé ni reçu la prétendue somme de 600,000 francs;

» Qu'il n'a pas offert ses services; mais qu'il était à sa terre des Coudreaux, lorsqu'il y reçut, du mipistre de la guerre, une lettre qui lui ordonnait

de se rendre en toute hâte dans son gouverne¬

ment;

Qu'au 7 mars il ignorait encore le débarquement de Bonaparte; qu'en apprenant cette nouvelle, il fut frappé de surprise et de conster nation;

Que, lorsqu'il prit congé du Roi, il était de bonne foi, et qu'il emportait avec lui le désir de s'opposer de toutes ses forces à Bonaparte, et de faire échouer ce qu'il appelait sa folle entreprise.

» Ceux que la passion a pu induire à penser le contraire, n'ont pas réfléchi que le maréchal Ney avait tout à perdre et rien à gagner au retour de Bonaparte.

» Maréchal, prince, duc et pair de France, il n'avait plus rien à désirer du côté des honneurs ; son unique désir était et devait être de jouir tranquillement de sa gloire sous le gouvernement paternel d'un Roi qui savait gré des services mêmes dont il n'avait pas été l'objet : il devait, au contraire, appréhender le retour d'un ambitieux dont il avait autrefois bravé la hauteur, et qu'il avait contraint d'abdiquer.

le

>> On est donc forcé de renoncer à l'idée que maréchal eût prémédité aucune trahison, qu'il eût tramé aucun complot, ni qu'il fût entré dans au

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