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dans son premier interrogatoire devant M. le rapporteur, le maréchal s'était réservé le droit d'invoquer, lors des plaidoiries, le moyen résultant de la convention du 3 juillet; et, ce qui est bien plus fort, n'oublions pas que le traité du 20 novembre n'a paru que le 28, et que, par conséquent, on n'a pas pu l'invoquer auparavant. Par la même raison, la chambre, en obligeant à proposer cumulativement les moyens préjudiciels, n'a pas entendu exclure la proposition ultérieure de ceux qui, au jour de l'arrêt, n'existaient pas encore. C'est ainsi que j'aurais placé le maréchal sous la protection des traités, sous la sauve-garde de la foi jurée, de cette foi que les anciens pla çaient dans l'Olympe à côté de Jupiter, et à laquelle un de nos monarques assignait pour dernier refuge le coeur des Rois.

» La plaidoirie eût fini par des considérations politiques par lesquelles j'aurais essayé de désarmer la sévérité de la cour, en lui présentant la clémence comme le meilleur moyen de rallier tous les Français en préparant l'oubli de nos dissensions civiles. Enfin, j'aurais montré notre chère patrie, non comme une terre sèche, altérée du sang français; mais comme une mère tendre, affligée sans doute des torts de ses enfans, mais fière encore de les porter sur son sein; prête à oublier leurs fautes, en compensation de leurs

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services, et souriant malgré elle au souvenir de ce qu'ils ont fait de grand.

Comité secret, commencé à six heures (1).

Avant de poser la question, plusieurs pairs ont soutenu qu'ils étaient jurés politiques, et qu'ils avaient évidemment par-là le droit d'appliquer la peine qu'ils jugeraient convenable, ou de la modifier au besoin d'abord par des considérations d'intérêt public; ensuite parce qu'on a interdit à l'accusé la faculté de prononcer la dernière partie de sa défense; parce qu'il était reconnu au procès qu'il n'y avait pas eu de la part du maréchal préméditation; parce qu'il avait rendu d'éminens services à la patrie; parce qu'enfin le code pénal actuel n'est pas approprié aux circonstances.

D'autres pairs ont soutenu, au contraire, qu'il y aurait anarchie à se considérer comme jurés politiques.

La cour consultée a arrêté qu'il y aurait trois, questions sur le fait et une sur la peine, et que sur toutes les questions chaque pair voterait librement, selon sa conscience, sans être astreint à aucune formule.

(1) La chambre avait antérieurement décidé que pour la condamnation il faudrait cinq voix sur huit.

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La première question fut ainsi posée par M. le président :

« Le maréchal Ney a-t-il reçu des émissaires » dans la nuit du 13 au 14 mars? »

L'appel nominal terminé, le président a annoncé que,

Sur 161 votans, III pairs ont été pour l'af firmative, et 47 pour la négative.

Trois pairs, MM. Lanjuiuais, d'Aligre et de Nicolaï, ont protesté, alléguant qu'ils ne pouvaient juger en conscience, attendu le refus qu'on avait fait à l'accusé d'entendre la fin de sa défense sur la convention du 3 juillet.

t

La cour a passé à la deuxième question :

Le maréchal Ney a-t-il lu, le 14 mars, une >> proclamation sur la place publique de Lons-le>> Saulnier, et a-t-il invité les troupes à la rébel» lion et à la défection? >>

L'appel nominal fait sur les 161 votans, 158 pairs ont été pour l'affirmative; les trois pairs ont persisté dans leurs protestations. Troisième question

<<< Le maréchal a-t-il commis un attentat à la sûreté de l'état ? »

Nouvel appel nominal.

157 voix sur les 161 ont été pour l'affirmative, une seule voix, celle de M. le duc de Broglie,

pour la négative. Les trois pairs désignés à la première question ont encore persisté dans leur protestation.

On a passé à la quatrième et dernière question, relative à la peine à appliquer.

Il a été fait de nouveau un appel nominal.

Sur les 161 votans, 139 voix réduites à 128 à cause d'avis semblables entre parens, ont voté en partie pour la peine capitale appliquée suivant les formes militaires.

Parmi ces 145 pairs, 5 ont voté en recommandant le maréchal à la clémence du Roi.

13 pairs, usant de la faculté accordée de pouvoir modifier la peine, ont voté pour la déportation, et 4 autres se sont abstenus.

M. le président a informé la chambre qu'il allait être procédé à un nouveau tour de scrutin pour savoir si l'on modifierait la peine.

Avant l'appel nominal, la chambre a entendu un éloquent discours de M. le comte de Malleville, sur la nécessité de modifier la peine tant sous le rapport politique que sous celui de l'illustration de l'accusé. Cette opinion a été soutenue tour à tour par MM. Lemercier, Lenoir-Laroche, Chol

let et Lanjuinais.

Ce dernier pair, abandonnant le système de protestation dans lequel il avait persisté jus

qu'alors, pour concourir à faire atténuer la peine, a dit: Il n'y aurait point de chambre des pairs on il ne devrait pas y en avoir si, en fait de crimes d'état, elle n'était pas un grand juri politique astreint principalement aux considérations d'utilité publique. Ainsi, a-t-il ajouté, considérant :

1

1o. La conviction où je suis qu'il y a des vices majeurs dans l'instruction;

2o. L'art. 12 de la convention de Paris, qui s'applique à l'accusé ou à personne, et qui a été rejeté sans l'entendre dans ses moyens de défense;

3o Les circonstances atténuantes que chacun connaît, et qui, véritablement, ne sont prévues par aucune de nos lois;

4. Redoutant pour ma patrie l'abîme de malheurs qui peuvent naître de la multiplication des supplices pour des crimes politiques, multiplication que je verrais appelée par celui de l'accusé; j'accède à l'avis pour la peine de la déportation.

L'appel nominal terminé,

Sur les 161 membres présens,

139 voix, réduites à 128 à cause d'avis semblables entre parens, ont persisté pour la peine capitale ;

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