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» puni de mort, quand même la désertion n'aurait >> point eu lieu ; »

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» L'article 1er., titre III: « Tout militaire ou >> autre individu, attaché à l'armée ou à sa suite » convaincu de trahison, sera puni de mort; >>

>> Condamne Michel Ney, maréchal de France, duc d'Elchingen, prince de la Moscowa, ex-pair de France, à la peine de mort; le condamne pareillement aux frais du procès;

» Ordonne que l'exécution aura lieu dans la forme prescrite par le décret du 12 mai 1793, et à la diligence des commissaires du Roi;

>> Et, conformément à la faculté accordée par l'ordonnance de Sa Majesté, en date du 12 novembre dernier, sera le présent arrêt prononcé publiquement, hors la présence de l'accusé, et en présence de ses conseils, ou eux appelés, et lu et notifié à l'accusé par le secrétaire-archiviste de la chambre des pairs, faisant les fonctions de greffier, à la diligence des commissaires du Roi.

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Après le jugement, M. le procureur-général a requis que, conformément àla loi du 24 ventôse an 12, le condamné fût dégradé de la Légion d'honneur.

M. le président a prononcé que le maréchal Ney avait manqué à l'honneur, et a déclaré, au nom de la légion d'honneur, qu'il avait cessé d'en être membre.

» Le présent arrêt sera imprimé et affiché à la diligence de MM. les commissaires du Roi. "

>> Fait et prononcé en chambre des pairs, à Paris, le 6 décembre 1815, en séance publique.»>

Après le prononcé du jugement, la chambre s'est formée en comité général, pour laisser aux cinq membres qui ont été d'avis de recommander le maréchal à la clémence du Roi, la faculté de renouveler leur proposition, après toutefois avoir entendu le procureur général de la cour royale. Cette proposition n'a pas eu de suite.

On a proposé ensuite que tous les membres présens signassent le jugement: plusieurs pairs s'y sont opposés, en disant qu'ils ne pouvaient apposer leur signature sur un acte fait contre leur avis que néanmoins ils étaient prêts à signer le procèsverbal des opinions.

On a fait observer que les juges des cours et tribunaux étaient obligés de signer les jugemens de leur chambre, à peine d'amende.

Le président a fait remarquer que, le refus de quelques pairs n'entraînant pas la nullité du jugement de la chambre, il convenait de passer

Outre.

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Le jugement et l'expédition ont été immédiatement signés.

La séance a été levée à trois heures du matin.

Le 7 décembre, à trois heures du matin, la garde du maréchal avait été remise à M. le maréchal de camp comte de Rochechouart, `commandant de la place de Paris, qui avait été chargé par M. le lieutenant général Despinois, commandant la première division, d'après les ordres de MM. les commissaires du Roi, d'assurer l'exécution de l'arrêt de la cour.

A trois heures et demie, M. le chevalier Cauchy, secrétaire archiviste de la chambre des pairs, remplissant les fonctions de greffier, s'est présenté dans la prison du maréchal; qui dormait profondément, pour lui lire son arrêt. Lorsque M. le chevalier Cauchy en vint à la lecture des titres et qualités du maréchal; celui-ci l'interrompit en lui disant: «Dites Michel Ney, et un peu de pous

sières.... »

Le maréchal entendit la lecture de l'arrêt avec le plus grand calme.

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Sur l'observation qui lui fut faite qu'il était le maître de faire ses adieux à sa femme et à ses en

fans, il demanda qu'on leur écrivit de venir entre

six et sept heures du matin, « J'espère, ajouta-t-il, » que votre lettre n'annoncera point à la maréchale » que son mari est condamné: c'est à moi à lui » apprendre quel est mon sort. >>

M. Cauchy s'est alors retiré, et le maréchal se jeta tout habillé sur son lit. Il ne tarda pas à s'endormir.

A quatre heures et demie du matin, il fut réveillé par l'arrivée de la maréchale accompagnée de ses enfans et de madame Gamon, sa sœur. Cette femme infortunée, en entrant dans la chambre de son mari, tomba roide sur le plancher; le maréchal, aidé de ses gardes, la releva; à un long évanouissement succédèrent des pleurs et des sanglots. Madame Gamon, à genoux devant le maréchal, n'était dans un état moins déplorable que sa sœur. Les enfans, sombres et silencieux, n'ont pas pleuré; l'aîné est âgé de onze à douze ans. Le maréchal leur a parlé assez long-temps, mais à voix basse. Tout à coup il s'est levé, et a engagé sa famille à se retirer.

pas

>> Resté seul avec ses gardes, il s'est promené dans sa chambre. Un de ces gardes, grenadier de Laroche-Jacquelin, lui a dit : « Maréchal, au point où vous en êtes, ne devriez-vous pas penser à Dieu? C'est toujours une bonne chose que de se réconcilier avec Dieu. » Le maréchal s'arrêta, le regarda;

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et, après un moment de silence, il lui dit : « Vous » avez raison, oui, vous avez raison; il faut mourir » en honnête homme et en chrétien: je désire voir >> M. le curé de Saint-Sulpice. » Ce brave grenadier ne se le fit pas dire deux fois; l'ordre fut donné, et le curé de Saint-Sulpice ne tarda pas à être.introduit dans la chambre du maréchal. Il resta enfermé trois quarts d'heure avec lui. Lorsqu'il se retira, le maréchal lui témoigna le désir de le revoir à ses derniers momens. Ce vertueux ecclésiastique dui tint parole. A huit heures et demie il était de retour. A arreuf heures le maréchal, averti que le moment était arrivé, a descendu d'un air ferme et tranquille, au milieu de deux lignes de militaires, les degrés de l'escalier du palais du Luxembourg. Une voiture l'attendait à la porte du jardin; M. le. curé de Saint-Sulpice y est monté avec lui, et le maréchal lui a dit : « Montez le premier,monsieur le » curé; je serai plus vite que vous là-haut. » Arrivé à la grille qui donne du côté de l'Observatoire, le maréchal a mis pied à terre et s'est allé placer plus loin,,en face des vétérans commandés pour l'exécution de l'arrêt.

Sur la proposition faite au maréchal de lui bander les yeux et de se mettre à genoux, il a répondu : « Ignorez-vous que depuis vingt-cinq ans j'ai l'habitude de regarder en face la balle et le

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