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cher dans ses vrais intérêts, puisque j'ai combattu pour le triomphe des vrais principes et de la Charte constitutionnelle. Je me tais, et j'attends avec confiance votre arrêt. »

Après ce plaidoyer, M. Bellart, procureurgénéral, a dit :

« Les défenseurs de l'accusé annoncent qu'ils sont loin d'avoir terminé l'exposé de leurs moyens; je demande qu'ils les présentent cumulativement. Je ne veux pas penser que les lenteurs où ils se rattachent aient pour but de vouloir échapper à la justice; mais enfin, devant un tribunal en dernier ressort, tous les moyens doivent être produits. Il n'est plus temps de chercher la justification du maréchal Ney dans une sorte d'affectation à éluder tous les tribunaux et tous les juges. Plus de divagation le péril de ce procès doit avoir enfin des bornes; il n'est plus temps de reculer un jugement qui devrait être terminé. Je crois, au nom des commissaires du Roi, devoir insister pour que les défenseurs ne soient admis à émettre leurs moyens préjudiciels qu'en les présentant collectivement. S'il est quelques nullités qu'ils prétendent alléguer, je me réserve de les combattre. >>

Mr. Dupin a répliqué :

« Ce qui est préjudiciel doit, avant tout, être décidé par un jugement: si l'on nous refusait la

loi demandée, encore faudrait-il nous accorder les délais nécessaires pour produire une défense; en nous retranchant pied à pied dans nos demandes, on nous réduirait à l'impossible, auquel nul n'est tenu, Elle serait arrivée cette loi que nous sollicitons, si, au lieu de suivre une marche tortueuse, le ministère eût procédé légalement et suivi la ligne directe de la constitution. Combien faut-il de temps pour obtenir une loi? Celui quia suffi pour rédiger les deux ordonnances. Nous avons, avant tout, espéré qu'il serait décidé si nous serions jugés avec ou sans une loi. Le 18 seulement, les pièces nous sont arrivées; deux jours, à peine, ont été à notre disposition pour nous occuper de la question préjudicielle nous ne demandons que le temps physique de répondre.

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M. le président a annoncé que la chambre allait se retirer pour délibérer. Après une heure de délibération, elle est rentrée dans la salle, et M. le chancelier a prononcé l'arrêt suivant :

par

« La chambre des pairs ordonne que le commissaire du roi s'expliquera sur le moyen élevé le défenseur de l'accusé, sauf à elle ensuite à statuer, s'il y a y a lieu, sur les autres moyens préjudiciels présentés par l'accusé. »

M. Bellart a pris la parole, et a parlé ainsi : « La carrière qui s'ouvre devant nous ne nous

offre que des douleurs. D'un côté, une grande gloire menacée d'une grande catastrophe; de l'autre côté, les malheurs de la patrie. Que dis-je? En les contemplant, il ne faut pas que j'y arrête ma vue ; il faut même que je n'en indique point la source, pour ne conserver aucune trace de prévention ou de ressentiment, lorsque j'ai besoin de me livrer à la froide discussion des objections qui ont été faites. Un accusé dont on pouvait espérer qu'en paraissant devant des juges tels que vous, il conserverait la plus vive reconnaissance, un accusé qui ne devait songer qu'aux bienfaits d'un prince qui vous a déféré la connaissance du crime affreux dont il est prévenu, cet accusé vient vous contester vos pouvoirs.

» Je vais examiner et réfuter rapidement les principaux points du long plaidoyer qu'on a prononcé devant vous: il ne me sera pas difficile de faire écrouler l'édifice qu'on a pris tant de soin à élever.

» 1°. M. le maréchal Ney, traduit d'abord devant un conseil de guerre, a décliné l'incompétence d'un pareil tribunal; il a demandé à être jugé par la chambre des pairs; cette faveur lui a été accordée; il est traduit devant nous; et au moment où il ne devrait éprouver d'autre empressement que celui de se justifier du crime qui lui est imputé,

TOME II.

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il cherche, au contraire, à soulever de nouvelles difficultés, à éluder encore le jugement qui doit prononcer sur son sort. On était en droit d'attendre peut-être une autre conduite de M. le maréchal Ney.

» On s'est d'abord demandé si M. le maréchal avait pu être dépouillé de sa qualité de pair de France par une ordonnance royale. Les faits sont

pour répondre à cette objection : ce n'est point par une ordonnance du Roi que l'accusé a été dépouillé de la pairie; c'est par sa volonté personnelle qu'il a été exclus de cette auguste assemblée ; c'est en siégeant dans la chambre des pairs de l'usurpateur qu'il a perdu le titre qu'il possédait..... Je n'insisterai point sur cette question; elle est trop simple et trop facile à résoudre pour que je m'y arrête plus long-temps.

» 2°. On semble accuser les ministres de la publicité donnée à leur plainte; mais qu'a donc appris au public le discours du ministre? qu'at-il révélé de nouveau ? un fait connu de l'Europe, une défection que je ne qualifie pas encore; et l'on se plaint de la publicité!

>>3°. On a prétendu accuser les ministres d'incertitude dans leur marche, de variation dans leur conduite. On parle de la seconde ordonnance comme différant 'essentiellement de la première.

la

Le public doit savoir et saura que ce n'est pas requête du maréchal qui a donné lieu à l'existence de la seconde ordonnance; c'est du propre mouvement du Roi qu'elle est venue. Elle est antérieure à la requête du maréchal. Peut-on donc apercevoir là quelque variation? Non certainement. On a suivi la marche naturelle des choses. Le Roi

a jugé à propos de traduire le maréchal Ney devant la chambre des pairs. La chambre a accepté cette

attribution.

» La deuxième ordonnance n'annulle point la première. Cédant à une bonté qu'on trouvera peutêtre excessive, le monarque a rendu cette ordonnance, destinée d'ailleurs à achever ce que celle du II n'avait fait que commencer. On a fait simplement d'abord un premier pas, puis un second pas ensuite : il y a eu progression, et non pas variation.

Je releverai ici une inconvenance qui n'a sans doute pas échappé à l'assemblée: on a affecté d'attribuer aux ministres, afin sans doute de pouvoir les combattre plus à l'aise, les ordonnances de S. M.; ce ne sont point des actes des ministres, ce sont des ordonnances du Roi.

» J'arrive enfin à la grande discussion qui s'est élevée, et qui vous est soumise. Mais à quoi se réduit-elle ? à ceci : il y a manque de pouvoirs dans

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