Page images
PDF
EPUB

.ni

» On a soutenu qu'elle aurait pu modifier l'ordonnance, comme elle a pu l'accepter purement et simplement ; mais la chambre, ni à elle seule, avec le gouvernement, n'aurait eu le droit de faire un règlement de procédure en matière criminelle, puisqu'elle ne l'a pas en matière civile. Ne faut-il pas l'intervention des trois pouvoirs pour faire même la moindre modification au Code de procédure civile? La plus légère modification apportée à une loi est un acte des trois branches du pouvoir législatif. Un simple règle ment, une simple ordonnance, seraient insuffisans pour abroger un article de procédure; ils sont insuffisans, à plus forte raison, pour prononcer sur le sort d'un citoyen.

» Le gouvernement, dit-on, aurait le droit de faire un règlement pour le salut de l'état. Quoi! le gouvernement aurait-il le droit de faire perdre à un citoyen ce qu'il a de plus cher, la vie et l'honneur?

>> Il faut une justice prompte, sans doute; mais il n'y a pas de justice là où il n'y a pas de loi.

» On vous a représenté la France et l'Europe attendant votre jugement. C'est parce que la France a les yeux ouverts sur vous, et que l'Europe vous contemple, que vous devez apporter plus d'exactitude et de régularité dans votre délibération.

» Et moi aussi je vois l'Europe; non pas indignée, non pas requérant la condamnation de l'accusé, mais attentive à ce que vous allez faire. Je crois l'entendre. Ils ont une Charte qu'ils doivent à la sagesse de leur monarque, qui s'en glorifie comme de son plus bel ouvrage, qu'il a jurée, qu'il a fait jurer aux princes de sa famille, qu'il a fait jurer aux deux chambres, à tous les fonctionnaires publics d'observer: voyons si cette loi d'alliance recevra son exécution, s'il est vrai qu'on puisse se placer sous son égide. Si par un arrêt solennel vous en consacrez l'application, et qu'une loi soit portée pour la consolider; alors les étrangers devront concevoir la plus haute opinion de la chambre des pairs; alors ils croiront que cette monarchie est fondée sur des bases si inébranlables qu'il n'est plus possible de l'attaquer.

» Mais, si vous écoutez ce que l'accusation paraît avoir d'empressé, nous paraîtrons sous une autre couleur aux yeux de l'étranger.

que

>> Messieurs, vous tenez dans vos mains la balance de la justice. Si d'un côté on place tout ce l'accusation a de grave, toutes les pièces qui s'y rattachent, tout ce qu'y ajoute encore la majesté de l'accusateur; de l'autre nous placerons la défense de l'accusé et la Charte constitutionnelle.>>

Après que M. Dupin a eu cessé de parler,

la chambre s'est retirée dans la salle du conseil pour délibérer. Une heure après, elle est rentrée, et M. le président, l'accusé présent, a prononcé le jugement qui suit:

« La chambre, faisant droit sur les conclusions >> du commissaire du Roi, sans s'arrêter ni avoir » égard aux moyens présentés dans l'intérêt de l'ac» cusé, s'ajourne à jeudi prochain, 23 novembre; >> maintient les assignations des témoins, ordonne » que l'accusé sera tenu de présenter cumulative» ment ses autres moyens de défense, s'il en a, sur >> la question préjudicielle; sinon elle passera outre » et procédera à l'examen et aux débats. >>

Ce jugement prononcé, M. Berryer a fait observer que le délai accordé par la chambre était trop court pour que le maréchal pût faire assigner les témoins à décharge.

M. le chancelier a répondu : « Vous avez entendu l'arrêt; puis il a donné ordre que l'on fît retirer l'accusé et le public.

Cet ordre ayant été exécuté, l'audience, qui a duré sept heures, a été levée.

Le jeudi, 23 novembre, la cour s'est réunie de nouveau, et l'audience a commencé à onze heures.

M. le président a annoncé à l'accusé qu'il avait la faculté de présenter ses moyens pré

judiciels, autres que ceux qu'il avait fait valoir dans la première séance.

Alors M. Berryer s'est levé, et a dit:

«Mes conclusions sont à ce qu'il plaise à la cour déclarer toute la procédure suivie contre le maréchal Ney, nulle et de nul effet; ordonner, en conséquence, qu'elle sera recommencée dans les formes voulues par les lois. »

[ocr errors]

« Monseigneur le chancelier, Messeigneurs

les pairs,

[ocr errors]

» Par l'arrêt que vous avez rendu le 21 de ce mois, deux dispositions ont été prononcées. Par la première, vous avez écarté l'exception préjudicielle que nous vous avons proposée, tendante à ce que la procédure fût réglée par une loi, et vous avez fixé les termes du droit commun. Par la deuxième, vous avez ordonné que nous vous proposerions tous nos moyens d'exception et de nullité cumulativement. Il nous semble donc, Messieurs; que, si nous avons des exceptions puisées dans le texte précis de la loi, de la loi générale, ou du droit commun, nous devons concevoir l'espoir qu'ils seront favorablement accueillis; je dis favorablement accueillis, parce que je ne dissimule pas que de tels moyens doivent paraître extraofdinaires dans la défense du maréchal: aucun de

TOME 11.

vous sans doute ne suppose qu'il les a imaginés ; le besoin qu'il éprouve, c'est celui de se justifier, et ces retards ajoutent à sa juste impatience; mais nous, ses défenseurs, nous ne pouvons transiger sur aucun des moyens que nous offre, pour l'accusé, la loi protectrice.

» Nous avons donc à rechercher, d'après l'ordonnance du 12 novembre, quel est le droit commun de la matière, et dans lequel l'instruction est circonscrite. Cette vérification est facile, et d'après l'ordonnance et d'après l'arrêt rendu par vous le 13 de ce mois.

... » L'ordonnance porte deux dispositions fort remarquables qui s'appliquent, l'une à la procédure tenue jusqu'à ce moment, l'autre qui doit embrasser la procédure orale, les débats.

» A l'égard de la procédure écrite avant les débats, d'après l'article 2 de l'ordonnance, elle est réglée par le code d'instruction criminelle; à l'égard de la forme de l'instruction orale et des débats, aux termes de l'article 8 de la même ordonnance, elle doit être réglée par la partie du même code relative aux cours spéciales.

» Cette marche a été annoncée par le premier réquisitoire de M. le procureur-général, sur lequel a été rendu l'arrêt qui donne acte aux commissaires de Sa Majesté, des plainte et addition de plainte, et où je lis ces mots : Ordonne qu'il sera

1

« PreviousContinue »