Page images
PDF
EPUB

écrire pour l'informer de tout ce qui se sera passé, et vous recommanderez formellement à l'officier porteur de votre lettre, de n'en point divulguer le contenu. S'il n'y en a point, vous enverrez une lettre par courrier extraordinaire au secrétaire de l'amirauté, et une autre à l'amiral lord' Keith, avec la plus stricte injonction aux officiers porteurs de ces dépêches, de garder le plus profond secret. »

Nous transcrivons ces instructions littéralement pour montrer qu'elles ne laissaient pas au capitaine Maitland la faculté de rien promettre et de rien stipuler, dans le cas où Napoléon viendrait à se rendre, ni de le traiter autrement que comme un simple prisonnier de guerre.

Le capitaine Maitland se mit en devoir d'exercer toute la vigilance qu'exigeait une mission aussi importante; et bientôt il devint évident que la présence du Bellérophon était un obstacle invincible à ce que Napoléon s'échappât sur l'une des frégates, à moins qu'il ne tentât de s'ouvrir un passage de vive force. Dans ce dernier cas, l'officier anglais avait formé le plan de tomber sur celle qui se présenterait la

première, de faire taire son feu, de jeter à bord cent hommes d'élite de son équipage, de courir aussitôt à toutes voiles à la poursuite de l'autre frégate, et de s'emparer ainsi de toutes les deux. Il avait aussi deux petits bâtimens, le Slaney et la Phœbé, qu'il pouvait employer à leur donner la chasse, de manière à ne pas les perdre de vue. Le hasard pouvait faire échouer ce plan; mais il était combiné avec tant d'adresse que tout semblait devoir en assurer le succès. Du reste, il ne paraît pas que les commandans des frégates aient engagé Napoléon à tenter ce moyen désespéré pour échapper à ses ennemis.

Il fut ensuite question de fuir secrètement. Un chasse-marée, sorte de bâtiment qui ne sert que pour le commerce des côtes, était prêt à appareiller, et il devait être monté par de jeunes 'aspirans de marine qui répondent à nos midshipmen. On pensait qu'il pourrait tromper la vigilance des croiseurs anglais qui étaient près des côtęs; mais, une fois en pleine mer, il serait devenu suspect, et, en outre, il était au moins douteux qu'il pût aller jusqu'en Amérique. On acheta alors une corvette danoise;

que,

et comme il était certain dès qu'elle quitterait le port, les Anglais la forceraient d'amener, et en feraient la visite, on imagina d'y pratiquer une retraite pour y cacher Napoléon. C'était une barrique arri, mée parmi le lest, et garnie de tubes destinés à y introduire l'air. Mais l'extrême rigueur avec laquelle la recherche eût sans doute été faite, et l'embonpoint de Buonaparte qui ne lui permettait pas de rester longtemps aussi étroitement renfermé, et dans une position aussi incommode, firent renoncer à cet expédient, de même qu'à tous ceux qu'une sorte de désespoir suggérait tour à tour.

Il est certain qu'à cette époque, l'armée qui, forcée de seretirer derrière laLoire, était encore animée de la soif de la vengeance et du désir de réparer son honneur, lui fit proposer à plusieurs reprises de venir se mettre à sa tête, et il n'y a pas de doute qu'il n'en eût été reçu avec de grandes acclamations; mais si, en 1814, lorsqu'il lui restait encore une armée nombreuse et une étendue de territoire considérable, il n'avait pas voulu prendre un parti désespéré, à plus forte raison devait-il le rejeter en 1815, lorsque

ses forces étaient bien plus disproportionnées encore qu'elles ne l'avaient jamais été, et lorsque ses meilleurs généraux avaient embrassé la cause des Bourbons, ou avaient quitté la France. Adopter une pareille mesure, c'eût été se mettre dans la position du chef d'une bande errante de partisans qui, malheureux eux-mêmes, et faisant le malheur des contrées qu'ils parcourent, prolongent à force de luttes et de combats leur triste existence, jusqu'à ce qu'enfin ils soient accablés et détruits par le nombre.

Cet expédient rejeté, il ne lui restait d'autre alternative que de se rendre, soit aux puissances alliées en masse, soit à l'une d'elles en particulier. Le premier moyen au rait été difficile à exécuter, à moins que. Napoléon n'y eût eu recours plus tôt, ce qu'il avait négligé de faire, dans l'espoir de s'échapper par mer. Il n'avait plus le temps. de négocier avec aucun des souverains alliés, et il n'eût pas été prudent de tenter de retourner à Paris dans cette vue, car les royalistes avaient alors le dessus dans toutes les villes, et plus d'un de ses généraux était tombé sous leurs coups.

Il se trouvait donc bloqué dans Rochefort, et le drapeau blanc était à la veille d'y être arboré; déjà le commandant lui faisait entendre, avec tout le respect possible, qu'il fallait songer au départ. Napoléon dut prévoir que bientôt il ne serait plus pro-tégé par les batteries de l'ile d'Aix. Il est certain, quoique ce fait ne soit pas généralement connu, que, le 13 juillet, lord Castlereagh écrivit à l'amiral sir Henri Hot-ham, dont la flotte croisait à la hauteur du cap Finistère, pour lui conseiller d'attaquer, avec une partie de ses forces, les deux frégates en rade de l'île d'Aix, après avoir informé le commandant qu'il le faisait en qualité d'allié du roi de France, et qu'il le rendait responsable des conséquences, si les batteries de l'île faisaient feu sur ses vaisseaux. Sans doute Napoléon ne pouvait avoir la certitude qu'un plan de cette nature fût projeté, et fût même à la veille d'être exécuté; mais il dut le supposer en voyant le parti royaliste triompher partout, et le drapeau blanc flotter sur la ville voisine de La Rochelle. En vain donc voudrait-on prétendre que la conduite subséquente de

« PreviousContinue »