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mulent sur la même tête. Si quelques traits de désintéressement et de bonté, si une courageuse fidélité à de nobles sentimens, ont valu à la première partie de mes aveux quelques regards d'indulgence, je sens au fond de l'ame, qué ma lutte avec l'adversité, que tant de pieux devoirs remplis, tant de dévouement prodigué sur les terres étrangères au service des proscrits, me concilieront, avec l'intérêt des lecteurs, une estime qui est la gloire des femmes.

La Belgique, l'Angleterre, l'Italie, l'Espagne, parcourues dans des circonstances palpitantes; mille personnages appartenant aux diverses scènes politiques dont ces contrées ont été dans ces derniers temps le théâtre, tels sont, sous le point de vue d'intérêt général, les élémens qui, avec les émotions individuelles d'une destinée singulière, composeront les deux volumes que je promets au Public pour le 15 février prochain.

Paris, le 20 décembre 1827.

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D'UNE

CONTEMPORAINE.

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CHAPITRE CXLIV.

Approches du 20 mars. Nouvelle du débarquement de Napoléon.

DEPUIS mon retour à Paris, j'étais chaque jour plus mêlée à toutes les espérances des amis de Napoléon. Sans avoir le mot d'aucune intrigue, j'en remplissais les missions avec toute la chaleur d'un enthousiasme désintéressé, et, la main sur la conscience, j'étais un véritable conspirateur sans le savoir. Ce qu'il y a de certain, c'est que pendant l'époque la plus rapprochée du 20 mars, je fis un grand tort à la petite poste. Il était bien rare qu'en ma qualité

de fama volat, je n'eusse pas quelque secrète missive à porter. Un matin, Regnault me chargea de trois commissions de ce genre, en me disant de les remettre à un homme qui m'aborderait en me demandant comment se porte Monsieur votre oncle? Mon instruction était d'attendre cet homme dans un café du Feydeau, d'y rester jusqu'à onze heures. << Faut-il que je demande un reçu?

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passage

On vous le donnera sans que vous le << demandiez. L'échange des lettres se fait sur << la reconnaissance d'une médaille; vous les << apporterez aussitôt.» J'allai en effet au café à neuf heures et demie; l'on m'aborda avec la formule convenue; l'échange se fit comme il m'avait été recommandé. Je connaissais très bien la personne; c'était un officier de hussards. Il me parla assez lestement du retour de l'Empereur, et de l'attente générale des militaires; qu'ils étaient tous comme des fous, et lui le premier. Quand je rendis compte de ma mission à Regnault, il murmura avec une colère mal déguisée : «ces officiers sont bavards, <<< ils se battent comme des lions, mais cela ja<< casse comme des femmes. » Mais il m'adressa personnellement mille choses flatteuses sur

mon activité, ma prudence. Je voyais très bien qu'il voulait me faire un point d'honneur de la discrétion, et si j'avais été femme à profiter des occasions, j'aurais largement été payée des services que je mettais, au contraire, une espèce d'orgueil à rendre par souvenir et opinion. Je continuai ces courses mystérieuses avec toute la discrétion d'un néophyte. Regnault, par son ton confidentiellement important, excitait mes bonnes dispositions, et je me croyais un personnage destiné à jouer un rôle. Les dangers ne m'ont jamais effrayée, et j'y courais avec plaisir et vanité. Le lendemain, 9 mars, il m'avait donné un rendez-vous à deux heures; il me fit attendre long-temps: il était extrêmement agité, tenant une lettre ouverte à la main. Il me fit entrer dans sa chambre à coucher, et écrivit à la hâte ces deux lignes :

« J'ai la certitude que Pontécoulant est contre « nous. Brûlez..... »

« Tenez, me dit-il, dépêchez-vous de porter cela au Marais, rue Barbette, vis-à-vis l'hôtel « Corberon. Vous demanderez M. Victor; vous

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de fama volat, je n'eusse pas quelque secrète missive à porter. Un matin, Regnault me chargea de trois commissions de ce genre, en me disant de les remettre à un homme qui m'aborderait en me demandant comment se porte Monsieur votre oncle? Mon instruction était d'attendre cet homme dans un café du passage Feydeau, d'y rester jusqu'à onze heures. <«< Faut-il que je demande un reçu?

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On vous le donnera sans que vous le << demandiez. L'échange des lettres se fait sur <«< la reconnaissance d'une médaille; vous les << apporterez aussitôt.» J'allai en effet au café à neuf heures et demie; l'on m'aborda avec la formule convenue; l'échange se fit comme il m'avait été recommandé. Je connaissais très bien la personne; c'était un officier de hussards. Il me parla assez lestement dú retour de l'Empereur, et de l'attente générale des militaires; qu'ils étaient tous comme des fous, et lui le premier. Quand je rendis compte de ma mission à Regnault, il murmura avec une colère mal déguisée : «ces officiers sont bavards, «< ils se battent comme des lions, mais cela ja«< casse comme des femmes. » Mais il m'adressa personnellement mille choses flatteuses sur

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