Page images
PDF
EPUB

L'on a raison, sans doute, de s'étonner comment, dans quelques-unes de ces sociétés, l'on se permet très fréquemment des excès qui partout ailleurs feraient arrêter sur-le champ le coupable, comme perturbateur public. Il est bien essentiel, Messieurs, de prévenir ces sortes d'excès dans les sociétés, en les mettant sous les yeux immédiats de la police, et en établissant au milieu d'elles, comme dans tous les lieux publics, des officiers chargés d'y faire respecter l'ordre, et responsables de leur négligence.

M. Français vous a dit que parmi les pièces remises à l'ancienne commission des Douze, il avait trouvé les prêtres et les brigands partout, les clubs nulle part; mais les clubs ne se dénoncent pas eux-mêmes, et l'on y regarde à deux fois avant d'attaquer cette puissance formidable. M. Français a vu les prêtres et les brigands partout; mais qui a fait quelquefois marcher ces derniers? qui a fait forcer les prisons d'Avignon, et en a fait sortir les Jourdan? qui a fait piller la ville d'Arles? qui a fait exercer toutes sortes de brigandages dans les départements des Bouchesdu-Rhône et du Gard? Les administrateurs de ce dernier ne vous ont-ils pas dénoncés le club de Marseille comme l'auteur de toutes les dévastations commises dans le Midi? Cette dénonciation, Messieurs, est un grand trait de lumière. Si la crainte n'avait souvent arrêté les plaintes, croyez que les sociétés populaires eussent été plus souvent citées à votre tribunal. Si je voulais ici faire des dénonciations particulières, je vous citerais des autorités constituées mandées à la barre des clubs, des citoyens opprimés, incarcérés par leurs ordres, des députés à l'Assemblée nationale menacés de leur indignation; je vous citerais des faits qui ne sont ignorés de personne, quoique tout le monde se taise.

Mais la crainte ne peut ni ne doit atteindre des législateurs. Nous sommes dans des circonstances et dans un poste où il faut savoir faire le sacrifice entier de soi-même; il faut sauver la chose publique à quelque prix que ce soit, et ne jamais oublier que c'est de cette enceinte que va sortir la perte ou le salut de l'Empire. Et quelle terreur, Messieurs, pourraient vous inspirer les factieux ? Vous avez pour vous le courage et le patriotisme de tous les vrais amis de la Constitution. Dites un mot, et la France est sauvée. Parlez, et des millions de bras se lèvent pour écraser le monstre de l'anarchie. Voyez les regards inquiets de tous les bons Français fixés sur vous; entendez la voix de vos commettants, qui vous crient d'enchaîner enfin les séditieux sous le joug des lois. Ah! si nous pouvions plus longtemps montrer à leurs yeux une coupable faiblesse, la génération présente tout entière, et la postérité, nous couvriraient d'un opprobre

éternel.

Quelques personnes vont me dire peut-être, d'après les considérations que je viens de présenter, que je veux attaquer la liberté. Non, ce n'est pas la liberté que je veux attaquer, ce n'est qu'à la licence que j'en veux. Tout le monde convient que la Constitution permet aux citoyens de s'assembler; nous avons ajouté seulement que la loi ne veut pas que ces assemblées deviennent jamais des foyers de désordre et d'anarchie. Ainsi tout se réduit à savoir: 1° Si les sociétés populaires en général (1) ne se portent

(1) Je dis en général, car il en est quelques-unes qui sont animées des vrais principes de la Constitution.

pas souvent à des excès qui appellent la répression des lois; 2° si les lois répressives faites par vos prédécesseurs sont suffisantes. Or, il est évident d'abord, par le récit que j'en ai fait, que les sociétés populaires sortent souvent des bornes de la sagesse, et il n'est pas moins évident que les lois de vos prédécesseurs à leur égard sont insuffisantes, puisque malgré leur défense, ces sociétés suivent constamment le système le plus inconstitutionnel et le plus funeste à la liberté. Ainsi, puisque les anciennes lois ne sont pas suffisantes, vous devez en ordonner de nouvelles, et faire exécuter en même temps les premières, en faisant tomber la plus sévère responsabilité sur la tête des autorités qui, jusqu'à présent, n'ont rempli leur devoir à cet égard qu'avec beaucoup de négligence.

Parmi les moyens à employer pour réprimer les sociétés, il faut s'attacher surtout à détruire cet esprit de corporation qui les caractérise: il faut interdire absolument toutes ces affiliations inconstitutionnelles, ces pactes fédératifs, qui liant toutes les sociétés entre elles, en font une association intime, une sorte de franc-maçonnerie que la Constitution ne peut reconnaître. Vous devez interdire toute correspondance de société à société; la loi ne reconnaît pas de société dans les amis de la Constitution, elle n'y voit que des individus. Les individus peuvent correspondre particulièrement entre eux, mais toute relation, tout acte quelconque, arrêté, commission, députation, etc., au nom de la société, sont autant de délits que la loi doit sévèrement réprimer. Il n'y a en France qu'une société, qui est la grande société de tous les Français.

Toutes ces associations particulières et isolées qui s'attribuent exclusivement le droit de diriger et de représenter l'opinion publique, qui ne reconnaissent de civisme que celui de leurs membres, qui tendent à élever un mur de séparation entre les sociétaires et ceux qui ne le sont pas, sont autant de corporations funestes à l'unité politique. Toute délibération, tout arrêté pris dans ces sociétés sont un attentat public, une violation manifeste de la Constitution et une usurpation faite sur les autorités.

Que penseriez-vous, Messieurs, si vous aperceviez un jour dans la rue, ou sur une place publique quelconque, un groupe de citoyens délibérant sur les matières politiques, et votant par assis ou levé des projets de décrets? Sans doute, vous feriez dissoudre à l'instant cette nouvelle espèce d'Assemblée nationale. Eh bien, voilà ce qui se pratique chaque jour à deux pas du Corps législatif.

Messieurs, il est temps d'apprendre au peuple français qu'il n'existe d'autres puissances dans l'Empire que celles que la Constitution a établies; il est temps de dissiper une erreur funeste et plus répandue qu'on ne pense, qui fait croire à une classe du peuple peu instruite que les clubs ont une sorte d'existence politique, de caractère public, et cette erreur doit être accré

Dans les petites cités surtout, où l'intrigue et la malveillance ont moins de ressources pour agiter et trompar les citoyens, on trouve encore de ces heureuses associations où la vertu, le vrai patriotisme et l'amour des lois sont en honneur; et je me fais gloire d'appartenir à une de ces respectables sociétés (a), où l'on ne souffre ni les aristocrates ni les demagogues. (Note de l'opinant).

(a) Amis de la Constitution de Belvès, département de la Dordogne.

ditée lorsqu'on a vu 2 ministres justement estimés pour leur lumière et leur patriotisme, reconnaître ce caractère public en ouvrant avec toutes les sociétés du royaume des correspondances relatives à leur administration.

PROJET DE DÉCRET.

L'Assemblée nationale, considérant qu'il est pressant d'établir enfin le règne des lois, de rompre toutes les entraves qui s'opposent à leur exécution, et de rendre au système politique l'ordre, la liberté et l'activité nécessaires à sa marche régulière;

Considérant que les sociétés populaires, par leur pacte fédératif, leurs affiliations, leur correspondance, forment un corps dans l'Etat; que par leurs délibérations, leurs arrêtés et actes publics, elles présentent une existence politique aussi contraire à l'esprit de la Constitution que funeste à l'action et à la marche du gouvernement;

Considérant, en outre, l'insuffisance des lois répressives de l'Assemblée constituante qui, trompée par de fausses espérances, a déclaré qu'il fallait laisssr à la raison le soin de réformer une partie des abus, décrète comme articles additionels et explicatifs de la loi des 29 et 30 septembre 1791:

Art. 1er.

Toute affiliation, pacte fédératif, correspondance entre les sociétés, clubs ou associations quelconques, sont interdits; et en cas de contravention, les citoyens composant lesdites sociétés, clubs ou associations, seront, sur la dénonciation du procureur général syndic, et sur la poursuite du commissaire du roi, condamnés par les tribunaux à être rayés pendant 2 ans du tableau civique, et déclarés inhabiles à exercer pendant ce temps aucune fonction publique.

Art. 2.

Les sociétés, clubs ou associations ne pourront jamais employer dans leurs séances les formes délibératives par voix de suffrage; la majorité ne pouvant jamais lier la minorité dans ces assemblées, elles ne pourront voter en aucun cas, sous quelque forme ou scrutin que ce puisse être.

Art. 3.

Il est défendu auxdites sociétés de faire aucuns procès-verbaux de leurs séances, d'avoir des journaux de leurs débats, et d'élever dans leurs salles des tribunes pour les spectateurs. Dans le cas de contravention au présent article, ainsi qu'à l'article 2, les citoyens composant lesdites sociétés seront, par la voie indiquée dans l'article 1er, condamnés à être rayés pendant 6 mois du tableau civique, suspendus de toute fonction, et déclarés inhabiles à être élus à aucune place pendant le même temps.

Art. 4.

Dans le cas où la manifestation des opinions des sociétés populaires aurait troublé ou menacerait imminemment l'ordre et la tranquillité publique, les départements pourront suspendre lesdites sociétés pour un terme, qui ne pourra être moindre d'un mois, ni durer au delà de 2.

Art. 5.

L'Assemblée nationale voulant maintenir la loi des 29 et 30 septembre 1791 sur les sociétés populaires, et assurer son exécution ainsi que celle du présent décret, décrète que tout magistrat fonctionnaire public, chargé de faire exécuter lesdites lois, et qui par négligence ou faiblesse ne s'en acquitterait pas, sera, sur la dénonciation d'un ou plusieurs citoyens, déclaré par les tribunaux incapable d'exercer pendant 4 ans aucune fonction publique.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du lundi 25 juin 1792, au soir.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN.

La séance est ouverte à six heures.

M. Quinette, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 23 juin 1792, au matin.

(L'Assemblée en adopte la rédaction.

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre du procureur général syndic du département des Basses-Pyrénées, dans laquelle il dénonce M. Elie, receveur de l'enregistrement et plusieurs de ses collègues, comme entretenant des correspondances coupables avec les émigrés et les ennemis intérieurs du bien public;

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de surveillance.)

2° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, accompagnant un mémoire relatif à la demande du département des Bouches-du-Rhône, pour être compris pour une somme de 15,000 livres sur celle destinée, par le décret du 20 mai 1792, à être distribuée à titre d'avance et à charge de remplacement sur les sols additionnels de 1791;

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'agriculture.)

3° Pétition du sieur Monancy, qui demande la cassation de deux arrêtés du directoire du département de la Corrèze, qui refuse de lever le séquestre mis sur ses biens, à moins qu'il ne donne caution, sous prétexte que plusieurs de ses enfants sont émigrés ;

(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)

4° Adresse des citoyens de la ville de Lyon, dans laquelle ils s'associent aux regrets formulés par l'Assemblée sur le renvoi des ministres, et font des vœux pour la stabilité ministérielle; cette adresse est ainsi conçue :

Représentants de la nation,

« La commune de Lyon vient déposer dans votre sein les regrets qu'elle partage avec vous et la vive douleur que lui fait éprouver le renvoi de trois ministres dont le patriotisme et les talents lui étaient particulièrement connus.

« Les premiers pas que ces trois dignes citoyens avaient faits dans la carrière du ministère, présageaient à la nation un avenir prochain de gloire et de prospérité. Déjà, sous leurs auspices, nous avions vu renaître la confiance,

[blocks in formation]

«La journée du 20 juin a répandu dans le département de l'Eure le deuil et la consternation.

«La nation a été insultée, la loi violée, la royauté avilie. Quelle est donc cette faction puissante qui, enfreignant toutes les lois et bravant avec audace les autorités constituées, envoie insolemment ses dociles émissaires violer la majesté nationale et dicter en quelque sorte des lois à ceux qui sont envoyés pour en faire? Qu'ils sont criminels ceux qui, dans le temple même de la Constitution, osent prêcher des lois de sang, canoniser la révolte et déifier l'anarchie!

« Législateurs, la patrie est en danger. Une secte impie étend sur toute la France ses trames criminelles et ose rivaliser avec les autorités constituées. Nous nous trompons; elle les foule aux pieds, elle lève le masque, vante ses affreux triomphes. Elle sent son pouvoir, elle peut tout oser, elle causera la ruine de l'Empire.

« Représentants du peuple français, le corps social va se dissoudre; levez-vous donc et faites rentrer dans le néant les sacrilèges qui jouent le sang et la liberté d'une grande nation. A vous sont confiés les destins de la France. Vos commettants vous regardent: tous vous disent : liberté, égalité, jamais deux Chambres, mais la Constitution tout entière. (Applaudissements.) Déjouez l'intrigue, foudroyez les factions et que le règne paisible de la loi succède à la trop longue anarchie qui fatigue et détruit l'Empire. Nous vous parlons avec le courage qu'ins

"

pire la vérité. Nous sommes assez forts pour vous la dire et vous êtes dignes de l'entendre. Sauvez la France, elle est en péril. Pour nous, nous mourrons à notre poste s'il le faut, et notre mort sera glorieuse, puisque nous aurons rempli nos devoirs. "

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Un membre: Je demande la mention honorable de cette adresse, l'insertion au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements.

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse, l'impression et l'envoi dans les 83 départements.)

7° Lettre des commissaires de la trésorerie nationale, qui demandent l'autorisation des mesures provisoires qu'ils ont été obligés de prendre pour le payement de l'excédent des hommes qu'il y a eu dans plusieurs régiments. Ils sollicitent un décret pour l'avenir.

(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités de l'ordinaire des finances et militaire réunis.)

8° Adresse du conseil général de la commune de Blois, qui déplore l'instabilité des ministres, le renvoi des trois ministres patriotes et manifeste le vœu de leurs concitoyens qui est de vivre libres ou de mourir.

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Pétitions, tome 1, no 56.

Un membre: La mention honorable!

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)

Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :

1o Les élèves du collège national de Vesoul, chef-lieu du département de la Haute-Saône, envoient un don patriotique, 150 livres en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre.

2o Le sieur Dominique Batiot, administrateur du directoire du département de Saône-et-Loire, s'engage à payer 120 livres à la fin de la guerre, pour être remise au volontaire du premier bataillon de ce département qui sera jugé avoir le mieux observé la discipline militaire.

3o Le sieur Claude Lefebvre offre, en assignats, 5 livres.

4o Les amis de la Constitution du département de la Haute-Loire, offrent à la patrie une somme de 153 livres, 14 sols en or, et 534 livres, 11 sols en assignats, qu'ils adressent aux députés de leur département, parce que, disent-ils, les circonstances ne leur permettent pas de l'adresser à un ministre inconnu et suspect, par cela même qu'il en remplace un qui a emporté avec lui les regrets de la nation.

(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Le sieur Jean-Simon BOVERAT est admis à la barre; il s'exprime ainsi : (1)

« Messieurs,

« Le sieur Jean Boverat, compagnon bijoutier, habitant de cette ville, a l'honneur de vous représenter qu'il y a un an qu'il a trouvé dans la rue, près du Palais-Royal, une somme de 300 livres en assignats. A cette même époque l'exposant se transporta sur-le-champ à la section du Palais-Royal pour y faire sa déclaration et en même temps pour y déposer ladite somme de 300 livres à l'effet de la faire afficher et la remettre à ceux qui l'aurait perdue.

[ocr errors]

C'est après cette année révolue que l'exposant s'est présenté au comité de la section, où il a fait ce dépôt pour le réclamer, voyant qu'il ne s'est présenté personne: mais le commissaire de la section, ainsi que plusieurs personnes du comité lui ont dit qu'ils ne pouvaient que lui en délivrer la moitié, attendu qu'il en fallait un quart pour la nation et l'autre quart pour les pauvres. A quoi l'exposant n'a point voulu consentir, se réservant de faire lui-même ce qu'il jugerait à propos à cet égard, lorsqu'il aurait la somme entière qui lui appartient de droit en totalité, puisque personne ne la réclame.

« C'est dans ces circonstances et d'après cet exposé que ledit Jean-Simon Boverat a cru devoir se présenter aujourd'hui à votre auguste Assemblée, à l'effet d'implorer votre justice sur le refus qui a été fait par le comité de la section du Palais-Royal de lui remettre ladite somme de 300 livres en entier. En conséquence, il vous supplie d'ordonner qu'elle lui sera remise, considérant que ce brave citoyen s'en rapporte à la sagesse de l'Assemblée nationale sur les dons qu'elle croira devoir lui inspirer pour la guerre, étant

(1) Archives nationales, Carton 152, dossier n° 270.

dans l'intention de faire le sacrifice du surplus pour se mettre dans les canonniers et se rendre par là utile à sa patrie, se trouvant sans fortune et profitant de cette occasion favorable pour remplir les vues de son patriotisme. C'est la grâce qu'il attend des représentants de la nation française; il ne cessera, Messieurs, de vous en témoigner sa plus vive reconnaissance. »

« Signé: BOVERAT. »

A cette pétition est joint le procès-verbal de dépôt des 300 livres du commissaire de la section du Palais-Royal (1).

M. le Président répond au sieur Boverat et lui accorde les honneurs de la séance.

Un membre: Cette affaire regarde le pouvoir judiciaire, je demande l'ordre du jour.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur cette pétition.)

M. Jard-Panvillier, au nom du comité de liquidation, présente un projet de décret sur quelques omissions faites dans les différents articles du décret du 9 juin 1792 (2), sur les réclamations des pensionnaires de la ci-devant province de Bretagne pour le payement des arrérages de leurs pensions pendant les années 1788 et 1789. Ce projet de décret est ainsi conçu:

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de liquidation sur quelques omissions faites dans les différents articles du décret du 9 juin 1792, concernant le payement des arrérages des pensions sur toutes autres caisses que le Trésor public; considérant que des pensionnaires de mauvaise foi pourraient abuser de ces omissions au préjudice de l'intérêt public, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

Dans l'article premier du décret du 9 juin 1792, après ces mots : les personnes qui jouissaient des pensions, gratifications, il sera ajouté ceux-ci et secours.

Art. 2.

Dans l'article 2 du même décret, après ces mots par le décret du 2 juillet 1791, et autres antérieurs, notamment par les articles, il sera ajouté celui-ci : cinq.

Art. 3.

Dans l'article 3 du même décret, après ces mots: des caissiers, régisseurs administrateurs, il sera ajouté ceux-ci: ou les premiers commis.

(1) Ce procès-verbal est ainsi conçu:

Section du Palais-Royal, ville de Paris,

Nous, président et commissaire de ladite section, certifions à tous qu'il appartiendra, que le sieur Jean Simon Boverat vient de nous donner une preuve de probité reconnue, en nous déposant plusieurs assignats, montant à la somme de 300 livres, qu'il avait trouvés. Pourquoi nous lui donnons le présent certificat pour lui valoir et lui servir en temps que de besoin. A Paris, le 15 juillet 1791.

a Signé: REGNIER, BART, président, etc... » (2) Voy. ci-dessus, séance du 9 juin 1792, au soir, page 31, le décret dont il est ici question.

Art. 4.

"Sont exceptées des dispositions contenues aux deux premiers articles du décret du 9 juin 1792, mentionné ci-dessus, les personnes dont les pensions seraient déjà liquidées définitivement par les précédents décrets de l'Assemblée nationale. »

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

Suit le texte définitf du décret adopté le 9 juin dernier :

« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, après avoir entendu les 3 lectures faites les 23 et 31 mai 1792 et 9 juin présent mois, d'un projet de décret concernant les pensions et secours, et après avoir décrété qu'elle était en état de rendre le décret définitif, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

« Les personnes qui jouissaient de pensions et gratifications et secours annuels assignés sur toutes autres caisses que le Trésor public, et qui, aux termes du décret du 27 juin 1790, devaient les toucher jusqu'au 31 décembre 1789, seront payées par le payeur des dépenses diverses de la trésorerie nationale, de ce qui peut leur en rester dû jusqu'à ladite époque.

Art. 2.

Elles seront payées de même par la trésorerie nationale, de ce qui peut leur rester dû des secours provisoires accordés par le décret du 2 juillet 1791, et autres antérieurs, notamment par les articles 5 et 8 du décret du 20 février 1791; et sur ces secours provisoires, accordés par le présent article, il sera fait déduction des sommes qui auraient été payées en vertu de la loi du 25 février 1791, sur le fonds de 150,000 livres.

Art. 3.

"Lesdites personnes ayant droit aux payements ordonnés par les articles précédents, seront tenues de fournir à la trésorerie nationale un certificat, sur papier libre, des caissiers, régisseurs, administrateurs ou les premiers commis des caisses, fonds et administrations sur lesquels leurs pensions ou gratifications annuelles étaient assignées; lequel constatera le montant des sommes dont elles jouissaient, et l'époque à laquelle le payement des arrérages antérieurs au 31 décembre 1789, ou celui des secours provisoires accordés par les décrets du 2 juillet 1791, et autres y énoncés, auront cessé d'être faits. »

Art. 4.

« Pour effectuer le payement des pensions, gratifications annuelles ou secours ordonnés par le présent décret, la trésorerie nationale se conformera aux lois précédemment rendues à cet égard et notamment aux dispositions relatées dans celle du 28 juin 1791, auxquelles le présent décret n'a point dérogé.

Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi.»

Une députation des citoyens de la ville de Brest est admise à la barre.

L'orateur de la députation félicite l'Assemblée sur le décret des 20,000 hommes, et fait part à

déjà l'ordre et le calme succédaient aux troubles et aux divisions que leurs prédécesseurs n'avaient su arrêter s'ils n'avaient pas contribué à les entretenir.

« Par quelle fatalité nous sont-ils enlevés au moment où nous devions recueillir les heureux fruits de leurs travaux?

«La commune de Lyon se demande avec tous les vrais amis de la liberté française, comment des ministres qui avaient mérité à si juste titre la confiance de la nation ont pu perdre celle du roi. Elle se demande comment ce chef du pouvoir exécutif a pu éloigner de son conseil des hommes qui avaient honoré son choix, des hommes qui lui auraient concilié le cœur de tous les Français, qui l'auraient infailliblement garanti des pièges perfides que les vils courtisans de son ancienne cour ne cessent de lui tendre; elle se demande avec cette sombre inquiétude qui fait naître la perspective d'un funeste avenir, quelles sont les causes de ce renvoi aussi brusque que peu attendu. Ah! si c'est pour avoir sollicité avec trop d'instance la sanction de vos sages décrets; si celui contre les prêtres perturbateurs a valu au ministre de l'intérieur sa retraite; si celui des 20,000 gardes nationales destinées à former un camp auprès de Paris, a été le sujet de la disgrâce dù ministre de la guerre; si un faux agiotage déconcerté a pu faire renvoyer le restaurateur de nos finances; si, comme nous aimons à le penser, le roi n'a d'autres reproches à leur faire, qu'il est glorieux pour eux de les avoir mérités! Il n'est aucun Français digne de ce beau nom, qui n'applaudisse à leur généreuse fermeté.

« Mais jusques à quand gémirons-nous sur l'instabilité d'un ministère qui nous tient constamment dans les angoisses de l'incertitude sur les opérations du gouvernement? Sages législateurs, il est temps de pourvoir à un danger dont une pareille instabilité nous menace.

« Si la loi qui donne au roi le droit de choisir ses ministres et de les renvoyer à sa volonté, est un article constitutionnel, il en est une plus impérieuse, devant laquelle toutes les autres doivent fléchir, le salut du peuple, dans la position critique où se trouve la France. Celle-ci Vous commande de donner au ministère une assiette plus solide, de le soustraire au caprice et à l'intrigue des courtisans qui entourent le monarque, et qu'une vieille habitude peut rendre trop docile aux perfides conseils qu'il reçoit d'eux.

Daignez donc, sages législateurs, pourvoir promptement aux dangers qui nous menacent, et soyez assurés de l'assentiment de tous les Français aux mesures que vous dictera votre sagesse pour les prévenir.

"Vivre libre ou mourir, est le vœu que la commune de Lyon partage avec toutes celles de l'Empire. Verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour soutenir les décrets qui émanent de votre auguste Assemblée, est celui de tous les amis de la liberté. »>

(Suivent les signatures.)

Plusieurs membres (à gauche): Mention honorable!

D'autres membres (à droite): L'ordre du jour! Un membre (à gauche): Au roi appartient le droit de donner ou de refuser la sanction aux actes du Corps législatif, mais les signataires de

l'adresse disent que le salut public est la première loi.... (Applaudissements à gauche.)

M. Hua. Je demande l'ordre du jour. Sans doute le salut du peuple est la première des lois. Mais le salut du peuple est dans la Constitution. (Applaudissements.) Et nous n'avons pas le droit de changer cette Constitution. Et je regarde autant comme ennemi celui qui cherche ǎ avilir le pouvoir exécutif, que celui qui cherche à avilir le Corps législatif. L'erreur du peuple vient de ce qu'il croit que les ministres qui ont été renvoyés, sont patriotes. (Applaudissements des tribunes.) Je demande que le comité soit tenu de faire à jour fixe son rapport sur la conduite de ces ministres patriotes.

M. Delacroix. Je demande mention honorable de la pétition, car l'adresse n'est pas inconstitutionnelle. Les signataires ne dictent pas au roi le choix qu'il doit faire de ses ministres, mais ils disent au roi de consulter le salut du peuple dans le choix ou le renvoi qu'il fait de ses ministres.

M. Léopold. Je demande mention honorable du commentaire de M. Delacroix. (Vive agitation.) (L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)

5° Adresse des citoyens libres de la ville de Mâcon, qui manifestent d'une manière énergique leur amour pour la liberté et l'égalité, et invitent l'Assemblée à faire des décrets sages et fermes, protestant de les défendre jusqu'à la

mort.

[blocks in formation]

Le corps politique est menacé d'une dissolution: le destin de la France est dans vos mains, il dépend de la sagesse, de la grandeur des mesures que vous allez prendre et la confiance de la nation vous environne.

« Nous avons juré de vivre libres; hâtez-vous donc de combattre, de détruire les ennemis de la liberté, quels qu'ils soient. Que le salut du peuple et de la liberté soit l'unique objet de vos délibérations; qu'il dicte vos décrets et nous vous répondons de toute la force nationale.

Représentants du peuple français, ce peuple veut la liberté et l'égalité. Ses tyrans armés ne changeront pas sa volonté, les tyrans ne l'éluderont pas. Organes du souverain pouvoir, faitesentendre sa voix: il se lèvera pour la confirmer.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]
« PreviousContinue »