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applaudissements, après avoir décrété que mention en sera faite au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

M. le Président. Il reste encore beaucoup d'adresses. On en fera lecture à l'Assemblée demain à l'ouverture de la séance.

M. Chabot. Il y en a une qui a été envoyée par les citoyens réunis en société d'amis de la Constitution à Blois. Je demande que l'Assemblée en entende la lecture.

Un de MM. les secrétaires en fait la lecture; elle est ainsi conçue (1) :

Blois, le 22 juin 1792.

« Représentants de la nation,

«Des ministres prévaricateurs ont jusqu'à présent consolé les Tuileries par l'espoir d'une contre-révolution. S'ils n'osaient provoquer le veto contre les décrets de l'Assemblée constituante, ils savaient bien les éluder. Les plus nécessaires au maintien de la Constitution sont restés sans exécution. Ils ont pris une tout autre marche avec la législature actuelle: ils ont voulu l'avilir aux yeux de leurs commettants. C'est à ce système infernal que nous devons tous les veto, qui ont frappé les décrets rendus pour le salut du peuple. Ainsi les tyrans se jouent de la souveraineté de la nation.

«En vain la France entière a demandé l'expulsion de ces ministres conspirateurs; Louis restait sourd aux cris d'un peuple entier. Enfin las de voir tous leurs complots déjoués, ils ont cédé la place et, pour la première fois, on vit la vertu et la probité s'asseoir aux conseils des rois. Mais une cour parjure et corrompue ne put entendre le langage de la vérité: bientôt les antropophages des Tuileries ne purent soutenir la présence des amis, des défenseurs du peuple. Ils furent chassés. Qui voudra maintenant prendre en main les intérêts du peuple? Est-il un honnête homme qui voulut remplacer un Roland, un Clavière, un Servan? Non, Louis ne peut leur substituer que des tigres altérés de sang. Il est plus que temps, législateurs, que vous fassiez entendre la voix du souverain pouvoir; que vous disiez à Louis que la nation veut avoir des ministres probes et intègres, que Roland, Clavière et Servan ont mérité sa confiance, et qu'il commande à ces hommes vertueux de reprendre leur poste.

« Mais il est une seconde mesure également · nécessaire: la Constitution dit : « Si le roi ne s'oppose pas par un acte formel aux entreprises s'exécuteraient en son nom contre la nation, sera censé avoir abdiqué.

qui

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Nous le demandons à tout homme de bonne foi; le roi s'oppose-t-il par un acte formel aux entreprises faites contre la nation, lorsqu'il continue de soudoyer sa garde licenciée, forsqu'il s'oppose à la formation d'un camp de 20,000 hommes, lorsqu'il renvoie les ministres dévoués au salut du peuple et qui préparaient efficacement les moyens de défense? Il est temps que vous manifestiez à toute la terre les preuves sans nombre de ses trahisons et de ses parjures et que vous le déclariez déchu d'un trône où il ne s'asseoit que pour le malheur des peuples.

« Mais ce n'est point par de vaines subtilités que se décidera la cause des peuples et des tyrans. Ordonnez dans tout l'Empire la fabrica

(1) Archives nationales. Carton 152, dossier no 298 bis

tion des armes ; que toute la France soit debout. Environnés de la confiance des peuples, souvenez-vous que les générations présentes et futures vous demanderont compte de tout le bonheur qui leur était préparé et que vous pouvez leur assurer.

« Nous nous résumons: Rappel des ministres; Louis XVI déchu du trône; renvoi de l'Autrichienne; fabrication et distribution d'armes à tout le royaume. Tels sont les vœux des Français libres». (Vive agitation.)

« Les citoyens de Blois. »
(Suivent les signatures).

Plusieurs membres : L'ordre du jour.!

M. Brunck. On demande où est la faction. La faction est dans ceux qui connaissant cette adresse en sollicitent la lecture. (Murmures à gauche.)

M. Léopold. Je demande la punition de ceux qui ont sollicité la lecture de cette adresse, et que cette capucinade impie soit vouée au mépris. (L'Assemblée renvoie l'adresse au comité des Douze, et passe à l'ordre du jour.)

Le sieur DINOT, commandant en chef la garde nationale de Thionville, est admis à la barre. Il demande que le traitement de guerre soit accordé aux troupes en garnison ou cantonnées dans les villes déclarées en état de guerre, et un décret qui oblige de recevoir les assignats. Il ajoute quelques observations sur la situation de cette partie de frontière et donne lecture d'une adresse des citoyens. La ville de Thionville, ditil, est bien palissadée, bien réparée, c'est l'ouvrage des citoyens; malheureusement il n'y a pas assez de troupes pour une place qui se trouve sous le canon du Luxembourg. Il n'y a que 4,000 hommes de garnison, alors qu'en temps de paix, il y en avait 12,000. On ne voit dans Thionville aucun régiment de cavalerie; en revanche, il y a, à côté, dans l'électorat de Trêves, de grands rassemblements d'émigrés qui sont en liaison secrète avec des prêtres et autres mauvais citoyens du pays. Les citoyens de Thionville demandent des troupes pour seconder leur zèle, la déclaration de la ville en état de guerre, et répondent de la sûreté de la place. Ils adressent à l'Assemblée un don patriotique de 96 livres,

en or.

M. le Président répond au sieur Dinot, et lui accorde les honneurs de la séance.

Plusieurs membres : La mention honorable! (L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse et le renvoi à la commission des Douze; puis elle accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements, après en avoir décrété la mention au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions adressées à l'Assemblée :

6° Adresse des administrateurs composant le directoire du département de l'Eure, dans laquelle ils annoncent que la nouvelle de ce qui s'est passé à Paris, dans la journée du 20 juin 1792, a répandu le deuil et la consternation dans leur département. Cette adresse est ainsi conçue: (1)

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Pétitions, tome I, no 56.

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« La journée du 20 juin a répandu dans le département de l'Eure le deuil et la consternation.

« La nation a été insultée, la loi violée, la royauté avilie. Quelle est donc cette faction puissante qui, enfreignant toutes les lois et bravant avec audace les autorités constituées, envoie insolemment ses dociles émissaires violer la majesté nationale et dicter en quelque sorte des lois à ceux qui sont envoyés pour en faire? Qu'ils sont criminels ceux qui, dans le temple même de la Constitution, osent prêcher des lois de sang, canoniser la révolte et déifier l'anarchie!

« Législateurs, la patrie est en danger. Une secte impie étend sur toute la France ses trames criminelles et ose rivaliser avec les autorités constituées. Nous nous trompons; elle les foule aux pieds, elle lève le masque, vante ses affreux triomphes. Elle sent son pouvoir, elle peut tout oser, elle causera la ruine de l'Empire.

« Représentants du peuple français, le corps social va se dissoudre; levez-vous donc et faites rentrer dans le néant les sacrilèges qui jouent le sang et la liberté d'une grande nation. A vous sont confiés les destins de la France. Vos commettants vous regardent tous vous disent : liberté, égalité, jamais deux Chambres, mais la Constitution tout entière. (Applaudissements.) Déjouez l'intrigue, foudroyez les factions et que le règne paisible de la loi succède à la trop longue anarchie qui fatigue et détruit l'Empire. Nous vous parlons avec le courage qu'inspire la vérité. Nous sommes assez forts pour vous la dire et vous êtes dignes de l'entendre. Sauvez la France, elle est en péril. Pour nous, nous mourrons à notre poste s'il le faut, et notre mort sera glorieuse, puisque nous aurons rempli nos devoirs.

"

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Un membre: Je demande la mention honorable de cette adresse, l'insertion au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements.

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse, l'impression et l'envoi dans les 83 départements.)

7° Lettre des commissaires de la trésorerie nationale, qui demandent l'autorisation des mesures provisoires qu'ils ont été obligés de prendre pour le payement de l'excédent des hommes qu'il y a eu dans plusieurs régiments. Ils sollicitent un décret pour l'avenir.

(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités de l'ordinaire des finances et militaire réunis.)

8° Adresse du conseil général de la commune de Blois, qui déplore l'instabilité des ministres, le renvoi des trois ministres patriotes et manifeste le vœu de leurs concitoyens qui est de vivre libres ou de mourir.

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Pétitions, tome 1, no 56.

Un membre: La mention honorable!

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)

Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :

1° Les élèves du collège national de Vesoul, chef-lieu du département de la Haute-Saône, envoient un don patriotique, 150 livres en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre.

2o Le sieur Dominique Batiot, administrateur du directoire du département de Saône-et-Loire, s'engage à payer 120 livres à la fin de la guerre, pour être remise au volontaire du premier bataillon de ce département qui sera jugé avoir le mieux observé la discipline militaire.

3o Le sieur Claude Lefebvre offre, en assignats, 5 livres.

4° Les amis de la Constitution du département de la Haute-Loire, offrent à la patrie une somme de 153 livres, 14 sols en or, et 534 livres, 11 sols en assignats, qu'ils adressent aux députés de leur département, parce que, disent-ils, les circonstances ne leur permettent pas de l'adresser à un ministre inconnu et suspect, par cela même qu'il en remplace un qui a emporté avec lui les regrets de la nation.

(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Le sieur Jean-Simon BOVERAT est admis à la barre; il s'exprime ainsi : (1)

« Messieurs,

"Le sieur Jean Boverat, compagnon bijoutier, habitant de cette ville, a l'honneur de vous représenter qu'il y a un an qu'il a trouvé dans la rue, près du Palais-Royal, une somme de 300 livres en assignats. A cette même époque l'exposant se transporta sur-le-champ à la section du Palais-Royal pour y faire sa déclaration et en même temps pour y déposer ladite somme de 300 livres à l'effet de la faire afficher et la remettre à ceux qui l'aurait perdue.

« C'est après cette année révolue que l'exposant s'est présenté au comité de la section, où il a fait ce dépôt pour le réclamer, voyant qu'il ne s'est présenté personne: mais le commissaire de la section, ainsi que plusieurs personnes du comité lui ont dit qu'ils ne pouvaient que lui en délivrer la moitié, attendu qu'il en fallait un quart pour la nation et l'autre quart pour les pauvres. A quoi l'exposant n'a point voulu consentir, se réservant de faire lui-même ce qu'il jugerait à propos à cet égard, lorsqu'il aurait la somme entière qui lui appartient de droit en totalité, puisque personne ne la réclame.

« C'est dans ces circonstances et d'après cet exposé que ledit Jean-Simon Boverat a cru devoir se présenter aujourd'hui à votre auguste Assemblée, à l'effet d'implorer votre justice sur le refus qui a été fait par le comité de la section du Palais-Royal de lui remettre ladite somme de 300 livres en entier. En conséquence, il vous supplie d'ordonner qu'elle lui sera remise, considérant que ce brave citoyen s'en rapporte à la sagesse de l'Assemblée nationale sur les dons qu'elle croira devoir lui inspirer pour la guerre, étant

(1) Archives nationales, Carton 152, dossier no 270.

dans l'intention de faire le sacrifice du surplus pour se mettre dans les canonniers et se rendre par là utile à sa patrie, se trouvant sans fortune et profitant de cette occasion favorable pour remplir les vues de son patriotisme. C'est la grâce qu'il attend des représentants de la nation française; il ne cessera, Messieurs, de vous en témoigner sa plus vive reconnaissance. »>

Signé: BOVERAT. »

A cette pétition est joint le procès-verbal de dépôt des 300 livres du commissaire de la section du Palais-Royal (1).

M. le Président répond au sieur Boverat et lui accorde les honneurs de la séance.

Un membre: Gette affaire regarde le pouvoir judiciaire, je demande l'ordre du jour.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur cette pétition.)

M. Jard-Panvillier, au nom du comité de liquidation, présente un projet de décret sur quelques omissions faites dans les différents articles du décret du 9 juin 1792 (2), sur les réclamations des pensionnaires de la ci-devant province de Bretagne pour le payement des arrérages de leurs pensions pendant les années 1788 et 1789. Ce projet de décret est ainsi conçu:

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de liquidation sur quelques omissions faites dans les différents articles du décret du 9 juin 1792, concernant le payement des arrérages des pensions sur toutes autres caisses que le Trésor public; considérant que des pensionnaires de mauvaise foi pourraient abuser de ces omissions au préjudice de l'intérêt public, décrète qu'il y a urgence.

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L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

Dans l'article premier du décret du 9 juin 1792, après ces mots : les personnes qui jouissaient des pensions, gratifications, il sera ajouté ceux-ci et secours.

Art. 2.

« Dans l'article 2 du même décret, après ces mots par le décret du 2 juillet 1791, et autres antérieurs, notamment par les articles, il sera ajouté celui-ci cinq.

Art. 3.

Dans l'article 3 du même décret, après ces mots: des caissiers, régisseurs administrateurs, il sera ajouté ceux-ci: ou les premiers commis.

(1) Ce procès-verbal est ainsi conçu:

Section du Palais-Royal, ville de Paris,

Nous, président et commissaire de ladite section, certifions à tous qu'il appartiendra, que le sieur Jean. Simon Boverat vient de nous donner une preuve de probité reconnue, en nous déposant plusieurs assignats, montant à la somme de 300 livres, qu'il avait trouvés. Pour quoi nous lui donnons le présent certificat pour lui valoir et lui servir en temps que de besoin. A Paris, le 15 juillet 1791.

« Signé: REGNIER, BART, président, etc... » (2) Voy. ci-dessus, séance du 9 juin 1792, au soir, page 31, le décret dont il est ici question.

Art. 4.

• Sont exceptées des dispositions contenues aux deux premiers articles du décret du 9 juin 1792, mentionné ci-dessus, les personnes dont les pensions seraient déjà liquidées définitivement par les précédents décrets de l'Assemblée nationale. »

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

Suit le texte définitf du décret adopté le 9 juin dernier :

« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, après avoir entendu les 3 lectures faites les 23 et 31 mai 1792 et 9 juin présent mois, d'un projet de décret concernant les pensions et secours, et après avoir décrété qu'elle était en état de rendre le décret définitif, décrète ce qui suit :

Art. 1°r.

<< Les personnes qui jouissaient de pensions et gratifications et secours annuels assignés sur toutes autres caisses que le Trésor public, et qui, aux termes du décret du 27 juin 1790, devaient les toucher jusqu'au 31 décembre 1789, seront payées par le payeur des dépenses diverses de la trésorerie nationale, de ce qui peut leur en rester dû jusqu'à ladité époque.

Art. 2.

Elles seront payées de même par la trésorerie nationale, de ce qui peut leur rester dù des secours provisoires accordés par le décret du 2 juillet 1791, et autres antérieurs, notamment par les articles 5 et 8 du décret du 20 février 1791; et sur ces secours provisoires, accordés par le présent article, il sera fait déduction des sommes qui auraient été payées en vertu de la loi du 25 février 1791, sur le fonds de 150,000 livres.

Art. 3.

"Lesdites personnes ayant droit aux payements ordonnés par les articles précédents, seront tenues de fournir à la trésorerie nationale un certificat, sur papier libre, des caissiers, régisseurs, administrateurs ou les premiers commis des caisses, fonds et administrations sur lesquels leurs pensions ou gratifications annuelles étaient assignées; lequel constatera le montant des sommes dont elles jouissaient, et l'époque à laquelle le payement des arrérages antérieurs au 31 décembre 1789, ou celui des secours provisoires accordés par les décrets du 2 juillet 1791, et autres y énoncés, auront cessé d'être faits. »

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l'Assemblée, au nom de ses concitoyens, que si la patrie était en danger, ils s'empresseraient de remplir leur serment de voler tous auprès d'elle. Il donne ensuite lecture d'une adresse qui est ainsi conçue :

"

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Depuis quatre ans, nos frères de la garde nationale parisienne supportent seuls les fatigues et les dangers d'une surveillance toujours plus active et toujours plus nécessaire; depuis longtemps nous avons sollicité l'avantage de partager avec eux tant de travaux et de donner à leurs forces le temps de se remettre au niveau de leur courage; un zèle ardent multipliait chez eux les ressources de la nature, mais chaque jour la masse des périls devient plus effrayante. Les ennemis de la chose publique ont déserté les départements pour se réunir dans la capitale; il est donc juste, il est indispensable d'entourer Paris d'une force imposante, également destinée à réprimer les ennemis intérieurs et à renforcer les armées qui combattent sur nos frontières.

Législateurs, en nous appelant à faire un rempart de nos corps à ceux qui nous ont donné le signal de la liberté, vous avez comblé nos désirs. Si jamais un homme devait être loué autrement que par ses propres actions, le ministre qui vous a rappelé cette disposition bienfaisante, recevrait ici le tribut de notre reconnaissance. Nous savons que l'intrigue a osé lever contre ce décret sa tête audacieuse; représentants du peuple, c'est à vous de punir les intrigants, c'est à nous de paralyser la main ennemie qui chercherait ensuite à anéantir la volonté nationale. Le roi peut refuser de sanctionner vos décrets, mais jamais il n'exercera de veto, ni sur nos cœurs, ni sur nos bras. (Applaudissements à gauche.) Ils sont tous à vous, et nous avons aussi une liste civile, qui sans être corruptrice, est inépuisable. Législateurs, un mot peut vous entourer d'une forêt d'armes et de monceaux d'or.

« La Constitution nous a donné un représentant héréditaire et inviolable; nous avons juré de maintenir la Constitution, voilà les titres de Louis XVI à notre respect et à notre obéissance. Mais vous, nous vous avons librement élus pour nos représentants; c'est volontairement que nous avons remis entre vos mains le dépôt de nos destinées. L'acte qui nous donne un roi peut être changé; les volontés du peuple sont sacrées et ses droits imprescriptibles. Achevez donc de nous rendre libres, veillez à la sûreté de l'Empire; décrétez les mesures les plus vigoureuses, nous les sanctionnerons par notre assentiment, et nous les scellerons de notre sang.

« Législateurs, les événements du mois de juin 1789 se renouvellent. Rappelez-vous le jeu de paume et les représentants du tiers-état; nous sommes les Français du 14 juillet. Des ministres auxquels le peuple accorde sa confiance sont expulsés; les orages s'amoncellent; l'éclair, précurseur de la tempête, vient de sillonner notre horizon. Nous sommes debout et 150 lieues seront bientôt franchies. Si bientôt la foudre n'a pas écrasé les têtes coupables, nous remplissons nos serments, nous volons auprès de vous. Si un décret sanctionné ne nous trace pas la route, notre civisme nous guidera et les plus rigides

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Pétitions, tome 1, no 55.

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(Suivent les signatures, au nombre de 336.) M. le Président répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.

M. Charlier. Je demande la mention honorable et l'impression de l'adresse. (Bruit.)

M. Boullanger. Il y a trop longtemps que les 3 particuliers qui sont à la barre, abusent de la crédulité de l'Assemblée. Plusieurs fois ils se sont présentés à la barre, au non des citoyens de Brest, et ils ne sont pas de cette ville. Je dénonce le fait à l'Assemblée; il est temps que l'on connaisse les moyens qu'on emploie pour renverser la Constitution.

Plusieurs membres : Ah! ah! les signatures!

M. Cambon. Il y a 2 ou 300 signatures; si l'Assemblée l'exige, j'en ferai lecture. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

M. Merlin. Je demande que le calomniateur soit envoyé à l'Abbaye.

Un membre: Avant d'adopter la motion de M. Charlier, je demande qu'on vérifie si les signatures sont véritablement des citoyens de Brest.

M. Cambon, secrétaire. Voici le certificat des officiers municipaux de la ville de Brest, qui attestent que les signataires de cette adresse, réunis aux termes des lois, sont citoyens de Brest. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) J'en donne lecture:

་་

Nous, officiers municipaux, certifions que les signatures apposées à la présente pétition, sont celles de citoyens domiciliés dans cette ville, lesquels se sont réunis pour rédiger et signer ladite pétition d'après les formes déterminées par la loi.

« Signé : BARTOUMIEU, maire, BARREE, etc... » Plusieurs membres : La date de l'adresse ! M. Cambon. Elle est du 17 juin.

M. Becquey. Comment est-il possible que des citoyens de Brest puissent parler du veto sur le décret des 20,000 hommes, dans une adresse datée du 17 juin, puisque le veto n'a été mis sur ce décret que le 18 au soir? (Murmures à gauche.)

M. Cambon. La lecture d'une phrase de cette adresse prouvera encore qu'on ne parviendra pas à trouver les citoyens de Brest en faute, et que toutes les calomnies qu'on fait contre eux, ne seront pas difficiles à détruire. Voici la phrase: « Si un décret sanctionné ne nous trace pas la route, notre civisme nous guidera. »

Vous voyez bien, Messieurs, qu'on ne parle point du veto. (Applaudissements à gauche.)

Plusieurs membres (à gauche): A l'Abbaye le calomniateur!

D'autres membres (à droite) : L'ordre du jour ! Un membre: Je ne demande pas, moi, que le député qui a fait cette motion soit envoyé à l'Abbaye, mais qu'il soit rappelé à l'ordre avec

censure.

Un autre membre: Je demande que l'on punisse les agitateurs du peuple!

Un membre (à gauche) : C'est vous qui êtes les agitateurs!

Un membre: Il est bien étonnant qu'on se

permette de calomnier une des villes qui ont donné le plus de preuves de patriotisme. Croyez, Messieurs, qu'elle serait extrêmement sensible à cette nouvelle calomnie; mais ce qui l'affecterait le plus, vivement, ce serait d'avoir, un seul instant, été l'occasion que le calme de cette Assemblée fùt troublé.

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse, son impression et l'envoi aux 83 départements.)

Un citoyen d'Yvetot est admis à la barre. Il demande, au nom de plusieurs de ses concitoyens, la révocation d'un arrêté du directoire du département de la Seine-Inférieure, qui annule une délibération du corps municipal de leur commune, au sujet de l'organisation de 2 compagnies de chasseurs de la garde nationale. Sa pétition est ainsi conçue:

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« Nous avons demandé l'anéantissement d'un arrêté du département de la Seine-Inférieure, qui ordonne aux chasseurs d'Yvetot de rentrer parmi les autres gardes nationales. Cet arrêté est une violation de la loi, contrarie le vœu des citoyens, casse un arrêté de la municipalité, et annonce un oubli total des services rendus par les chasseurs d'Yvetot, qui, d'après la loi, doivent exister jusqu'au 1er mai 1793. Nous demandons à l'Assemblée l'application de la loi. »

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

M. Tarbé. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif, qui seul peut décider si l'arrêté du département est légal.

(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)

Le sieur Rioult, sergent de la garde nationale de Fatouville, district de Pont-Audemer, département de l'Eure, est admis à la barre.

M. Cambon, secrétaire, donne lecture de la pétition du sieur Rioult, qui est ainsi conçue (1) :

Messieurs, un grand nombre de citoyens habitant la campagne au district du Pont-Audemer, département de l'Eure, m'ont chargé de vous offrir l'assurance de l'attachement le plus inviolable à la Constitution, et de vous rappeler une pétition individuelle qu'ils vous firent, il y a plusieurs mois, sur la loi des patentes. Je suis un de ces citoyens qui habitent et cultivent les champs je devais venir acheter des livres et des armes pour quelques-uns de nous, et c'est ce voyage qui m'a valu l'honneur de vous exprimer, au nom de tous, nos vœux pour le bien public, et de vous renouveler notre demande

commune.

"Nous sommes tous patriotes dans notre canton; c'est-à-dire prêts à nous battre contre tous les seigneurs possibles, les hauts, les bas et les moyens, et contre tous les décimateurs du monde, les gros et les menus. Mais en même temps nous suivons toutes les lois, nous n'en exceptons pas une; et celles qui nous gênent, nous disons: Suivons-les toujours, parce que ces lois-là ne sont peut-être pas gênantes ailleurs, et qu'il faut que tout le monde se prête; si, par la suite, la foi nous paraît toujours nuisible, nous ferons une pétition, mais en attendant,

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Pétitions, tome I, no 54.

suivons-la religieusement, et songeons que dans les premières années d'un ménage, et quand on monte sa maison, on ne doit pas s'attendre à se voir tout de suite dans tous ses meubles, ni se fâcher de n'avoir pas toutes ses aises du premier coup.

Voilà comme nous avons fait, par exemple, pour l'impôt du commerce nommé droit de patentes.

« Ce droit ne pèse pas également sur tous ceux qu'il atteint, et, dans les campagnes surtout, la perception en est fréquemment gênante. Parmi les hommes chargés de veiller à son recouvrement, il en est de mal intentionnés, qui, cherchant à nous dégoûter du régime actuel, nous appliquent le texte de la loi sans miséricorde; d'autres qui sont bons citoyens, et qui tiennent à la loi, nous la font lire, ils nous l'expliquent, ils nous plaignent et ceux-là du moins Soutiennent notre respect pour elle. Mais dans tous les cas, il en résulte toujours que tel qui ne faisait pas un commerce annuel et continu, mais qui, de fois à autres, par des actes d'achat et de vente, faisait de petits profits qui lui aidaient à vivre, est forcé d'y renoncer à cause du droit qui les absorbe.

« Au reste, cet impôt devrait essentiellement, comme tous les autres, porter uniquement sur le produit présumé du commerce, et non pas sur ses moyens cependant il y a tel colporteur dont le commerce double en lui-même, et quelquefois quadruple de celui qui ne peut se faire qu'avec une voiture, paie néanmoins 7 fois moins cher de droit de patente.

«En effet, le citoyen qui colporte des mousselines, des toiles peintes, de la mercerie, de la bijouterie, des rubans, peut mettre sur ses épaules une fortune passable, et vivre aisément du produit de sa balle; mais s'il charge un cheval, il triple la valeur de son commerce, il va plus vite, et il gagne en proportion ainsi rien n'est plus juste qu'il paye de même.

<< Mais le malheureux qui ne vend que de la chaux, par exemple, des fagots, quelques sacs de grains, ou de méchante et grossière poterie, ce n'est pas pour vendre davantage qu'il mène un cheval, c'est parce que sans cheval, il ne porterait jamais les pesants objets de son commerce, et ne le ferait pas. Le droit de patente sur le cheval du marchand, très juste quand le cheval augmente les profits, cesse donc de l'être quand il est pour le commerce d'une première nécessité. Nous passons mille détails qui seraient de trop, quoiqu'ils ne servissent qu'à développer ce principe de plus en plus. Vous les pressentez, Messieurs, et vous pourvoirez à beaucoup d'inconvénients, en interprétant d'une manière précise la dénomination trop vague de marchand forain, sous laquelle est indistinctement compris tout homme qui revend ce qu'il achète.

« Nous vous prions de renvoyer notre pétition à celui de vos comités que vous avez chargé de la première, d'ordonner que le rapport vous en soit prochainement fait, et d'être au surplus bien convaincus, que, malgré le besoin de l'interprétation de la loi des patentes, nous ne nous permettrons pourtant jamais de la violer à l'avance, quelles que soient les pertes qu'elles nous causent. (Applaudissements.)

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