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exécutif; qu'il empêchait le cours de la justice; qu'il était contraire à toutes les lois anciennes et nouvelles, qui veulent qu'un jugement rendu en dernier ressort subsiste jusqu'à ce qu'il ait été détruit par la cassation ou par la voie de la requête civile enfin, que ce décret confondait tous les pouvoirs, et enlevait aux tribunaux la faculté d'examiner.

Voilà, Messieurs, l'analyse fidèle des moyens employés par les pétitionnaires, et je crois pouvoir assurer que je les ai présentés dans toute leur force. Il s'agit maintenant d'en examiner la valeur, et pour cela je dois vous observer que les pétitionnaires donnent au décret du 22 novembre 1790 une extension bien plus considérable que celle qui sort naturellement de ses dispositions.

L'article premier dénonce au roi l'arrêt concerté le 22 septembre, afin qu'il soit pourvu à ce que les intérêts de la nation n'en souffrent aucun dommage. L'article 2 invite le roi à faire donner des ordres pour le rétablissement dans la caisse des eaux des sommes qui en ont été tirées en vertu de l'arrêt du 22 septembre. L'article 3 est une simple réserve de faire porter plainte contre les personnes qui ont obtenu, ou fait obtenir, cet arrêt.

Ainsi, le décret, dont on demande le rapport, ne contient aucune disposition impérative; il dénonce au roi des faits; il l'invite à prendre des précautions et à donner des ordres pour sauver du naufrage des sommes qui appartenaient pour les quatre cinquièmes à la na

tion.

Lorsque ce décret a été rendu, la trésorerie nationale n'était pas organisée, le contrôleur des bons d'Etat pas encore agent du Trésor public; le roi était encore, à cette époque, le chef de l'administration des revenus publics. C'était donc au roi que l'Assemblée nationale devait dénoncer les faits, les manoeuvres et les actes qui compromettaient ces revenus. Le conseil d'Etat était encore en activité; il était encore, à cette époque, le seul tribunal auquel on pût dénoncer les actes ou jugements supérieurs qui attaquaient les lois existantes, et tous les principes d'équité; mais le conseil d'Etat ne pouvait agir de son propre mouvement, et l'Assemblée nationale ne pouvait lui porter directement les réclamations de la nation. C'est donc au roi, chef de la nation, qu'elle devait faire les réquisitions nécessaires; et c'est aussi la marche qu'elle a tenue par le décret du 22 novembre 1790.

Pour apprécier à leur juste valeur les assertions et les moyens des pétitionnaires, rappelezvous, Messieurs, par quel artifice, ou plutôt par quelle abominable collusion on était parvenu à écarter l'agent du Trésor public pour concerter et exécuter, en son absence, ce prétendu arrêt du parlement du 22 septembre 1790. Tout annonçait dans la conduite des prétendus administrateurs des eaux, le coupable projet d'enlever à la nation les faibles gages qui pouvaient assurer le recouvrement d'une partie de ses créances; et quelles créances encore? des créances qui ne devaient, pour ainsi dire, leur origine qu'à une autre espèce de collusion entre des ministres prévaricateurs et les mêmes personnes qui ont depuis osé présenter comme un arrêt légal l'acte concerté du 22 septembre 1790. Tout, dans cette affaire, respirait la fraude et le dol.

Que devait faire l'Assemblée nationale dans cette circonstance? ce que vous feriez aujour

d'hui, Messieurs, si, pour la première fois, on présentait les faits que j'ai mis sous vos yeux. Comme représentants de la nation, vous ne verriez pas sacrifier ses intérêts, ses revenus, ses capitaux, sans prendre des mesures capables d'arrêter un semblable désordre. Vous penseriez que la nation a le même droit que tous les citoyens, considérés individuellement; qu'elle peut donc agir et se défendre par-devant les tribunaux, comme les particuliers; et vous regarderiez comme un de vos devoirs les plus importants, celui de dénoncer des faits où des actes qui compromettraient les propriétés nationales. Et que deviendraient donc ces propriétés, si les représentants de la nation n'en étaient pas les premiers surveillants?

L'Assemblée constituante, en rendant le décret du 22 novembre 1790, a donc satisfait à une de ses obligations, et elle a rempli un devoir. Ainsi le décret doit avoir son exécution.

ceux

Voyons maintenant si l'arrêt du conseil du 3 décembre 1790 a pu être dénoncé à l'Assemblée nationale comme un arrêt du propre mouvement : car ce n'est que sous cet aspect qu'il a pu être dénoncé à l'Assemblée nationale; sous tous les autres rapports, c'était par-devant les tribunaux que les sieurs Perrier et les prétendus administrateurs des eaux devaient se pourvoir. On appelait ci-devant arrêt du propre mouvement, que le roi, étant en son conseil, rendait sans y être provoqué par des demandes ou des requêtes de parties intéressées; le mot seul indique assez ce que c'était qu'un arrêt du propre mouvement, et trop de citoyens en ont été les tristes victimes, pour qu'on ait oublié ce moyen d'oppression employé par le despotisme. L'arrêt du 3 décembre peut-il être rangé dans cette classe? Il suffit de le lire pour se convaincre du contraire. Le vu qui précède cet arrêt rappelle mot à mot le décret de l'Assemblée nationale du 22 novembre; il rappelle ensuite tout l'exposé et les conclusions d'une requête présentée par l'agent du Trésor public; cette requête rappelle elle-même les faits qui avaient fait rendre le décret du 22 novembre: ainsi l'arrêt du conseil du 3 décembre 1790 a été rendu en connaissance de cause, en suite d'un décret sanctionné; en suite d'un exposé très long de faits et de moyens; en suite d'un rapport fait au conseil. Il n'est donc pas possible de le considérer comme un arrêt du propre mouvement; et je dois ajouter, Messieurs, que si le conseil d'Etat n'avait pas rendu cet arrêt, il aurait annoncé, par son refus ou par sa négligence, l'intention de favoriser l'acte frauduleux du 22 septembre, qu'on lui dénonçait, et que la nation aurait eu le droit de crier à l'injustice. Enfin, nul autre tribunal que le conseil d'Etat n'était compétent pour prononcer sur la demande de l'agent du Trésor public, puisque ce n'est que plusieurs mois après que le tribunal de cassation a été mis en activité.

D'ailleurs, vous avez remarqué, Messieurs, que par deux arrêts du conseil du 28 décembre 1790, les pétitionnaires avaient été déchargés de la contrainte par corps, et de la solidarité prononcée par celui du 3 décembre; ainsi les dispositions les plus rigoureuses de cet arrêt, celles qui pouvaient influer plus sensiblement sur l'honneur et la fortune des pétitionnaires, sont anéantis : et cet acte, contre lequel ils réclament avec tant d'amertume, n'est plus qu'un simple jugement, qui proscrit un autre acte absolument nul par la manière dont il a été obtenu.

Votre comité pense donc que l'on doit écarter

par la question préalable les pétitions par lesquelles les sieurs Perrier et les prétendus administrateurs des eaux ont attaqué, et cet arrêt du 3 décembre 1790, et le décret du 22 novembre précédent, sauf à eux à se pourvoir par-devant les tribunaux en conséquence, il vous propose le projet de décret suivant:

«L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, concernant les créances dues au Trésor public par la Compagnie des eaux de Paris et concernant les pétitions présentées à l'Assemblée nationale par les frères Perrier et par les administrateurs des eaux, tant contre le décret du 22 novembre 1790 que contre l'arrêt du conseil du 3 décembre suivant, déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur ces pétitions.

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(L'Assemblée adopte le projet de décret.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des deux lettres suivantes :

1° Lettre de M. de Chambonas, ministre des affaires étrangères, dans laquelle il annonce à l'Assemblée que le gouvernement de Suède vient d'ordonner que les couleurs de la nation française seraient reconnues dans tous les ports du royaume. Cette lettre est ainsi conçue (1):

< Paris, le 26 juin 1792, l'an IVe de la liberté.

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de faire part à l'Assemblée nationale que, sur les représentations de différents négociants des ports de Suède, et sur une délibération prise à l'unanimité par cette classe de citoyens respectables dont l'industrie fait la prospérité des Empires, le gouvernement vient d'ordonner que les couleurs de la nation française seraient reconnues dans tous les ports de ce royaume, et que tous nos bâtiments y seraient reçus et protégés, comme ceux des nations les plus favorisées. (Applaudissements.)

« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc...

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on

ciation que vous m'aviez fait passer, et une copie de celle que m'a écrite le juge de paix (1). Les bons citoyens apprendront avec satisfaction par la lecture de celle-ci que la dénonciation qui vous a été envoyée contre M. Chabot, sous les noms de Lenoir, Dubreuil et Verniquet, n'est qu'une lâche et coupable machination. (Applaudissements.) Le juge a découvert plusieurs Lenoir dans la section, mais aucun d'eux n'a reconnu la signature « Lenoir » pour être la sienne, et quant aux noms Dubreuil et Verniquet. ne connaît personne dans la section à qui ils puissent être appliqués. Le juge de paix me promet de faire de nouvelles recherches, mais il y a tout lieu de croire qu'elles seront vaines, et que ces trois signatures sont l'ouvrage de quelque imposteur, jaloux de perpétuer nos dissensions. Le ton de la dénonciation me l'avait fait conjecturer, et c'est pour moi une tâche bien douce à remplir que d'annoncer à l'Assemblée nationale que les alarmes qu'on pouvait avoir conçues n'ont aucun fondement relativement à M. Chabot. » (Nouveaux applaudissements.) « Je suis avec respect, etc...

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(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre, l'expédition du procès-verbal et la lettre supposée à la commission extraordinaire des Douze.)

Un membre: Je demande qu'à l'avenir M. le Président de l'Assemblée nationale ne puisse donner lecture d'aucune dénonciation à moins qu'elle ne soit accompagnée de formes légales et authentiques!

D'autres membres : Appuyé!

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

M. Blanchard, au nom du comité militaire, fait un rapport sur un marché passé par M. Servan, ex-ministre de la guerre, relatif à quelques approvisionnements de l'armée du Bas-Rhin; il s'exprime ainsi :

Vous avez renvoyé à votre comimisson militaire, les plaintes qui ont été portées par le directoire du Bas-Rhin, et dont le ministre de la

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« J'ai l'honneur de vous envoyer l'extrait de la delibération de l'assemblée générale de la section des QuinzeVingts que vous me demandez. Le président et plusieurs commissaires ont consulté les registres du recensement on y a trouvé quelques noms « Lenoir », lesquels ont déclaré n'avoir connaissance de la lettre qui dénonce M. Chabot. Nous ferons de nouvelles recherches, et si nous trouvons quelqu'un des signataires, je vous en instruirai aussitôt. Personne ne connaît sur notre section de Verniquet: on ignore s'il y a sur la section un Dubreuil. »

« J'ai l'honneur etc.

« Signe: WATRIN, juge de paix de la section des Quinze-Vingts.

Certifié conforme à l'original,

■ Signé : DURANTHON. »

guerre vous a rendu compte, sur un marché passé par M. Servan, lorsqu'il était ministre de la guerre, au sieur Worms, relativement à quelques fournitures nécessaires aux troupes, et pour lequel on avait annoncé une adjudication, et reçu dans ce département des soumissions très avantageuses, et dont il résultait pour la nation une diminution de dépenses de 300,628 1. 11 s. Le directoire demande que ces soumissions soient acceptées, et que le marché du sieur Worms soit résilìé.

D'un autre côté, cet entrepreneur réclame de fortes indemnités dans le cas où son marché serait résilié. Il s'est présenté à la commission, et il a annoncé qu'il ferait imprimer et qu'on distribuerait à tous les membres de l'Assemblée nationale un mémoire sur cette affaire. Votre commission ne croit donc pas devoir vous proposer de prononcer sur une question aussi importante avant que ce marché soit connu.

D'ailleurs, en se procurant des éclaircissements sur le marché du sieur Worms, les membres du comité militaire ont eu quelques connaissances de marchés passés par M. Servan qui paraissent également répréhensibles, et sur lesquels il importe que vous portiez votre attention. Votre commission a remarqué entre autres: 1°, un marché de 1,500,000 livres, rations de fourrages à 32 sols, passé au sieur David. Quoique les fournisseurs, consultés sur la propositíon du sieur David, en eussent démontré les inconvénients, elle en entraîne effectivement un très grand nombre que nous mettrons sous vos yeux, et qui vous prouveront que dans cette occasion l'ex-ministre s'est écarté des formes que la loi prescrit; 2° un marché passé aux sieurs Lancher et Choiseau pour l'entretien de 10,000 chevaux d'artillerie, à raison de 45 sols par jour par chaque cheval, tandis qu'il avait été conclu, avec ces entrepreneurs, un marché pour le même objet à raison de 38 sols, marché que M. Servan a résilié sans raison, sans but utile, de son autorité privée; ce qui occasionne à l'Etat une augmentation de dépenses d'un million 25,000 livres; 3° un marché passé au sieur Vender pour les eaux-de-vie et vinaigres, à 48 sols et à 15 sols 6 deniers la pinte, lorsqu'il existait entre les mains du ministre une soumission du sieur Argan à 40 sols et 10 sols. Enfin deux marchés avec M....., sous la caution de M. l'abbé Despagnac; savoir l'un pour 2,000 chevaux de remonte, et l'autre pour 40,000 fusils. L'un et l'autre contiennent des conditions sujettes aux plus grandes difficultés, et en général très onéreuses à la nation.

Ces différents traités et beaucoup d'autres encore, vous le sentez, Messieurs, demandent à être examinés avec la plus scrupuleuse attention, et ils exigent des recherches assez étendues. Votre commission va se livrer sans relâche à ce travail; mais elle a besoin de 7 à 8 jours encore afin de vous présenter non des dénonciations vagues, des assertions hasardées, mais des faits exacts et des résultats certains.

M. Dubayet est chargé du rapport qui concerne la force de l'armée et le recrutement; il en rendra compte ce soir ou demain matin.

Un membre (à droite): Je demande qu'on ajoute au décret, où il est dit que M. Servan emporte les regrets de la nation, qu'il en emporte aussi l'argent.

(L'Assemblée ajourne le rapport définitif.) M. le Président. Le résultat du scrutin pour 1ro SERIE. T. XLV

la nomination du vice-président n'a pas donné de résultat définitif. M. Delacroix a obtenu 215 voix et M. Aubert-Dubayet 211. Aucun des 2 candidats n'ayant réuni la majorité absolue des suffrages, il sera procédé à un troisième tour de scrutin qui ne portera que sur MM. Delacroix et Aubert-Dubayet.

M. Journu-Auber, au nom du comité colonial, soumet à la discussion un projet de décret (1) sur les secours à accorder à Saint-Domingue et sur l'acquittement des lettres de change tirées par les administrateurs de la colonie sur le Trésor public; ce projet de décret est ainsi conçu :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité colonial, convaincue de la nécessité de secourir efficacement la colonie de Saint-Domingue, décrète qu'il y a urgence. »

Décret définitif.

Après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée nationale décrète ce qui suit :

« Art. 1. Le pouvoir exécutif est autorisé à traiter avec le ministre des Etats-Unis, afin d'en obtenir des fournitures pour Saint-Domingue, en comestibles et matières premières propres à la construction, jusqu'à concurrence de 4,000,000 de livres tournois, imputables sur la dette américaine.

« Art. 2. Ce fonds de 4,000,000 fera partie de l'avance de 6,000,000 déjà accordée par le décret du 27 mars, à titre de secours pour la même colonie.

« Art. 3. Dans le cas où, sur les demandes des gouverneur et ordonnateur, il aurait été fait des envois des mêmes lieux et pour la même destination, lesquels ne seraient point encore acquittés ou l'auraient été provisoirement en lettres de change sur le Trésor public, le payement en sera prélevé sur ladite somme de 4 millions.

« Art. 4. Les lettres de change fournies sur le Trésor public par l'ordonnateur de Saint-Domingue, s'élevant jusqu'au 31 décembre 1791 à la somme de 2,724,179 livres, seront acquittées, ainsi que celles qu'il aura été obligé de tirer depuis, jusqu'à la concurence d'un million par mois, mais non au delà, jusques et compris le mois de juin prochain, à la charge par l'ordonnateur d'en justifier l'emploi en dépenses publiques dûment autorisées.

Art. 5. Ces fonds' avancés par la nation, à la charge de remboursement et hypothèques sur les revenus de la colonie, seront délivrés par les commissaires de la caisse de l'extraordinaire, sur les ordonnances du ministre de la marine. » (L'Assemblée décrète l'urgence.)

M. Journu-Auber, rapporteur, donne lecture des articles 1, 2 et 3 qui sont successivement adoptés dans la forme qui suit :

Art. 1er.

« Le pouvoir exécutif est autorisé à traiter avec le ministre des Etats-Unis, afin d'en obtenir des fournitures pour Saint-Domingue, en comes

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLIII, seance du 15 mai 1792, page 424, le rapport de M. Journu-Auber.

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tibles et matières premières propres à la construction, jusqu'à la concurrence de 4 millions de livres tournois imputables sur la dette américaine.

Art. 2.

"Ce fonds de 4 millions fera partie de l'avance de 6 millions déjà accordée par le décret du 27 mars, à titre de secours pour la même colonie. »>

Art. 3.

« Dans le cas où, sur les demandes des gouverneur et ordonnateur, il aurait été fait des envois des mêmes lieux et pour la même destination, lesquels ne seraient point encore acquittés, ou l'auraient été provisoirement en lettres de change sur le Trésor public, le payement en sera prélevé sur ladite somme de 4 millions. »

M. Journu-Auber, rapporteur, donne lecture de l'article 4; il est ainsi conçu :

Les lettres de change fournies sur le Trésor public par l'ordonnateur de Saint-Domingue, s'élevant, jusqu'au 31 décembre 1791, à la somme de 2,724,179 livres, seront acquittées, ainsi que celles qu'il aura été obligé de tirer depuis, jusqu'à concurrence d'un million par mois, mais non au delà, jusques et y compris le mois de juin prochain, à la charge par l'ordonnateur d'en justifier l'emploi en dépenses publiques dùment autorisées. »>

:

M. Brissot de Warville. Je ne m'oppose pas à ce qu'on paye les créances qui sont légitimes, il ne faut pas que les négociants qui ont fourni de bonne foi leur cargaison soient les victimes des factieux; mais vous devez porter dans les payements de ces créances la plus grande réserve car il est constaté, par le rapport de MM. Mirbeck et Saint-Legier, commissaires civils, qu'il s'est fait de très grandes déprédations, qu'elles se sont faites au Cap, où le gouverneur, l'assemblée coloniale elle-même, sont sous les fers de 20 membres de cette assemblée. Vous le devez encore, parce que ces fonds ont été employés par les blancs à faire la guerre la plus injuste contre les hommes de couleur, quoique vous eussiez décrété que les troupes ne pourraient être employées à une pareille destination, parce que plusieurs de ces dépenses sont folles et extravagantes, telles, par exemple, que celles des salaires des membres de l'assemblée, qui s'élèvent à 10,000 livres par jour; parce que vous hypothéqueriez ces dépenses sur les revenus de toute la colonie, tandis que les provinces du Sud et de l'Ouest n'y ont aucunement participé, que même toute communication est interrompue depuis 6 mois entre ces provinces et celle du Nord.

M. Ducos. Il est contre tout principe de bonne administration qu'on puisse payer des lettres de change, quand on n'en a pas même des bordereaux; je demande qu'on se borne à payer celles qui ont été tirées par l'ordonnateur de la colonie, jusqu'au 31 décembre, mais que, pour les autres, l'Assemblée n'en ordonne le payement qu'après que le ministre des colonies en aura fourni les bordereaux.

(L'Assemblée adopte cette proposition et décrète l'article 4 dont elle fait 2 articles, dans la forme qui suit):

Art. 4.

« Les lettres de change fournies sur le Trésor public par l'ordonnateur de Saint-Domingue, s'élevant, jusqu'au 31 décembre 1791, à la somme de 2,724,179 livres, seront acquittées par les commissaires de la Trésorerie nationale, et l'ordonnateur sera tenu d'en justifier l'emploi en dépenses publiques, dùment autorisées.

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Art. 5.

Quant aux lettres de change qui auront été fournies depuis le 31 décembre, l'Assemblée nationale se réserve de statuer, d'après les bordereaux qui lui en seront fournis par le ministre de la marine, si elles devront être acquittées par les commissaires de la Trésorerie nationale, et cependant ces commissaires seront tenus de mettre leur vu à la presentation de ces lettres, parce que le terme fixé pour leur échéance courra du jour de leur présentation. »

M. Journu-Auber, rapporteur, donne lecture de l'article 5 du projet de décret, qui devient l'article 6 et qui est adopté dans la forme qui suit :

Art. 6.

« Ces fonds, avancés par la nation, à la charge de remboursement et hypothéqués sur les impositions de cette colonie, seront payés par la Trésorerie nationale, sur les ordonnances du ministre de la marine, et le remplacement en sera fait dans la caisse du Trésor public par la caisse de l'extraordinaire. «

Suit le texte définitif du décret rendu :

« L'Assemblée nationale, ouf le rapport de son comité colonial, convaincue de la nécessité de secourir efficacement la colonie de Saint-Domingue, décrète qu'il y a urgence.

« Après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée nationale décrète ce qui suit :

Art. 1er.

« Le pouvoir exécutif est autorisé à traiter avec le ministre des Etats-Unis, afin d'en obtenir des fournitures pour Saint-Domingue, en comestibles et matières premières propres à la construction, jusqu'à la concurrence de 4 millions de livres tournois, imputables sur la dette américaine.

Art. 2.

« Ce fonds de quatre millions fera partie de l'avance de six millions déjà accordés par le décret du 17 mars, à titre de secours pour la même colonie.

Art. 3.

« Dans le cas où, sur les demandes des gouverneur et ordonnateur, il aurait été fait des envois des mêmes lieux et pour la même destination, lesquels ne seraient point encore acquittés, ou l'auraient été provisoirement en lettres de change sur le Trésor public, le payement sera prélevé sur ladite somme de 4 millions.

Art. 4.

. Les lettres de change fournies sur le Trésor

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Signé BEDARIDE, président; ESTORNET,
COLLET, BERNARD, etc. »

2o Des citoyens de la commune de Morlaix, département du Finistère, envoient 1,880 livres en assignats, 16 livres 12 sols en espèces et 5 pièces d'argent estimées à 45 livres.

3o Le sieur Bauduin, agent de change de Lyon, envoie 200 livres en assignats.

(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret du comité de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés (2).

(1) Archives nationales: Carton 152, dossier n° 270 bis. (2) Voy. ci-dessus, séance du 25 juin 1792, au matin, page 336, la discussion de ce projet de décret.

M. Muraire, rapporteur, donne lecture de l'article 3 du titre III qui, par suite des modifications précédemment adoptées, est devenu l'article 5; cet article est ainsi conçu :

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L'en faut sera porté à la maison commune et présenté à l'officier public. En cas de péril imminent, l'officier public sera tenu, sur la réquisition qui lui en sera faite, de se transporter dans la maison où sera le nouveau-né.

M. Gohier. Il est essentiel de prévenir les fraudes qu'entraînent ordinairement les opinions clandestines. Je demande qu'il soit élevé dans chaque commune un autel à la patrie, sur lequel seront inscrits la Déclaration des droits et cette épigraphe :

Le citoyen naît, vit et meurt pour la patrie. »> (Appiaudissements.) Je demande que tout nouveau-né soit présenté devant cet autel à l'officier public, et que là soit reçu l'acte déclaratoire de sa naissance.

Voici la rédaction que je propose à l'Assemblée :

« Dans toutes les communes de l'Empire, il sera élevé un autel de la patrie, forme d'une pierre sur laquelle sera gravée la Déclaration des droits, avec cette épigraphe : Le citoyen natt, vit et meurt pour la patrie (3).

D

Un membre: Je demande l'ajournement de cette proposition et le renvoi au comité de l'instruction publique.

M. Goujon. Le projet que vous propose M. Gohier sera sans doute adopté avec empressement par l'Assemblée, mais il demande des préparatifs qui retarderont sans doute l'exécution de la loi essentielle qui vous est présentée. Je demande que l'Assemblée charge son comité d'instruction publique de lui présenter incessamment le mode d'exécution du projet de M. Gohier; mais auparavant, et pour accélérer l'exécution de cette loi importante, je demande que l'Assemblée décrète que les déclarations seront reçues dans les maisons communes, ou dans tel endroit que les municipalités désigneront.

(L'Assemblée décrète l'article premier de M. Gohier comme principe, et renvoie la rédaction à son comité d'instruction publique, puis elle adopte l'article 3 du projet du comité.)

M. Muraire, rapporteur, donne lecture de l'article 4 du titre III, qui devient article 6, et qui est ainsi conçu : « La déclaration contiendra le jour, l'heure et le lieu de la naissance, les surnoms qui auront été donnés à l'enfant, les noms et surnoms de ses père et mère, leur profession, leur domicile, le lieu et la date de leur mariage, s'ils sont connus par les déclarants; les noms, surnoms, profession et domicile des témoins. >>

M. Jollivet. Je demande, par amendement, qu'au cas que le père fût inconnu, l'enfant porte le nom de famille de sa mère.

M. Sédillez. Je demande que l'Assemblée explique clairement dans l'article ce qu'elle entend par noms et surnoms; d'abord, si elle entend par le nom de l'enfant celui de son père; mais j'observe que cet usage n'a point existé dans tous les temps. Je ne crois pas même que cette dénonciation de nom de famille puisse être conservée. Il n'y a pas 600 ans que nous portons

(1) Voy. ci-dessus, séance du 2 juin 1792, page 387, le discours de M. Gohier.

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