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En droit, que par là ceux-ci étaient devenus ses ayant-cause et auraient pu transporter à d'autres les droits qu'ils tenaient de lui; Que s'ils n'ont pas voulu ou s'ils n'ont pas pu s'entendre avec le Sr Sauvé sur la transmission de ces droits, avant que le Roi eût disposé en faveur de ce dernier du titre de la charge dont est cas, la mesure prise par le Gouvernement de lui accorder préalablement l'institution, sauf au tribunal à fixer l'indemnité due aux acquéreurs de la finance, n'a pas pu dénaturer les droits de ceux-ci ; — Que le possesseur ou propriétaire d'un droit ne peut être contraint à recevoir pour prix de sa transmission le simple remboursement de ce qu'il a dépensé pour l'obtenir; mais que, faute aux parties de s'entendre, l'indemnité de dépossession doit être le montant du prix vénal ou la valeur au cours; En fait, que la fixation faite par les premiers juges, à la somme de 12,450 fr., est loin de paraître exagérée, lorsqu'on la rapproche des traités faits à Rennes, tant récemment qu'à diverses époques, pour la transmission de la finance de plusieurs charges de commissaires-priseurs; Par ces motifs, déclare l'appelant sans griefs et le condamne aux dépens.

Observations. En imposant au nouveau commissaire-priseur Pobligation de payer une indemnité aux cessionnaires de l'office dont il devenait titulaire, le Gouvernement a obéi à un sentiment d'équité envers ces derniers. L'autorité judiciaire, appelée par l'ordonnance royale à fixer le montant de cette indemnité, avait à choisir entre deux bases d'évaluation, savoir le prix payé par les cessionnaires de l'office au précédent titulaire, ou la valeur commune des offices de cette nature à l'époque de la nomination du nouveau commissaire-priseur. Le tribunal s'est, avec raison, déterminé pour cette dernière base, parce qu'elle établissait exactement, d'une part, la valeur de l'office à l'instant où sa propriété passait sur la tête du nouveau titulaire, de l'autre, le préjudice causé aux deux autres commissaires-priseurs par le partage forcé de leur clientèle. Ces considérations, purement de fait, pouvaient suffire pour justifier la décision du tribunal, et sa confimation par la C. roy.

Mais, outre ces motifs, la C. Rennes en a invoqué d'autres qui, par leur énonciation générale, pourraient avoir de graves conséquences, et dont l'exactitude peut d'ailleurs être contestée. D'abord, en appliquant au droit de transmission des offices le terme de finance, emprunté à l'ancienne jurisprudence, la Cour s'est servie d'une dénomination qui n'est conforme ni à l'esprit ni à la lettre de la nouvelle législation sur les offices. La finance était anciennement une créance sur l'Etat, représentative des deniers qui avaient été versés dans le trésor public par le premier acquéreur de l'office. Cette finance pouvait se céder entre particuliers, comme toute autre propriété mobilière ou immobilière; elle était placée dans le commerce dans toute l'acception du mot, et c'était là ce qui constituait réellement la vénalité des offices (V. Merlin, Répert., vo Office, no 2, et Dict. du Not., même mot, no 8, 3e édit.).

Le droit de présentation d'un successeur, concédé aux titu

laires d'offices, à leurs héritiers ou ayant-cause, par l'art. 91 de la loi du 28 avr. 1816, ne dérive point d'une acquisition à prix d'argent faite originairement de l'Etat par le premier titulaire de l'office. L'Etat n'est point débiteur des titulaires d'offices; il n'est tenu envers eux à aucune indemnité, dans le cas de suppression ou de réduction des charges d'officiers publics dont le droit est expressément réservé au Gouvernement par la loi. On ne peut d'ailleurs assimiler à l'ancienne finance le cautionnement fourni par l'officier public; car ce cautionnement ne représente ni le prix d'une acquisition, ni un prêt fait à l'Etat; c'est une garantie fournie pour tous faits de charge, dans l'intérêt des particuliers comme dans celui du trésor public. Le cautionnement est remboursable à chaque mutation de l'office, tandis que la finance restait constamment dans le commerce et ne devait être remboursée qu'à l'extinction de l'office, qui opérait de fait la résolution du contrat passé entre l'Etat et le premier acquéreur.

:

Par suite de cette fausse appréciation du droit de présentation, accordé par la loi du 28 avr. 1816, la C. Rennes a déclaré que les offices se trouvaient réellement placés dans le commerce, et devenaient susceptibles de se transmettre comme les autres biens des titulaires. Prise dans sa généralité, cette assertion est erronéc la loi a limité le droit de transmission des offices aux titulaires, à leurs héritiers ou ayant-cause; et, comme nous avons eu plusieurs fois l'occasion de le faire observer, il ne suit pas de là que les offices soient, à proprement parler, dans le commerce; qu'ils soient des propriétés qu'on puisse acheter et revendre à sa convenance par pur esprit de spéculation; qu'ainsi, notamment, une personne étrangère au notariat puisse acquérir un office de notaire, sans intention de s'y faire nommer, mais pour le revendre plus tard à un prix plus élevé.

Les décisions judiciaires et administratives sont conformes à cette manière de voir. Ainsi deux arrêts des CC. Caen et Limoges, des 12 juill. 1827 et 10 nov. 1830, ont reconnu que la charge d'un officier public ne pouvait être ni saisie, ni vendue aux enchères à la requête des créanciers du titulaire. Les motifs du dernier arrêt portent que l'ordre public est essentiellement intéressé à ce que le droit de succéder, sauf l'agrément du Souverain, à l'exercice d'une partie de la puissance publique, ne devienne pas l'objet d'une concurrence où la dignité des fonctions serait trop souvent sacrifiée à des considérations d'intérêt (V. art. 7517 J. N.). Ainsi encore une décision du Garde des Sceaux du 1er mars 1852 a déclaré, que le notaire qui a acquis depuis son entrée en fonctions l'office d'un titulaire décédé, ne pouvait, tout en conservant ses fonctions, rétrocéder ce même office à un aspirant au notariat (V. art. 7855 J. N.).

Si, comme semble l'admettre la C. Rennes, les offices étaient

placés, d'une manière absolue, dans le commerce, il faudrait en conclure que la loi du 28 avr. 1816 a rétabli purement et simplement l'ancienne vénalité des charges. Il ne faut pas s'étonner si, par suite de cette interprétation errouée, la C. Rennes a été con duite à qualifier de désastreux le principe consacré par cette loi.

Nous repoussons de toutes nos forces cette qualification appliquée à un acte législatif. La disposition de la loi du 28 avr. 1816, relative à la transmission des offices, a subi, dans les circonstances qui ont suivi la révolution de 1830, l'épreuve d'un examen approfondi de la part des deux Chambres. Toutes les demandes qui tendaient à son abolition ont été écartées par cette considération puissante que la faculté de transmission des offices, renfermée dans les limites qui lui sont assignées par la loi, offrait une garantie salutaire à la société, en même temps qu'elle était la conséquence d'un droit justement acquis aux titulaires d'offices et à leurs héritiers (V.art. 7339, 7557, 7566 J. N., et Dict. du Not., vo Office, nos 51, 32 et 53, 3° édit.)

MM. les notaires reconnaîtront que, dans les observations qui précèdent, nous avons été guidés autant par un juste sentiment de la dignité de leurs fonctions, que par une sage intelligence de leurs droits, qu'une imprudente extension tendrait plutôt à ébranler qu'à fortifier.

Au mot Office, no 7 du DICTIONNAIRE DU NOTARIAT ( 2o edit.), et n° 79 (3° édit.), annotez: V. art. 7933 du J. N.

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L'erreur sur la valeur commune des offices dans un_arrondissement ne peut être assimilée à l'erreur sur la substance de la chose qui, aux termes de l'art. 1110 C. civ., est une cause de nullité de la convention dont elle est l'objet. La vilité du prix de la vente d'un office n'est point une cause de nullité de cette vente.

Sous l'ancienne jurisprudence, quoique les offices fussent considérés comme immeubles, on décidait que leur cession ne pouvait donner lieu à l'action en rescision pour lésion. Dict. du Not., v° Office, n° 28, 3° édit. A plus forte raison doit-il en être de même aujourd'hui que les offices sont rangés dans la classe des choses mobilières.

D'un autre côté, si l'on admettait en cette matière que l'erreur ou autrement l'ignorance du vendeur sur la valeur commune de la chose vendue fût une cause de nullité de la vente, ce serait, par une voie détournée, décider que la rescision pour vilité du prix peut avoir lieu, même dans les ventes de choses mobilières.

Or, il est certain que l'action en lésion n'a jamais été autorisée que dans les ventes d'immeubles (V. Pothier, du Cont. de vente, no 339; C. civ. 1658 et 1674 combinés; Dict. du Not., v° Lésion, no 12).

Les deux décisions énoncées en tête du présent article sont donc conformes aux véritables principes; elles ont été consacrées par un arrêt de la C. cass. du 17 mai 1832, rendu dans l'espèce suivante :

En déc. 1829, le Sr Métayer avait cédé au S Hue le titre de son office d'huissier, dans l'arrondissement de Chartres, moyennant le prix modique de 600 fr.

A peu près à la même époque, un autre huissier du même arrondissement obtint la somme de 12,000 fr. pour prix d'une semblable cession.

Il paraît que le Sr Métayer ignorait alors qu'un office d'huissier pût, dans son arrondissement, se vendre à un prix un peu élevé. Il argua de cette ignorance pour établir que son consentement à la vente pour le prix de 600 fr. était le fruit de l'erreur, et forma une demande afin de supplément de prix contre M. Hue.

Sur cette demande, le tribunal civil de Chartres a rendu le 11 déc. 1829 le jugement qui suit :

Considérant que Métayer a reçu le prix moyennant lequel il a cédé son titre d'huissier à Jean-Abel Hue; que rien ne prouve qu'il ait été contraint à faire cette cession; qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les art. 1304 et 1658 C. civ. sur lesquels Métayer fonde sa demande ; déboute, etc.

Appel par Métayer. Et, le 23 mars 1831, arrêt confirmatif de la C. Paris. Pourvoi contre cette décision pour violation des art. 1109, 1304 et 1658 C. civ. Mais, le 17 mai 1832, arrêt de la C. cass., par lequel,

La Cour; Sur le moyen tiré de la violation de l'art. 1109 C. civ., et de la fausse application des principes consacrés par l'art. 1304 du même Code; Attendu qu'aux termes de l'art 1110, l'erreur n'est une cause de la nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet; que, d'après l'arrêt, le demandeur n'a prouvé, ni qu'il eût été contraint de faire la cession de son office d'huissier, ni qu'il y ait eu erreur, de sa part, sur la chose même, objet de cette cession. le moyen tiré de la fausse application des principes établis par l'art. 1658 C. civ.;-Que cet article n'est relatif qu'à la vente des immeubles; - Rejette. Aux mots Erreur, no 2 du Dictionnaire du NotARIAT (2 édit.), et no 4 (3o edit.); Lésion, no 1 (2o édit.), et n° 12 (3o édit.); Office, no (2o édit.), et n° 88 (3o edit.), annotez: V. art. 7934 du J. N.

ART. 7935.

- Sur

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Quel est l'état de la jurisprudence de la C. cass. relativement à la question de savoir si un droit proportionnel d'en

registrement est exigible lors de la réunion de l'usufruit à la nue propriété, par le décès de l'usufruitier?

Une grave discussion s'est élevée à ce sujet, par suite de l'arrêt de la C. cass. du 29 mai 1832, que nous avons rapporté à l'art. 7751 de ce Journal.

Suivant les uns, la Cour, par cet arrêt, aurait dérogé à la jurisprudence qu'elle avait adimise par un arrêt antérieur du 25 nov. 1829 (Art. 7077 J. N.). Dans l'opinion des autres, l'arrêt de 1832, ne serait point contraire à celui de 1829; la Cour aurait seulement repoussé une fausse application que la Régie avait voulu faire de la jurisprudence de cet arrêt.

Le premier système qui mettait la C. cass. en opposition avec elle-même, a été soutenu dans plusieurs recueils périodiques, notamment dans la Jurisprudence générale de M. Dalloz. Nous avons établi l'opinion contraire, en rendant compte de l'arrêt du 29 mai 1832 (V. la note à la suite de l'art. 7751 J.N.).

ap

L'interprétation que nous avons donnée à cet arrêt ayant été critiquée, nous avons dû nous livrer à un nouvel examen de la question: il nous a confirmés dans notre opinion. Une étude profondie des matières de l'enregistrement, jointe à une longue pratique, nous a peut-être donné quelque droit à la confiance. de MM. les Notaires. Nous leur devons, ainsi qu'à nous-mêmes, de développer notre opinion; nous répondrons en même temps aux objections qu'on nous a opposées.

Rappelons d'abord les différentes décisions de la Cour suprême qui ont donné naissance à la discussion actuelle.

Plusieurs arrêts, en date des 8 janv. 1822, 20 mars et 26 déc. 1826, et 3 janv. 1827 (Art. 5755, 5756, 6023, 6024 et 6082 J. N.), ont décidé que la disposition de l'art. 15, no 6, de la loi du 22 frim. an VII, qui prescrit d'ajouter au prix stipulé pour la vente de la nue propriété la moitié de ce prix pour la valeur de l'usufruit, ne s'applique qu'au cas où cet usufruit a été réservé au profit du vendeur; mais que le droit de mutation n'est exigible que sur le prix exprimé pour la vente de la nue propriété, sans aucune addition pour l'usufruit, si cet usufruit est aliéné par le même acte au profit d'une autre personne que l'acquéreur de la nue propriété, ou s'il appartient à un tiers en vertu d'un titre antérieur. Cette jurisprudence est devenue définitive par l'adhésion de la Régie, qui l'avait long-temps combattue (V. Art. 6200 J. N.). Mais son application a donné lieu à une autre question. Si, à l'époque de l'aliénation de la nue propriété, séparée de l'usufruit, celui qui a acquis cette nue propriété n'a acquitté le droit de mutation que sur le prix exprimé ou sur la valeur de la nue propriété est-il dû un nouveau droit proportionnel, lorsque l'usufruit vient à s'éteindre par le décès de l'usufruitier? C'est à cette question que se rapportent les deux arrêts des 25 nov. 1829, et 29 mai 1832.

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