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mettent une taxe sur quelques métiers, et Alexandre Sévère étend l'impôt à toutes les professions et à tous les artisans. Ainsi, l'Etat s'empare de la direction du travail et, pour répondre à ses besoins et satisfaire ses intérêts, subordonne à sa volonté et soumet à une véritable exploitation tous les artisans libres. Sous le règne de Constantin, l'impôt créé sur le travail prend le nom grec de chrysargire ou d'or lustral (1); et au lieu d'être perçu chaque lustre, comme son nom l'indique, c'est-à-dire tous les cinq ans, il ne tarde pas à être réclamé tous les quatre ans. C'est par des collecteurs responsables que le chrysargire est réparti et perçu; et c'est au sein même des artisans qu'on choisit les personnes chargées de cette difficile et pénible fonction. Le plus souvent, l'ouvrier qui gagne au jour le jour de quoi satisfaire à ses modestes besoins est dans l'impossibilité de fournir l'impôt; dans ce cas, il est contraint de consacrer à l'Etat une ou plus fréquemment plusieurs journées de travail, ou bien encore on l'oblige à vendre ses enfants comme esclaves. C'est le spectacle de toutes ces vexations et de tous ces abus qui rappelle à Libanius (2) le triste souvenir de savetiers levant au ciel leur alène et jurant que cet outil était tout le bien qu'ils possédaient sur cette terre !

Il est facile de comprendre la funeste et mortelle influence que les lois trop sévères, les redevances et les taxes trop lourdes exercent sur la classe des artisans. Opprimés par les corporations qui les enchaînent et les emprisonnent depuis leur sortie du berceau jusqu'à leur dernière heure, où ils ne sont plus seulement

Viatori (p. 627, 11, 12, Narbonne.)
Narbonne.)

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Consummatæ

Decuria lictorum viatorum (p. 630, 12, Mensor frumenti Ştator civitatis (p. 631. 7, Vienne.) (p. 631, 8, Mayence.) Medicus (p. 633, 10, Narbonne.) peritiæ medico (634, 4, Mayence.) - Medica (635, 9, Nîmes.) — Unctor (636, 11, Nîmes.) Thermarius (636, 13, Metz.) Faber argent. (639, 4, Narbonne.) Egyot. artis. cret. m. (641, 3, Metz.) Elosa mater. dif. (641, 2 Metz.) Viminius (642, 3, Narbonne.) Fictilario (643, 1, Argent. vasculario (643, 3, Valence.) - Ampullarius (643, 10, Nar

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Artis. cretar.

Metz. bonne). Capistrarius (Orelli, 4158, Narbonne.) Cartarius (4159, Nemausus.) Clavarius materiaer. (4164, Narbonne.) Cuparius et saccarius (4176, Trêves. Ferrariarius (4188 Nemausus.),

Neg. frumentarius (Boissieu, 415, Lyon); neg. muriarius (418.) — Hospi428. talis. Exclussor. artis. arg. (424) ars caracteraria (425) - Tectorm, V. Levasseur, Hist. des classes ouvrières, p. 70 et 71.

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des artisans, mais surtout des contribuables; obligés, sous peine de mort, de payer les marchandises au prix qu'avait fixé l'Etat et de ne faire payer leurs travaux et leurs services que d'après les tarifs également déterminés par l'Etat ; enfin, accablés d'impôts croissants chaque jour, les ouvriers sont en proie à la plus grande et à la plus effroyable misère ! En outre, l'argent des riches disparaît, soit à l'étranger, malgré les défenses des empereurs, soit au sein même de Rome, dans des endroits mystérieux; et l'usure, ce mal terrible, presque incurable, qui affaiblit les nations pleines de vie et précipite la mort de celles qui languissent, envahit toutes les classes ouvrières de l'empire romain et de la Gaule! Aussi, l'esclavage devenu odieux et la misère devenue intolérable ne tardent pas à produire leurs tristes effets. A Rome, les artisans s'échappent des corporations, comme des prisonniers s'échappent d'une prison, et courent chercher un asile au fond des campagnes ou à l'extrémité des bois. Dans la Gaule, les ouvriers ne se contentent pas d'une simple évasion: associés aux paysans, ils se révoltent, se soulèvent, dévastent les villages, assiégent les villes et pillent celles dont ils s'emparent.

L'empire romain est obligé de combattre non-seulement avec les Barbares, mais avec les Gaulois; s'il peut triompher des artisans rebelles, il est incapable de résister à la fureur des invasions et d'opposer une barrière énergique aux hordes des barbares. L'empereur Honorius appelle en vain à son secours les ouvriers de la Gaule et de Rome qui ont pris la fuite; en l'année 400, il ordonne en vain aux artisans des colléges de quitter les retraites où ils se sont ensevelis; aucun des déserteurs ne répond à la voix impériale., Les Barbares ne trouvent partout que des villes mal défendues, abandonnées ou dépeuplées; et, ainsi que nous l'avons déjà dit, l'empire romain ne survit que fort peu de temps aux associations d'artisans et d'ouvriers (1)!

FIN DE L'INTRODUCTION. HISTORIQUE.

(1) S'il est des lecteurs qu'une étude plus complète de l'organisation du Travail et de l'Apprentissage intéresse et qui, désireux de la suivre à travers le cours des siècles, pensent que cette Introduction s'arrête trop tôt, nous les prions de se reporter au travail que nous avons publié sous ce titre : Étude historique sur l'Apprentissage, et qui a paru dans le Bulletin de la Société de protection des Apprentis et des Enfants employés dans les manufactures, ann.1868, nos 1 et 2.

TRAITÉ

DU CONTRAT D'APPRENTISSAGE

PRELIMINAIRES.

Avant d'aborder l'étude du contrat auquel l'Apprentissage donne naissance, avant de reproduire, d'interpréter et de commenter les différents textes de lois qui s'y rapportent, il convient de revenir en quelques mots sur les considérations générales et les notions historiques que nous avons eu occasion d'exposer et de développer ailleurs (1).

Par là nous ne ferons que suivre l'exemple de M. Auguste Callet qui, chargé de présenter le rapport de la loi de 1851, au Corps législatif, faisait précéder l'exposé et l'examen des articles de la loi d'observations puisées autant dans l'étude de l'histoire que dans l'étude de la législation de l'apprentissage... Pour suivre mieux et de plus près l'exemple du rapporteur, nous ne croyons pouvoir nous arrêter à un parti meilleur que celui de résumer de la manière la plus fidèle, en même temps que la plus succincte, la partie du rapport dans laquelle sont traités l'Histoire des apprentis et l'Historique de la législation de l'apprentissage.

(1) Voy. ci-dessus. Introduction historique, p. LVII, note.

Après avoir examiné l'état de l'enseignement professionnel, duquel, en 1851 et auparavant, l'État s'abstenait de s'occuper, M. Auguste Callet (1) met en relief le but moral élevé de l'ap

(1) Pour les lecteurs que la connaissance du Rapport, dans la partie que nous nous sommes proposé d'analyser, intéresserait plus que notre modeste résumé ou notre pâle analyse, nous croyons prudent de transcrire ici le document lui-même.

« Messieurs,

» Notre législation présentait naguère une singulière anomalie. Tandis que l'enseignement des sciences et des lettres était assujetti à des règles sévères, à une surveillance ombrageuse, des conditions préventives de toute nature, l'éducation professionnelle était abandonnée à tous les hasards d'une liberté sans limites. Il n'était pas permis de réunir chez soi quelques enfants pour leur apprendre à lire; mais le premier venu, même un repris de justice, pouvait les recevoir et les garder deux ou trois ans dans sa maison pour leur enseigner un métier. Ici l'État reconnaissait le droit des pères de famille mais il abandonnait le sien; là au contraire il établissait son propre droit à l'exclusion des droits paternels. On avait, d'une part, le despotisme; de l'autre, la licence.

» Vous avez, Messieurs, commencé la réforme de cette législation contradictoire en introduisant dans les écoles le salutaire principe de la concurrence, sans enlever toutefois à l'État le droit de surveiller ces établissements dans l'intérêt des mœurs. Vous voudrez sans doute compléter cette réforme, en usant du droit qui vous appartient, de fixer les conditions essentielles du contrat d'apprentissage, tout en respectant d'ailleurs la liberté des contractants et cette concurrence féconde qui n'est pas moins utile à l'éducation professionnelle qu'aux progrès de nos industries.

» Il est évident que la société a ici le même intérêt que dans la question d'enseignement. Chaque atelier est une véritable école où l'apprenti reçoit non-seulement l'éducation professionnelle mais en grande partie l'éducation morale qui doit influer sur le reste de sa vie. La maison du maître remplace pour lui celle du père de famille. Tout ce qui se dit là, tout ce qui s'y fait sert de leçon et d'exemple. Au sortir d'apprentissage, il n'est pas encore un habile ouvrier, mais il a déjà des principes de conduite; il apporte dans le monde des habitudes, des goûts, un caractère que le temps même ne pourra que superficiellement modifier. Si l'on reconnaît que l'État a de justes motifs d'intervenir entre les instituteurs et les parents en matière d'instruction tant primaire que secondaire, et de stipuler les garanties pour la santé et la moralité des élèves, on ne saurait nier qu'il a précisément les mêmes motifs d'intervenir au contrat d'apprentissage; seulement il doit tenir compte de la différence qu'il y a entre les écoles proprement dites et les écoles pratiques de l'industrie. Les premières sont peu nombreuses relativement au nombre des disciples; les secondes, au contraire, sont innombrables, et l'on ne saurait songer à établir à leur égard un système d'inspection et de surveillance analogue à celui qu'on a institué dans le ressort de chaque académie ou même à celui qu'on a organisé en 1841 dans la loi sur le travail des enfants dans les manufactures. Les relations du maître et de l'apprenti ont quelque chose d'intime que le législateur doit respecter. L'atelier touche de près au foyer domestique et l'État n'a pas le droit d'y pénétrer sans une absolue nécessité. Des garanties sont pourtant nécessaires, mais elles diffère

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