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non d'une manière assez étroite, assez inquiète pour que la jeune fille apprentie n'ait pas été en butte « à une tentative de la part de son fils (1).»

Il y a lieu à résilier, sans indemnité, le contrat d'apprentissage d'une jeune fille, si cette dernière a été en butte à une tentative de la part du fils de la maison, lors même que le père de famille a empêché la réussite par son intervention, et a même défendu à son fils, non logé avec lui, de venir coucher dans la maison (10 avril 1850).

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165. Tel est enfin un jugement dans lequel il apparaît trop clairement à quelles malheureuses et funestes conséquences expose le défaut de surveillance des maîtres. Trop souvent, en effet, lorsque ces derniers ferment les yeux et négligent « de surveiller la conduite et les mœurs des enfants, soit dans la maison, soit au dehors,» il arrive que la corruption devient la ⚫ triste compagne des apprentis, leur mauvaise conseillère et que leur corps et leur âme sont pervertis, flétris au moment même où l'innocence et la vertu devraient être leurs seuls, leurs plus beaux ornements (2).

(1) « Mémorial du Com. et de l'Industr., année 1850, 2me partie, jurispr., t. XIV, p. 304.

(2) LE BUREAU GÉNÉRAL:- «Attendu qu'il est constant qu'à la date du 27 mai 1867, la dame X plaça sa fille M., âgée alors de treize ans, en apprentissage chez les époux Z., qui consentirent à la recevoir et à la conserver chez eux pendant deux années entières et consécutives pour lui apprendre l'état d'ouvrière modiste, à la nourrir et loger pendant toute la durée de l'apprentissage; qué de son côté la dame X. s'est engagée à payer et a payé la somme de 500 francs pour prix de l'apprentissage: Attendu qu'il est constant que, dès le premier jour, les époux Z. établissaient l'apprentie pour son coucher au cinquième étage de la maison qu'ils habitaient, loin de toute surveillance, lui donnant pour compagne une jeune fille déjà pervertie et qu'à peu de temps ils chassaient de chez eux pour cause d'inconduite notoire; que, dans le même temps, les époux Z., qui s'absentaient et quittaient leur maison chaque semaine, du samedi soir au lundi et quelquefois au mardi matin, laissaient l'apprentie abandonnée à elle-même et libre de se livrer à tous ses penchants comme exposée à tous les dangers, avec cette circonstance aggravante qu'ils la savaient sans famille où elle pût se réfugier ; que cet abandon ne tarda pas à produire les effets les plus déplorables puisqu'à moins d'un mois de là l'enfant était flétrie, sa santé à jamais compromise, et que sa famille était dans les larmes et obligée à des dépenses coûteuses; qu'ensuite les époux Z., qui avaient pourtant de bien graves reproches à se

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166. Si les maîtres ont le devoir de surveiller la conduite des apprentis, ils ont aussi celui de surveiller leur propre conduite de manière à ne laisser pénétrer dans l'esprit des enfants ni << germes mauvais » ni « penchant vicieux. » Il faudra qu'ils se souviennent de cette pensée si noble et si vraie qu'a exprimée le poëte romain « maxima debetur puero reverentia ; » qu'ils ne se permettent en présence des apprentis ni propos inconvenant, ni discours malsain, et qu'ils se gardent surtout de leur donner de mauvais conseils. C'est ce principe qu'ont consacré sagement et à plusieurs reprises les Conseils des Prud'hommes.

faire, n'en ont pas moins continué à laisser la jeune fille dans le même état d'abandon, semblant nonobstant s'étonner aujourd'hui que tout sentiment honnête ait abandonné l'enfant dont ils ont si peu pris soin.

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« Attendu que la loi sur l'apprentissage impose aux maîtres la surveillance des apprentis qui leur sont confiés; qu'elle les oblige à prévenir les parents toutes les fois qu'ils commettent un fait grave ou qu'ils annoncent seulement des penchants vicieux; que les époux Z. ont poussé l'oubli de ces devoirs jusqu'à laisser les parents dans l'ignorance non-seulement des penchants que manifestait leur fille, mais de l'action la plus regrettable dont elle pût être victime, puisque ce n'est qu'incidemment que la dame X., qui venait voir ses filles à Paris, en fut instruite; qu'en vain, les époux Z. allèguent qu'ils ont écrit à la dame X. qu'ils n'entendaient pas se charger de leur fille le dimanche, puisque la loi leur en faisait l'obligation, que les conventions stipulées ne les en déchargeaient pas et qu'il est constant d'ailleurs que, s'ils ont écrit, de leur aveu ce ne fut que postérieurement à l'acte que leur incompréhensible insouciance a laissé s'accomplir;'

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» Attendu qu'en agissant ainsi qu'ils l'ont fait, les époux Z. ont gravement manqué aux devoirs qui leur étaient imposés par la loi du 4 mars 1851 (article 8) sur l'apprentissage et à ceux qui sont imposés par les sentiments naturels; que "'apprentie ne peut plus leur être laissée; que le prix de l'apprentissage ne peut leur être acquis, puisqu'ils n'ont pas rempli les conditions; que de plus, ils doivent réparation à la dame X. du dommage qu'ils lui ont fait éprouver et qu'elle éprouvera encore, étant obligée de s'occuper à nouveau de sa fille; Attendu que la dame X. a laissé au Conseil l'appréciation de sa demande quant au chiffre; que le Conseil, d'après les éléments d'appréciation qu'il possède fixe ce chiffre comme suit: 1° remboursement des 500 francs versés pour prix de l'apprentissage; 2° paiement de 1,000 francs à titre de dommages-intérêts;

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» Par ces motifs, jugeant en premier ressort, autorise la dame X. à ester en justice, faute par son mari de l'avoir fait : Dit l'apprentissage de la mineure X. résolu du fait des époux Z.; condamne les époux Z. solidairement à rembourser à la dame X. Ies 500 francs qu'ils ont reçus d'elle comme prix de cet apprentissage, plus à lui payer, avec intérêts suivant la loi, la somme de 1,000 francs à titre de dommages-intérêts; les condamne, en outre, aux dépens; Reçoit les époux Z. en leurs demandes reconventionnelles, les en déboute, etc..... » 20 août 1868. Conseil des Prud'hommes de la Seine (industrie des tissus):, Mémorial du Com. et de l'Indust., année 1868, 2me partie, jurisprudence.»>

167. Ainsi, le bureau général du Conseil des Prud'hommes du ressort de Paris a prononcé la résiliation du contrat, dans une affaire où il résultait : « de l'audition des parties à l'audience et des aveux mêmes du sieur D., que ce dernier tenait, devant les ouvrières et les apprenties de sa maison, un langage qui ne peut être toléré; que, dans cette circonstance, les époux L*** (les parents) ont sagement agi, en usant du droit de surveillance qu'a tout père de famille sur la moralité des principes inculqués à ses enfants par le maître d'apprentissage, auquel il les a confiés (1). » 168. Ainsi, encore le Conseil des Prud'hommes des métaux de Paris a bien jugé, en prononçant la résiliation du contrat, dans un cas où le maître avait oublié « la prudence qu'il devait avoir dans les conseils qu'il a donnés à l'apprenti. » Le Conseil, en effet, a vu dans ce fait une violation des prescriptions de l'article 8 de la loi de 1851 (2).

169. Les maîtres doivent non-seulement surveiller leur propre conduite vis-à-vis de leurs apprentis, mais encore se garder d'abuser de leur autorité. Afin de fortifier les prescriptions de la loi de 1851 et de les compléter dans des cas qui ne sont pas spécialement prévus par cette dernière, la jurisprudence a fait application aux maîtres des articles 333 et suiv. du Code pénal, lesquels s'occupent des attentats à la pudeur et de l'excitation à la débauche.

La jurisprudence, en effet, a vu une désignation tacite du maître non-seulement dans ces mots de l'article 333 (3): « si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité » sur la personne victime de l'attentat, mais encore dans ces termes de l'article 334: «ou autres personnes chargées de la surveillance des mineurs; » et elle a prononcé avec raison contre le maître toutes les peines sévères édictées aux articles 333, 334 et 335 (3).

(1) Mémor. du commerce et de l'industrie, année 1856, 2° partie, jurisprudence, tome XVII, p. 358.

(2) Ib., année 1852, p. 423.

(3) Art. 333, C. Pén.

170. Le maître qui très-souvent s'oblige à nourrir et à entretenir l'enfant pendant le temps convenu pour l'apprentissage ne se conduit pas en bon père de famille, lorsqu'il donne un logement peu convenable ou insalubre, une nourriture insuffisante ou malsaine. En ce cas, il y a une « infraction grave » à l'une des prescriptions de la loi; et en vertu de l'article 1620 la résolution du contrat peut être prononcée. Aussi à ce sujet, a-t-on dit avec raison « qu'il peut y avoir lieu à la résiliation du contrat d'apprentissage, pour inexécution des engagements contractés, car les conventions n'obligent pas seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage donnent à l'obligation. C. civ., art. 1133 (1). »

171. — Quand il y a une clause relative à l'obligation de blanchir l'apprenti, le maître doit remplir cette obligation de manière à ce que l'enfant ait toujours du linge propre. Nous n'allons pas jusqu'à dire, comme fait M. Mollot (2), que du linge blanc doit être remis une fois par semaine; mais nous exigeons seulement du linge propre. Or les conditions de propreté varieront avec les nécessités du métier et les habitudes de l'enfant. En outre, le juge, pour les déterminer, fera appel à l'usage.

172. Souvent il est certaines natures rebelles, vicieuses, sur lesquelles le bon exemple n'a pas de prise et que la surveillance ne saurait ramener dans le droit chemin. Si quelque patron a le malheur d'en avoir rencontré de semblables, s'il a pris dans son atelier des apprentis insoumis et « de mauvaises mœurs,>> il ne faut point qu'une trop lourde responsabilité pèse sur lui. Aussi l'article 8 (fin du premier alinéa) lui ordonne d'avertir les parents de l'apprenti ou leurs représentants « des fautes graves qu'il pourrait commettre, ou des penchants vicieux qu'il pourrait manifester. >>

Mais, comme nous l'avons vu, ce n'est pas seulement pour

(1) Dalloz, Rép. v° Industrie et Commerce, n° 65.

(2) Mollot, Code de l'ouvrier, p. 42.

affranchir le maître du poids d'une trop grande responsabilité, que l'article 8 exige que les parents ou les représentants de l'apprenti soient prévenus dans les cas que nous venons d'indiquer, c'est aussi pour tracer la ligne de démarcation qui existe entre les droits qui incombent aux pères et ceux dont jouissent les maîtres. Aux parents il appartient d'appliquer les châtiments sévères, d'aviser aux moyens énergiques pour punir les fautes graves ou réprimer les penchants vicieux des enfants; mais aux maîtres il convient et il suffit d'éclairer les parents que l'affection aveugle ou que l'éloignement de la maison du maître rend incapables de connaître les sentiments et les tendances de leurs enfants.

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173. Le deuxième alinéa de l'article 8 justifie pleinement notre interprétation; il est ainsi conçu: « Il (le maître) doit aussi les (les parents) prévenir, sans retard en cas de maladie, d'absence ou de tout fait de nature à motiver leur intervention. C'est aussi afin de dégager la responsabilité du maître que les parents doivent être prévenus en cas de maladie, d'absence ou de tout autre fait de nature à motiver leur intervention.

Lorsqu'il y aura maladie, il ira sans aucun doute de l'intérêt de l'apprenti que notre article 8 soit appliqué strictement. Qui, en effet, pourrait, mieux que les parents, lui donner les soins nécessaires à la guérison de l'enfant? Qui surtout pourrait, auprès de lui, remplacer l'assiduité inquiète et scrupuleuse de sa mère, cette femme qui trouve dans l'accomplissement des plus tristes et plus pénibles devoirs une joie douce et une sereine satisfaction?<«< Vienne une maladie, dit M. Jules Simon (1), elle sera la seule garde-malade..... Chaque service qu'elle rend est un bonheur pour elle. Elle a plus de force qu'une mercenaire, parce qu'elle travaille avec tout son cœur. Elle se dévoue sans le savoir, parce qu'elle aime le bonheur de ceux qui l'entourent plus que le sien. »

(1) L'Ouvrier de huit ans, p. 73.

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