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174. Dans le cas où l'enfant est malade pendant la durée du contrat d'apprentissage, le maître doit lui fournir ses soins et les lui fournir d'une manière encore plus active et plus scrupuleuse qu'en temps ordinaire. Il doit, d'ailleurs, ainsi que nous l'avons vu et quelle que soit la maladie dont l'enfant est affecté, prévenir sans retard les parents (3me alinéa, art. 8).

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175. Mais est-il tenu, quelle que soit la maladie, de faire soigner l'apprenti chez lui? M. Mollot est d'avis que lorsque la maladie n'est pas de longue durée, seulement de trois à huit jours, le maître est obligé de faire soigner l'apprenti chez lui (1). Nous trouvons que le système de M. Mollot est tout à fait arbitraire. Le maître doit surtout, d'après la loi, prévenir les parents en cas de maladie; les parents prévenus, il doit soigner l'apprenti autant de temps qu'il est nécessaire, trois jours, huit jours, douze jours, quinze jours, s'il le faut : dès que les parents sont prévenus, il ne donne plus ses soins en qualité de maître, mais comme mandataire des parents. Ajoutons que le maître ne pourra être vraiment regardé comme mandataire que s'il accepte la charge de soigner ou de faire soigner l'enfant chez lui. L'acceptation du mandat pouvant être simplement tacite et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire (art. 1985, Code civil), le fait de soigner l'enfant, sans protestation, sans manifestation du désir de déposer cette charge, constituera le maître mandataire des parents. Mais si le maître a exprimé la volonté de ne point conserver l'enfant chez lui, s'il a sommé les parents de le reprendre auprès d'eux, il devra le soigner, sinon par humanité, du moins à l'effet de répondre à l'obligation qui lui incombe toujours, dans tous les cas, de se conduire en bon père de famille. Nous ne sommes donc point de l'avis de M. Mollot, nous ne le trouvons conforme ni à l'esprit ni au texte de la loi, et nous pensons que le maître doit toujours soigner

(1) Mollot, no 81; Dalloz, vo Indust. et Comm., no 66.

ou faire soigner l'enfant, sauf à agir contre les parents pour qu'ils aient à le soigner eux-mêmes.

176. Dans le cas de maladie contagieuse, le maître qui aurait prévenu les parents, mais les aurait trouvés sourds à sa demande de prendre l'apprenti auprès d'eux, pourrait non-seulement leur adresser une sommation, mais faire soigner l'apprenti, à leurs frais, dans une maison de santé ou dans un hospice.

177. Les frais de médicaments et autres exigés par la maladie sont-ils à la charge des parents de l'apprenti ou à la charge du maître? M. Mollot est d'avis que ces sortes de dépenses sont à la charge de l'apprenti, s'il n'y a convention contraire. « Un usage constant, ajoute l'honorable auteur, confirme notre opinion. Nous regrettons de ne pas partager encore l'opinion de M. Mollot et d'autant plus qu'il l'exprime fortifiée de l'autorité de l'usage; mais nous pensons qu'il faut établir une distinction et ne mettre les frais de maladie à la charge des parents de l'apprenti que lorsque le maître les aura, conformément à la loi, prévenus sans retard. En cas contraire, les maîtres auront violé une des prescriptions de la loi de 1851, et leur faire payer les frais de maladie n'est pas exiger d'eux une réparation exagérée. D'ailleurs, il nous semble juste de présumer que le silence des maîtres, en cas de maladie, leur fait accepter toutes : les charges morales et matérielles.

Si l'on répond à notre opinion en disant que le maître, pour des maladies légères, qui n'exigent pas l'intervention des parents, peut ne point donner des remèdes à l'enfant dans la prévision que les frais seront à sa charge, nous répliquerons qu'en ce cas le maître manque gravement à une des obligations qui lui sont imposées, celle de se conduire envers l'apprenti en bon père de famille.

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178. L'avertissement ne sera, bien entendu, dans le cas de maladie, d'absence, de faute grave, adressé aux parents que s'ils ont représenté l'enfant dans le contrat d'apprentissage; s'il en est autrement, c'est le représentant spécial qui sera prévenu.

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179. Un des devoirs du maître, que la loi ne pouvait passer sous silence, consiste « à n'employer l'apprenti, sauf convention contraire, qu'aux travaux et services qui se rattachent à l'exercice de sa profession. » En effet, celui qui, au lieu d'apprendre à un enfant les secrets de son métier, de lui livrer les ressources de son art, s'appliquerait à lui enseigner une profession différente ou par des occupations stériles et non convenues en distrairait son esprit, ne mériterait plus le nom de maître, ferait mentir la définition du contrat d'apprentissage donnée par l'article 1er de notre loi, et contreviendrait aux prescriptions de l'article 12.

Aussi les Conseils de Prud'hommes jugent bien, quand ils résilient les contrats d'apprentissage, parce que les maîtres ont employé les enfants à des travaux et des services étrangers à la profession. Ainsi est bien rendu le jugement du Conseil des Prud'hommes de la Seine (Industrie des métaux 9 mars 1868), qui résout le contrat d'apprentissage passé entre un bijoutier chaîniste et un apprenti, parce que le maître emploie l'enfant à des travaux domestiques et lui cache la partie essentielle de la profession de bijoutier.

Il serait bon qu'en cette matière, les Conseils des Prud'hommes se montrassent d'une sévérité extrême; car, l'habitude d'employer les enfants soi-disant apprentis est un des plus grands fléaux de l'apprentissage. Cet abus sévit surtout dans la petite industrie, où l'enfant mis en apprentissage n'est considéré que comme un domestique à bon marché, destiné à faire les courses, à porter les fardeaux, à nettoyer les ateliers ou la maison des maîtres, toutes occupations aussi énervantes qu'elles sont étrangères à la profession qui fait l'objet de l'apprentissage.

180. Un devoir, non moins important que celui d'employer l'apprenti aux travaux et services se rattachant à la profession du maître, est celui de ne l'employer qu'aux travaux salubres et proportionnés aux forces de l'enfant. C'est ce qu'a fait la loi de 1851 dans l'alinéa dernier de l'art. 8, qui reproduit à peu près

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la loi de 1841, l'article 7, 4°, à savoir Des règlements d'administration publique pourront....... interdire aux enfants dans les ateliers où ils sont admis certains genres de travaux dangereux et nuisibles. » Toutefois notre loi a bien fait d'interdire expressément et de sa propre autorité tout travail insalubre, c'est-à-dire nuisible, et tout travail au-dessus des forces de l'apprenti, c'est-à-dire dangereux.

La santé de l'enfant, en effet, est une question dont la gravité et l'importance exigent que les législateurs parlent impérativement, et au sujet de laquelle il importe qu'ils prennent des mesures énergiques et décisives, et il serait regrettable qu'à l'imitation de leurs devanciers, les rédacteurs de la loi de 1851 n'eussent pris qu'une résolution provisoire, partant, une résolution molle, pouvant entraîner de nombreuses infractions, pendant un espace de temps indéterminé.

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181. L'article 9 s'occupe des devoirs du maître relativement à la durée du temps pendant lequel l'apprenti fournit ses services, et prévoit certains cas où il aurait été convenu entre les contractants que des charges spéciales incomberaient à l'enfant.

Tandis que, pour les hommes ouvriers, la durée du travail jusqu'en 1848 (1) n'a pas eu de limites précises, qu'elle a varié d'après les conventions des parties, les professions, le plus souvent, suivant les usages des lieux, presque toujours selon les saisons, celle du travail des enfants ouvriers a été fixée, dès 1841, par la loi relative au travail des enfants dans les manufactures; la loi de 1851 en a généralisé et modifié les dispositions. De là des divergences, des anomalies, qui ont été souvent et, à juste titre critiquées, et que nous allons examiner.

182. La durée du travail effectif des apprentis âgés de moins de 14 ans, dit l'article 9, ne pourra dépasser 10 heures par jour. Par ces mots : travail effectif, le législateur a entendu parler de celui qui a lieu au profit du patron, dont il tire bénéfice.

(1) Décret du 2 mars 1848.

Décret du 9 septembre 1848.

La durée de ce travail s'étend à 10 heures par jour et constitue ce que l'article 10 appelle la journée de travail. Nous verrons plus loin, à l'article 10, comment cette journée peut être utilement abrégée.

Lorsque les apprentis arrivent à l'âge de 14 ans, et jusqu'à ce qu'ils aient atteint 16 ans, elle ne doit jamais dépasser 12 heures.

Par cette double prohibition, la loi a voulu confirmer e sanctionner le dernier paragraphe de l'article 8, qui défend que les enfants soient employés à des travaux au-dessus de leurs forces. Il arrive, en effet, dans la pratique, que c'est surtout à l'âge où l'enfant doit être le mieux protégé, où il faut plus que jamais ménager sa santé, épargner ses forces, afin de n'en point arrêter le développement, qu'il doit fournir le plus de services et que le maître abuse de sa vigueur précoce et de sa docile énergie (1).

Il n'a pas suffi aux législateurs de 1851 de fixer le travail. effectif des enfants; pendant la journée : suivant l'exemple de leurs devanciers de 1841, ils ont prohibé toute espèce de travail de nuit, c'est-à-dire tout travail fait entre neuf heures du soir et cinq heures du matin (2).

184. Nous avons déjà dit que la fixation de la durée du temps, pendant lequel l'apprenti est obligé de fournir ses services, avait été l'objet d'une vive et ardente discussion. Il est de notre devoir, non-seulement de la mentionner, mais de l'indiquer dans ses principaux traits. Voici le résumé des débats qui se sont produits au sein du Corps législatif :

D'après M. Didier-Montjau, la situation des enfants ouvriers est aggravée par la loi de 1851. En effet, elle n'indique pas un

(1) Voy., sur l'art. 8, Mollot, Code de l'Ouvrier, p. 47; et la note relative aux Enfants surchargés de fardeaux ou traînant des voitures à bras sur la voie publique: Bulletin Soc. prot. des Appr. et Enf. manuf., t. V (1872), p. 128-131.

(2) Voy. sur le Travail de nuit, Mémor. du Comm. et de l'Indust., année 1857, p. 361.

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