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la loi de 1851, ainsi que nous l'avons vu (articles 8 et 10), prescrit, au maître, d'une part, de « surveiller la conduite et les mœurs >>> de l'apprenti, soit dans la maison, soit au dehors (Voy. plus haut nos 154 et suiv.), de lui prêcher d'exemple, de se conduire envers lui en bon père de famille; et, d'autre part, quand l'enfant âgé de moins de 16 ans ne sait ni lire, ni écrire, ni compter ou s'il n'a pas terminé sa première éducation religieuse de lui laisser prendre, sur la journée de travail, au moins deux heures pour qu'il puisse recevoir ou parfaire son instruction. Voyons-nous quelque chose de semblable dans le Code civil? Les parents sont bien obligés, comme nous l'avons dit, de nourrir, entretenir et élever leurs enfants; mais le Code n'indique pas quelle éducation il convient de leur donner. Quant à l'éducation morale, les parents sont absolument libres; le foyer domestique est inviolable, et la loi n'intervient en aucune manière entre les parents et les enfants. Il en est de même de l'éducation religieuse, les parents s'abstiennent ou se font un devoir de la fournir; libre a eux d'écarter les enfants des sentiers de la religion ou de les y conduire.....

Il en est aussi de même, du moins jusqu'à présent, en matière d'éducation intellectuelle. Les parents envoient ou n'envoient pas leurs enfants à l'école et jusqu'aujourd'hui aucune force légale n'a pu les y contraindre. Mais voici venir, heureusement, le our où les parents seront obligés de faire apprendre à lire, à écrire et à compter à leurs enfants, et où nous verrons se dissiper les ténèbres de l'ignorance, dans lesquelles est demeurée ensevelie depuis trop longtemps une grande partie de notre population! Puisse cette heureuse réforme ne plus se faire attendre et l'instruction obligatoire prendre droit de cité dans nos institutions et dans nos mœurs, afin de répandre sur nous les effets bienfaisants dont nos voisins lui sont redevables! A cette époque, au point de vue de l'éducation intellectuelle, il n'y aura plus grande différence entre le père et le maître; car l'un et l'autre seront tenus, mais dans une mesure diffé

rente, de donner à l'enfant, le temps, la liberté et les moyens nécessaires à son instruction.

240. On voit, par la comparaison sommaire qui précède, que les droits du père, par rapport à son enfant, et les droits du maître, par rapport à son apprenti, ne présentent pas une parfaite analogie. Que serait-ce si nous voulions passer en revue tous les droits qui appartiennent au père et dont ne jouit pas le maître, tels que le droit de garde et le droit d'usufruit, et vingt autres droits que l'on trouve çà et là dans le Code civil et qui sont comme les rameaux détachés de ce tronc vénérable, qu'on appelle la puissance paternelle ?

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241. Il nous reste à tirer de cette comparaison une conclusion, qui ne paraîtra sans doute pas avoir une grande valeur, mais qui cependant mérite, selon nous, de ne point passer inaperçue. Elle consiste à repousser toute assimilation entre le père et le maître et à ne pas substituer celui-ci au père qui, quoi que l'on fasse, conserve et conservera toujours sa qualité de père, portant les charges et la responsabilité que cette qualité impose. Le législateur a bien compris qu'il ne pouvait remplacer le père par le maître et, quand il a énoncé les droits qui incombent à l'apprenti à l'égard du maître (Voy. article 11, loi de 1851), il a dit que l'enfant doit à son maître fidélité, obéissance et respect; il ne s'est point servi des termes qu'a inscrits le Code civil au Titre de la Puissance paternelle (article 173), et que ce dernier a empruntés au Pentateuque: «Honneur et Respect.» Cela tient à ce que l'on peut imposer la fidélité, l'obéissance et le respect, ce dernier au moins en apparence; mais qu'on ne peut point forcer à honorer des personnes qui vous sont étrangères et auxquelles on ne doit ni la lumière du jour ni les soins ni les sacrifices que la paternité inspire et rend si doux et si faciles! Non, la loi n'aurait jamais pu décréter l'amour du maître ni obliger l'apprenti à l'honorer! Aussi elle a eu raison. de tenir compte de la réalité des faits et ne pas dépasser les

frontières naturelles qui séparent la qualité de maître de celle de parent. En outre, le législateur du Code civil n'a pas cru devoir imposer aux enfants de tout âge l'obéissance de même qu'il leur a imposé l'honneur et le respect. C'est parce qu'il est nécessaire, parce qu'il importe à la dignité humaine qu'à une certaine période de son existence l'homme soit affranchi de toute tutelle, quelque honorable d'ailleurs qu'elle puisse être, et devienne maître absolu de ses actes. Aussi l'article 372 du Code civil a déclaré que l'enfant ne reste sous l'autorité de ses parents que jusqu'à sa majorité ou son émancipation. Donc, à partir de vingt et un ans, dans le premier cas, ou de dix-huit ans, au moins, dans le second, l'enfant n'est plus tenu d'obéir aveuglément à ses parents; il peut opposer à leurs volontés une résistance légitime, il trouve son appui dans la loi. Il n'en est pas de même de l'apprenti, et le rédacteur de 1851 a pu, sans scrupule, lui imposer le devoir d'obéir au maître, sans tenir compte de la majorité ou de l'émancipation.

242. C'est, en vertu de toutes ces observations et de toutes ces considérations, que nous revenons sur cette idée que le maître n'est pas comme un père et qu'il doit seulement se conduire envers l'enfant en bon père de famille (Voy. chap. V, no 154 et suivants). Aussi, quand on énonce que le maître a sur l'apprenti les mêmes droits que sur son propre enfant et vis-à-vis de lui les mêmes devoirs que vis-à-vis de son enfant; qu'en un mot, comme dit M. Mollot, le maître est pour l'apprenti un second père (1), on ne s'exprime pas avec exactitude et l'on se sert plutôt du langage figuré que de termes propres et précis on fait œuvre de poëte et non de jurisconsulte.

(1) Mollot, Code de l'ouvrier, p. 43.

CHAPITRE VI.

DE LA RÉSOLUTION DU CONTRAT.

243. Objet de la section IV de la loi de 1851, et de notre Chapitre VI. Principes de la résolution des contrats d'après le Code civil. 244. Condition résolutoire contenue tacitement dans tout contrat. 245 Inexécution par l'une des parties. La résolution n'a pas lieu de plein droit; elle est prononcée en justice. Division du chapitre VI.

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246.

SECTION I. 247. Le temps d'essai. 248. Sa durée d'après l'usage; discussion de l'article 14.- 249. La clause d'essai est de droit; stipulations dérogatoires. 250. L'une ou l'autre des parties est maîtresse d'annuler la convention. - 251. Le temps d'essai imputé sur la durée de l'apprentissage. 252. Jours d'essai antérieurs au temps fixé pour la durée de l'apprentissage; doivent-ils être comptés pour calculer le temps d'essai (dies à quo)? — 253. Indemnité pour le temps d'essai non due au maître, à défaut de convention. 254. Stipulation d'un dédit; le juge peut-il en modifier la quotité? - 255 Du dédit dans le cas d'exécution partielle; intention des parties, le juge peut-il faire subir une réduction proportionnelle au dédit? SECTION II. 256. Cas de résolution de plein droit du contrat (article 15). 257. Décès du maître ou de l'apprenti. — 257 bis. Réglement des intérêts réciproques; une indemnité peut-elle être réclamée? Retour vers la législation romaine. L'usage, à Paris. Opinion de M. Mollot. 257 ter. Le prix de la nourriture peut-il être réclamé? 258. Conseil aux contractants de prévoir le cas de décès. 259. Appel du maître ou de l'apprenti pour le service miliaire. - 260. Condamnations encourues par le maître ou l'apprenti. 261. Décès de l'épouse du maître ou de toute autre femme de la famille dirigeant la maison à l'époque du contrat; ses conséquences au regard des apprenties mineures. SECTION III.- 262. Cas où la resolution est soumise à l'appréciation du juge. (article 16); leur différence avec ceux des articles 14 et 15. 263. Résiliation prononcée avec ou sans dommages-intérêts ou simple indemnité accordée. 264. Historique de l'article 16; loi du 22 germinal an IX; discussion. - 265. Demandes facultatives de résolution pour infractions des stipulations du contrat, et infractions aux prescriptions de la loi. — 266. Exemples de manquements. · 267. De la part du maître : Insuffisance de l'enseignement de l'art ou du métier (article 12). 268. Mauvais traitements exercés sur l'apprenti; ceux provoqués par l'insolence de l'apprenti sont-ils excusables? Punitions infligées aux apprentis? 269. Inaccomplissement des devoirs religieux de l'apprenti; travail du dimanche exigé. 270. Entraves à la fréquentation de l'école. 271. Privation des sorties convenues et usitées. 272. Nourriture mauvaise, insuffisante. Logement malsain. Coucher de l'apprenti. Engagement de longue durée: obligation d'entretenir l'apprenti. 273. Service contraire à la moralité de l'apprenti; propos inconvenants. 274. Défaut de paiement du salaire.. 275. Changement de demeure du maître: notable augmentation de distance entre cette demeure et celle du père de l'apprenti. Retraite du maître; changement de profession. 276. De la part de l'apprenti. 277. Défaut de paiement du prix convenu. Cas du mineur émancipé s'étant engagé sans la participation de son curateur. 278. Inconduite habituelle de l'apprenti. 279. Indocilité et mauvais vouloir de l'apprenti aux leçons ou ordres du maître; inaptitude et incapacité reconnues; dommages-intérêts.-280. Désertion de l'atelier; absences fréquentes indues ou trop prolongées. Cas de maladie de l'apprenti. Infirmité grave du maître ou de l'apprenti. 281. Prétextes de mauvaise foi pour rompre le contrat. 282. Offenses graves, insultes, voies de fait envers le maître; infidélités commises par l'apprenti. 283. Mineur. Responsabilité du père. Moyens d'exécution dans le cas d'insolvabilité du père de l'apprenti. 284. Jurisprudence de Lyon: l'apprenti ne se replacera comme apprenti; réserve d'un supplément d'indemnité si l'apprenti se replace dans la même profession. Prohibition à tout patron d'employer l'apprenti avant le paiement de l'indemnité. -285. Restitution des effets, outils, etc. de l'apprenti. Droit du patron de refuser tout certificat, dans le cas de condamnation, inexécutée, du père à faire rentrer son fils en apprentissage ou à payer une indemnité; lit de l'apprenti, gage du patron.

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SECTION IV.

286. Réduction ou résolution du contrat d'une durée excessive (article 17). — 287. Durée de l'apprentissage non fixée par le contrat, arbitrée par le Conseil des Prud'hommes, d'après l'usage des lieux; temps diminué pour cause d'insuffisance des travaux du maître. 288. Sortie sans réclamation, demande de dommages-intérêts non recevable comme tardive.

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La Section IV de la loi de 1851 est intitulée « De la

Résolution du contrat ».

Les principes de la résolution des contrats sont exposés dans le Code civil. L'article 1184 est ainsi conçu: « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

» Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

>>> La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. >>

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244. La résolution s'applique à des contrats parfaits dans l'origine, mais qui cessent de produire leurs effets par suite d'évé nements prévus par les parties et dépendant ou non de leur volonté.

Tout contrat synallagmatique

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et nous avons vu (p. 21) que le contrat d'apprentissage était un contrat de cette nature, renferme tacitement une condition résolutoire. La réciprocité est l'essence du contrat et elle constitue la cause des obligations respectives. Chacune des parties est présumée avoir subordonné l'exécution de son engagement à l'exécution même de l'engagement pris par la partie adverse.

Ainsi, la partie qui a exécuté ou qui propose d'exécuter le contrat peut en demander la résolution, si l'autre partie refuse de l'exécuter de son côté; mais, bien entendu, il ne faut voir là qu'une faculté dont elle peut user ou ne pas user à son gré; s'il en était autrement, l'une des parties pourrait toujours,

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