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Le condamné est reçu à former opposition, dans le délai et aux conditions déterminés par le décret de 1809, articles 42 et 43.

325.-La partie plaignante, si elle a éprouvé un préjudice, est reçue, en conformité du droit commun, à conclure contre le prévenu, à fin de dommages-intérêts, et les Prud'hommes sont compétents pour prononcer sur cette demande.

Dans le cas où l'acquittement du prévenu serait motivé sur ce que, le fait demeurant constant, le délit ne serait pas suffisanment caractérisé, les Prud'hommes pourraient-ils allouer tout ou partie des dommages-intérêts demandés par le plaignant?

Nous nous prononçons, avec M. Mollot (1), pour l'affirmative; à raison du caractère particulier de l'institution des Prud'hommes, la jurisprudence contraire des Tribunaux correctionnels ne paraît pas devoir être suivie. Reporter la réclamation pécuniaire au civil, ce serait entraîner un surcroît de frais et de retards, en obligeant les parties à revenir devant le même Conseil, jugeant civilement.

326. Lorsque le débat pourrait occasionner du scandale, comme lorsqu'il s'agit de paroles obscènes ou d'outrages aux mœurs, les Prud'hommes doivent ordonner le huis-clos (droit accordé aux Tribunaux civ. par l'art. 87 du Code de pr. civ.). 327. La minute du jugement, contradictoire ou par défaut, est portée sur la feuille d'audience.

Dans le deuxième alinéa de l'article 4 du décret du 3 août 1810 est indiqué le mode rapide d'exécution des sentences des Prud'hommes:

« L'expédition du prononcé des Prud'hommes, certifié par leur secrétaire, sera mise à exécution par le premier agent de police, ou de la force publique sur ce requis. »

Le décret n'indique point par qui l'expédition sera remise à l'agent de police pour l'exécution.

Le président du Conseil doit adresser au procureur impérial

(1) Code de l'ouvrier, p. 274.

cette expédition, sans attendre la réquisition de la partie plaignante. Une fois la condamnation prononcée, elle est acquise à la vindicte publique (1).

328. La condamnation que, aux termes de l'article 4 du décret de 1810, peuvent prononcer les Prud'hommes pour la répression des délits y prévus, sera toujours soumise à l'appel.

Tous les jugements rendus en matière de simple police et prononçant la peine de l'emprisonnement peuvent être attaqués par la voie de l'appel (C. inst. crim. art., 172) et le décret de 1810 ne rejette pas cette règle de droit commun.

Nous devons examiner ici l'objection qui pourrait naître de ce que l'article 4 du décret, en visant la loi du 22 germinal an XI, a dit : « sans préjudice de l'exécution de l'article 19 de cette loi, » lequel donne au Préfet de police, à Paris, et aux Commissaires généraux de police, dans les autres villes, le droit de statuer également sur les délits de police entre ouvriers, fabricants et apprentis et porte expressément que les peines seront prononcées sans appel.

Nous pensons, avec M. Dalloz (2) que le décret de 1810 n'a pas voulu accorder aux Prud'hommes le même droit de statuer en dernier ressort, d'abord parce que l'appel est de droit commun, ensuite parce que la juridiction spéciale établie par la loi de germinal an XI se trouvant abrogée implicitement comme nous l'avons dit ci-dessus (no 316), la disposition relative à l'appel a dû tomber avec elle.

L'appel sera porté devant le tribunal correctionnel dans le ressort duquel le Conseil a son siége, ainsi que le veulent la nature. du procès et l'ordre des juridictions.

L'appel suspend l'exécution (art. 173, C. d'inst. crim.). Le décret ne déroge pas non plus à cette règle, ainsi que l'a fait celui de 1809, article 35, à l'égard des jugements relatifs aux délits commis envers la personne des Prud'hommes.

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329. Les faits mentionnés dans le décret étant assimilés à des contraventions de police, il paraît rationnel, dans le silence du décret du 3 août 1810, de leur appliquer la prescription d'un an ou de deux ans, suivant la distinction établie par les articles 639 et 640 Code d'instruction criminelle.

330.

On s'est demandé si la juridiction disciplinaire des Prud'hommes pouvait s'étendre aux patrons?

M. Mollot pensait que si le maître se permettait à l'égard de ses ouvriers ou apprentis une injure qui troublât l'ordre de l'atelier, les Prud'hommes pourraient en connaître et lui appliquer la peine portée par l'article 4 du décret de 1810.

Mais, nous préférons nous ranger à l'opinion exprimée par M. Dalloz « L'esprit et la lettre de cet article, dit-il, paraissent répugner à une pareille extension. Le maître est chez lui, dans sa fabrique, dans son atelier; s'il cause du trouble, il en est la première victime. La discipline, d'ailleurs, n'a pas à en souffrir; s'il se permet vis-à-vis de ses subordonnés des actes coupables, la loi et la justice ordinaires suffisent à les réprimer : c'est donc à elle que l'offensé devra recourir (1). Sans doute, cette soumission du maître, comme de l'ouvrier et de l'apprenti, à la même loi paraîtrait plus conforme à l'égalité; mais la loi n'a pas voulu, et il était difficile qu'elle le voulût, que l'apprenti et le maître fussent égaux. N'a-t-elle pas soumis l'un à l'autorité de l'autre (2)? 331. La condamnation prononcée par les Prud'hommes ne saurait mettre obstacle aux poursuites que le ministère public exercerait devant les tribunaux de répression, soit qu'il s'agisse de délits correctionnels ou de crimes, soit même qu'il s'agisse de contraventions de simple police (3).

Mais si le jugement des Prud'hommes n'entrave pas la pour

(1) Un maître coupable de mauvais traitements envers ses apprentis était condamné à quinze mois de prison et à 200 francs d'amende par la Cour de Paris. (Le Droit, 22 avril 1855.)

(2) Rép., vo Industrie et comm., n° 96.

(3) Cass. crim., rej., 9 avril 1836, Ganesse: Dalloz, Rép., v° Prud'homme, n° 131, et v° Chose jugée, no 530.

suite criminelle, la réciproque ne serait pas exacte; l'action publique exercée devant les tribunaux de répression devrait arrêter la justice des Prud'hommes; la juridiction criminelle absorberait, dans ce cas, la juridiction disciplinaire, à raison de la nature de la peine.

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332. De ces mots « et sans préjudice de l'exécution de l'article 19, titre v, de la loi du 22 germinal an XI, et de la concurrence des officiers de police et des tribunaux », il résulte que la contravention peut aussi être déférée d'office au Juge-de-paix jugeant en simple police, par le ministère public qui siége près de lui, c'est-à-dire par le commissaire de police ou le maire.

Si la juridiction du Conseil des Prud'hommes ne pouvait s'exercer, parce qu'il n'existe pas de Conseil dans les lieux où est située la fabrique ou l'atelier, la juridiction ordinaire des tribunaux de simple police devrait reprendre son exercice.

333. La juridiction disciplinaire des Prud'hommes ne doit être saisie que des faits qui intéressent « l'ordre et la discipline de l'atelier »; toute contravention, tout fait délictueux commis par des ouvriers ou apprentis en réunion, mais qui ne toucherait pas spécialement à cette discipline, dépasserait leur compétence.

Cette juridiction disciplinaire doit aussi, quoique les termes du décret ne s'en expliquent pas, comme la juridiction civile, être limitée aux fabriques nommément comprises dans le règlement de création et aux individus qui travaillent dans ces fabriques. Si donc, parmi les individus qui ont troublé l'ordre de l'atelier, il se trouve des personnes étrangères aux fabriques, elles ne seront pas justiciables des Conseils de Prud'hommes, et devront être renvoyées, en vertu du principe sur la disjonction, devant les juges compétents (simple police ou tribunal correctionnel), suivant la gravité du fait.

Avant de prononcer ce renvoi, les Prud'hommes devront constater l'existence du délit, aux termes des articles 12 et suivants de la loi du 18 mars 1806.

Les Prud'hommes devraient s'abstenir même dans le cas d'un fait de simple police, ou lorsque le tribunal ordinaire de simple police en aurait été saisi avant eux.

334.

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§ 2.

La loi du 22 février 1851, dans les articles 20 et 22, et la loi du 1er juin 1853, sur la réorganisation des Prud'hommes, n'ont dérogé, ni expressément ni implicitement, à la disposition de la loi de 1810 relative à la compétence en matière disciplinaire des Prud'hommes.

La loi de 1851 défère aux Tribunaux de police les contraventions à certaines de ses dispositions :

« Art. 20. Toute contravention aux articles 4, 5, 9 et 10 de la présente loi sera poursuivie devant le Tribunal de police et punie d'une amende de 5 à 15 francs.

« Pour les contraventions aux articles 4, 5, 9 et 10, le Tribunal de police pourra, dans le cas de récidive prononcer, outre l'amende, un emprisonnement d'un à cinq jours.

<< En cas de récidive, la contravention à l'article 6 sera poursuivie devant les Tribunaux correctionnels, et punie d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois, sans préjudice d'une amende qui pourra s'élever de 50 francs à 300 francs. >>

Les contraventions visées dans le § 1er de cet article concernent l'incapacité de recevoir un apprenti, soit à raison de l'âge du maître (art. 4), soit à raison de son état de célibat ou de veuvage (art. 5), le temps de travail (art. 9) et le refus de faciliter aux apprentis les moyens de s'instruire (art. 10).

335. Le 19 mai 1874, a été promulguée la loi sur le travail des enfants et des filles mineures dans l'industrie, loi par laquelle le législateur a modifié la loi de 1851 dans les dispositions pour lesquelles elle a formellement renvoyé à ses propres dispositions (1):

(1) Voy. le COMMENTAIRE DE LA LOI (DU 19 MAI 1874) SUR LE TRAVAIL DES ENFANTS, publié par l'un des auteurs de ce présent livre, en collaboration avec M. Ern. Nusse; Paris, 1878.

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