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Routes ordinaires. – Appliquer aux routes ordinaires et départementales les prestations en nature des communes que leur éloignement des chemins vicinaux réduit à se libérer en argent. Y établir des trottoirs. Essayer d'appliquer aux routes départementales des barrières de dégel. - Classer comme impériales les routes stratégiques. - Etablir dans les Pyrénées un réseau de routes thermales.— Achever les routes agricoles dans les Landes, en Sologne. - Ne faire de plantations que sur les routes qui ont assez de pente, de largeur et une exposition convenable pour n'avoir pas à craindre les détériorations de l'humidité; s'en abstenir ailleurs, sauf aux environs des villes à titre d'embellissement. - Faire exécuter sur le sol des routes toutes les plantations, afin d'enlever aux propriétaires tout prétexte d'abattre les arbres. En sens contraire, autoriser les propriétaires à planter sur le bord extérieur des fossés. — Ne planter que des arbres dont la réussite est probable d'après l'expérience, en exclure ceux qui, comme les peupliers du Canada, nuisent aux propriétés par leurs racines traçantes.

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Racheter les péages des ponts suspendus. Racheter même les ponts de Bordeaux, de Cubzac.- En sens contraire, maintenir les péages pour ne pas abandonner un mode d'exécution qui permet aux localités de faire construire des ponts alors que toute autre ressource financière leur ferait défaut.

Reviser la législation sur le roulage, en vue d'interdire les jantes étroites dont l'action dommageable a été établie par l'expérience.- En sens contraire, maintenir cette loi, la viabilité étant suffisamment protégée par l'interdiction d'atteler plus de cinq chevaux. — Prescrire l'éclairage de nuit de toutes les voitures, excepté celles qui portent les récoltes et les fumiers.

Élever le traitement des conducteurs et des agents inférieurs des ponts et chaussées, et leur procurer un avancement moins lent on recommande particulièrement les cantonniers.

Reviser les arrêts de 1755 et 1780 relatifs à la servitude d'extraction des cailloux pour travaux publics.

Étendre aux routes départementales les subventions imposés à certaines industries pour dégradation de chemins vicinaux de grande communication.

Nous passons entièrement sous silence les innombrables vœux relatifs au classement et à la rectification des routes et aux crédits d'entretien, affaires purement locales.

Chemins de fer. —Les voies ferrées ont pris la première place dans les vœux de la plupart des conseils généraux. Chaque département veut avoir sa ligne, sa section, son embranchement, son tronçon, même les plus pauvres et les moins favorisés par la topographie, qui soutiennent, non sans quelque raison, qu'il y aurait iniquité à les priver de cet instrument puissant du progrès économique, après qu'on les a fait contribuer par l'impôt à en doter des contrées plus riches. Sans entrer dans le détail des lignes réclamées, nous y signalerons trois tendances générales : 1° On veut aboutir le plus directement possible à Paris, besoin d'unité propice à la centralisation. 2o La zone concentrique autour de Paris, à une distance qui l'entraîne dans l'orbite d'attraction de la capitale, désire faire communiquer ses points extrêmes sans passer par Paris : ainsi Rouen demande à se relier à Orléans par Evreux, Dreux et Chartres; Orléans

veut aboutir à la Champagne, par Montargis, Sens, Nogent, Epernay, Reims; Reims désire atteindre le Havre et l'Angleterre par Soissons, Compiègne, Beauvais, Rouen : c'est comme un second chemin de ceinture autour de Paris, ayant pour objet de dégager l'immense ville d'un afflux de sang, et d'alléger les cités qui lui font cortège du lourd fardeau de dépenses qui résulte d'une traversée longue, lente, hérissée de formalités et de taxes. 3° La troisième tendance non moins légitime vise à relier les extrémités de l'empire entre elles ou avec les États voisins. Ainsi Bordeaux veut communiquer par Clermont avec Lyon et la Suisse; Marseille et Bordeaux ensemble, par la prolongation du chemin du Midi; Marseille et Saint-Nazaire, par un tracé qui prendrait en bandoulière le revers méridional de l'Auvergne; Nantes avec Mulhouse et Strasbourg, à travers le centre de la France; Bordeaux avec la Bretagne; l'Alsace et la Lorraine avec Marseille; le nord-est de la France avec l'Angleterre par une ligne parallèle à la frontière, de Strasbourg à Calais, croisant obliquement l'axe de Paris à Lille, et de l'autre côté se prolongeant vers l'Allemagne centrale et méridionale. Ce sont les jantes de la roue dont on s'occupe maintenant que sont fort avancés les rayons qui partent du moyeu parisien. Le réseau ne sera terminé que quand il représentera une roue ferrée pleinement fermée sur elle-même, mais avec des prolongements de rails sur toutes les frontières.

Un mécontentement général contre les compagnies se révèle dans un grand nombre de conseils. On demande au gouvernement qu'il les force à tenir leurs engagements pour les tracés, les travaux, les stations, les gares, la combustion de coke au lieu de houille, les secondes voies, le nombre des départs, la solidité des clôtures, le confortable des wagons.

Les tarifs suscitent des plaintes. On réclame une révision des classes de marchandises plus favorable aux matières de première nécessité, la houille, les engrais, le bois, le charbon, la chaux et le plâtre, suivant les localités; des adoucissements de prix pour les fruits frais qui ont besoin de la grande vitesse.

Les tarifs différentiels surtout soulèvent de vives protestations. Hérault, Pyrénées-Orientales, Haute-Vienne, Haut-Rhin, Bas-Rhin, Meurthe, Meuse, Saône-et-Loire demandent que les tarifs soient ramenés à l'uniformité kilométrique sur toute ligne, suivant la nature des marchandises, sans faveur pour aucune localité. Les moins radicaux se contentent de demander que toute modification de tarif soit soumise aux chambres de commerce; que toute réduction soit maintenue pendant dix ans. Ce dernier vœu n'est que l'expression extrême d'un sentiment général, la crainte que les chemins de fer ne suppriment, par des tarifs fortement réduits, la concurrence de la batellerie sur les canaux et sur les fleuves, sauf à les relever ensuite au maximum.

Le service de la petite vitesse excite de vives plaintes. Il est si lent sur certaines lignes que le roulage a pu se reconstituer. On prend quatre à cinq jours pour des distances que les voyageurs franchissent en quelques heures. Plusieurs départements recommandent les chemins de fer américains à traction de chevaux, là où la vapeur paraîtrait trop coûteuse pour le revenu probable.

Nous n'avons pas trouvé dans les quatre-vingt-neuf départements un seul

vœu sympathique aux compagnies, d'où elles doivent conclure que la patience du public est à son comble, et qu'il faudrait peu de chose pour la faire déborder au profit de l'État. Ce n'est qu'après plusieurs années des plus vives instances de la commission départementale de la Seine qu'un service de voyageurs a été inauguré sur une partie du chemin de fer de ceinture de Paris. Que doit-il en être ailleurs où la pression officielle est moins puissante!

Cette longue énumération, instructive dans son aridité, montre l'infinie variété des desiderata de la France dans le cadre d'activité des conseils généraux. Si ce n'est pas toute l'économie sociale, c'en est une partie notable. Mais combien ce relevé accuse l'excès de centralisation qui a remis aux mains de l'État une multitude de questions qui sont du ressort naturel des communes, des départements et des provinces !

JULES DUVAL.

LES CHAIRES D'ÉCONOMIE POLITIQUE

Au moment où le grand principe de la liberté du commerce vient de triompher et d'inaugurer une ère nouvelle, au moment aussi où il est question de créer un enseignement industriel, nous croyons opportun d'aborder dans ce recueil consacré à populariser les saines doctrines de l'économie politique, une question qui y a déjà trouvé place, mais à un tout autre point de vue. En effet, M. Émile Jay demandait la création d'une chaire d'économie politique dans chaque école de droit, et le maintien, que nous ne croyons pas douteux, de l'enseignement administratif.

Nous renouvelons aujourd'hui cette demande en lui donnant plus d'extension, seulement en ce qui concerne l'économie politique, comme conséquence des paroles bien connues de l'Empereur, que nous avons souvent citées dans ce recueil, et pour prévenir de funestes erreurs, pour détruire de dangereux préjugés et rendre saisissables pour tous les grandes vérités économiques.

M. Jay a rappelé de très-curieux antécédents de la question, il a cité la loi de 1819 votée sous le ministère de M. Decazes, par laquelle l'École de droit de Paris fut dotée des chaires de droit naturel, de droit des gens, de droit public général, de droit public positif, d'histoire philosophique du droit et enfin d'ÉCONOMIE POLITIQUE. C'était une phase libé

rale du gouvernement de la Restauration, phase peu durable, car, dès 1822, une ordonnance royale effaça de la loi ses tendances dangereuses, sous prétexte de disposer les cours de la Faculté de Paris de manière que les étudiants n'y reçussent que des connaissances positives et usuelles; alors on enleva de la loi ce qui nous semblerait, à nous, parfaitement usuel et positif, c'est-à-dire le droit administratif et l'économie politique.

A cette date de 1822, c'était la politique qui prenait la parole et chassait la philosophie. Néanmoins, en 1828, il y eut un retour vers les saines idées du progrès, et l'enseignement du droit administratif fut rétabli, pour être généralisé plus tard, en 1837.

Que devenait l'économie politique au milieu de ces fluctuations incessantes? Elle était mise à l'écart, et son nom n'était pas même prononcé. C'est à M. de Salvandy qu'appartient l'honneur de reprendre la question, il consulte les Facultés en 1845; puis en 1846 une haute commission des études de droit conclut au développement de l'enseignement du droit public et administratif dans toutes les Facultés de droit, et à la fondation d'une école spéciale de sciences politiques et administratives.

En 1847, M. de Salvandy, dans un projet de loi présenté à la Chambre des pairs, propose le rétablissement de la chaire d'économie politique. Mais la révolution de 1848 éclate, et si la pensée vient aux directeurs du mouvement de créer des chaires d'enseignement supérieur confiées aux plus grands noms de la Révolution, s'ils donnent suite à l'idée de M. de Salvandy de créer une école spéciale des sciences politiques et administratives, destinée à former une pépinière de sujets d'élite pour la haute administration, et de préparer, même pour les assemblées législatives, des hommes capables d'exercer une légitime influence sur les destinées de leur pays, une seule science y est frappée d'ostracisme, c'est l'économie politique. Elle était suspecte au pouvoir de l'époque, à quel titre, c'est ce qu'il est inutile de formuler ici; seulement nous dirons qu'avec le socialisme l'économie politique est une science complétement inutile.

Aujourd'hui, quel est l'état de l'enseignement de l'économie politique en France? C'est ce que nous allons essayer de faire voir. Nous disons en France; l'expression est trop large, car, excepté à Paris, la France n'a pas une seule chaire d'économie politique; la pensée féconde de M. de Salvandy n'a pu triompher des rancunes que cette science a excitées dans certains esprits, qui la trouvent trop voisine de la politique, et dont ils accusent le champ d'être trop vaste, comme si celui de la philosophie, par exemple, l'était moins.

C'est donc de l'enseignement de l'économie politique à Paris qu'il s'agit dans cet article. A vrai dire, ainsi que l'affirmait ici même M. Gustave du Puynode, dans son rapide examen de l'ouvrage de

M. Baudrillart, Des rapports de la morale et de l'économie politique, il n'y a qu'une chaire d'économie politique à Paris, celle du Collège de France, qui fut occupée successivement par Say, Rossi et M. Michel Chevalier, et qui l'est, depuis dix ans, à titre de suppléance, par M. Henri Baudrillart.

Néanmoins, il serait injuste de ne pas tenir compte des deux autres chaires d'économie politique qui existent encore, et qui, sans compléter l'enseignement de cette science à Paris, lui donnent cependant deux puissants auxiliaires qu'il ne faut pas effacer d'un trait de plume. En effet, M. Joseph Garnier est titulaire d'un cours d'économie politique à l'École impériale des ponts et chaussées; ce cours n'est pas public, dira-t-on; non, mais il est suivi par tous les élèves, ce qui est déjà quelque chose, et l'on peut facilement obtenir des cartes d'admission pour le suivre sans appartenir à l'école; c'est ce qui nous est arrivé et ce qui est arrivé à bien d'autres. M. Wolowski, de l'Institut, fait également au Conservatoire des arts et métiers un cours de législation industrielle qui côtoie sans cesse l'économie politique, et qui, dans certaines circonstances données, y fait heureusement invasion, ainsi que nous avons pu le constater nous-même à notre grande satisfaction.

Nous allons donc examiner ces trois cours; qu'il nous soit permis de le faire avec toute liberté.

I

Nous nous occuperons d'abord du cours du Collège de France, que nous avons suivi avec assiduité pendant deux ans. Parlons un peu du cadre avant de dire notre pensée sur le tableau lui-même, sur le fond même de cet enseignement. Il y a cinq ou six ans, l'amphithéâtre était étroit, les auditeurs étaient au nombre de quatre-vingts ou de cent. C'était le temps où le professeur qui y porte aujourd'hui la parole débutait seulement depuis deux ou trois années. L'économie politique était peu en faveur auprès du public. Aujourd'hui, grâce à la popularité accrue du professeur, le vaste amphithéâtre du Collège de France, où deux ou trois cents auditeurs se réunissent assidûment, s'est ouvert à l'économie politique. Des dames, au nombre d'une vingtaine, y assistent. La présence des dames est un privilége de l'établissement, fondé par un roi très-galant. De nombreux jeunes gens qui appartiennent surtcut aux grandes écoles, des étrangers, parmi lesquels dominent les Américains, les Allemands et les Russes, se font remarquer dans l'enceinte. Puissentils aider à la propagation des saines doctrines de l'économie politique! S'ils comprennent bien sa mission de rapprochement et de conciliation, ils attireront des adeptes et la vérité se fera dans beaucoup d'esprits troublés par les incitations de l'intérêt mal entendu ! Un mot maintenant sur le cours.

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