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Le conseil général de l'Hérault émet l'opinion, que nous croyons fondée, que la Caisse dite des Invalides de la marine, qui rend des services précieux aux gens de mer en leur facilitant le moyen de faire passer, pendant la durée de leur embarquement, une partie de leur solde à leurs familles, et en leur servant, moyennant une retenue, des pensions de retraite, pourrait être conservée, même après l'abolition de l'inscription maritime, comme une grande caisse d'épargnes et de retraites. C'est une observation qui a son prix.

Nous n'avons point d'ailleurs, dans cette chronique, à entrer dans le fond de la question. Elle a été parfaitement traitée ici même par M. de Crisenoy, et nous ne pouvons mieux faire que renvoyer les personnes qui conserveraient encore quelques doutes sur ce sujet, à cet utile et intéressant travail.

Le Moniteur publie le rapport que le ministre des finances vient d'adresser à l'Empereur sur la situation financière. Il nous suffira d'en signaler les principaux résultats. En premier lieu, M. Fould annonce que les nouvelles ressources votées dans la dernière session législative, et notamment l'addition d'un second décime aux droits d'enregistrement, lui permettront de présenter le budget de 1863 avec un excédant de recettes de 8 millions 360,041 fr. Sans doute, on pourrait craindre que cet excédant ne suffit pas pour garantir l'équilibre et pour faire face aux nécessités imprévues; mais le ministre fait observer que la modération à laquelle il s'est astreint dans l'évaluation présumée des recettes lui donne lieu de compter sur une plus-value assez considérable pour parer à toutes les éventualités; et pour justifier cette prévision, il s'appuie sur les six premiers mois de recettes de 1862, qui, sans avoir profité des nouveaux impôts votés dans la session dernière, ont déjà produit, malgré les circonstances peu favorables résultant de la guerre américaine et d'une mauvaise récolte, une augmentation de 50 millions sur le total des recettes constaté pendant la même période en 1861.

En second lieu, le rapport présente un aperçu non moins satisfaisant sur le résultat encore incomplet de l'exercice courant, dont le budget a été voté, comme on le sait, antérieurement aux règles salutaires établies par le sénatus-consulte du mois de décembre dernier. Si, d'une part, le tableau dans lequel sont récapitulés les crédits supplémentaires votés en 1862 et les augmentations de recettes réalisées pendant la même année se balance par une insuffisance de 54 millions, d'autre part, il y a lieu de se rassurer par l'énumération des ressources empruntées en partie à des recettes accidentelles, mais surtout à l'excédant des revenus

indirects, à l'aide desquelles M. Fould se croit en mesure d'assurer l'équilibre et d'exprimer l'espoir que l'année 1862 n'ajoutera rien au chiffre des découverts antérieurs. Ce chiffre, qui, à la fin de 1860, était de 848 millions, et qui, en s'accroissant du déficit de 1861, avait atteint au 1er janvier de 1862 la somme de 1 milliard 24 millions 503,000 fr., se trouve aujourd'hui diminué de 157 millions environ par la conversion des rentes 4 1/2 0/0, et par conséquent réduit à 867 millions, « chiffre auquel il est facile de pourvoir, dit le rapport, avec les éléments habituels de la dette flottante. »>

L'administration des douanes vient de publier le Tableau du commerce extérieur de la France avec ses colonies et l'étranger pour l'année 1861. 4 vol. grand in-4o. Le Journal des Economistes en donnera le résumé dans le prochain numéro.

Paris, 15 octobre 1862.

657.

HENRI BAUDRILLART.

L'Administrateur-Gérant, GUILLAUMIN.

PARIS. - IMPRIMERIE POUPART-DAVYL ET C, RUE DU BAC, 30.

DES

ÉCONOMISTES

DE L'INDÉPENDANCE DES BANQUES

ET

DE LA LOI QUI RÉGIT L'ÉMISSION DE LEURS BILLETS

Ce travail n'est qu'un chapitre détaché de la seconde édition que je prépare de mon livre De la monnaie, du crédit et de l'impôt. Il paraitra très-incomplet, je le sais, séparé des chapitres qui le précèdent et qui le suivent; mais la question de l'indépendance ou de la réglementation des banques est de telle importance qu'elle me fera pardonner de la soumettre encore, sous cette forme si regrettable qu'elle semble, aux appréciations des lecteurs de ce journal. Peut-être quelques opinions favorables à la liberté du crédit s'en trouveront-elles fortifiées, et verrai-je bientôt naître quelques doutes parmi ses adversaires. Il se trouve en outre, dans ce travail, des observations qu'aucun écrivain français n'a, je crois, jusqu'ici portées à notre connaissance, sur le rôle et les conséquences des émissions des banques, bien que j'y laisse aussi de côté l'influence des billets de banque sur les prix, sujet d'un si puissant intérêt. J'espère même-n'est-ce qu'illusion?-que, aidé des beaux ouvrages de Tooke, de Fullarton et de Gilbart, j'ai pu indiquer la véritable loi de l'émission de ces billets. Tout en reproduisant une partie des considérations que j'exposais dans ma première édition, d'ailleurs, je me suis beaucoup attaché à la discussion du bill de 1844, qui régit encore la banque d'Angleterre, parce qu'il renferme, sans nulle comparaison, l'exemple du meilleur règlement qu'on ait appliqué jusqu'à nous aux établissements de crédit.

2 SÉRIE. T. XXXVI. — 15 novembre 1862.

12

I

Le bill de 1844, préparé, comme toutes les lois importantes de l'Angleterre, par de nombreuses publications (1), entre lesquelles sont demeurés célèbres les ouvrages du colonel Torrens et de MM. Loyd et Norman, ses véritables auteurs (2), eut l'heureuse et rare fortune d'être accueilli avec faveur, presque avec enthousiasme, par les divers organes de l'opinion. Parmi les journaux jouissant de quelque crédit, le Sun fut seul à l'attaquer, comme, parmi les œuvres de longue haleine, le livre isolé de M. John Fullarton (3). Il s'en faut aujourd'hui qu'il soit jugé de même façon. Dès la crise de 1847, tout le monde à peu près l'a combattu. Lord Ashburton, l'une des premières autorités financières du Royaume-Uni, a reconnu, dans les restrictions qu'il impose au mouvement du crédit, la cause la plus efficace de cette crise (4). La presse entière mit alors à le condamner l'ardeur dont elle avait auparavant fait preuve pour l'approuver; et les grands centres de commerce ou d'industrie envoyèrent tous des députations auprès du premier ministre, pour l'engager à l'abolir. Partout, en effet, après avoir été surexcités par une énorme baisse d'intérêt (5) et une émission de billets considérable, la production et les échanges, implorant en vain des secours de l'établissement qui leur en pouvait fournir autrefois, et qui, maintenant, impuissant à modifier ses services, les devait refuser, devait même retirer ses billets en même temps que le public retirait son argent, croulaient, succombaient, en s'entourant de ruines immenses (6). Le ministère s'est, à la fin, vu contraint de céder; Robert Peel lui-même en donna, on le sait, le conseil; et le jour où la banque a recouvré sa liberté d'émission, les fonds sont montés de 2 0/0 à la bourse de Londres. Il a de nouveau fallu le suspendre pendant la crise de 1860.

Il est certain que s'il convient de resserrer le crédit en d'étroites limi

(1) M. Gilbart a pnblié, dans la Revue de Westminster, en 1841, une excellente critique de ces diverses publications. Cet article a formé depuis sa brochure intitulée Currency and banking.

(2) C'est aussi à l'occasion des écrits de ces auteurs que Tooke a fait paraître sa brochure An inquisy into the currency principle.

(3) On the regulation of currencies.

(4) The commercial and financial crisi considered.

(5) L'intérêt prélevé par la Banque d'Angleterre n'était alors que de 2 1/2 p. 100.

(6) Voy. surtout, pour la crise de 1847, l'ouvrage de M. Gilbart, A practical treatise of banking, t. I, sect. viii et ix.

tes, on ne le saurait faire sans préparer pour certains temps de graves dommages. Borner rigoureusement l'émission des billets d'après le montant de l'encaisse métallique des banques, comme l'a fait Robert Peel, et n'autoriser que certaines banques, sinon une seule, à fonctionner, c'est assurer, croit-on, les bases de la circulation, mettre un frein aux entreprises téméraires. Mais c'est aussi et bien plutôt provoquer à des facilités excessives lorsque abondent les dépôts, amener une circulation fiduciaire exagérée, lorsque la circulation monétaire est déjà surchargée, et décréter, par contre, des rigueurs extrêmes, l'élévation du taux de l'intérêt, toutes les entraves de l'escompte, dès que naissent les crises. De même que la banque ou les quelques banques existantes abaissent alors sans retenue le prix de leurs capitaux au moment de la prospérité, elles l'élèvent forcément en présence du péril, quand leur réserve diminue et que le papier de commerce se présente nombreux à leurs caisses. Il y a dans ce cas, dit M. Gilbart, une alternative constante de prix élevés et de prix minimes, de prix minimes et de prix élevés, de spéculation et de détresse, de détresse et de spéculation (1). Je le prouverai, j'espère, jusqu'à l'évidence. Avant la crise de 1847, par exemple, causée par la hausse des cotons, les importations des céréales et les appels de fonds des innombrables compagnies de chemins de fer de cette époque, l'escompte de la banque d'Angleterre était descendu jusqu'à 2 1/2 0/0, et durant la crise elle l'a porté jusqu'à 5 1/2, en imposant les plus rigoureuses conditions aux effets qu'elle continuait d'admettre, et en suspendant à la fois ses prêts sur dépôt de fonds publics. Les négociants, excités d'abord, n'ont donc plus trouvé à négocier passablement ensuite les valeurs les plus sûres dont ils étaient munis. Il leur a fallu les vendre à perte, ou, pour faire face à leurs engagements, ils n'ont eu que les ressources de leur fortune personnelle, si difficilement réalisable et si dépréciée à tous les moments de gêne. C'est l'un des devoirs des établissements de crédit, cependant, de s'employer à prévenir ou à diminuer les crises. Vastes réservoirs de travail, sources toujours ouvertes de vie et de richesse, à eux de pousser aux découvertes, aux progrès, aux développements industriels pendant la prospérité, quoiqu'en une juste mesure, avec une convenable prudence, sans doute; mais à eux aussi de soutenir dans le besoin, de calmer les souffrances durant l'infortune. Le crédit, c'est de l'argent, disait Franklin; quand l'argent abonde, il ne le faut pas exagérer, et quand il manque, n'appartient-il pas surtout de le montrer et de le faire valoir? C'est juste le contraire qu'a prescrit l'acte de 1844.

(1) Voy. Gilbart, Currency and banking.

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