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dépenses préparatoires alors s'élèvent au chiffre de 100 millions pour les tunnels et 12 pour les eaux, en tout 112 millions.

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La baisse possible de l'or, dans ces conditions, serait de 76 0/0. Le kilogr. d'or pourrait donc baisser de 3,400 fr. à 850 fr.; le kil. d'argent ne baisserait que de 210 à 189 fr.

Je suis loin de vouloir donner à ces aperçus très-superficiels, la valeur d'un chiffre positif. Il y a là une longue et sérieuse enquête à faire faire par des hommes spéciaux; ceci n'en est tout au plus que le cadre. Mais l'écart qui se présente ainsi au premier coup d'œil entre la baisse possible de l'or et celle de l'argent est tellement considérable, qu'on peut déjà conclure, sans trop de présomption, que c'est l'or qu'il faut démonétiser.

Je n'entrerai pas aujourd'hui plus avant dans la question. Quand elle se représentera avec un ensemble de renseignements plus complets et de données plus précises, il sera temps de répondre aux diverses objections de détail qu'on a opposées à cette mesure. La chose urgente, c'est de faire étudier plus à fond les trois grands pays producteurs de l'or. Pourquoi le gouvernement français ne renverrait-il pas en Californieet peut-être, de là, aux mines d'argent du Mexique,-l'ingénieur qui a si bien rempli sa trop courte mission? La Russie pourrait faire reconnaître, au même point de vue, la Sibérie et l'Oural, et l'Angleterre se chargerait de l'Australie. La chose en vaut la peine, et la possibilité d'une baisse qui réduirait l'or au tiers ou au quart de sa valeur n'est pas une petite affaire pour des pays où la monnaie est d'or.

R. DE FONTENAY.

ENQUÊTE

UR

LE COMMERCE DE LA BOULANGERIE

Le principe de la liberté commerciale vient d'obtenir une nouvelle et importante consécration par l'avis affirmatif que le Conseil d'État a récemment émis en faveur de l'application du régime du droit commun à l'industrie de la boulangerie. Cette déclaration, faite par un corps où les traditions d'autorité et d'influence administratives ont nécessairement une large place, a d'autant plus de valeur qu'elle n'est point due à une de ces surprises auxquelles les assemblées délibérantes se laissent parfois entraîner, mais à une opinion réfléchie, lentement formée. Sans doute la brillante part qu'on attribue à M. le ministre du commerce dans ce débat a valu à la doctrine économique, au triomphe de laquelle il semble attacher l'honneur de son administration, une imposante majorité dans le vote du Conseil d'État; mais sa parole a d'autant mieux réussi, certainement, qu'elle s'adressait à des esprits mieux préparés. En effet, la solution, encore théorique d'ailleurs, que le Conseil d'État a adoptée, n'est intervenue qu'après cinq ans d'études assidues, de recherches attentives, poursuivies non-seulement à Paris, mais sur les grands centres de consommation de Londres et de Bruxelles, et à la suite, enfin, de nombreuses discussions, où les renseignements fournis par cette longue enquête ont été soigneusement vérifiés.

En 1857, sur une proposition du préfet de la Seine et du conseil municipal de Paris, qui tendait plutôt à l'affermissement du monopole de la boulangerie qu'à sa suppression, M. le ministre du commerce saisit le Conseil d'État de la question, qui fut spécialement renvoyée à l'examen des sections du commerce et de l'intérieur. Celles-ci, sur un rapport très-circonstancié de M. Le Play, décidèrent qu'il y avait lieu de maintenir provisoirement le statu quo et de continuer les études nécessaires pour éclairer complétement le débat. Conformément à cette résolution, on ouvrit à Paris, en 1859, sous la présidence de M. Boinvilliers, président de la section de l'intérieur, une enquête relative à la situation et au fonctionnement du service général de la bou

langerie dans le département de la Seine, et M. Le Play fut en outre chargé par le ministre du commerce de se rendre à Londres et à Bruxelles où depuis plusieurs années le régime de la libre concurrence est en pratique, afin de constater les résultats qu'il donnait. Ces nouvelles investigations devinrent l'objet d'un second rapport, dans lequel M. Le Play, après avoir examiné la question sous ses divers aspects, en fournissant à l'appui de ses assertions une série de documents intéressants et décisifs, élargissait ses précédentes conclusions, et réclamait nettement, comme condition normale, la libre concurrence pour le commerce de la boulangerie.

Ce rapport qui donnait aux choses une face si nouvelle, fut communiqué à M. le préfet de la Seine et au Conseil municipal, qui, de leur côté, persistèrent dans les propositions qu'ils avaient primitivement présentées. Leur opinion, développée dans un rapport savamment rédigé par M. Dumas, président du conseil municipal, appela, de nouveau, dans ces derniers mois, toute l'attention des sections du commerce et de l'intérieur: après trois jours de délibération, elles se rangèrent une seconde fois au sentiment de leur rapporteur, et exprimèrent, au mois d'octobre 1862, un avis portant qu'il y avait lieu de rétablir par toute la France, dans le commerce de la boulangerie, la pratique du droit commun, et notamment de supprimer, dans toutes les villes où ils sont aujourd'hui en vigueur, les régimes de la limitation, de la taxe, des réserves et de la compensation.

Tel est, en peu de mots, et sèchement résumé, l'ensemble des faits qui ont précédé les deux séances dans lesquelles le Conseil d'État, siégeant aux Tuileries, sous la présidence de l'Empereur, qui avait voulu suivre lui-même cette discussion importante, a été appelé à se prononcer sur ce grave sujet. Les débats du Conseil d'État, on le sait, ne sont pas publics; mais, en cette circonstance, et connaissant d'ailleurs les deux thèses opposées, on peut aisément en suivre la marche, d'une part d'après la note de M. le préfet de la Seine, publiée par quelques journaux de Paris, et de l'autre, sur les indications, non contredites, qu'ont données plusieurs journaux français et étrangers.

M. le préfet de la Seine a choisi, avec une habileté dont on ne sera pas surpris, un ordre d'idées qui devait spécialement frapper un corps qui a le droit et le devoir de tenir grand compte, à côté des règles économiques et administratives, des considérations purement politiques. L'honorable défenseur de la constitution du monopole de la boulangerie, tout en discutant les faits, a particulièrement insisté sur les motifs d'ordre public, desécurité politique, ainsi que sur les raisons d'humanité et de prévoyance en faveur des classes laborieuses qui répondaient surtout aux constantes préoccupations de l'Empereur. Il n'est, du reste, guère entré dans la question de principes, en sorte qu'il est permis de se

demander si M. le préfet de la Seine a fait autre chose, dans une discussion très-adroite et très-ingénieuse d'ailleurs, que traiter la question par la question. Or, le point à débattre n'était évidemment pas là. Le régime de la liberté commerciale est bon ou mauvais; mais s'il est efficace, toutes les objections de fait soulevées à l'appui du monopole tombent d'elles-mêmes, car les partisans de la liberté maintiennent précisément qu'elle est plus capable qu'aucun autre moyen de pourvoir aux intérêts divers et considérables qui excitent très-justement les sympathies de M. le préfet de la Seine, et dont ses contradicteurs ne se préoccupent pas moins vivement que lui. En définitive, autant que nous pouvons en juger, M le préfet de la Seine ne se prononce pas très-nettement au point de vue général et théorique, et son argumentation nous paraît reposer, jusqu'à un certain point, sur ce vieux proverbe, dont notre siècle infirme chaque jour la sagesse : Le mieux est l'ennemi du bien. M. le préfet de la Scine ne défend pas le monopole ; toutefois il en réclame le maintien durant un délai indéterminé, à titre de situation transitoire, et les mesures qu'il indique dans ce but, loin de conduire plus aisément à la suppression, auraient pour conséquence probable de la rendre plus difficile. C'est, du moins, à notre avis, ce qui aurait lieu si, comme il paraît le conseiller, on en venait soit à concentrer davantage, en quelques mains, l'industrie de la boulangerie par le rachat d'une portion des numéros existants, soit à créer de grands établissements de manutention qui, même sous l'empire de la liberté, ne seraient pas sans inconvénients, et qui en auraient, sans aucun doute, de très-sérieux avec le monopole. Quoi qu'il en soit, ces idées groupées dans une argumentation bien suivie, soutenues au nom d'intérêts respectables, étaient de nature à produire une vive impression, et les partisans du monopole ont eu un instant l'illusion du succès. Heureusement, toutes les finesses de la dialectique ne sauraient prévaloir contre la vérité clairement et fortement présentée.

C'est sur ce terrain que s'est tout d'abord placé M. le ministre du commerce pour repousser les assertions de M. le préfet de la Seine. Il s'est attaché, avant tout, à la question de principe, et sa haute expérience, sa connaissance approfondie des faits soutenue par une conviction énergique qu'aurait encore affermie, s'il était nécessaire, l'épreuve récente et décisive de l'abolition de l'échelle mobile, lui ont permis de démontrer péremptoirement la certitude de sa doctrine au double point de vue théorique et pratique. Il a accepté toutes les nécessités que M. le préfet de la Seine avait signalées à la sollicitude prévoyante de l'Empereur et du Conseil d'État, non pour présenter des solutions approximatives, pour s'arrêter à des transactions et à des attermoiements, mais pour déclarer formellement que c'était dans le régime du droit commun que tous les intérêts trouveraient une solide et durable

satisfaction, parce que ce régime était seul conforme à la réalité des choses.

Il ne nous appartient pas d'entrer, à l'occasion d'un simple exposé de faits, dans le détail d'une question sur laquelle le Journal des Economistes se réserve de revenir; nous n'insisterons donc pas en ce moment sur les critiques que soulève l'organisation actuelle du service de la boulangerie; nous ne signalerons pas l'inégalité de charges qu'elle

peser sur les consommateurs; l'espèce d'inertie dont elle frappe la boulangerie, qui perd toute initiative dans une tutelle qui lui est, en bien des cas, plus embarrassante et plus onéreuse que profitable; nous ne rappellerons pas les conséquences énormes auxquelles elle aboutit, et qui n'iraient à rien moins, pour son exacte application, qu'à renouveler, aux limites du département de la Seine, ce système de douanes locales que la révolution a fait disparaître. Nous ne placerons pas en regard de ces entraves, ce remarquable résultat qu'on doit à la liberté rendue au commerce des grains, d'avoir ramené à une simple cherté passagère une situation qu'on caractérisait à l'origine du mot inquiétant de disette, et qui se traduisait, en effet, par un déficit de 15,000,000 d'hectolitres, l'un des plus considérables que la France ait éprouvés à aucune époque; enfin, nous ne parlerons pas non plus, dans un ordre de faits qui touche de plus près encore à la question actuelle, du démenti que la pratique du droit commun a donné aux prévisions des adversaires de la liberté de la boucherie. Tandis que, en effet, par des causes diverses, le prix de la viande augmentait sensiblement dans la plupart de nos départements, à Paris, il restait stationnaire et obtenait même une faible réduction, bien que cette consommation, si désirable dans l'alimentation des classes laborieuses, se soit développée sur une large échelle. Tous ces arguments si puissants dans la cause défendue par M. le ministre du commerce ne pourraient être que trop brièvement indiqués ici; nous resterons donc dans le cadre d'un rapide compte rendu, et nous dirons pour terminer que le Conseil d'Etat, après avoir entendu M. le ministre du commerce, à qui M. le préfet de police a donné, dans ce débat, un concours notamment précieux au point de vue des considérations délicates qu'avait introduites M. le préfet de la Seine, s'est prononcé à la presque unanimité en faveur des conclusions présentées par les sections du commerce et de l'intérieur.

Sans doute, ainsi que nous l'avons fait observer en commençant, ce n'est jusqu'ici qu'un avis spéculatif; mais l'application ne saurait desormais beaucoup tarder, quand elle a gagné l'assentiment d'un corps où l'esprit de théorie ne se sépare jamais de la solide expérience que donne une longue pratique des affaires.

L. MICHELANT.

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