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M. le Président donne la parole à M. Clausel de Coussergues.

M. Clausel de Coussergues (2). Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre ou d'adopter l'amendement de M. de La Bourdonnaye, ou de le renvoyer à la commission de l'adresse, pour qu'elle exprime, avec plus de clarté, les sentiments de la Chambre.

La commission vous propose ce paragraphe au sujet du Portugal: Les événements qui agitent une partie de la Péninsule ont frappé tous les amis de l'ordre, d'une pénible surprise.

Je m'arrêterai sur ces deux mots : pénible surprise. Je vous prierai d'abord de remarquer que le mot surprise ne peut point exprimer le sentiment de la Chambre. Que se passe-t-il de si nouveau en Portugal, qui puisse exciter notre surprise? Est-ce parce que les peuples des campagnes vont au-devant des drapeaux royalistes portés par dom Antonio Sylveira et par le marquis de Chaves, et parce que les villes leur ouvrent leurs portes? Mais en 1823, les drapeaux d'Antonio Sylveira et du marquis de Chaves, qui s'appelait alors le comte d'Amarante, furent suivis comme aujourd'hui par le peuple portugais. Ces deux chefs facilitèrent ainsi l'entreprise héroïque de la reine et de l'infant dom Miguel, pour la délivrance du roi et pour l'anéantissement de cette convention portugaise qui s'appelait les Cortès.

Que font aujourd'hui ces dom Antonio Sylveira et le marquis de Chaves? Absolument la même chose qu'en 1823. Ils combattent de même pour les antiques lois de la patrie, ils font la guerre à ces mêmes révolutionnaires qui portent des décrets sanguinaires sous le nom de Chambre des députés, comme ils le faisaient en 1823, sous le nom de Cortès, et qui, de même, tiennent précisément cette même reine, du sang des Bourbons, qu'ils avaient osé condamner à la déportation en 1823, parce que, digne fille de saint Louis et de Louis XIV, elle avait refusé un serment contraire aux intérêts de la religion comme à ceux de sa couronne. Rien de ce qui se passe aujourd'hui en Portugal ne doit donc exciter notre sur

(1) Ce comité secret est inédit.

(2) Le discours de M. Clausel de Coussergues n'a pas été inséré au Moniteur; nous l'empruntons à la Quoti dienne du 29 décembre 1826.

prise. Aucun rôle n'a changé depuis 1823; tout ce qui est royaliste, le clergé et le peuple, les villes comme les campagnes, repousse la Charte de sir Charles Stuart, comme en 1823 la Constitution des prétendues Cortès.

Ainsi, il est impossible que vous ayez éprouvé de la surprise au sujet des affaires du Portugal, où il ne se passe rien de la part des royalistes que ce que vous avez vu, avec tant de joie, en 1823.

ses

Je viens au mot que la commission ajoute au mot surprise, en disant surprise pénible. Comment serait-il pénible à cette Chambre de voir qu'une antique monarchie de l'Europe est fidèle anciennes lois, qu'elle veut jouir de ses libertés nationales, et qu'elle repousse le joug de l'étranger. Non, Messieurs, cette conduite du royaume très fidèle n'a pas pu vous inspirer un sentiment pénible. Je demande donc que vous adoptiez la rédaction de M. de La Bourdonnaye, qui porte cette surprise pénible sur la Charte de sir Charles Stuart.

J'entends, Messieurs, une objection sur ce que je dis, que la position du Portugal est la même en 1826 qu'en 1823. La Charte portée par sir Charles Stuart est signée par dom Pedro. Cela est vrai, mais la constitution des Cortès de 1823 était signée aussi par Jean VI. Dira-t-on que les serments de Jean VI étaient nuls parce qu'il était prisonnier dans son palais? Est-ce que dom Pedro, dont l'empire ne s'étend que sur d'immenses rivages qui ne communiquent que par la mer, n'est pas sous la puissance des flottes anglaises? Un ordre de M. Canning, transmis à ses serviteurs les révolutionnaires de l'Amérique méridionale, ne peut-il détrôner dom Pedro à Rio-Janeiro encore plus facilement que les Cortès n'auraient pu détrôner Jean Vl au milieu de la capitale du Portugal?

Les Portugais seraient donc autorisés à considérer la signature de la Charte, portée par sir Charles Stuart, comme extorquée à dom Pedro par la menace si facile à exécuter de lui enlever le trône du Brésil. Mais les Portugais ont des objections encore plus fortes contre la validité de cette Charte. Et ici, Messieurs, permettez-moi de vous soumettre quelques considérations qui ne vous ont pas encore été présentées.

Les monarchies de l'Europe qui n'ont pas l'avantage inappréciable d'être règies par une loi aussi simple, aussi claire que la loi salique, ont été agitées presque chaque siècle par des guerres civiles pour la succession au trône. Ces guerres ont surtout été fréquentes en Angleterre et dans tous les royaumes de la Péninsule espagnole.

Depuis 1580, époque de la mort de l'héroïque et infortuné Sébastien, roi de Portugal, la couronne de ce pays a été contestée trois fois. Philippe II, roi d'Espagne, attaqua d'abord les droits du cardinal Henri, oncle du roi Sébastien, et ensuite les droits d'Antoine, cousin du roi, et il opposa à ces deux princes des raisons différentes, mais également hors des lois politiques du Portugal. Ce fut d'après une autre loi politique que les Portugais, aidés par notre roi Louis XIII, placèrent sur le trône l'auguste maison de Bragance.

Cette loi politique, qui forme le titre de la maison régnante, a pour objet d'exclure du trône tout prince étranger, ou qui est devenu étranger en adoptant une autre patrie. Je sais, Messieurs, que ce n'est pas ici le lieu de faire un traité sur les lois du Portugal, mais il est très important de montrer que le marquis de Chaves et dom An

de croire que ce tableau manque de vérité, et nous ne suivrons pas plus longtemps la discussion sur ce point.

Plusieurs voix: Nous n'avons pas demandé la guerre.

M. Casimir Périer, en s'adressant aux interrupteurs: C'est précisément ce que je dis, Messieurs ; mais que voulez-vous donc si vous ne voulez pas la guerre, puisque vous ne cessez de répéter que les intérêts de la France sont sacrifiés aux intérêts anglais, que nous sommes insultés par le ministère britannique, et que nous laissons dépouiller nos alliés sans oser prendre leur défense? A quoi tendent ces violentes déclamations? Et, je vous dirai franchement, comme on vous l'a déjà dit: expliquez-nous sur quel terrain vous vous placez, afin que nous puissions ou nous entendre ou vous combattre. La conséquence de vos discours ne peut être que la guerre.

Plusieurs voix : Non, non!

M. Casimir Périer. Comment, Messieurs, ce n'est pas la guerre? Eh bien, je m'en rapporte à vous, et j'en appelle à la conscience de la Chambre. Lorsque l'on connut, à Paris, le message du roi d'Angleterre, lorsque l'on connut le discours de M. Canning, quel effet produisirent-ils sur l'opinion de ceux qui siègent dans cette partie de l'Assemblée? N'entendait-on pas de tous côtés qu'il fallait venger l'honneur national outragé par le ministère anglais? On ne parlait que d'une croisade contre l'Angleterre; et l'on aurait pu croire que le lieu de vos séances était devenu le rendez-vous des nouveaux croisés.

Plusieurs voix: C'est vrai!

M. Casimir Périer. Mais je reviens au ministère, et sur ce terrain, à travers ses fautes, si j'ai les plus graves reproches à lui faire, je suis loin de le blåmer de n'avoir point assez fait pour l'Espagne. Je l'accuse, au contraire, d'avoir trop fait pour elle. On fait un crime au ministre des affaires étrangères d'avoir dit d'un petit-fils de Louis XIV qu'il avait manqué à ses promesses: je lui reprocherai, au contraire, de ne l'avoir pas dit plus tôt, et d'avoir souffert depuis trois ans que le gouvernement espagnol manquât à tout ce qu'il doit à la France, en bravant, en méprisant les conseils de Louis XVIII, du dauphin et de Charles X, qui sont aussi pour nous, Messieurs, les petits-fils de Louis XIV.

Plusieurs voix : Mais le roi d'Espagne est notre plus ancien allié.

M. Casimir Périer, s'adressant de nouveau aux interrupteurs: Comment! n'avons-nous pas assez fait pour Ferdinand VII, qui manque à toutes ses promesses envers ses peuples et envers nos princes? Quoi! nous avons sacrifié pour lui 300 millions, un prince français est allé à la tête de cent mille hommes le ramener dans sa capitale et il répond à tant de bienfaits par l'ingratitude la plus inouïe, par le mépris de tous les vœux, de tous les besoins de la France; il fait plus, il voudrait nous entraîner dans une guerre plus ruineuse que la première, en violant le territoire portugais et tous les traités qu'il a signés. Et nous n'en aurions pas fait assez !

M. Casimir Périer reprend la suite de son discours Je reprocherai au ministère d'avoir inutilement prolongé en Espagne le séjour de nos troupes, de n'avoir point accompli le mandat sacré que lui avait donné Louis XVIII, et qui devait prévenir tant de sacrifices pour la France et tant de maux pour la Péninsule; je lui reprocherai de n'avoir pas su faire respecter les capitulations conclues sous les auspices du prince, d'avoir laissé un parti, implacable dans ses haines et ses vengeances, s'emparer du pouvoir et substituer la terreur et la mort là où nos armes, les vertus du prince, avaient fait présager quelque repos après tant d'années de discordes et de malheurs; je lui reprocherai d'avoir, par sa conduite faible et incertaine vis-à-vis du cabinet espagnol, laissé s'organiser en Espagne l'agression des insurgés portugais contre leur patrie, qui menace l'Europe d'une conflagration générale; je lui reprocherai enfin de n'avoir pas su exiger de Ferdinand, avant d'entrer dans la Péninsule, des garanties que sa conduite antérieure rendait indispensables.

Ferdinand n'avait-il pas promis solennellement aux Espagnols, en rentrant en 1814 dans son royaume, par sa déclaration du 4 mai 1814, qu'ils n'obéiraient à l'avenir qu'à des lois établies du consentement des Cortès ?

Le manque de foi à cet engagement n'a-t-il pas produit la constitution de l'île de Léon, née du désespoir de ses peuples?

Et lorsque Louis XVIII envoya un fils de France pour que Ferdinand fût libre, ainsi que l'indiquait le discours du trône de 1823, de donner à ses peuples des institutions qu'ils ne peuvent tenir que de lui, et qui, en assurant leur_repos, dissiperaient les justes inquiétudes de la France, que ne fit pas encore ce monarque, pour prouver au ministère que le but de notre intervention ne trouverait jamais en lui qu'obstacles et dangers?

Comment a-t-il répondu à la lettre que lui adressait le duc d'Angoulême sous les murs de Cadix, et dans laquelle il renouvelait les vœux et les conseils de Louis XVIII en s'exprimant ainsi :

<< Monsieur mon frère et cousin,

L'Espagne est délivrée du joug révolutionnaire; quelques villes fortifiées servent seules de refuge aux hommes compromis. Le roi, mon oncle et seigneur, avait pensé, et les événements n'ont rien changé à ses sentiments, que V. M. rendue à la liberté et usant de clémence, trouverait bon d'accorder une amnistie nécessaire après tant de troubles, et de donner à ses peuples, par la convocation des anciennes Cortès du royaume, des garanties d'or dre, de justice et de bonne administration. Tout ce que la France pouvait faire, ainsi que ses alliés de l'Europe entière, avait pour objet de consolider cet acte de sagesse; je ne crains pas de m'en porter garant. »

Ferdinand a-t-il accordé quelque déférence à de si sages conseils? non; son premier acte, au contraire, est un acte de dédain; il proteste contre sa proclamation de Cadix qui promettait formellement une amnistie et l'oubli du passé?

On sait comment fut traité le parti vaincu, malgré les promesses solennelles de Ferdinand et les vives instances du prince généralissime.

Cependant le ministère, qui n'avait pris aucune précaution pour assurer la tranquillité future de I'Espagne, dont dépendait la nôtre, ne craignit pas de dire, dans le discours du trône de 1824:

« La plus généreuse comme la plus juste des entreprises a été couronnée d'un succès complet;

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la France, tranquille chez elle, n'a plus rien à
redouter de la Péninsule; l'Espagne rendue à son
roi est réconciliée avec le reste de l'Europe. »
Quelle réconciliation!

Mais, comme si le passé n'avait pas encore
assez démontré au ministère que jamais, par sa
conduite pusillanime, il n'atteindrait le but de
notre intervention, Ferdinand se charge de la lui
signifier de la manière la plus formelle et la plus
explicite. Ce monarque rend le décret fameux du
19 avril 1825 qu'il a renouvelé le 14 août 1826.
Par ce décret, Ferdinand déclare qu'il ne souf-
frira jamais aucune variation dans la forme de
son gouvernement, ni ne permettra l'établisse-
ment des Chambres ni autres institutions sem-
blables, quelle qu'en soit la dénomination.

Qu'avez-vous fait, suis-je donc fondé à dire au ministère, depuis et avant la publication de ce décret du roi d'Espagne, pour satisfaire aux intentions de Louis XVIII et aux besoins de la France? En prêtant votre appui à Ferdinand, en mettant à sa disposition et nos armées et nos trésors, vous n'avez pu, je le sais, vouloir imposer nos lois, une Charte à ce monarque, à l'Espagne; mais au moins vous avez dû exiger des assurances morales que, pour prix de tant de sacrifices, Ferdinand donnerait à son pays des institutions qui, comme l'indiquait le discours de la couronne, devaient assurer son repos et dissiper nos inquiétudes; autrement, vous auriez compromis cruellement nos trésors et notre repos.

Vous avez renversé la constitution des Cortès, vous avez détruit ce que vous nommiez l'anarchie populaire. Et qu'avez-vous mis à la place? l'anarchie monarchique: il y a eu toujours désordre.

Ainsi, sous tous les rapports, vous êtes en ce moment moins avancés qu'avant l'occupation; car alors vous étiez d'accord avec Ferdinand, et aujourd'hui il est en hostilité contre vous. Vous saviez aussi bien que moi pourtant que de l'anarchie populaire peut naître enfin un ordre légal, mais que l'anarchie monarchique conduit nécessairement à la porte de la dynastie et aux troubles populaires.

« On ne fait pas ce que l'on veut en Espagne, a dit M. le Président du conseil, en réponse à l'un des orateurs qui ont parlé dans cette discussion; on sait ce qu'il en a coûté à la France de Louis XIV pour y rétablir son petit-fils, et les événements récents, sous Napoléon, ont dû apprendre à ceux qui nous accusent_combien il était difficile de pouvoir opérer en Espagne les modifications de nature à assurer sa tranquillité et la nôtre. «<lci, je répondrai à M. le ministre des finances, qu'il aurait dû faire ces réflexions avant d'entreprendre la guerre d'Espagne; car alors il devait savoir ce qu'il voulait et surtout ce qu'il pouvait, et j'ajouterai qu'il est impossible de prononcer d'une manière plus formelle la condamnation de cette guerre, que ne le font ses propres paroles.

Il ressort, évidemment, Messieurs, des considérations et des faits que je viens d'avoir l'honneur de vous présenter, que la question capitale dans les événements présents de la Péninsule, réside dans ce qu'offre de périlleux pour le repos de la France et de l'Europe l'occupation de l'Espagne par nos troupes, et celle du Portugal par l'Angleterre; elle réside dans l'état d'anarchie où se trouve l'Espagne, et l'absence de garanties que peut seul y offrir un ordre légal. C'est donc au ministère, à sa faiblesse envers le gouvernement

espagnol, à son obéissance aux volontés d'un parti, qu'il faut attribuer tout le mal qui résulte de notre fausse situation et qui pourrait allumer en Europe une guerre générale, si nous ne faisions enfin au ministère un devoir de ramener l'occupation à son véritable but, qui est de faire jouir l'Espagne des institutions propres à assurer son repos et à dissiper nos inquiétudes; et c'est parce que le paragraphe de l'adresse ne me paraît pas assez formel à cet égard, que je propose l'amendement suivant :

<< La Chambre est persuadée que V. M., en se concertant avec ses alliés, parviendra à empêcher que ces troubles ne compromettent la paix entre l'Espagne et le Portugal, et n'étendent plus loin leur funeste influence.

La Chambre espère que les efforts de V. M., unis à ceux de ses alliés, parviendront à obtenir des garanties solides contre le renouvellement de ces troubles; tel serait, en effet, le seul résultat digne de nos armées, la seule conquête digne de l'auguste fils de Votre Majesté, tel fut enfin le but unique de notre entrée en Espagne. »

On demande la clôture.
La discussion est fermée.

L'amendement est mis aux voix et rejeté.

M. le vicomte de Saint-Chamans pose en principe que le premier intérêt de la France est d'empêcher tout accroissement de la puissance anglaise, parce que c'est la seule nation qui peut nous faire craindre, d'ici à longtemps, une guerre sérieuse. De cette position, il ne faut pas conclure cependant que nous devions rompre avec l'Angleteere, mais seulement que nous ne devons pas favoriser l'accroissement de son pouvoir. Or, de quoi s'agit-il en ce moment? De savoir si nous lui laisserons la possession du Portugal; la question ainsi posée, notre conduite est tracée par l'intérêt même du pays.

Ici l'orateur examine la situation de l'Espagne et il établit qu'elle est en droit de s'effrayer du pouvoir des Anglais à Lisbonne. En laissant agir les réfugiés, elle n'a donc pas commis un crime irrémissible; il devait lui être permis de contribuer, par son inaction, à enlever à l'Angleterre une colonie.

Après avoir repoussé tout ce qu'il peut y avoir d'offensant pour le pays dans le discours de M. Canning, l'orateur propose de substituer au premier paragraphe de l'article un amendement ainsi conçu:

« Sire, les inquiétudes qu'ont excitées les troubles de la Péninsule, cèdent à l'assurance qui nous est donnée que Votre Majesté s'entendra avec ses alliés pour en prévenir les conséquences. Le passé répond de l'avenir et nous nous reposons avec sécurité sur les augustes alliances qui, depuis dix ans, ont sù préserver l'Europe du choc de tant de passions contraires et de ces innovations si funestes toutes les fois qu'elles ne sont pas impérieusement réclamées par les besoins des peuples. »

(Cet amendement est mis aux voix et rejeté).

M. Benjamin Constant (1).Messieurs, pour appuyer mon amendement, je ne rentrerai pas dans la discussion. Une seule phrase de M. le

(1) Le discours de M. Benjamin Constant n'a pas été inséré au Moniteur; nous l'empruntons au Constitutionnel du 29 décembre 1826.

tonio Sylveira, qui nous rendirent un si grand service dans la campagne de 1823, en faisant passer le Portugal dans notre cause, ne doivent pas êtres traités par nous de rebelles et de révoltés.

Si l'empereur du Brésil, dom Pedro, qui, du vivant de son père et malgré son père, s'est fait proclamer empereur en outre de la souveraineté du peuple qui lui conféra ce titre; si l'empereur du Brésil est devenu si étranger au Portugal que nous avons vu régler des comptes de plusieurs millions entre les deux pays, comme l'aurait pu faire l'Angleterre avec les Etats-Unis d'Amérique, l'empereur du Brésil n'est-il pas devenu étranger par rapport au Portugal? Et s'il n'a jamais pu réunir les deux couronnes, y a-t-il eu un instant où il ait pu donner une Charte au Portugal? Mais dans ce cas, les Portugais qui rejettent cette Charte, ne sont-ils pas fidèles aux lois de leurs pays? Oui, Messieurs, ils sont fidèles aux lois sacrées de la patrie, comme le furent les princes français et tous ceux qui suivirent leurs drapeaux, lorsque Louis XVI était prisonnier et que toutes nos lois furent renversées. En conclurai-je qu'il faut faire la guerre pour leur cause? Non, sans doute, Messieurs, nous avons assez fait la guerre, et comme l'Angleterre, et comme tous les Etats de l'Europe, nous avons besoin de la paix.

Je demande seulement que l'on ne puisse pas attribuer aux députés de la France, d'après l'ambiguité de leurs paroles, d'avoir jeté de la défaveur sur cette noble cause, et d'avoir ainsi concouru au succès des flottes et des régiments d'Angleterre.

Messieurs, je termine par une considération qui fera, je l'espère, quelque impression sur vous. Il y a huit siècles qu'un prince de la maison de France, portant le nom cher de Henri, après avoir conquis le Portugal sur les Maures, rétablit les sièges épiscopaux, détruits par les sectateurs de Mahomet. La secte révolutionnaire qui veut envahir le Portugal, dirigée en 1823 par des démagogues français, et qui avaient placé, dans la salle de leurs séances, les héros de notre révolution, ont et auront toujours le but commun à tous les révolutionnaires: celui de détruire la religion catholique et même tout christianisme. Vous ne voudriez pas, Messieurs, que ce fût du royaume très chrétien que partit un encouragement pour ces ennemis de l'autel et de tous les trônes.

Je conclus pour l'adoption de l'amendement de M. de La Bourdonnaye.

M. le comte de Berthier dit qu'il s'agit de savoir si la Chambre exprimera au roi les sentiments qui animent son iminense majorité et la presque unanimité des Français, ou si, par respect pour l'Angleterre, on s'en tiendra à des expressions vagues et indéterminées.

Si le discours du roi n'eût pas été prononcé avant qu'on eût connaissance de celui de M. Canning, il se serait exprimé autrement; tous les rois et surtout les Bourbons ont été insultés ; c'est une injure à laquelle la Chambre ne doit pas se montrer insensible. Cependant le projet d'adresse, malheureusement d'accord avec la déclaration du ministre des affaires étrangères, donne entièrement raison à l'Angleterre, malgré les provocations qu'elle a commises contre l'Espagne au mépris du droit des nations; le ministre ne s'est pas contenté d'être plus anglais que les Anglais, dont plusieurs, et entre autres le duc de Wellington, ont nié que le casus fœderis fût arrivé;

il accuse durement le roi d'Espagne pour lequel, dans le parlement, on a du moins allégué quelques motifs d'excuse.

Personne ne veut la guerre, mais on la préfèrerait au déshonneur; il ne s'agit que de prendre une attitude noble et de mettre le gouvernement en mesure de se faire respecter.

L'orateur demande que la Chambre adopte le principe et renvoie à la commission pour la rédaction.

M. le Président observe que la Chambre a rejeté la proposition du renvoi à la commission et qu'elle ne peut pas d'ailleurs délibérer sur un principe, mais sur l'amendement.

M. Casimir Périer se plaint que les délibé rations sont dénaturées par l'intervention du président qui n'a pas le droit de parler à moins qu'il ne quitte le fauteuil; les membres de la Chambre ont trop de désavantage dans un discours où ils ne parlent qu'en leur nom, tandis que le président s'appuie de l'autorité de la Chambre.

M. le Président répond qu'il s'est conformé aux règles en rappelant à la Chambre ses délibérations précédentes; il sait qu'il ne doit pas pren dre part au fond de la discussion, mais il doit la rétablir et la ramener à son point lorsqu'on s'en écarte; il n'a pas fait autre chose.

M. de Villèle, ministre des finances, dit que l'amendement n'exprime pas clairement la pensée des adversaires de la commission; il n'aurait vu aucun inconvénient dans cette rédaction si elle eût été proposée la première; mais les déve loppements dont on l'a appuyée lui donnent un sens qu'elle ne présente pas par elle-même; il résulte en effet de ces développements que le casus fœderis n'est pas arrivé pour l'Angleterre à l'égard du Portugal, et la conséquence naturelle serait que la France s'opposât à l'intervention; mais, d'un autre côté, les orateurs disent qu'ils ne veulent pas la guerre; la France resterait donc spectatrice d'une invasion qu'elle désapprouve; si une pareille perspective venait des ministres, c'est alors qu'on aurait raison de les accuser de sacrifier la dignité du pays.

On reproche à l'Angleterre des hostilités indirectes contre l'Espagne; mais quoi qu'il en soit des assertions des préopinants à cet égard, l'Angleterre a donné pleine satisfaction, en renvoyant de Gibraltar les Colombiens et les réfugiés espagnols, et en empêchant l'armement de ces derniers qui sont en Portugal. La France devait, de son côté, empêcher toute agressión de la part de l'Espagne; cependant au moment où le gouvernement de ce pays multipliait les déclarations pacifiques et les promesses, l'invasion des réfugiés portugais s'elfectuait par la connivence des autorités espagnoles. Il y aurait, de la part de la France, déloyauté à nier ces faits; et, en les avouant, elle ne peut pas encourager les réfugiés portugais; le résultat de l'adoption de l'amendement soutenu des déve loppements qu'on a donnés, serait d'inspirer à ces réfugiés de fausses espérances et de perpétuer des troubles qu'il importe de faire cesser.

Le ministre termine en prouvant, par la citation entière de l'opinion de lord Willington, que ce lord a dit que l'invasion des réfugiés portugais ne pouvait avoir eu lieu sans le consentement de l'Espagne, d'où il s'en suit nécessairement la reconnaissance du casus fœderis.

M. Hyde de Neuville répète que lord Willington a nié le casus fœderis, car il a dit que le roi d'Espagne ne pouvait se faire obéir; ainsi le fait de l'entrée des réfugiés en Portugal ne doit point lui être imputé, et il n'a pas manqué à ses déclarations et à ses promesses, comme le ministre l'a prétendu ; il est probable seulement que ses ordres n'ont pas été exécutés.

Quelque opinion qu'on ait des droits de dom Pedro et de dom Miguel, tous les amis de l'ordre et de l'honneur doivent être affligés des troubles du Portugal; c'est ce qu'expriment également et le projet d'adresse et l'amendement; mais celui-ci a pour objet d'étendre aux causes l'expression de ce sentiment, c'est le moins qu'on puisse faire pour repousser le mépris et l'arrogance des ministres anglais. L'orateur propose la rédaction suivante :

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Les éléments qui agitent la Péninsule et les causes qui ont amené ces troubles. »>

M. le général Sébastiani s'étonne de la direction que la discussion a prise ; à entendre les orateurs qui viennent de parler, il semblerait que l'Espagne fût attaquée parce qu'on ne lui permet pas d'attaquer un pays voisin auquel son souverain légitime a donné des institutions constitutionnelles; n'est-ce pas se montrer ennemi de ces institutions que de soutenir l'Espagne dans la lutte qu'elle a engagée imprudemment, au dire même de ses partisans?

L'orateur qui n'est pas habitué à soutenir les ministres, ne peut cependant, en cette occasion, s'empêcher dereconnaître avec eux que ni l'honneur, ni l'intérêt de la France ne sont engagés par ce qui se passe en Portugal; quel ombrage pourrait-on concevoir de l'arrivée dans le Tage de 5,000 Anglais ? Il est évident qu'en prenant le parti indiqué par les partisans de l'amendement, on se déclarerait pour le despotisme contre la légitimité.

L'orateur vote contre l'amendement.

M. Agier, en protestant de son attachement pour les institutions constitutionnelles, déclare qu'il voit avec peine qu'on les impose par la force à des peuples qui les repoussent.

La discussion est fermée.

Les amendements de M. de La Bourdonnaye et de M. Hyde de Neuville sont successivement mis aux voix et rejetés.

M. Casimir Périer (1). Messieurs, les troubles de la Péninsule présentent deux questions très distinctes et qui intéressent vivement la France: l'une accidentelle, se rattachant aux événements survenus récemment en Portugal par l'agression des insurgés de ce pays; l'autre permanente et tenant à l'état présent de l'Espagne et de son gouvernement où l'on cherche vainement des garanties pour l'avenir. Cette dernière question est surtout compliquée par une occupation qui nous menace plus qu'elle ne nous rassure.

L'affaire de Portugal n'est donc pas la question importante; elle finira bientôt, si déjà elle n'est terminée.

Mais comment finira l'occupation du Portugal par l'Angleterre? Comment finira l'occupation de la Péninsule par la France?

Telle est, Messieurs, avec la situation inouïe où

(1) Le discours de M. Casimir Périer n'a pas été inséré au Moniteur; nous l'empruntons au Constitutionnel du 31 décembre 1826.

se trouve l'Espagne, la question capitale, celle qui domine les événements présents et ceux que nous réserve l'avenir; question dont le crime de quelques Portugais envers leur patrie nous avertit de nous occuper enfin sérieusement, si nous voulons prévenir tous les maux qui peuvent s'ensuivre pour nous et pour l'Europe entière.

Oui, Messieurs, tant que le gouvernement, tel qu'il est, se trouvera en présence de la monarchie constitutionnelle des Portugais, tant que les Français en Espagne seront placés en présence des Anglais dans le Portugal, ne devons-nous pas à tout moment nous attendre aux plus fâcheux événements? La guerre ne sera-t-elle pas toujours imminente? Cette situation n'est-elle pas aussi intolérable que périlleuse pour notre tranquillité, et si nous n'avons pas les maux de la guerre, ne ressentons-nous pas les inconvénients d'une inquiétude qui affecte notre commerce et notre industrie et paralyse la prospérité de la France?

Cet état de choses doit finir: mais il ne peut finir que par l'établissement d'un ordre légal en Espagne, quel qu'il soit. Cet ordre existe-t-il ? non, personne ne le conteste. L'Espagne présente-t-elle des garanties à la France ? Loin de là, elle méprise ses conseils. En offre-t-elle au Portugal? Non, elle l'attaque à force ouverte. En présente-t-elle à l'Europe? Non, elle est en pleine ré volte contre ses cabinets. Le roi Ferdinand est-il obéi? Non, ce monarque est dans l'impuissance de faire respecter ses ordres. L'Espagne enfin estelle tranquille? Non, la plus complete anarchie, le désordre le plus affreux règnent dans ce pays. Tant que subsistera, dis-je, cet état de choses, il n'y aura de tranquillité à espérer ni pour la France, ni pour le Portugal, ni enfin pour l'Europe.

Il n'existe de moyen de salut, que dans un ordre légal, dans des institutions assorties, tant que vous le voudrez, aux mœurs de l'Espagne, mais propres à garantir son repos. C'est à ce but, Messieurs, que nous devons tendre, et c'est parce que le paragraphe de l'adresse n'est pas assez explicite sous ce rapport, que je proposerai un amendement, après avoir donné mon opinion quelques courts développements.

La cause première du mal dont les conséquences se font sentir à la fin, est toute, Messieurs, dans l'occupation de l'Espagne; une fois réalisée, le tort du ministère, tort immense, puisque les événements présents en découlent, est de n'avoir pas eu le talent ou le courage de faire servir cette occupation à atteindre le but qu'il s'était proposé.

J'ai écouté, depuis deux jours, avec attention, ceux de nos collègues qui ont poussé le ministère à faire, malgré lui, la guerre d'Espagne évitant de nous replacer sur ce terrain où ils nous ont si imprudemment engagés, ils se sont bornés à parler des événements du Portugal, et surtout de l'arrivée des Anglais dans la Péninsule. On attente à notre honneur, ont-ils dit; nous abandonnons notre allié le roi d'Espagne en sacrifiant la politique de Louis XIV à la politique anglaise. S'il en est ainsi, Messieurs, nous n'avons qu'un moyen de venger tant d'outrages, c'est de nous battre; mais, si j'ai bien entendu, nul de ces orateurs n'a pris des conclusions formelles, nul n'a osé prononcer le mot de guerre et n'a présenté d'amendement. Ces assertions, ces faits sont donc inexacts, ou les orateurs se montrent peu conséquents avec eux-mêmes, car une conclusion était inévitable, et ils devaient ouvertement demander la guerre. Nous nous permettrons donc

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