Page images
PDF
EPUB

tout ce qui sera nécessaire pour arrêter les coupables calculs d'une odieuse cupidité, et nous souhaitons que la bonne foi dans l'exécution des engagements et la voix de l'humanité trouvent partout un respect aussi sincère.

« Une augmentation de crédit était réclamée par les travaux de nos grandes routes, par ceux de nos places fortes et de nos arsenaux maritimes. Le sort de nos pieux et laborieux desservants attendait une amélioration légale dont personne ne méconnaissait la justice et la convenance. Votre Majesté nous apprend que l'accroissement du produit des taxes indirectes permet d'ajouter à le dotation de ces importants services une somme égale au dernier dégrèvement.

[ocr errors]

:

Sire, les dépenses utiles sont aussi des économies nous examinerons attentivement celles que Votre Majesté nous annonce, et qui paraissent offrir l'avantage précieux d'affranchir les communes d'une charge irrégulière et de préparer d'abondantes ressources pour ces classes indigentes toujours présentes au cœur de Votre Majesté.

[ocr errors]

Nous espérons que ces allocations suffiront pour l'avenir, et que désormais les excédents de produits seront employés à la réduction des taxes les plus onéreuses. Cette réduction, Sire, est un des vœux de la France: vous aimez à les entendre; notre devoir est de les exprimer.

[ocr errors]

Comme Votre Majesté, Sire, nous rendons grâce à la divine Providence d'une situation qui promet à vos peuples une prospérité toujours croissante. Nous en voyons une garantie de plus dans les dispositions amicales dont les gouvernements étrangers continuent à vous donner l'assurance, et dans la conformité de leurs sentiments et des vôtres pour le maintien de la paix.

« Les événements qui ont récemment troublé une partie de la Péninsule, ont frappé tous les amis de l'ordre d'une pénible surprise. Nous désirons, Sire, que vos efforts, d'accord avec ceux de vos alliés, mettent un terme à cet état d'agitation et de déchirement; et que la paix dont nous jouissons n'en reçoive aucune atteinte. La France peut, sans crainte d'être mal comprise, dire qu'elle souhaite la paix : on sait à quel prix elle ne voudrait pas la conserver.

"

Après des guerres sanglantes qui ne furent pas pour elle sans quelque gloire, la France industrieuse et tranquille se plaît à trouver une autre grandeur dans le commerce, dans les arts, dans tous les prodiges de cette civilisation que la paix protège et féconde, Mais, Sire, vous avez bien jugé le cœur des Français. Les vertus guerrières y sont toujours vivantes: notre premier intérêt c'est l'honneur; et s'il est jamais blessé, le petit-fils de Louis XIV peut compter sur la France, comme la France compte sur lui. »

Le roi a répondu :

« Je reçois toujours avec la même satisfaction l'expression des sentiments de la Chambre des députés.

Je vois avec un grand plaisir qu'elle entre dans mes vues, et qu'elle examinera avec autant de soin que d'attention les lois importantes que j'ai fait préparer pour le bonheur de la France.

[ocr errors]

Vous désirez la paix, Messieurs. Personne ne la désire plus sincèrement que moi. Les efforts que je fais pour la conserver sont dirigés par mon

cœur.

[blocks in formation]

compte sur vous, comme je compte sur tous mes fidèles sujets; et soyez sûrs que l'honneur de la France restera pur et intact comme il l'a toujours été. »

CHAMBRE DES PAIRS.

Séance du vendredi 29 décembre 1826.

PRÉSIDÉE PAR M. LE CHANCELIER.

A une heure, la Chambre se réunit en vertu d'une convocation faite sur l'ordre de M. le président. L'Assemblée entend la lecture et adopte la rédaction du procès-verbal de la séance du 20 de ce mois.

M. le président rend compte à la Chambre de l'exécution donuée à son arrêté du même jour, qui chargeait une grande députation de porter au pied du trône l'adresse votée en réponse au discours du roi.

Cette députation, conduite à l'audience de Sa Majesté avec le cérémonial d'usage, a été reçue le lendemain 21, à huit heures du soir. Le président de la Chambre, portant la parole, a donné lecture de l'adresse.

Le roi a répondu :

l'expression des sentiments de la Chambre des Je reçois toujours avec le même plaisir pairs.

་་

J'éprouve une égale satisfaction, Messieurs, en vous voyant disposés à examiner avec une loyale et sérieuse attention les lois importantes qui vous seront présentées. Votre concours, sur lequel je compte, sera une nouvelle preuve de votre zèle pour le bonheur de la France.

« J'ai toujours eu la certitude que si l'honneur de ma couronne exigeait jamais de nouveaux sacrifices, mes fidèles sujets entendraient ma voix et s'empresseraient d'y répondre; et j'aime à voir les pairs du royaume partager ma conviction.

«Cette satisfaction est d'autant plus pure, Messieurs, que mes alliés unissent leurs efforts aux miens, pour éviter que les événements de la PéLinsule ne troublent la tranquillité de l'Europe, et que j'ai l'espoir fondé que mes peuples continueront à jouir longtemps de tous les bienfaits de la paix.

[ocr errors]

La Chambre ordonne que la réponse du roi sera consignée au procès-verbal.

M. le Président communique à l'Assemblée un message de la Chambre des députés, en date du 21 de ce mois, par lequel cette Chambre annonce qu'elle est définitivement constituée.

La Chambre ordonne la mention de ce message au procès-verbal.

Pareille communication est donnée à l'Assemblée de deux lettres par lesquelles MM. le duc de Sabran et le comte Verhuell s'excusent de ne pouvoir venir en ce moment partager ses travaux.

M. le Président présente ensuite à la Chambre le résultat de l'information à laquelle il a procédé en exécution de l'ordonnance du roi du 29 mars 1816, relativement à l'admission de M. le comte de Sussy, dont les titres ont été déclarés valables dans la dernière séance.

Les six témoins entendus dans l'informations douze indiqués par le nouveau pair pour lui seret qui avaient été désignés par le sort entre les

3

vir de garants, ont unanimement déclaré que M. le comte de Sussy était digne, à tous égards, de l'admission qu'il sollicite. M. le président propose en conséquence à la Chambre de fixer un jour pour la réception du nouveau pair.

Cette réception est ajournée à la prochaine séance.

M. le Président met également sous les yeux de l'Assemblée une requête présentée par M. le comte Cholet, et tendant à établir ses droits d'hérédité à la pairie.

A cette requête, sont annexés, comme pièces justificatives: 1° l'acte mortuaire de M. le comte Cholet (François-Armand), pair de France, décédé à Paris, le 4 novembre 1826; 2° l'acte de naissance du requérant (Jules, comte Cholet), né à Paris, le 25 mars 1798; 3° un acte de notoriété, passé le 18 novembre 1826, devant Potier, notaire à Paris, duquel il résulte que le requérant est fils unique de feu M. le comte Cholet, pair de France.

Indépendamment de ces actes, le nouveau pair a joint à sa requête, conformément à l'ordonnance du roi du 29 mars 1816, l'agrément de Sa Majesté consigné dans une lettre de M. le chancelier de France, en date du 19 décembre courant, et une liste de douze pairs que le récipiendaire indique pour lui servir de garants.

Le tout, aux termes de la même ordonnance, devant être renvoyé à l'examen d'une commission spéciale de trois membres, désignés par le sort, M. le président désigne de suite, par cette voie, les membres de la commission.

Elle se trouve composée de MM. le marquis de Sémon ville, le comte Pelet (de la Lozère) et le comte Siméon.

Sur l'invitation de M. le président, la commission se retire dans l'un des bureaux pour y procéder à la vérification dont elle est chargée.

M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et le conseiller d'Etat Jacquinot-Pampelune, qui l'accompagne en qualité de commissaire du roi, sont introduits.

Les pairs de France, ministres de la guerre, de la marine et des affaires ecclésiastiques sont présents.

La parole est accordée à M. le garde des sceaux, qui soumet à la Chambre un projet de loi relatif à l'établissement d'un nouveau mode à suivre pour la composition et la formation du jury. Le ministre expose, ainsi qu'il suit, les motifs de ce projet :

M. le comte de Peyronnet, garde des sceaux, ministre de la justice.

Messieurs, l'utilité du jury dépend de la confiance qu'inspire l'indépendance de ses jugements, et cette confiance elle-même dépend des formes et de la régularité de son organisation.

Il est donc très important et très nécessaire de donner à cette institution des règles fixes et positives, dont l'exécution ne puisse pas être éludée et dont personne ne puisse jamais abuser.

Des reproches nombreux et fréquents ont été adressés depuis quelques années au système adopté par les rédacteurs du Code d'instruction criminelle pour la convocation du jury.

Deux de ces reproches ont paru surtout dignes d'attention.

Le premier est fondé sur l'intervention des préfets, qui paraît mal réglée aux censeurs de ce système, et qui pourrait avoir, selon eux, des inconvénients fâcheux pour l'indépendance des jugements criminels.

Le second, qui se confond à plusieurs égards

avec le premier, a sa source dans l'époque assignée pour la désignation des jurés, qui, n'étant choisis qu'après que les accusations ont été portées, semblent être plutôt, disent les censeurs du système, des commissaires appelés pour un jugement qu'on veut obtenir, que des jurés véritables appelés par la loi même, sans intérêt, sans affectation et sans partialité.

Le désir de faire disparaître les causes et les prétextes mêmes de ces reproches a déterminé le roi à nous prescrire de vous soumettre le projet de loi que nous vous apportons aujourd'hui.

Ce projet était nécessaire; car, quoiqu'il soit certain et peut-être même universellement reconnu que les préfets ne méritent point les soupçons qu'on a exprimés, et que la convocation des jurés se fasse en général avec autant de loyauté que d'exactitude, on ne peut nier cependant que le mode établi par le Code d'instruction criminelle n'ait des inconvénients très réels, et qu'il n'expose chaque jour le gouvernement à des imputations dont il lui importe d'écarter de lui jusqu'à l'apparence.

Selon le Code d'instruction criminelle, lorsque le jour d'assises a été fixé, le président doit en avertir le préfet et lui demander un jury.

Le préfet, à son tour, doit former une liste de soixante noms, et il peut les prendre à son gré, parmi les électeurs, parmi les fonctionnaires de l'ordre administratif, parmi les docteurs et licenciés des quatre Facultés, parmi les notaires, les banquiers, agents de change, négociants ou marchands, enfin parmi les employés des administrations dont le traitement s'élève à 4,000 francs.

Cette liste de soixante noms est réduite à trentesix, par le président des assises.

Enfin, le sort désigne pour chaque affaire, les douze jurés qui doivent réellement participer au jugement; et toutefois l'accusé et le procureur général peuvent exercer le droit de récusation jusqu'aux deux tiers de la liste.

Il résulte de cette combinaison :

Que le choix des jurés est attribué aux préfets; Que le champ le plus vaste est ouvert à l'exer. cice de ce pouvoir délicat ;

Que le jury peut être formé d'employés et de fonctionnaires;

Que le président des assises participe en quelque sorte à l'exercice du droit de récusation;

Enfin, que le choix des jurés se fait dans un temps où la nature des accusations et le nom des accusés sont déjà connus.

Le projet que nous proposons offrira des combinaisons différentes.

Il fera cesser d'abord l'arbitraire effrayant du droit de choisir, et assignera à ce droit des limites naturelles et invariables; les jurés seront pris parmi les membres des collèges électoraux.

Le président des assises ne concourra point à une opération qui convient peu aux fonctions qu'il doit exercer.

Le préfet sera contraint d'étendre tellement son choix, que tout soupçon de partialité sera nécessairement absurde, ou, pour mieux dire, impossible. La liste qu'il dressera comprendra deux cents électeurs; à Paris, elle en comprendra douze cents.

L'époque où cette liste sera formée sera tellement éloignée de celle des assises, que loin qu'on puisse connaître la nature des accusations, la plupart des crimes ne seront pas même commis lorsque le préfet fera choix des jurés. Ce choix sera fait au moins trois mois avant le commencement de l'année aux assises de laquelle la liste du préfet sera employée.

Enfin, ce sera le sort qui fera sortir successivement de l'urne, où les deux cents noms seront réunis, les trente-six noms nécessaires pour le service des assises; et la publicité du tirage en garantira la fidélité.

Tel est, Messieurs, le système général du projet. Le cens, le choix et le sort en forment la base; en voici maintenant les détails et l'économie.

Six articles sont consacrés d'abord à réunir les éléments généraux du jury.

Les préfets arrêtent et publient chaque année la liste électorale de leur département; des formes simples et favorables sont établies pour recevoir et juger les réclamations. Dans les départements où la liste électorale ne comprendrait pas cinq cents électeurs, ce nombre sera complété par une liste supplémentaire formée des individus les plus imposés parmi ceux qui ne seront pas inscrits sur la première. Dans les temps d'élections, cette liste annuelle ne sera point renouvelée; on publiera seulement les rectifications qui deviendront nécessaires pour les électeurs qui auront acquis ou perdu les droits électoraux depuis le jour de sa publication, et l'on n'admettra plus, après le délai qui serait fixé par la loi, les réclamations de ceux qui auraient acquis ces droits antérieurement.

Deux articles suffisent ensuite pour régler la plus importante opération du préfet. Ce magistrat extrait annuellement de la liste électorale ou de la liste supplémentaire des plus imposés, une liste nouvelle de deux cents individus : c'est parmi ces derniers que devront être pris les jurés pendant le cours de l'année suivante. La liste des deux cents est transmise immédiatement, par le préfet, au ministre de la justice, au premier président et au procureur général.

L'opération du choix terminée, il ne s'agit plus que de régler l'action du sort. Le sort s'exerce de deux manières et à deux époques différentes : d'abord pour former la liste générale des assises, c'est-à-dire la liste des trente-six; ensuite, pour former la liste spéciale de chaque affaire, c'est-àdire la liste des douze.

La liste générale se forme par un tirage qui a lieu en audience publique de la première chambre de la cour royale. Si quelqu'un des individus compris dans la liste des deux cents a accepté des fonctions incompatibles, et a légalement perdu la capacité nécessaire pour être juré et que son nom soit désigné par le sort, on le remplace immédiatement: hors les cas d'assises extraordinaires, on ne peut être juré qu'une seule fois dans la même année; dans les cas d'assises extraordinaires, on ne peut l'être plus de deux fois.

La liste spéciale se forme par un tirage qui a lieu à l'audience de la cour d'assises et de la manière déjà réglée par le Code d'instruction criminelle. S'il arrive que plus de six jurés compris dans la liste des trente-six n'aient pas satisfait aux réquisitions et ne soient pas présents à l'audience, on complète le nombre des trente jurés en prenant par la voie du sort parmi les habitants de la ville qui sont inscrits sur la liste des plus imposés.

Cette disposition terminerait le projet de loi, si le système qu'il consacre n'exigeait pas le concours de plusieurs opérations qui doivent se faire à des époques éloignées. Cette circonstance rendait nécessaire une disposition transitoire. Ainsi la partie de la loi en vertu de laquelle se formera le jury proprement dit, c'est-à-dire la liste des trente-six et des douze, ne s'exécutera qu'en 1828, parce que les opérations n'auront pas

été faites en 1826, et la partie de la loi qui réglera ces opérations préliminaires s'exécutera néanmoins en 1827, précisément parce qu'elles doivent précéder les deux autres.

On demandera sans doute pourquoi l'intervention du préfet est encore admise?

Elle est admise, Messieurs, pour la formation de la liste des électeurs, comme indispensable, et pour la formation de la liste des deux cents. comme indispensable encore et comme exempte d'inconvénients.

L'autorité judiciaire qui prononce dans les divers degrés de sa hiérarchie, tantôt sur la prévention, tantôt sur l'accusation de ceux qu'on poursuit, ne pouvait concourir convenablement à des désignations que la nature même de ses fonctions semble repousser. Ce n'est pas à elle de choisir ceux qui doivent juger ses décisions,

Le pouvoir administratif ne trouve pas devant lui les mêmes obstacles; mais il y a plusieurs magistratures de cette sorte: laquelle choisir? Le respect et la confiance que l'on doit à l'autorité tutélaire du roi: les difficultés, et je dirai presque les périls d'une délibération à peu près publique, au milieu d'une Assemblée grave, mais nombreuse, sur des questions de conduite individuelle et d'aptitude, de convenance, de préférence et d'exclusion; l'exemple même que nous donne un peuple voisin, tout invitait à confier ce pouvoir au chef de l'administration du département.

Cela était désirable, surtout si les combinaisons du projet de loi étaient telles qu'il fût certainement et évidemment impossible, non seulement que le préfet voulût abuser de ce pouvoir, mais qu'il le pût. Or, c'est ce qui est et ce qu'on ne saurait contester: d'un côté, l'époque où se fait la liste; d'un autre côté, le nombre des individus qui y sont inscrits, ôtent à la fois au préfet la connaissance de ceux qui seront jugés et la connaissance de ceux qui devront juger. Il ne sait point qui sera mis en accusation; il ne sait point qui sera désigné par le sort pour participer au jugement. Il n'y a personne encore, lorsqu'il fait sa liste, dont il puisse souhaiter la condamnation ou l'absolution; et, quand il en serait autrement, il est entièrement hors de son pouvoir d'élire avec certitude ceux qu'il croirait disposés à seconder ses desseins.

On demandera encore pourquoi nous bornons aux seuls électeurs l'exercice des fonctions de juré? Il y a, Messieurs, de puissants motifs pour cela d'abord la nécessité de prescrire des bornes certaines et légales au droit de choisir; en second lieu, l'inutilité des indications supplémentaires du Code, dont le jury ne pouvait point se passer dans un temps où les électeurs étaient eux-mêmes élus, mais qui ne lui sont plus nécessaires depuis qu'il suffit de payer 300 francs d'impôt pour être électeur; troisièmement, l'impuissance évidente de conserver aujourd'hui une disposition qui permet de composer un jury d'employés et de fonctionnaires; quatrièmement enfin, le désir, que nous croyons louable, de mettre d'accord nos diverses institutions, de réunir les privilèges qu'établit la société et les obligations qu'elle impose; de donner des règles uniformes à des droits qui ont le même objet et la même origine, savoir : le droit de participer au vote de l'impôt et des lois, et le droit de participer aux jugements criminels.

On demandera, en troisième lieu, pourquoi la liste prescrite par l'article 2 remplacera la liste des élections, et pourquoi les réclamations des électeurs omis sur la liste ne seront plus admises

après le délai fixé par la loi? C'est afin d'avoir une garantie contre les erreurs des préfets et contre l'indifférence des électeurs. Si la liste publiée par les préfets ne devait servir qu'à la formation du jury, ou qu'on pût réclamer contre elle en tout temps, quand il surviendrait des élections, les préfets pourraient rédiger cette liste arbitrairement, certains que peu d'électeurs se plaindraient d'une omission qui les affranchirait d'un devoir pénible. En exigeant, au contraire, que les réclamations soient formées dans un délai limité, et en donnant une sanction à cette disposition nécessaire, on acquiert la certitude, premièrement, que les préfets ne feront jamais d'omissions volontaires; secondement, que les personnes omises ne négligeront pas dé se plaindre; troisièmement enfin, que lorsque les préfets dresseront la liste des deux cents, la liste électorale aura acquis toute la perfection désirable, et que, par conséquent, le choix pourra réellement s'exercer sur les plus capables et les plus dignes.

On demandera enfin pourquoi la liste des deux cents ou des douze cents, et pourquoi, la liste électorale étant faite, on n'abandonne pas le reste au hasard? La raison, Messieurs, en est simple: le hasard est aveugle, et la justice est d'un trop grand prix pour qu'on puisse l'exposer sans imprudence aux chances périlleuses qu'il peut amener. Que son pouvoir se déploie dans un cercle étroit et profondément tracé, ses méprises ne sont plus à craindre. Qu'importe sur qui tombe sa main incertaine, quand elle ne peut s'égarer que parmi des hommes de choix et des candidats éprouvés! Le sort peut s'exercer sans inconvénient et même avec avantage sur un petit nombre; sur un grand nombre, il troublerait et confondrait tout. Ce n'est pas assez, Messieurs, d'avoir une justice libre; il faut encore l'avoir éclairée, pour qu'elle résiste aux influences extérieures, et par conséquent pour qu'elle soit libre.

Voilà, Messieurs, par quels motifs s'expliquent et se justifient les principales dispositions du projet de loi. Nous croyons fermement qu'elles suffisent pour corriger les défauts du système établi par le Code d'instruction criminelle, et que le jury, toujours loyal et indépendant, aura en outre l'avantage qu'on ne pourra plus le soupçonner de ne pas l'être.

PROJET DE LOI.

CHARLES, PAR LA GRACE DE DIEU, roi dE FRANCE ET DE NAVARRE.

A tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi dont la teneur suit, sera présenté en notre nom à la Chambre des pairs par notre garde des sceaux ministre secrétaire d'Etat au département de la justice, et par le sieur Jacquinot-Pampelune, conseiller d'Etat, que nous chargeons d'en exposer les motifs et d'en Soutenir la discussion.

Art. 1. Les jurés seront pris parmi les membres des collèges électoraux.

Art. 2. Le 1er septembre de chaque année, au plus tard, les préfets arrêteront, conformément à l'article 3 de la loi du 29 juin 1820, la liste des personnes qui rempliront les conditions requises pour faire partie des collèges électoraux de leur département.

Dans les départements où la liste ne comprendrait pas cinq cents élécteurs, ce nombre sera complété par une liste supplémentaire, formée des individus les plus imposés parmi ceux qui ne seront pas inscrits sur la première.

Les listes dressées en exécution des deux paragraphes qui précèdent seront affichées au chef-lieu de chaque canton.

Art. 3. Il sera statué, suivant le mode établi par l'article 5 de la loi du 5 février 1817, sur les réclamations qui seraient formées contre la rédaction des listes.

Ces réclamations seront inscrites au secrétariat général de la préfecture, selon l'ordre et la date de leur réception.

Elles seront formées par simple mémoire et sans frais.

Art. 4. Lorsque les collèges électoraux seront convoqués, la dernière liste électorale qui aura été publiée en exécution de l'article 2 tiendra lieu de la liste prescrite par l'article 5 de la loi du 5 février 1817, et par l'article 3 de la loi du 29 janvier 1820.

Les préfets feront imprimer et afficher, dans ce cas, un tableau de rectification contenant l'indication des individus qui auront acquis ou perdu, depuis la publication de la liste principale, les qualités exigées pour exercer les droits électoraux.

Les réclamations de ceux dont les noms auraient été omis sur la liste électorale, et qui auraient acquis les droits électoraux antérieurement à sa publication, ne seront admises qu'autant qu'elles auront été formées dans le cours du mois qui suivra cette publication.

Art. 5. Après l'expiration du délai fixé par l'article qui précède, les préfets extrairont des listes générales, dressées en exécution de l'article 2, une liste de deux cents individus, parmi lesquels devront être pris ceux qui exerceront dans le département les fonctions de jurés pendant le cours de l'année suivante.

Cette liste se composera, pour le département de la Seine, de douze cents électeurs.

Elle sera transmise immédiatement, par le préfet, au ministre de la justice, au premier président de la cour royale et au procureur général.

Art. 6. Dix jours au moins avant l'ouverture des assises, le premier président de la cour royale tirera au sort, sur la liste transmise par le préfet, trente-six noms qui formeront la liste des jurés pour toute la durée de

la session.

Le tirage sera fait en audience publique de la première chambre de la cour.

Art. 7. Si, parmi les trente-six individus désignés par le sort, il s'en trouve un ou plusieurs qui aient été légalement privés, depuis la formation de la liste arrêtée en exécution de l'article 5, des capacités exigées pour exercer les fonctions de juré, ou qui aient accepté un emploi incompatible avec ces fonctions, la cour, après avoir entendu le procureur général, procedera, séance tenante, à leur remplacement.

Ce remplacement aura lieu dans la forme déterminée par l'article précédent.

Art. 8. Hors les cas d'assises extraordinaires, les jurés qui auront satisfait aux réquisitions prescrites par l'article 389 du Code d'instruction criminelle, ne pourront être placés plus d'une fois, dans la même année, sur la liste formée en exécution de l'article 6.

Dans les cas d'assises extraordinaires, ils ne pourront être placés sur cette liste plus de deux fois par année.

Art. 9. Aujour indiqué pour le jugement, s'il y a moins de trente jurés présents, ce nombre sera complété par le président des assises.

Les jurés appelés pour suppléer les jurés absents seront désigués en audience publique et par la voie du

sort.

Ils seront pris parmi ceux des individus inscrits sur la liste dressée en exécution de l'article 5, qui résideront dans la ville où se tiendront les assises, et subsidiairement parmi les habitants de la ville qui seront compris dans la liste électorale du département, ou dans la liste supplémentaire prescrite par l'article 2.

Les dispositions de l'article 8 ne s'appliquent pas aux remplacements opérés en vertu du présent article. Art. 10. Les articles 1, 6, 7, 8 et 9 de la présente loi seront mis en vigueur à dater du 1er janvier 1828.

Les autres articles seront obligatoires à dater de sa promulgation.

Les préfets et les présidents d'assises continueront,

1

L

[blocks in formation]

Le ministre dépose sur le bureau l'expédition officielle du projet de loi.

Acte de ce dépôt lui est donné, au nom de la Chambre, par M. le président.

Le pair de France ministre de la guerre obtient ensuite la parole pour soumettre à l'Assemblée un second projet de loi comprenant, sous le titre de Code de la juridiction militaire, la partie du Code militaire relative à l'organisation, à la compétence des tribunaux militaires et au mode de procéder devant ces tribunaux. Le ministre en développe les motifs dans les termes suivants :

M. le marquis de Clermont - Tonnerre, ministre de la guerre. Messieurs, nous avons l'honneur de vous présenter, au nom du roi, un projet de Code de juridiction militaire.

Depuis longtemps, le besoin d'un Code militaire était senti en France; l'opinion le réclamait avec instance, souvent même avec chaleur, et l'autorité s'en occupait avec persévérance et avec calme c'était en effet, Messieurs, un travail d'une haute importance et qui exigeait de la maturité et du soin, que celui qui devait instituer pour l'armée une juridiction militaire régulière et stable, en harmonie à la fois avec les institutions que nous tenons de la bonté royale et avec le grand principe monarchique qui veut que l'armée soit entièrement et exclusivement dans les mains du roi. Ce travail, entrepris dès les premières années de la Restauration, a été soumis successivement à diverses commissions composées des hommes les plus capables d'élaborer une semblable matière. Tous les ministres de la guerre qui se sont succédé en on fait l'objet d'une étude approfondie: arrivé tard à ce travail, je l'ai trouvé plus avancé que les autres; mais si le peu de changements que j'ai été dans le cas d'y apporter, l'ont rendu plus digne de vos suffrages et de l'approbation du roi, je recevrai de mes efforts le prix qui pouvait le mieux les récompenser.

Le Code militaire offrait naturellement deux subdivisions principales, savoir: 1° la juridiction; 2o la pénalité. Le projet de loi que nous avons l'honneur de vous présenter ne contient que la première de ces deux parties; j'aurai à prendre les ordres du roi sur l'époque à laquelle le Code pénal militaire devra vous être apporté ; c'est un travail qui peut, au reste, être considéré comme terminé aujourd'hui.

Le Code de la juridiction militaire se partage en trois livres : le premier traite de l'organisation des tribunaux militaires; le deuxième, de la compétence; le troisième, de la procédure.

Une seconde subdivision générale, qui porte sur les trois livres, se présentait naturellement encore, et elle a été suivie dans chacun d'eux.

L'armée, organisée pour la guerre, mais entretenue pendant la paix, doit être considérée dans ces deux positions. Ainsi, les tribunaux militaires ont dû être partagés en deux classes les tribunaux militaires aux armées, et les tribunaux militaires dans les divisions territoriales.

Un autre principe général réclamait aussi son application: aucun jugement ne doit avoir son effet sans que celui qu'il frappe n'ait eu son recours devant une juridiction supérieure; des conseils d'annulation ont en conséquence été institués. Une exception a été faite pour les jugements prévôtaux; mais les prévôtés, seuls tribunaux d'exception autorisés par la Charte, jugent dans des cas et des circonstances tels, que cette garantie n'était pas nécessaire à la justice, tandis que le retard dans l'exécution, qui était la conséquence inévitable de l'appel, aurait pu nuire à l'armée. Les jugements des prévôtés sont donc les seuls jugements sans appel, et aucun conseil d'annulation n'est institué pour en connaître, si ce n'est dans les cas d'incompétence.

Mais si le recours à une seconde juridiction était indispensable, les crimes et les délits que commettent les militaires sont assez faciles à reconnaître pour que, quand les formes sont observées, il y ait certitude de justice en conséquence, la juridiction des conseils d'annulation n'a pu et n'a dû s'étendre que sur la régularité des formes et sur la réalité de la compétence du tribunal qui avait rendu le premier jugement; elles ne connaissent pas du fond des affaires.

Le cas de guerre présente deux situations distinctes, celle de l'armée proprement dite, et celle d'une place assiégée : une dernière subdivision est résultée de cette différence, et chaque livre présente séparément ce qui concerne les conseils de guerre aux armées, et dans les places assiégées.

«Telles sont, Messieurs, les règles générales qui ont servi comme de bases à la subdivision des trois livres du Code de juridiction militaire; cette subdivision nous a paru propre à en faciliter l'intelligence et l'application; toutefois, le second et le troisième exigeaient un titre particulier: le premier, pour régler le cas de complicité; le second, pour régler le mode de jugement des contumaces. Enfin, le troisième livre exigeait une subdivision spéciale qu'il suffisait toutefois d'exprimer dans son premier titre, et qui se trouve dans les deux chapitres intitulés de l'Information et des Jugements.

Après vous avoir indiqué le plan général qui aété suivi dans la subdivision du Code de juridiction militaire, il me reste maintenant, Messieurs, à vous donner quelques explications sur les principes qui ont présidé à la rédaction des différents livres dont il se compose.

LIVRE I°r.

Le premier de tous les principes de justice est que les juges soient dans une position complète d'indépendance sous le rapport de la désignation; et pour que cette condition soit remplie, il ne faut pas qu'ils puissent être nommés par l'autorité pour une affaire ou un prévenu quelconque ils sont, d'après le projet, appelés dans l'ordre du tableau.

Il importait que jamais l'inférieur ne jugeât le supérieur; le dernier grade des juges est toujours déterminé par celui de l'accusè.

Il importait que le jugement fût rendu avec

« PreviousContinue »