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déjà chargée de l'examen préalable du projet. Elle a recueilli quelques avis. Selon les uns, un grand nombre d'officiers en retraite seront, par la modicité de leur fortune, dans l'impossibilité de se transporter au lieu où se tiendront les assises et d'y demeurer pendant leur tenue. L'honneur qu'on a voulu leur faire leur sera onéreux, et ils seront dans l'impossibilité de supporter la charge qui en résultera. Pour en délivrer ceux qui seraient dans ce cas, on a demandé si on ne pourrait pas les autoriser à requérir dispense, ainsi que l'article 385 du code y autorise les conseillers d'Etat, chargés d'une partie d'administration, les commissaires du roi près les administrations ou régies, et les septuagénaires.

Mais cette faculté de demander dispense est londée sur des fonctions et des services dont on ne doit pas être détourné, ou sur l'âge. Les militaires en retraite ont beaucoup moins d'occupations qu'un grand nombre de citoyens qu'on appelle au jury; ils ne peuvent avoir ce moyen de décharge. Quant à la modicité de fortune, d'autres citoyens pourraient l'alléguer aussi. Ce serait un moyen de détruire le jury. Il est impossible d'accorder aux militaires en retraite une dispense qui n'est donnée qu'aux fonctions et à l'âge, et qui serait pour eux un privilège.

D'autres avis tendraient à exiger qu'ils payent un cens. Cette condition serait en contradiction avec le principe qui les fait inscrire: ce n'est pas à cause des contributions qu'ils acquittent, c'est à cause de leurs services et de la capacité qu'ils supposent, et de l'honneur et de la confiance qu'ils méritent.

Il ne reste donc plus que le moyen indiqué par le noble baron: le domicile, l'incorporation du militaire dans l'état civil, et un temps suftisant pour qu'il acquière, s'il est permis de parler ainsi, droit ou plutôt habitude de bourgeoisie.

On a dit que le terme de dix ans est bien long; que l'on quitte le service à cinquante ans, qu'on ne serait donc apte à être juré qu'à soixante.

Deux réponses: On peut être juré jusqu'au terme de sa vie, on peut s'en excuser à 70 ans seulement, mais on peut aussi, si on s'en connait la force, ne pas réclamer le bénéfice de l'âge.

De plus, beaucoup d'officiers se retirent bien avant l'âge de 50 ans, la preuve en est dans les états qui ont été fournis. Ils présentent 9,097 lieutenants et 4,844 sous-lieutenants. Pensez-vous qu'on ait passé 30 ans dans ces grades?

Quoi qu'il en soit, ce qui est essentiel, c'est de concilier avec l'introduction dans le jury, des officiers de tout grade en retraite, la nécessité de pourvoir à ce qu'ils ne forment pas la totalité ou la majorité d'un jury. Il faudrait pour cela, non seulement diminuer leur nombre par quelque condition, mais surtout s'assurer que, par l'habitude de la vie civile, ils auront perdù les habitudes militaires, peu compatibles à quelques égards avec celles des lois civiles et des tribunaux ordinaires. Il faut familiariser les citadins avec eux pour qu'un jury soit bien composé, il doit l'être d'hommes qui inspirent confiance au public et aux accusés, et que ceux-ci ne craignent pas d'avoir pour juges des hommes qui soient connus dans le pays, au jugement desquels ils puissent se remettre ou qu'ils puissent récuser. La nécessité du domicile pendant un certain temps est un moyen qui satisfait à ces conditions. Il faut donc une sorte d'épreuve qu'opérera le temps,

Cette nécessité serait commune aux licenciés dans l'une des quatre Facultés de droit, de médecine, sciences et belles-lettres, à moins qu'ils ne fussent inscrits sur le tableau des avocats ou des avoués auprès des tribunaux, ou chargés d'enseigner quelqu'une des matières appartenant aux Facultés où ils auraient pris leurs licences, parce que, dans ce cas, ils ont une assez grande notoriété.

L'article additionnel ou le paragraphe additionnel à l'article 1er serait ainsi conçu:

«Toutefois, les officiers de terre et de mer et les licenciés dans l'une des quatre Facultés de droit, médecine, sciences et belles-lettres, qui ne seraient pas inscrits sur le tableau des avocats ou des avoués près les tribunaux, ou qui ne seraient pas chargés de l'enseignement de quelqu'une des matières appartenant à la Faculté où ils ont pris leur licence, ne seront portés sur la liste générale qu'après dix ans de domicile dans le département. >>

M. le duc de Plaisance estime que la condition de dix années de résidence dans le département, que la commission propose d'imposer à l'admission des officiers en retraite sur la liste des jurés, ne devrait pas être exigée pour les of ficiers supérieurs, qui présentent d'ailleurs toutes les garanties nécessaires. Il voudrait donc que l'on bornât la disposition additionnelle aux officiers autres que les officiers supérieurs.

M. le duc de Damas-Crux estime que le judicieux amendement auquel la commission vient de donner son suffrage est une preuve de plus du danger que présente toujours l'adoption des amendements improvisés dans le cours d'une discussion. Le ministre dont l'opinion a entraîné l'adoption de la proposition relative aux officiers en retraite, a cédé, en l'appuyant, à un sentiment honorable de justice, et aux désirs de donner une égale preuve d'estime à ceux dont les mérites étaient les mêmes. Mais ce qui était juste en théorie pourrait avoir dans la pratique de graves inconvénients pour ceux-là mêmes auxquels on a cru accorder une faveur. Plusieurs d'entre eux se trouveraient gênés par la dépense qu'exige le déplacement; et, alors même qu'il leur serait permis de requérir leur exemption, beaucoup d'entre eux se condamneraient peut-être à des sacrifices au-dessus de leur fortune plutôt que d'avoir recours à une démarche qui humilierait leur honorable pauvreté: c'est pour leur éviter cette facheuse alternative que le noble pair proposerait, tout en appuyant la rédaction de la commission, d'y ajouter, par forme de sous-amendement, une disposition ainsi conçue: Ne seront inscrits sur la liste que les préfets doivent former, que les of ficiers jouissant au moins d'un traitement de retraite de 800 francs.

M. le maréchal comte Jourdan (1) demande et obtient la parole. Le noble pair s'exprime en ces termes :

Messieurs, s'il s'agissait de décerner des récompenses honorifiques aux officiers en retraite; si la situation des finances permettait d'ajouter un supplément à leurs pensions généralement peu proportionnées à leurs longs et glorieux services et à leurs honorables blessures, j'appuierais ces

(1) Le Moniteur ne donne qu'une analyse de l'opinion de M. le maréchal Jourdan.

propositions de tout mon pouvoir. Mais il s'agit de fonctions importantes que l'intérêt de la société ne permet de confier qu'à ceux qu'on présume capables de les remplir avec discernement et indépendance.

Avoir vécu dans les camps, combattre avec valeur, versé son sang sur un champ de bataille et fait des actions d'éclat, sont très certainement des titres à la reconnaissance publique, mais qui indiquent d'autant moins d'aptitude à remplir les fonctions de juré, que les mœurs et les habitudes de la vie militaire diffèrent essentiellement des mœurs et des habitudes de la vie civile, et qu'il n'y a point de rapport entre la justice expéditive des conseils de guerre et des commissions militaires, et la sage lenteur de la justice civile.

Toutefois, je reconnais que parmi les officiers en retraite il y en a beaucoup à qui on peut confier le soin de prononcer sur le sort des accusés, et qu'il est juste de leur conférer ce droit par une honorable exception. Mais où trouver la présomption de leur capacité et de leur indépendance, sans lesquelles il n'y a pas de vrais jurés? Vous la trouverez, Messieurs, dans des conditions analogues à celles imposées aux autres sujets du roi.

Une contribution directe de 300 francs suppose un revenu d'environ 2,000 francs. Le gouvernement a pensé, et je partage cette opinion, que ce revenu était une présomption suffisante de capacité et d'indépendance. Si donc, par analogie, vous ajoutez à l'article 1er du projet de loi, que les officiers en retraite jouissant d'une pension de 2,000 francs et au-dessus, seront les seuls inscrits sur la liste générale des jurés, vous honorerez la profession des armes, sans porter atteinte aux garanties de la société.

D'ailleurs, à quoi aboutirait l'inscription du nom des officiers jouissant d'une pension plus modique? A les faire éloigner par les préfets de la liste particulière qu'ils sont chargés de dresser, attendu que les fonctions de juré étant gratuites, il y aurait de l'injustice à contraindre ces officiers à des frais de déplacement et à ceux de séjour dans un lieu autre que celui de leur domicile, et à les détourner des occupations qu'ils se sont créées pour se procurer des moyens d'existence moins précaires.

(La Chambre ordonne l'impression du discours de M. le maréchal comte Jourdan.)

M. le duc de Damas-Crux, qui avait proposé de fixer le taux de la retraite à 800 francs, déclare qu'il se réunit à la fixation de 2,000 fr., qui vient d'être proposée.

M. le général comte d'Ambrugeae (1) obtient ensuite la parole et s'exprime en ces termes : Messieurs, si j'avais assisté à la discussion de l'amendement sur les officiers en retraite, je m'y serais opposé dans l'intérêt même de ces militaires. Il est assez difficile de ne pas convenir que les déplacements longs et onéreux sont un sacrifice au-dessus des facultés de ceux qui ne possèdent qu'une faible pension, trop souvent insuffisante à leurs besoins. Cependant, loin de moi la pensée de désapprouver les sentiments généreux qui ont entraîné la délibération de mes nobles collègues. Ils ont sûrement pensé que devant bientôt asseoir la justice militaire sur des

(1) Le Moniteur ne donne qu'une analyse du discours de M. le comte d'Ambrugeac.

bases invariables, et appeler, à tour de rôle et selon l'ordre du tableau, tous les officiers de l'armée à siéger dans les conseils de guerre, il convenait de leur donner, après une longue et honorable carrière, le droit de prononcer comme jurés, dans le double intérêt de la société et des accusés. Vous avez aussi voulu environner de respect et de considération ces braves qui ont ajouté tant d'illustration et de gloire au nom français; vous l'avez voulu dans un moment surtout où ils voient leur honneur blessé par d'étranges procédés, comme si les pages impérissables de l'histoire ne conservaient pas mieux à la postérité le souvenir de tant d'immortelles journées, que des noms donnés à plusieurs nobles familles.

Ces sentiments sont trop français pour ne pas justifier l'entraînement de la Chambre. Mais si elle croit nécessaire de modifier et d'expliquer son vote, je pense que l'amendement proposé par un noble baron, et adopté par la commission, n'atteint pas le but. On a parlé de quarante-sept mille officiers retraités sur ce nombre, plus de quarante mille étaient en retraite avant 1817, c'est-à-dire depuis plus de dix ans. Je crois donc que, sans rien changer au vote émis, on pourrait ne porter sur la liste que les officiers en retraite qui auraient requis leur inscription près des autorités compétentes.

(La Chambre ordonne l'impression du discours de M. le comte d'Ambrugeac.)

M. le comte Roy observe que le but des diverses propositions qui viennent d'être faites est d'éviter que les listes de jurés ne soient surchargées d'un trop grand nombre de noms, et d'empêcher en même temps que les officiers dont la retraite serait peu élevée, ne puissent être exposés à des sacrifices onéreux par la nécessité d'un déplacement dont ils n'auront pas le moyen de faire les frais. Le noble pair propose, pour atteindre ce but, une disposition qu'il placerait à la suite de celle que la commission a présentée, et qui, en réglant le mode suivant lequel serait faite l'inscription des officiers retraités, donnerait le moyen de n'inscrire que ceux qui jugeraient à propos de faire les justifications exigées, ce qui rentrerait dans les vues du noble préopinant. Cette disposition serait ainsi conçue :

« A l'effet de quoi ils devront, pour être portés sur la liste générale, déposer et faire enregistrer au secrétariat de la préfecture, les pièces nécessaires pour constater leur domicile, dans le département, pendant les dix années antérieures. »

M. le comte de Tournon déclare adopter les propositions qui viennent d'être faites par les deux préopinants. Il avait lui-même présenté hier une disposition qui avait un but analogue et qui consistait à comprendre les officiers en retraite dans la classe de ceux que l'article 385 du Code autorise à requérir exemption. Cette disposition avait été renvoyée à la commission, qui n'a pas cru devoir l'adopter, et le noble pair reconnaît lui-même qu'il est préférable, ainsi qu'on vient de le proposer, de ne porter sur les listes que ceux des officiers retraités qui requerraient leur inscription; mais il ne peut donner son assentiment à une autre proposition faite tout à l'heure, et qui, en établissant une limite au-dessous de laquelle la retraite ne rendrait pas apte à devenir juré, apporterait une restriction notable à la disposition adoptée par la Chambre, ce qui

des indemnités ou dédommagements pour les lettres qui auraient été égarées.

Si les lettres chargées étaient remises avec déclaration des valeurs incluses et payaient une taxe proportionnellement à ces valeurs, elles pourraient devenir sujettes à un remboursement, en cas de retard ou de perte: les postes gagneraient autant que le commerce à ce système d'assurance. Pourquoi l'administration des postes, chargée du choix de ses commis, dont elle nous oblige à employer le ministère exclusivement à tout autre, ne seraitelle pas justiciable des billets de commerce ou de banque volés dans les dépêches? Ce délit s'est renouvelé plus d'une fois. Les tribunaux ne peuvent en connaître; l'administration est intéressée dans son honneur à nous préserver d'un pareil désordre, et même à nous dédommager s'il se renouvelait.

Un décret a établi, pour toutes les voitures publiques, le droit de 25 centimes. L'entreprise des messageries générales est affranchie de cette taxe, pendant que ce droit est maintenu pour les exploitations rivales? On a été plus loin dans les faveurs accordées à cette exploitation. Les maîtres de poste sont obligés à relayer les énormes voitures des messageries générales, au prix de 7 fr. 50 c. par poste, quel que soit le chargement.

Ainsi, les messageries Notre-Dame-des-Victoires, qui ont reçu autrefois du gouvernement un mobilier considérable, de vastes emplacements, un service en activité sur toutes les directions, qui possède le bénéfice du transport des deniers publics, a obtenu un privilège qui l'affranchit du droit de 25 centimes; d'autre part, elle ne paye que 7 fr. 50 c. par poste, même dans les relais où le poids énorme de ses voitures exige qu'on attèle jusqu'à 10 chevaux pour la traîner.

Un tel traité ne pourrait-il pas être contesté et annulé? Je reviens aux maîtres de poste. Trouvezvous, entre eux, la répartition des faveurs également établie, lorsque le maître de poste de Lyon, par exemple, qui perçoit 25,000 francs, à cause du droit de 25 centimes, a obtenu poste royale à la sortie même pour les voitures qui ne font que relayer à Lyon, et lorsqu'il a droit encore au paiement du troisième cheval sur les voitures portant un seul voyageur pour les directions où le chemin ne présente aucune montée?

Comparez ces faveurs à celles qu'on accorde aux relais de nos provinces et vous jugerez si tous les maîtres de poste sont traités avec la même disposition!

Je crois encore que le tarif des chevaux, par rapport au nombre exigé, mériterait une réforme d'Orléans à Toulouse. Par exemple, un seul voyageur, en voiture même découverte et non suspendue, doit payer trois chevaux, c'est-à-dire que par poste, une taxe aussi élevée équivaut à une interdiction. Est-il sans inconvénient d'ôter par des taxes aussi élevées au commerce, et à tous les voyageurs, les moyens de se transporter par la vole des postes? On ne connaît ni en Allemagne, ni en Angleterre, le système qui consiste à payer les chevaux qu'on n'attèle pas; une personne en cabriolet à soufflet a-t-elle besoin d'être traînée avec deux chevaux? Et quatre personnes en calèche, avec un cocher, ne pourraient-elles pas être conduites avec deux chevaux seulement? cependant on leur en ferait payer six selon le tarif actuel.

Une taxe plus modérée rendrait aux postes la fréquentation qu'elles réclament; elle favoriserait les intérêts du commerce, des familles, et même le débit des voitures.

J'ai osé importuner la Chambre de ces consi

dérations peu importantes en apparence; je les ai regardées comme sérieuses en considérant que nos relations, celles qui touchent aux familles, à la prospérité du commerce, à la distribution des lumières, à l'aisance générale, sont fondées sur les règlements plus ou moins favorables de l'administration des postes.

Je vote pour le projet de loi, en demandant que la Chambre n'accorde le tarif des lettres que pour trois ans, et qu'elle maintienne l'ancienne taxe pour l'expédition des feuilles imprimées.

M. Labbey de Pompières. Messieurs, si on a donné jadis le nom de princes de la ruse aux contrôleurs généraux, aujourd'hui nos ministres des finances, à les entendre, sont des modèles de franchise.

En ce temps comme autrefois, c'est toujours pour l'avantage du peuple qu'on propose de nouvelles dépenses, le Trésor est totalement désinteressé : ce n'est qu'un soin de plus qu'il se donne; l'amour du bien-être des citoyens le dévore.

C'est ainsi que 30 millions de nouvelles rentes à inscrire ne devaient ni affecter le crédit, ni accroître les impôts, ni affaiblir la dotation des services. C'est ainsi qu'en annonçant des économies et des dégrèvements, on est parvenu à augmenter chaque année les budgets, de manière à ce que le projet de celui de 1827 a surpassé de 34 millions le définitif de celui de 1821.

C'est encore ainsi qu'aujourd'hui, sous le prétexte d'ajouter à la facilité, à la régularité, à la rapidité, on vous propose de réduire les distances en conservant la même taxe, et l'on vous assure que loin de songer à accroitre l'impôt, l'administration n'a cherché qu'un meilleur mode de répartition !

Cependant, ce mode meilleur exigera un supplément de dépense de 3,500,000 francs, et sans doute M. de Villèle, qui ne se pique pas d'en savoir plus que l'abbé Terray, ne les prendra pas ailleurs que dans nos poches.

Lorsque Louis XI autorisa les 230 courriers, qu'il avait à ses gages pour porter ses dépêches, à se charger des lettres des particuliers, ce fut une spéculation économique pour lui, avantageuse pour le peuple; mais on ne fut pas contraint à se servir de ce mode.

Depuis, on en a fait un monopole, confié jadis à des surintendants, aujourd'hui à une espèce de ministre.

C'est une entreprise qui coûte au peuple environ 27 millions, et donne au Trésor 12 millions 1/2 de

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rompent); elle transpire par tous ses pores (On rit et l'on murmure); elle se glisse jusque dans les lois de police : toujours aux aguets partout il lui faut sa part. (Même mouvement.)

Ici cette part est-elle modérée ? y a-t-il, comme l'assure M. le directeur des postes, une simple compensation entre les trois premiers articles? C'est ce qu'il ne nous a pas été possible de vérifier, même avec le secours de M. Azaïs. Comment, en effet, établir à la première vue le rapport du poids d'un gramme à la ligne droite ? mot funeste du directeur des postes de 1814.

La commission elle-même, aidée du Bureau des longitudes, accablée de calculs, de renseignements et d'explications, n'a pu se dispenser de proposer des changements.

La précipitation mise dans la discussion de cette loi ne nous a pas permis de nous procurer les renseignements qui ont dû servir de base aux trois premiers articles; renseignements que le ministère a réservés à la commission. Nous sommes donc forcés de choisir entre l'adoption aveugle et le rejet. Je prends ce dernier parti, en conséquence de l'axiome: dans le doute abstiens-toi. Je n'ai aucune remarque à faire sur les quatre articles suivants.

Quant au Se, la fiscalité n'y paraît que comme auxiliaire de l'assassinat de la liberté de la presse. On veut, sinon interdire les journaux, du moins les rendre tellement chers, et par conséquent les abonnements tellement rares, que les rédacteurs ne puissent se rembourser de leurs frais; alors leur chute sera certaine. C'est de la combinaison de cet article 8 avec l'article 5 de la loi vandale, qu'on attend ce résultat.

La suppression des journaux ne suffisait pas à la tranquillité des ministres; il fallait encore que les opinions des députés n'aílassent pas dans les départements à cet effet, on a augmenté le timbre de tout imprimé, dans l'espoir que les députés, obligés à faire la dépense du port, renonceront à envoyer leurs discours.

La commission a fait justice de cette partie de l'article; mais elle a conservé ce qui tenait le plus au cœur des ministres : elle leur a sacrifié une des plus grandes jouissances du peuple, la connaissance de l'opinion publique.

L'article 8, j'ose l'espérer, sera rejeté en entier. Ainsi, en retranchant de la loi les trois premiers articles et le huitième, on peut accepter le reste pour la satisfaction des ministres.

M. Masson. Messieurs, en vous présentant un projet de loi qui modifie le prix du transport par le service des postes, le gouvernement a dû naturellement y faire mention de tous les objets qui sont transportés par cette voie; ainsi, le port des journaux devait y trouver sa place. Mais lorsqu'on considère que cet objet particulier occupe deux ou trois lignes dans un ensemble de dispositions qui ont pour but de reconstituer sur des bases nouvelles tout un système d'impôt; quand on s'est convaincu, comme j'ai pu le faire, que ce grand travail a dû exiger plusieurs années de calculs préparatoires, tandis que la disposition qui regarde les journaux a pu être improvisée en un moment, on est en droit de s'étonner des efforts de raisonnement qui ont été faits devant vous, pour amener sur le premier plan de la discussion une question si secondaire. Que l'administration des postes se montre trop exigeante en demandant désormais cinq centimes

pour transporter un journal à la distance moyenne de quatre-vingts lieues, c'est une chose qui peut être débattue sans doute, puisqu'elle vient de l'être avec tant de chaleur. Mais que cette controverse incidente soit devenue un moyen d'engager prématurément la discussion sur un autre projet de loi, c'est une ruse de tribune, à laquelle ne sont pas obligés de se prêter ceux qui aiment à mettre les choses à leur place. Il me semble que le port des journaux est ici une question purement accessoire, qui sera plus convenablement débattue dans la discussion des articles, et lorsque nous en serons à l'article 8. Mais la discussion générale me paraît devoir porter de préférence sur l'ensemble du sytème nouveau qui vous est proposé, et je demande à la Chambre la permission de ne lui parler pour le moment du projet de loi, que sous ce point de vue général.

Il n'est pas ordinaire, Messieurs, de voir les personnes qui sont préposées au recouvrement de l'impôt, proclamer elles-mêmes les vices de sa répartition, révéler les applications arbitraires qu'elles en font journellement, et solliciter auprès de la législature la réparation de ces désordres. Un si bon exemple, donné par l'administration des postes, doit déjà vous avoir prévenus favorablement pour le projet de loi que vous discutez. Rien de plus déraisonnable et de plus compliqué que la manière dont s'opère aujourd'hui la taxe des lettres. Proportionner cette taxe, non pas à la distance que parcourent ces lettres, mais à la distance qu'elles auraient dû parcourir en 1799, d'après l'état où se trouvaient les services de la poste à cette époque éloignée; ne faire nulle acception de ce que, dans l'intervalle, sur 900 services environ 700 ont été rectifiés; taxer en conséquence une lettre de Troyes à Tonnerre, distance de 12 lieues, comme si elle en avait fait 50, et une lettre du Havre à Honfleur, distance de 3 lieues, comme si elle en eùt fait 51. N'avoir, pour appliquer des règles de perception si extraordinaires, que 360 points fixes, tandis qu'il y en a 1330 qui reçoivent des correspondances. Etre exposé, par conséquent, pour tous ceux de ces points qui ne sont pas bureaux-cartes, aux chances d'une addition et d'une soustraction compliquées pour chaque taxe, ce qui engendre notoirement une foule d'erreurs inévitables; ajouter ainsi l'insuffisance ou l'arbitraire du taxateur aux injustices de la taxe; laisser enfin le contribuable dans l'impossibilité de discuter l'impôt qu'il paie, à cause de la complication de ses éléments: tel est, Messieurs, en abrégé, l'état de choses dans lequel vous êtes, et dont le gouvernement vous propose de sortir.

L'administration des postes a introduit dans son service, depuis quelques années, de nombreuses améliorations, qui n'ont point échappé à l'attention du public :

La distribution dans Paris, avant onze heures du matin, de toute la correspondance des départements;

La faculté de mettre à la boîte les lettres de Paris jusqu'à cinq heures du soir;

Les transports de la petite poste dans la capitale multipliés jusqu'à sept fois par jour, au moyen du service à cheval, ce qui permet d'écrire et de recevoir la réponse dans une même journée;

Une multitude de nouveaux bureaux de poste établis dans les départements;

L'accélération de vingt-quatre et mêm quarantehuit heures dans le parcours des malles sur les routes les plus importantes;

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Toutes les lettres timbrées à la date d'arrivée (1),, et d'autres perfectionnements de détails dans le mécanisme intérieur de la poste, témoignent que cette administration est pénétrée de l'objet important de son institution. On conçoit qu'animée d'un si bon esprit, elle se soit indisposée contre le mode actuel de la taxe des lettres, et que ne voulant pas laisser incomplets tant de perfectionnements obtenus, elle vienne elle-même vous demander des bases de perception plus équitables.

Eloignons donc, Messieurs, l'injuste prévention de ceux qui ne verraient dans la nouvelle loi qu'un moyen d'accroître la taxe des lettres. Je montrerai d'ailleurs un peu plus loin que le produit général n'en sera pas accru sensiblement, et qu'ainsi aucune vue fiscale n'a pu se mêler à cette conception tout à fait généreuse.

En reconnaissant la nécessité de changer le tarif actuel, quelques personnes ont cru qu'on eût pu le faire sans le saper par la base. Il aurait suffit, disait-on, de substituer aux distances de l'an VIII les distances parcourues en 1826. Cette idée, plus simple au premier aspect, était effectivement praticable; mais d'abord elle eût entraîné des changements de taxes qui auraient fait augmenter de plusieurs décimes les taxes comparativement trop Taibles. En second lieu, cette rectification des distances n'eût procuré qu'un remède transitoire, et le mal se serait reproduit lors de chaque perfectionnement ultérieur dans les directions du service actuel. D'ailleurs, le parcours réel (qui serait une base équitable de taxes s'il était partout établi d'après les besoins de chaque localité) n'eût été, pour plusieurs d'entre elles, qu'une source d'injustes surtaxes, du moment qu'on reconnaît en fait que ce parcours prend souvent des directions détournées, afin d'épargner à l'administration l'établissement dispendieux d'un service direct.

Je crois utile de m'arrêter davantage à ce point de discussion, qui a d'ailleurs été parfaitement éclairci par l'honorable rapporteur.

L'adoption d'une distance abstraite, tout à fait indépendante des circonstances variables du parcours direct ou indirect, est certainement une conception heureuse. Sans en faire entièrement honneur aux auteurs du projet, puisque la loi de 1791 en avait, comme on vous l'a dit, introduit le principe, il est juste de faire remarquer à la Chambre combien l'application qu'on lui propose aujourd'hui de ce régulateur, est préférable à celle qu'on en avait fait pendant huit ans (de 1791 à 1799). Les distances géométriques seront calculées désormais du bureau d'où la lettre part à celui où elle arrive, ce qui établit une égalité absolue entre 1,330 points principaux du départ ou d'arrivée, et satisfait, dans le plus grand détail possible, au besoin d'une juste répartition de l'impôt. La loi de 1791, au contraire, n'admettait que les 86 chefs-lieux de département comme points de départ ou d'arrivée, pour le calcul des distances, en sorte que les autres localités de chaque département payaient une même taxe, quelle que fût la disparité de leurs situations respectives dans les cases trop vastes de ce grand échiquier.

Cette ébauche du tarif ne se maintint qu'au milieu des désordres de la Révolution et à la faveur de la dépréciation des assignats qui diminuaient l'importance des taxes aux yeux des contribuables. Mais le retour du numéraire rendit les iné

(1) L'administration se propose de timbrer la date du départ, lorsque le service journalier sera établi.

galités plus sensibles, et l'administration, pressée par les plaintes du public, se hâta de faire adopter le système des distances parcourues, qui du moins eut l'avantage d'admettre 360 bureauxcartes, au lieu de 86 points uniques, pour le calcul des distances.

Vous connaissez maintenant, Messieurs, les inconvénients de ce dernier mode de taxation, et il n'est personne qui ne soit frappé de la supériorité du système désormais immuable que le gouvernement vous propose. Egalité évidente de répartition pour toutes les localités, facilité pour les taxateurs dans l'application du tarif, et par conséquent accélération d'un service dont la promptitude constitue le mérite essentiel.

Toute excuse ôtée à l'arbitraire de la taxation par la simplicité de ses éléments; possibilité pour chaque contribuable de calculer lui-même sa taxe légale et de la faire immédiatement rectifier si elle était erronée; enfin, immutabilité perpétuelle du tableau des distances de tous les points du royaume entre eux, quels que soient désormais les changements apportés dans le parcours des services de la poste.

Il ne me parait pas qu'on puisse se refuser à l'évidence de ces nombreux avantages. Aussi, ai-je été surpris de voir des partisans de cette heureuse innovation lui chercher un appui dont elle n'a pas besoin dans l'établissement qu'on vous propose du service journalier des postes pour les 1,330 bureaux du royaume.

Assurément cette seconde proposition est de nature à obtenir tous les suffrages, et je retomberais dans des redites superflues, si j'essayais d'en faire l'apologie devant vous. Mais ce sont deux mesures bien distinctes qui se recommandent l'une à l'autre par leurs avantages propres ; et il me semble que les confondre dans une espèce de solidarité, ce serait diminuer de moitié nos motifs d'approbation.

Cependant, Messieurs, la loi trouve des contradicteurs, sinon dans son principe général, dų moins dans le léger accroissement de taxe qui résultera de son application pour quelques localités. Rendez uniforme, a-t-on dit, le calcul des distances, rien de plus satisfaisant; baissez la taxe pour les localités qui son mal à propos surchargées en raison des circuits du parcours, rien de plus juste encore; mais faites que ce ne soit pas aux dépens des autres localités; car il faut respecter les droits acquis, en deux mots : dégrevex, mais ne surtaxez pas.

Cette objection, commode à faire, prouve que tous les hommes aiment la justice distributive, mais que plusieurs mettent à cet amour une res triction que je m'abstiens de spécifier. A l'égard de ce qu'on nomme droits acquis, je ne pense pas que le hasard d'un lot favorable dans une répartition mal faite, puisse être jamais considéré comme un droit contre tout redressement de cette répartition.

On a rappelé ce qui s'est fait en dernier lieu pour la contribution foncière et on a demandé que les dégrèvements fussent effectués de même ici, c'est-à-dire aux dépens du Trésor. La chose serait possible, sans doute; mais elle n'est ni aussi facile, ni aussi simple qu'elle le paraît.

Lorsqu'on diminue le contingent d'une localité dans la contribution foncière, on opère un résultat fixe et l'on sait de quelle somme cette localité sera dégrevée. Dans la taxe des lettres, au contraire, il n'y a pas de contingent spécial pour chaque lieu ni chaque individu, puisque tous peuvent correspondre avec tous les points du

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