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M. Labbey de Pompierres. Je suppose que mon opinion ne puisse être imprimée que le lendemain de la fermeture de la session : ne doit-il pas suffire que l'opinion soit relative à un sujet qui a été traité à la tribune, bien qu'elle n'ait pas été prononcée? Remarquez qu'il ne s'agit pas seulement de l'exemption du dépôt, mais encore du timbre, dont nous sommes aussi menacés. Je ne vois pas pourquoi on n'ajouterait pas, prononcées ou non?

Plusieurs voix : C'est entendu.

M. Labbey de Pompierres. On dit souvent c'est entendu, et après on se tient strictement aux termes de la loi.

M. de Peyronnet, garde des sceaux. Nous sommes autorisés à consentir les amendements proposés par la commission sur le deuxième alinéa de l'article 2. Je profite de cette occasion pourlever les scrupules de M.Labbey de Pompierres. Par le mot opinion on doit entendre les discours qui n'ont pas été prononcés à la tribune, et par le mot discours, les opinions qui y ont été prononcées.

M. le Président. M Labbey de Pompierres persiste-t-il dans son amendement?

M. Labbey de Pompierres. Dès l'instant qu'il est convenu que le paragraphe exprime ce que je voulais, je le retire.

(La Chambre adopte l'amendement de la commission sur le deuxième alinéa.)

La uiscussion est continuée à demain.
La séance est levée à cinq heures et demie.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Réunion dans les Bureaux du 23 février 1827.

La Chambre des députés, réunie dans ses bureaux avant la séance publique, a procédé aux nominations suivantes :

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. RAVEZ.

Séance du vendredi 23 février 1827.

La séance est ouverte à 2 heures un quart par la lecture et l'adoption du procès-verbal.

M. le président du conseil, M. le garde des sceaux, MM. les ministres de l'intérieur et des affaires ecclésiastiques, et M. Jacquinot-Pampelune, commissaire du roi, sont présents.

M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la délibération sur le projet concernant la presse. La Chambre a adopté hier le paragraphe 1or de l'article 2, amendé par la commission. Le deuxième amendement de la commission est en ces termes : « aux mandements et lettres pastorales, et aux publications consistoriales. » Deux nouvelles rédactions ont été présentées par MM. d'Ounous et Clausel de Coussergues. La rédaction de M. d'Ounous est ainsi conçue: Aux mandements et lettres pastorales, aux publications consistoriales et autres écrits religieux consacrés aux cultes reconnus par la Charte." M. Causel de Coussergues rédigerait le paragraphe en ces termes : « Aux mandements, lettres pastorales, catéchismes et autres livres de prières et d'instruction religieuse, publiés par les évèques; et aux instructions (religieuses publiées par les consistoires. » L'amendement de M. d'Ounous étant le plus considérable, si la Chambre y consent, ce sera celui-là qui sera discuté le premier.

M. Dudon, de sa place. La commission, en proposant d'ajouter au paragraphe les mots : et aux publications consistoriales, n'a fait que se conformer à ce qui lui était demandé dans un mémoire signé pour le consistoire de l'Eglise réfor mée de Paris, par MM. Marron, président; Charles Vernes, Guizot, le marquis de Jaucourt, Monot, le baron Pelet de la Lozère, François Delessert, Dominique André et Monot fils.

(La parole est donnée à M. d'Ounous pour développer son amendement.)

M. d'Ounous. Messieurs, je ne me permettrai pas de traiter les graves questions qui vous occupent depuis plusieurs jours. Les orateurs éloquents qui ont développé leurs opinions sur les divers articles du projet de loi relatif à la liberté de la presse, ont approfondi cette importante discussion, et je n'aurais pas abordé cette tribune, en réclamant votre indulgence, si je n'eusse été obligé par ma conscience de manifester mon opinion sur le quatrième paragraphe de l'amendement proposé par la commission, relatif aux mandements et lettres pastorales, et aux publications consistoriales.

Ces publications sont peu nombreuses, et n'intéressent le plus souvent que les habitants d'un seul département. D'autres publications non moins essentielles, sont les moyens les plus efficaces de répandre, parmi les chrétiens des différentes communions, les bons principes qui ne sont que trop méconnus dans les classes inférieures de la société.

La propagation des livres saints, celle des journaux consacrés aux matières religieuses, paralyseront, je n'en doute pas, les mauvais effets des écrits immoraux ou séditieux. Livrez à la sévérité des lois les auteurs qui prostituent leur talent à égarer le cœur et l'esprit; mais, d'un autre côté, encouragez de tout votre pouvoir la publication des ouvrages religieux.

J'ai l'honneur de proposer à la Chambre ce sous-amendement au 4 paragraphe du 2o ar

ticle:

« Les dispositions de l'article 1er ne s'appliquent point aux mandements et lettres pastorales, aux publications consistoriales, et autres écrits religieux consacrés aux cultes reconnus par la Charte. >>

Je ne descendrai pas, Messieurs, de cette tribune, sans répondre aux expressions peu mesurées qui ont échappé à deux de mes honorables collègues; non, Messieurs, le protestantisme ne porte point au désordre et à l'incrédulité; le protestantisme n'use, et n'usera jamais de la liberté de la presse pour prêcher l'illégitimité et la souveraineté du peuple; l'Evangile n'est-il pas le même pour tous les chrétiens, et ce livre divin ne prescrit-il pas à tous de servir Dieu et le roi !

Les paroles que notre auguste monarque a daigné adresser à nos consistoires sont à jamais gravées dans le cœur de tous les protestants; et certes, je ne crains pas ici d'affirmer que les protestants seront toujours les amis du trône. Le sang des vainqueurs d'Ivry coule dans leurs veines; les bords du Rhin et les plages de Quiberon attestent leur dévouement à la cause royale; ils n'ont pas été moins fidèles à l'époque désastreuse des Cent-Jours, et si la divine Providence nous réservait de nouveaux malheurs, nous les verrions toujours se presser autour de l'auguste famille des Bourbons et se rallier à la bannière des

lis.

Voix nombreuses: Très bien, très bien!

M. d'Ounous. J'ai eu l'honneur, Messieurs, de vous exposer les raisons qui m'ont déterminé à vous proposer mon amendement; cependant, s'il s'élevait quelques difficultés, je consentirais à le rédiger en ces termes : « Aux publications religieuses, aux catéchismes et livres de prières approuvés par les consistoires. ›

M. Bonet, rapporteur. Il faudrait discuter d'abord l'amendement de M. Clausel de Coussergues, qui est plus étendu.

M. le Président. L'amendement, tel qu'il était présenté d'abord par M. d'Ounous, était plus étendu que celui de M. Clausel de Coussergues, mais actuellement M. d'Ounous ayant restreint sa proposition, c'est celui de M. Clausel de Coussergues qui a le plus d'extension. Il serait à souhaiter que les auteurs des amendements voulussent bien se concerter ensemble, afin que la discussion ne fût pas enchevêtrée ainsi; car autrement nous nous trouvons exposés à quitter une discussion commencée sur un amendement pour en discuter un autre. M. Clausel de Coussergues a la parole.

M. Clausel de Coussergues. Messieurs, le projet de loi et le rapport de la commission s'accordent à exempter du délai de cinq jours, après le dépôt, les mandements et lettres pastorales.

Cette exemption est une conséquence nécessaire de notre ancienne et constante législation, qui n'a jamais prescrit pour la publication des livres d'instruction religieuse, que l'approbation des évêques. Cette législation fut renouvelée en exécution du concordat de 1802; un décret du 22 mars 1805 porte la disposition qui suit :

« Les livres d'église, les heures et prières ne pourront être imprimés que d'après la permission donnée par les évêques diocésains; laquelle permission sera textuellement rapportée et imprimée en tête de chaque exemplaire. »

Lorsque la censure, si rigoureusement exercée pendant toute la durée du gouvernement impérial, fut régularisée par le décret du 5 février 1810, une circulaire du directeur général de la librairie fit connaître que les lettres pastorales et autres livres et écrits, publiés par les évêques pour l'instruction des fidèles, étaient exempts de cette censure.

L'article 1er de la loi du 21 octobre 1814 exempte de même de tout examen préalable les Mandements, Lettres pastorales, Catéchismes et Livres de prières.

Enfin, dans l'article 5 du projet de loi que nous discutons, on voit portés dans la même exemption les Mandements, les Lettres pastorales, les Catéchismes et les Livres de prières.

Aussi n'est-ce pas, à proprement parler, un amendement que je propose, mais la réparation d'une omission qu'on pourrait appeler matérielle. Je propose d'ajouter aux mots: Mandements et Lettres pastorales, ceux-ci Catéchismes et autres Livres de prières et d'instruction religieuse, publiés par les évêques.

La commission a proposé d'ajouter à ce paragraphe ces mots et aux proclamations consistoriales. Il me semble que nous exprimerions mieux les fonctions des consistoires, qui sont autorisées et garanties par l'article 5 de la Charte, en substituant aux mots : Proclamations consistoriales, ceux-ci : Instructions religieuses publiées par les consistoires.

M. le Président. Je dois faire connaître à la Chambre ce qui se passe relativement aux amendements. M. d'Ounous, qui avait consenti à modifier sa proposition, revient maintenant à celle qu'il avait faite en premier lieu; c'est par conséquent son amendement qui doit être dis

cuté le premier. M. de Turckeim a la parole sur 'cet amendement.

M. de Turckeim. Messieurs, je viens appuyer l'amendement qui vous est présenté par mon honorable collègue M. d'Ounous.

Les paroles qui terminent l'exposé des motifs du projet de loi m'autorisent à croire que des mesures répressives contre l'impiété, les publications licencieuses et les calomnies ne sont aucunement destinées à gêner la liberté des publications religieuses.

<< S'il est vrai, disent en terminant les auteurs du projet de loi, que les hommes de toutes les opinions, de toutes les religions, de toutes les classes, s'il est vrai que les honnêtes gens de tous les partis et de toutes les conditions ont également en horreur les impiétés, les publications licencieuses et les calomnies; nous le disons librement, Messieurs, ce projet ne doit pas seulement être accueilli par eux sans défiance et sans défaveur, il doit encore obtenir leur approbation et leurs suffrages. »

Cet appel à la confiance des hommes de toutes les religions m'avait porté à croire que l'exception légale des mesures préventives proposées par les articles 2 et 5, que cette exception serait commune à toutes les publications faites dans l'intérêt de la religion de ceux auxquels notre loi fondamentale assure une égale liberté et promet une même protection.

Toutefois, la rédaction de l'article 2 ne prononee l'exception du dépôt des cinq jours que pour les mandements et les letttres pastorales; termes qui ne désignent avec exactitude que les publications usitées dans le sein de l'Eglise catholique.

Convaincu que je suis, que les ministres de Sa Majesté n'ont pas eu l'intention d'entraver la liberté religieuse des autres cultes, et que cette erreur de rédaction est tout à fait involontaire, je me réunis à mon honorable collègue pour espérer de votre justice, Messieurs, que vous calmerez des inquiétudes qui se sont manifestées à cet égard.

Les inquiétudes dont je suis l'interprète vous ont été signalées par les deux consistoires de Paris; d'autres consistoires se sont adressés à M. le ministre de l'intérieur; de toutes parts on réclame contre un oubli qui pourrait, dans la suite des temps, se prêter à de fâcheuses interprétations.

Votre commission, informée de ces réclamations, a sans doute eu l'intention de donner une preuve de plus et de son esprit conciliateur et de son respect pour les droits acquis, en vous proposant de placer les publications consistoriales dans la même exception que les mandements et lettres pastorales. Mais l'expression dont elle s'est servie; celle des publications consistoriales, ainsi que mon honorable collègue vous l'a dit, Messieurs, ne rend pas avec exactitude l'intention bienveillante de votre commission, celle de faciliter les communications du pasteur avec son troupeau; car les consistoires se composent d'ecclésiastiques et de membres laïques, et nos publications religieuses sont plus spécialement celles de nos pasteurs et de nos docteurs en théologie.

Ce que nous réclamons, Messieurs, n'est que le maintien de ce qui existe en ce moment, le maintien d'une liberté qui est restée sans abus; elle consiste principalement dans la publication rapide des paroles évangéliques prononcées

en chaire, et qui frappent plus vivement les esprits, alors que l'âme est encore émue par les solemnités de l'Eglise.

Que si on objectait l'inconvénient d'autoriser ainsi toutes les publications religieuses des cultes dissidents, tandis que l'exception de la loi ne porte que sur les mandements et les lettres pastorales des évêques, je répondrai avec une grande franchise, que si telle est l'intention de la loi à l'égard du culte catholique, que si, pour réprimer la licence, il faut entraver la publication des vérités sublimes du christianisme, qu'alors il est naturel que la loi soit égale pour tous, et que dans ce naufrage commun il faudrait, pour établir la parité, soumettre les publications de nos pasteurs à l'approbation, soit de leur inspecteur ecclésiastique, soit de leur consistoire.

J'appuierai finalement la proposition qui vous est faite, Messieurs, sur des motifs que m'a fournis, sans le vouloir sans doute, l'un des premiers et des plus ardents défenseurs du projet de loi.

Le Moniteur apprend aux protestants de France: Que la presse est la baliste perfectionnée qui lance des torches et des flèches empoisonnées; qu'elle est l'arme aux coups mortels, l'arme chérie des ennemis de la religion et de la dynastie régnante, l'arme chérie du protestantisme et de l'illégitimité. »

Les protestants qui siègent dans cette Chambre, et dont plusieurs ont pu donner à la dynastie régnante des marques incontestables d'un noble dévouement, dédaignent sans doute, ainsi que moi, de repousser ce cortège d'illégitimité, qu'on a si gratuitement donné au protestantisme. (Sensation.)

Mais hors de cette Chambre le mot aura produit son effet. C'est à vous qu'il appartient, Messieurs, de guérir la blessure de cette flèche empoisonnée; de calmer à la fois les inquiétudes d'une population fidèle, et le ressentiment amer d'un outrage si peu mérité, en reconnaissant une fois de plus cette égale liberté et cette même protection que la Charte assure à tous les cultes. (Mouvement d'adhésion.)

M. Bacot de Romand. Je demande la priorité pour l'amendement de M. Clausel de Coussergues.

M. le Président. Cela n'est pas possible; la Chambre doit statuer, en premier lieu, sur la proposition la plus étendue."

M. Bacot de Romand. On peut demander la priorité pour une proposition sur une autre proposition.

M. le Président. Si nous commencions par discuter la proposition qui amende le moins, et qu'elle fût adoptée, la Chambre ne pourrait plus statuer sur celle qui amende le plus.

M. Bacot de Romand. Je demande la parole sur la position de la question... Messieurs, voici les motifs qui me font demander la priorité pour la proposition de M. Clausel de Coussergues. L'esprit de la religion protestante n'est pas un esprit d'envahissement. Les protestants ne demandent rien de plus qu'une protection égale à celle accordée à la religion de l'Etat. En conséquence, comme l'amendement de M. Clausel de Coussergues se rapporte plus particulièrement à la religion catholique, il doit être soumis à la Chambre le

premier, sauf à faire ensuite pour la religion protestante la même chose qui aura été faite pour la religion de l'Etat. Vous sentez bien qu'il ne serait pas convenable de commencer par accorder à la religion protestante une faveur qu'ensuite la religion catholique pourrait ne pas obtenir. Je prie la Chambre de prendre cette observation en considération, et j'insiste pour que la priorité soit donnée à la proposition de M. Clausel de Coussergues.

M. le Président. Dans votre idée, ce ne serait pas la priorité qu'il faudrait demander; ce serait la division de l'amendement.

M. Bacot de Romand. Oui, la division, et la priorité pour la première partie de l'amendement de M. Clausel de Coussergues.

M. Bonet, rapporteur. Je demande la parole sur la position de la question... Il n'y a pas de doute qu'il ne faille d'abord statuer sur l'amendement de M. d'Ounous, car il est plus étendu que celui de M. Clausel de Coussergues, et il s'applique à tous les cultes reconnus. Si la commission avait eu connaissance de cet amendement, je ne pense pas qu'elle l'eût adopté, parce qu'il contient une généralité qui n'entre nullement dans ses intentions. Ainsi que vous l'a dit M. Dudon, plusieurs pasteurs ont adressé des représentations à la commission sur ce que leur religion ne figurait pas parmi les exceptions. C'est en conséquence de cette réclamation que la commission a jugé convenable d'ajouter les mots et aux publications consistoriales. On veut maintenant aller plus loin: ce qu'on demande pourra faire l'objet d'une discussion; mais je crois qu'il faut s'occuper d'abord de la proposition de M. d'Ounous, comme étant la plus étendue.

M. Bacot de Romand. J'ai demandé la division.

M. le Président. Il pourrait y avoir lieu à diviser s'il était possible de s'occuper en premier lieu de l'amendement de M. Clausel de Coussergues; mais je ne puis proposer à la Chambre de faire porter d'abord sa délibération sur la proposition qui amende le moins.

Plusieurs voix : C'est juste!....

M. de Marquillé. Je demande la parole contre les deux amendements.

M. le Président. Il n'est pas possible de mettre à la fois deux amendements en discussion.

M. de Maquillé. Alors je demande la parole contre celui de M. d'Ounous.

(La parole est accordée.)

M. de Maquillé. Par une délibération précédente, vous avez soumis à un délai de cinq jours tous les écrits de 20 feuilles et au-dessous; mais des exceptions sont proposées; le motif de ces exceptions ne peut reposer que sur l'urgence de la publication. Il est bien vrai qu'il y a urgence pour les mandements; mais cela n'est pas également vrai pour les catéchismes, pour les livres de prières et pour les autres écrits religieux. C'est pourquoi je demande le rejet des deux amendements.

M. le Président met aux voix l'amendement de M. d'Ounous. Il est rejeté.

M. de Preissac. Je demande la parole pour faire un sous-amendement à l'amendement de M. d'Ounous.

M. le Président. Cela n'est pas possible; il est rejeté. (On rit.)

(M. de Cambon demande et obtient la parole sur l'amendement de M. Clausel de Coussergues.)

M. de Cambon. Avant de discuter si c'est sur telle ou telle chose qu'il y aura des exceptions, il faudrait d'abord savoir s'il peut y avoir des exceptions. Quant à moi, je ne le pense pas. Ce n'est pas que je n'aie le plus profond respect pour ceux qui doivent inculquer aux fidèles les idées de religion. Mais il n'est pas sans exemple que des publications du genre de celles pour lesquelles on sollicite l'exception aient encouru le blâme du gouvernement. Je ne les préciserai pas; mais la chose n'est que trop vraie.

Si le gouvernement a jugé de supprimer quelques-unes de ces publications; si même il a été jusqu'à déférer aux tribunaux l'ouvrage d'un homme très respectable, c'est qu'il a senti que ces publications pouvaient produire du mal. Dès lors je ne vois pas pourquoi l'on ferait des exceptions en faveur de publications qui pourraient être dangereuses. Par ces motifs, je combats l'amendement en discussion; je le combats parce que je combats l'exception, et que je demande en même temps le rejet de l'exception proposée par la commission en faveur des mandements et autres objets.

M. Pardessus. Il y a une erreur de fait dans ce que vient de dire M. de Cambon. Il ne s'agit que de savoir si, parce que le mandement d'un évêque aura été excepté du délai de cinq jours après le dépôt, il ne pourra pas être attaqué comme d'abus et condamné dans le cas où il sera coupable; il s'agit tout simplement de juger une question d'urgence. Eh bien, il est évident qu'il peut y avoir urgence dans la prompte publication d'un mandeinent ou d'une proclamation consistoriale qui y équivaut dans la religion protestante. Le roi ordonne des prières publiques aux évêques; les évêques les ordonnent dans leur diocèse au moyen de mandements. Assurément, il se présente des circonstances où ces mandements peuvent à peine arriver dans les différentes paroisses avant le jour désigné pour les prières? Que seraitce si, outre les délais que nécessitent les communications, il y avait encore un délai de cinq jours pour le dépôt?

Messieurs, je l'ai déjà dit, l'article 1er n'était pas dans ma pensée; mais à présent qu'il est adopté, il faut bien en adopter aussi les conséquences. C'est pour cela que je dis qu'il faut adopter l'exception du dépôt pour les cas d'urgence.

M. de Cambon. M. Pardessus a pris l'exception pour la règle. Il est vrai que les mandements peuvent avoir une nécessité urgente qui rendrait le dépôt nuisible. Mais de ce que les mandements sont dans ce cas, il ne s'ensuit pas que les lettres pastorales y soient aussi. C'est parce que je ne veux rien dire de désobligeant à qui que ce soit, que je n'ai pas parlé des lettres pastorales qui ont encouru le blâme du Conseil d'Etat. On peut faire une exception pour les mandements; mais

il n'en reste pas moins que, dans les publications des évêques ou des consistoires, il peut se trouver quelque chose de contraire aux idées reçues dans notre gouvernement. Je me dispense de rien préciser, parce que la Chambre m'entend parfaitement.

(On demande à aller aux voix.)

M. de Berbis. L'honorable préopinant a fait une distinction entre les mandements et les lettres pastorales. Sans doute, il peut, sous certains rapports, y avoir plus d'urgence dans un mandement que dans une lettre pastorale; mais il y a des circonstances où un évêque est obligé de parler à son clergé ou aux fidèles, et, par conséquent, de faire une lettre pastorale. Il arrivera une calamité, par exemple, des prières seront nécessaires; il y aura urgence de publier une lettre pastorale...

(On demande de nouveau à aller aux voix.)

M. le Président. Je crois devoir rappeler à la Chambre que la discussion ne peut porter en ce moment ni sur les amendements, ni sur les lettres pastorales, puisque ces mots sont contenus dans l'article, et qu'il ne s'agit que de l'amendement de M. Clausel de Coussergues.

M. Bonet, rapporteur. Je désire, Messieurs, vous faire bien connaître les principes qui ont dirigé la commission, parce que cela peut éviter beaucoup de discussions par la suite. Il faut bien remarquer de quelles exceptions il est question. S'il s'agissait d'une exception à un impôt, au timbre, par exemple, on sentirait aisément que chacun aurait intérêt à se faire placer dans l'exception; mais il s'agit tout simplement d'une exception à la disposition qui astreint au délai de cinq jours. Pour avoir quelque prétention fondée à être dans cette exception, il faut être dans le cas d'urgence. Ainsi, toutes les fois qu'un délai pourra être dommageable, il sera juste de demander l'exception: et, à cet égard, on peut voir qu'il n'est nullement question ici de prééminence d'une religion sur une autre, puisque dans notre amendement nous avons parlé des publications consistoriales, et que nous avons tout mis sur la même ligne.

On demande maintenant, de part et d'autre, de comprendre dans l'exception les livres destinés à l'instruction religieuse. La commission n'a pas pensé que cela dût être adopté, parce qu'il n'y a aucune urgence dans la publication d'un catéchisme ou d'un livre de prières.

(La première partie de l'amendement de M. Clausel de Coussergues, relative à ce qui concerne la religion catholique, est mise aux voix et rejetée. M. de Coussergues retire la deuxième partie comme étant alors sans objet.)

M. le Président. L'amendement de la commission consiste à ajouter aux mots: aux mandements et lettres pastorales, qui sont dans l'article, les mots et aux publications consistoriales.

M. de Peyronnet, garde des sceaux. Nous sommes autorisés à consentir à cette addition.

M. Bacot de Romand. Par suite de l'opinion que j'exprimais tout à l'heure, je trouve qu'il y a dans l'amendement de la commission une parité parfaite entre la religion catholique et le culte protestant. Mais me permettrez-vous, Messieurs, en appuyant cet amendement de la commission,

de vous soumettre quelques réflexions relatives à des insinuations au moins imprudentes,qui m'ont frappé dans le cours des débats, au sujet du protestantisme en France. (Des murmures s'élèvent.) Messieurs, je ne suis monté à cette tribuné que dans des vues de paix; ce serait injurier la Chambre que de supposer qu'elle ne me prêtera pas quelque attention. Il est permis sans doute de déplorer le schisme qui est venu au xvi° siècle.. (De nouveaux murmures interrompent l'orateur.) Je suis dans la question, Messieurs, puisqu'il s'agit de savoir quelles faveurs seront accordées aux publications de la religion protestante.

Plusieurs voix : Ce n'est pas la question!....... D'autres: Parlez, parlez !.....

Bacot de Romand. Puisque la Chambre a bien voulu entendre l'accusation du protestantisme... (Même interruption), elle doit en entendre la justification de la part d'un homme de bien et d'un royaliste.

I! est permis sans doute de déplorer le schisme qui est venu au XVIe siècle. (Nouvelle interruption.) Messieurs, je veux parler dans un sens favorable à l'opinion dominante dans cette Chambre. Les historiens, les publicistes ont pu attribuer à ce grand événement l'affaiblissement de la foi politique dans plusieurs Etats...

Une foule de membres : Ce n'est pas la question!

M. Bacot de Romand. Mais aujourd'hui la situation n'est pas la même. Tous les Français professant la religion protestante sont remplis de confiance et de sécurité. (Interruption.) Je veux faire remonter cette sécurité à la source auguste d'où elle est descendue, c'est-à-dire aux intentions de S. M. Louis XVI, d'auguste et sainte mémoire. Je l'attribue également à cette hérédité de tolérance dont Louis XVIII a bien voulu donner la preuve dans le pacte fondamental qui nous régit, aux intentions bienveillantes dont notre souverain bien-aimé est perpétuellement animé et dont il ne cesse de donner des marques touchan

tes.

Voix nombreuses: A la question !...

M. Bacot de Romand. Les protestants n'adressent-ils pas au ciel les mêmes prières que les autres Français pour la conservation de leurs princes? ne trouve-t-on pas dans le sein de l'église protestante un égal nombre de sujets fidèles et de citoyens vertueux? ne sont-ils pas tous vos frères en Jésus-Christ?.....

Les mêmes voix : Parlez de la question!

M. Bacot de Romand. Je ne demande aux orateurs que je combats que de suivre l'exemple de tant de prélats et de ministres de la foi catholique qui ne font entendre que des paroles de conciliation et de paix !

Messieurs, je ne demande à la Chambre autre chose que de rendre justice à des chrétiens fidèles aux principes de la loi à laquelle ils sont tous universellement soumis.

(L'amendement de la commission relatif aux publications consistoriales est mis aux voix et adopté.)

M. le Président. Sur le paragraphe 4, après ces mots : « Aux mémoires sur procès, signés par

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