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un avocat inscrit au tableau », la commission propose d'ajouter, ou ayant fait deux années de stage. M. Pavy avait proposé ou signés par un avoué près des cours et tribunaux. Mais M. de Ricard, reprenant l'amendement de la commission et celui de M. Pavy, propose une rédaction consistant à ajouter après les mots : signés par un avocat inscrit au tableau, ceux-ci: ou par un avocat stagiaire, ou par un avoué autorisé à plaider et à écrire.

M. de Ricard a la parole.

M.de Ricard (du Gard). La commission propose d'ajouter à ces mots : « signés par un avocat inscrit au tableau », ceux-ci: ou ayant fait deux ans du stage. Il semblerait résulter de là que, quand un jeune avocat a fait deux ans de stage, il peut écrire dans les procès et signer des mémoires : il n'en est pourtant point ainsi. D'après un décret de 1810, les avocats stagiaires pouvaient plaider et écrire aussitôt. Mais en 1822 est survenue une ordonnance, d'après laquelle ils ne peuvent plaider qu'à vingt-deux ans. Avant cet âge, il faut que l'avocat ait reçu un certificat de deux membres du conseil de discipline et visé par ce conseil, attestant qu'il a suivi les audiences avec assiduité. Ainsi, les expressions de la commission ne sont pas conformes à la législation sur les avocats stagiaires'.

La proposition de M. Pavy n'est pas non plus admissible telle qu'elle est rédigée, parce que les avoués près des cours et tribunaux ne sont pas tous autorisés à plaider et à écrire. Je crois que tout est concilié par la rédaction que je soumets à la Chambre, et que M. le président vient de lui faire connaître.

M. de Peyronnet, garde des sceaux. Les avoués ne sont jamais autorisés qu'à plaider.

M. Méchin. Ils font des requêtes.

M. de Ricard. Il y a des causes sommaires où les avoués peuvent plaider et écrire; et ils signent des conclusions qu'il est souvent utile de faire imprimer et de distribuer aux juges le jour même du jugement.

M. Bonet, rapporteur. La commission a proposé de mettre dans l'exception les mémoires des avocats stagiaires, après leur seconde année de stage, parce que ces mémoires peuvent être tout aussi urgents que ceux des avocats inscrits au tableau. On propose maintenant de faire entrer les avoués dans cette exception. La question a été agitée dans la commission. Pour mon compte, je ne m'oppose pas à cette addition; je la trouve juste pour une foule de cas où la signature de l'avoué suffit pour le mémoire. L'avoué est le maître du procès, dominus litis, suivant la maxime du palais; et dans toutes les causes, il a le droit de faire les conclusions et de les signer. Je pense donc qu'on pourrait adopter l'amendement de M. de Ricard, en le rédigeant ainsi ou par les avoués, dans les cas où ils ont le droit d'écrire et de plaider. Il faudrait dans l'amendement de la commission dire les avocats, à leur troisième année de stage; la demande en a été faite par M. le commissaire du roi, qui a pensé qu'un avocat, après deux ans de stage, peut avoir pris une autre profession, et qu'alors il ne doit pas avoir le droit de profiter de l'exception pour son mémoire.

M. de Ricard. Je prie M. le rapporteur d'observer que l'ordonnance de 1822 permet aux avocats âgés de 22 ans, de plaider et d'écrire pendant tout leur stage, et que l'amendement de la commission serait une restriction au droit qui leur est acquis.

M. de Peyronnet, garde des sceaux. Il y a une grande différence entre le droit de plaider proprement dit, et celui de faire imprimer ce qu'on a écrit à l'occasion d'un procès. L'orateur qui est à la tribune sait mieux que moi que les jeunes avocats quand ils plaident sont en présence des tribunaux qui peuvent les arrêter quand ils s'écartent des limites d'une défense légitime. Il n'y a aucun inconvénient à leur accorder ainsi le droit de plaider; il n'en serait pas de même pour la publication d'un mémoire; car il n'y aurait plus la même garantie.

M. de Ricard. Je répète que les avocats qui ont 22 ans sont autorisés à plaider et à écrire; quand on a le droit d'écrire, on a aussi celui de faire imprimer, lorsque l'impression est jugée nécessaire à la défense des parties. Je crois que mon amendement est plus conforme à la législation actuelle, et qu'il ménage davantage les droits attribués par l'ordonnance de 1822 aux avocats stagiaires.

M. Bonet, rapporteur. Ce n'est pas sans motif que la commission a voulu qu'il y eût deux années de stage accomplies; c'était un moyen de s'assurer que les avocats auraient déjà quelque expérience.

M. de Ricard. L'avocat ne peut plaider après deux ans de stage que quand il y est autorisé.

M. Jacquinot-Pampelune, commissaire du roi L'avocat stagiaire peut plaider quand il a vingt-deux ans, sans qu'il soit besoin d'aucune autorisation; c'est ce qui fait penser à la commission qu'il n'y avait pas une garantie suffisante; et c'est pour cela qu'on demande que l'avocat soit à la troisième année de son stage.

M. Méchin. Monsieur le président, si vous lisiez ma proposition, M. de Ricard pourrait s'y rallier.

M. le Président. Votre proposition présente trois dispositions; vous demandez qu'on étende l'exception aux factums et requêtes qui auraient été faites par un homme de loi ayant qualité; qu'on l'étende aux mémoires, factums et requêtes qui auraient été présentés avant et pendant l'instance; cela est tout à fait différent des dispositions sur lesquelles nous délibérons.

M. de Ricard. Je me réunis à l'amendement de la commission.

M. Pardessus. Je demande à défendre le projet primitif.

M. le Président. C'est vous opposer à l'amendement de la commission. Vous avez la parole.

M. Pardessus. Je crois qu'il ne faut étendre les exceptions qu'aux cas où il y a nécessité sans danger. Or, il me semble que le danger qu'a indiqué tout à l'heure M. le garde des sceaux, n'est pas suffisamment couvert par la surveillance des tribunaux. L'avocat qui n'est encore qu'à sa

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troisième année de stage, ne figure pas au tableau; il n'est pas encore fort avancé pour sa position sociale; il n'a pas encore à craindre la radiation ni même la censure. Pour un avocat inscrit au tableau, c'est un grand déshonneur que d'être censuré ou rayé; c'est une garantie qu'offrent les avocats, et qui manque pour les avocats stagiaires.

Au surplus, il arrivera bien rarement qu'un mémoire important soit rédigé et signé par un avocatqui ne soit qu'à sa troisième année de stage. Les jeunes avocats ont leur modestie; ils ne voudraient pas publier un mémoire sans s'être inis à couvert sous les conseils et sous le nom d'un ancien avocat, Je crois qu'on éviterait un inconvénient réel, en s'en tenant au projet de loi tel qu'il a été présenté.

M. Bonet, rapporteur. La loi donne à l'avocat qui a deux ans de stage, le droit de parler et d'écrire; dès lors, il faut qu'il puisse en user dans les cas où cela est nécessaire. Or, cette nécessité se présente souvent. Une cause a été commencée : on la renvoie à deux ou trois jours; et dans cet intervalle, l'avocat a besoin de faire une réponse à la partie adverse au moyen d'un mémoire imprimé, ou de mettre sous les yeux des juges le plaidoyer qu'il a prononcé. Quoi qu'en dise M. Pardessus, je crois qu'il ne peut y avoir de danger à laisser publier un mémoire par l'avocat que la loi autorise à le faire, et je persiste dans l'amendement de la commission.

M. de Ricard. Je n'avais proposé mon amendement que pour éviter de relâcher les liens de la discipline du barreau. Après deux ans de stage, les avocats ne peuvent plaider et écrire qu'avec l'autorisation du conseil de discipline: c'est une garantie contre les jeunes avocats. Si vous admettiez l'amendement de la commission, on pourrait en induire que les avocats pourraient, après deux ans de stage, être dispensés de l'autorisation prescrite par l'ordonnance de 1822. Cette réflexion, que je soumets à la sagesse de M. le commissaire du roi, me détermine à revenir à mon premier amendement.

M. le Président. M. de Ricard, qui s'était réuni à la commission, revient maintenant à son amendement, qui consiste à ajouter au paragraphe ou par un avocat stagiaire, ou par un avoué autorisé à plaider et à écrire.

M. de Peyronnet, garde des sceaux. Ce dernier amendement est incomparablement plus conforme aux dispositions de l'ordonnance de 1822 que celui de la commission, parce que l'autorisation ne peut être accordée à un jeune avocat qui n'a pas 22 ans, qu'à condition qu'il ait fait deux années de stage. Et cependant, en vertu d'une disposition particulière de l'ordonnance, les avocats stagiaires qui ont déjà 22 ans sont autorisés de plein droit à plaider et à écrire. Il n'y a donc que deux sortes d'autorisations: l'autorisation accordée par l'ordonnance à ceux qui ont 22 ans, et l'autorisation qui peut être accordée, quand ils ont déjà fait deux ans de stage, aux jeunes avocats stagiaires qui n'ont pas passé 21 ans.

(L'amendement de M. de Ricard est mis aux voix et adopté.)

M. Méchin. Alors le mien est inutile.

M. le Président. Après le sixième paragraphe

du projet, la commission propose d'ajouter celui-ci :

« Aux ouvrages dramatiques après leur représentation, quand l'écrit publié ne contiendra que la pièce même. »>

M. Méchin. Quel inconvénient, quand il y aurait une préface!...

M. le Président. Demandez-vous la parole contre cet amendement ?

M. Méchin. Non; c'est simplement une observation que je fais.

(Le paragraphe additionnel de la commission est mis aux voix et adopté.)

M. le Président. M. Saunac propose d'ajouter, après le paragraphe que la Chambre vient d'adopter, celui-ci aux ouvrages en langues anciennes. » (On rit.) M. Saunac a la parole.

M. Saunac. Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer d'étendre l'exemption du dépôt de cinq jours aux ouvrages en langues anciennes. Cet amendement me paraît sans inconvénient et présente des avantages que j'espère vous faire apprécier en peu de mots.

Et d'abord quant aux inconvénients, Messieurs, si la prolongation du dépôt dont le but, suivant les auteurs de la loi, est de préserver plus efficacement la société des publications dangereuses de la presse, n'a été proposée principalement qu'en vue des classes inférieures et de la population des campagnes, les ouvrages dont il s'agit n'étant pas à leur portée, le dépôt est ici sans utilité.

Quant aux classes supérieures, aux classes instruites de la société, il est bien permis de croire qu'elles peuvent d'elles-mêmes, et sans mesure de police, se défendre des mauvais livres.

Ma proposition aurait-elle quelque danger pour la jeunesse de nos collèges? Assurément non, car chacun de nous sait, par expérience, que cet âge a bien assez du grec et du latin qu'on lui impose; et si les passions et l'impiété n'attaquaient nos enfants qu'à l'aide des langues mortes, elles exerceraient sur eux bien peu d'empire.

Ces langues, Messieurs, ne sont plus les interprètes des passions, et ce serait d'ailleurs une supposition bien gratuite de croire que les écrivains de nos jours, et surtout les écrivains silencieux ou fanatiques, y auront désormais recours pour attaquer la religion, les mœurs ou les pouvoirs politiques. Et quand nous pousserions la défiance jusqu'à cette supposition, il serait toujours impossible de croire que le débit, la circulation de ces sortes d'écrits puissent se faire avec une rapidité qui prévienne l'effet de la saisie.

Je passe aux avantages de l'exception proposée. Messieurs, sur 8,000 ouvrages que l'on publie annuellement en France par la voie de la presse, 6,000, dit-on, sont au-dessous de vingt feuilles, et seraient par conséquent soumis au dépôt de cinq jours. C'est à Paris que la presque totalité de ces publications s'opère, et il ne vous aura pas échappé que d'entraves graves et multipliées elles imposeront aux imprimeurs, soit qu'ils gardent les feuilles dans leurs propres ateliers, soit qu'ils veuil lent en surveiller la conservation dans les ateliers des brocheurs et satineurs qui sont hors de leur dépendance, afin de n'avoir pas à répondre de contraventions qui, non seulement leur seraient

étrangères, mais qu'il est si difficile d'empêcher. Vous ne perdrez pas de vue non plus l'importance de l'amende, et la privation du brevet qui peut devenir la suite de là moindre condamnation prononcée.

C'est donc un devoir pour nous d'accroître le moins possible l'embarras des imprimeurs, disons même celui des agents de l'autorité, par la surveillance d'une nature d'ouvrages dans lesquels l'abus est impossible à commettre ou facile à réprimer.

Je pense, Messieurs, avoir établi que la nouvelle exception que je propose, n'a rien que d'avantageux; et dès lors j'espère que vous ne refuserez pas de l'admettre, ne fût-ce que comme un hommage à l'antiquité savante.

En présentant cet amendement, je crois devoir dire que je n'ai pas l'intention de faire supposer à la Chambre mon adhésion au projet que nous discutons. Tout amélioré qu'il est par les exceptions introduites par votre commission dans l'intérêt public et dans les intérêts particuliers; quelque pénétré que je sois du besoin de réprimer les abus de la presse, je trouve à l'article 1er, par une opposition singulière, un caractère de prévention d'une part, et de l'autre des difficultés d'exécution qui me forcent à le repousser.

J'ai la conviction, d'ailleurs, que des mesures fortement répressives suffisaient pour faire mettre un terme à cette licence déplorable qui, pour les journaux comme pour la presse non périodique, n'est plus le fruit des passions, comme autrefois, mais qui provient de la cupidité seule dont il ne fallait dès lors, suivant moi, que déjouer les spéculations honteuses.

Au reste, Messieurs, l'opinion que je viens d'émettre n'appartient à aucun sytème; étranger à tout esprit de parti, sans autre ambition que celle du devoir, je voterai dans cette circonstance comme tout député doit faire, comme j'ai toujours voté jusqu'ici, suivant mes lumières et ma conscience.

M. de Peyronnet, garde des sceaux. Je prie la Chambre de considérer qu'il n'y a aucune urgence dans la publication de ces sortes d'ouvrages, et que par conséquent l'amendement est sans utilité.

M. Saunac. L'exception, dit-on, n'est pas nécessaire. Messieurs, songez que le délai de cinq jours sera très nuisible aux imprimeurs, et par conséquent vous agirez d'autant plus dans leurs intérêts que vous étendrez davantage les exceptions.

(L'amendement de M. Saunac est mis aux voix. La Chambre le rejette.)

M. le Président. Avant que la Chambre passe à un autre amendement, je la prie de me permettre une observation sur la rédaction d'un paragraphe qu'elle vient d'adopter, et qui serait ainsi conçu: « Aux mémoires sur procès, signés par un avocat inscrit au tableau, ou par un avocat stagiaire, ou par un avoué autorisé à plaider et à écrire, et publiés pendant le cours de l'instance. »> Je crois qu'il serait nécessaire de transposer les mols: publiés pendant le cours de l'instance, et de dire: Aux mémoires sur procès publiés pendant le cours de l'instance.

Plusieurs voix: Oui, oui!... C'est juste !...

M. le Président. C'est ainsi que la rédaction sera portée au procès-verbal.

M. Hyde de Neuville a proposé un amendement qui tend à faire porter l'exception sur les ouvrages d'arts, in-folio, ornés d'estampes.

Quelques voix: C'est inutile!... Il n'y a pas d'urgence !...

M. Hyde de Neuville. J'entends dire qu'il n'y a pas d'urgence. Je demande s'il y a urgence pour les mémoires des sociétés savantes et pour les ouvrages dramatiques après leur représentation? Qu'a-t-on voulu faire par les exceptions que je rappelle? rendre hommage aux lettres et aux sciences. Je demande si nous ne devons pas le même hommage aux arts? Les ouvrages dont je parle coûtent beaucoup aux entrepreneurs ; ils ont besoin d'être publiés très vite. Pourquoi les astreindre à un délai? Un seul volume coûte plusieurs centaines de mille francs. Le texte n'est autre chose que l'explication de l'estampe. Je ne vois pas pourquoi là Chambre n'accorderait pas aux arts ce que la commission a cru devoir accorder aux sciences et aux lettres. Je n'ai pas d'autre motif. Mais l'exception est réclamée par les personnes qui sont à la tête des ouvrages que j'ai signalés, et dans lesquels il n'est nullement question de politique.

(L'amendement de M. Hyde de Neuville est mis aux voix et rejeté.)

M. le Président. Le 8° paragraphe du projet de loi est ainsi conçu : « Aux écrits sur les projets de loi présentés aux Chambres, lorsque ces écrits seront publiés pendant que la discussion sera ouverte dans chacune d'elles. » La commission demande qu'on dise: « Lorsque ces écrits seront publiés dans l'intervalle qui s'écoule entre la présentation de ces projets et la délibération définitive des Chambres. »

M. le ministre de l'intérieur demande à être entendu sur cet amendement.

M. de Corbière, ministre de l'intérieur. L'amendement de la commission me paraît avoir des conséquences qui, je l'espère, ne sont pas dans l'intention de la Chambre; car cet amendement détruirait complètement la première disposition du projet. Pour le prouver, je prendrai un exemple, et je citerai la loi la plus indispensable; celle du budget. Cette loi est presque toujours une des premières qui soit apportée à la Chambre, et la dernière qui en sorte. Si l'amendement était adopté, pendant toute la durée de la session, on pourrait écrire sur le budget.

M. Benjamin Constant. Quel mal y auraitil à cela?... Vous ne voulez donc pas qu'on écrive !...

M. de Corbière, ministre de l'intérieur. Vous savez que le budget est composé d'autant de chapitres qu'il y ade ministères. En conséquence, on écrira sur toutes les matières des affaires extérieures, des affaires ecclésiastiques et sur tout ce qu'on voudra, et cela sans la formalité du dépôt.

Dira-t-on que les tribunaux ont la faculté de dire que ce n'est pas la matière du budget, que ce sont des dissertations sur les affaires de l'extérieur, de l'intérieur, sur les affaires ecclésiastiques? Mais je crains bien que les tribunaux ne se trouvent fort embarrassés de tracer une limite si difficile. Les précédents mêmes de cette Chambre ne pourront que les embarrasser extrêmement; car il est arrivé souvent que la Chambre

n'a pas considéré comme sortant de la discussion du budget des discours dans lesquels toute espèce de matières étaient traitées.

Ainsi, Messieurs, l'article, tel qu'il est proposé par la commission, ne veut dire autre chose, sinon que, pendant toute la durée de la session, il y aura faculté d'écrire sans dépôt sur toutes les matières politiques, religieuses, intérieures et extérieures. Est-ce là votre intention? Je ne le pense pas; mais bien certainement c'est ce qui résulterait de l'amendement de la commission : au lieu qu'avec la rédaction du gouvernement, l'article a son effet; et cependant il y a une latitude suffisante, puisqu'elle s'étend depuis le commencement de la discussion, jusqu'à ce que cette discussion soit terminée. C'est pendant la durée de cette discussion seulement qu'il y a urgence d'exempter du délai l'écrivain qui a de bonnes idées à proposer aux Chambres. Mais si vous allez depuis la présentation de la loi, c'est-à-dire depuis le commencement de la session jusqu'à la fin, vous irez peut-être contre votre but, et cela sans qu'il y ait raison suffisante, puisqu'il n'y a pas d'urgence.

M. Méchin. Il y a des discussions qui ne durent qu'un jour.....

M. Dudon. Il ne faut pas perdre de vue quel est l'objet de l'article 1er auquel l'article 2 fait exception. Ce n'est certainement pas une prohibition d'écrire; c'est seulement l'obligation de laisser, déposé pendant cinq jours, tout écrit audessous de vingt feuilles. S'il y a quelque objection à faire contre la faculté d'écrire sur tous les projets de loi, il aurait fallu étendre cette objection aux écrits de toute dimension. Or, on ne dit pas qu'il y ait inconvénient pour le public à ce qu'on puisse présenter des réflexions en vingt et une feuilles; j'en conclus qu'il n'y en a pas davantage pour les écrits d'une moindre dimension.

D'après la disposition du gouvernement, on ne serait exempt du dépôt de cinq jours que quand on ferait paraître l'ouvrage, après que la discussion aurait commencé. Nous avons pensé, au contraire, qu'il faut que les écrivains puissent présenter leurs observations à la Chambre aussitôt que les projets leur sont connus, et ils le sont aussitôt après la communication de l'exposé des motifs du gouvernement. Nous avons pensé aussi qu'il fallait que la faculté fût laissée aux écrivains jusqu'au vote définitif, parce qu'il est possible qu'une des deux Chambres adopte une résolution qui aurait des inconvénients; dans lequel cas il faut que les écrivains puissent soumettre leurs observations à l'autre Chambre qui n'a pas encore délibéré. Si vous adoptiez une autre interprétation, il en résulterait que quand la discussion s'ouvre devant vous, et que vous votez définitivement dans la même séance, il serait impossible de présenter aucune observation. Si le projet de loi était apporté le lendemain à l'autre Chambre, qui a des formes encore moins longues que les nôtres, il serait possible que le vote des deux Chambres eût été émis avant que les citoyens eussent pu présenter une seule observation.

Cependant, Messieurs, nous ne nous occupons pas toujours d'objets généraux on nous soumet souvent des projets qui intéressent des localités; comment alors serait-il possible d'empêcher les citoyens d'imprimer leur opinion sur des objets qui les intéressent évidemment?

Je sais qu'à l'occasion du budget, on pourra traiter toute sorte de matières. Mais qu'importe ! C'est précisément parce que les matières que renferme le budget sont très importantes et qu'elles se rattachent à toutes les parties du gouvernement, qu'il faut, autant que possible, élargir cette faculté. Etudier le budget, étudier les raisons pour et contre l'adoption de ses diverses parties, n'est pas l'affaire d'un jour. Il faut supposer que les écrivains ont besoin, pour faire leur ouvrage, d'autant de temps qu'il en faut à la commission pour faire son rapport. S'il ne leur était permis de présenter leurs réflexions qu'à l'instant de la discussion, ces réflexions pourraient arriver trop tard; car un temps viendra où l'on sera assez éclairé sur les matières du budget, pour n'avoir pas besoin de consacrer à sa discussion autant de temps qu'à présent.

Quel inconvénient, d'ailleurs, peut-il y avoir à laisser aux écrivains la faculté que la commission réclame pour eux? Si leurs écrits renferment quelques délits, les tribunaux sont là, et l'on poursuivra les auteurs. Remarquez, au surplus, qu'il ne s'agit pas d'accorder une latitude illimitée sur la discussion du budget; il ne s'agit que d'affranchir de l'obligation du délai les écrits qui presque toujours s'adressent aux Chambres.

Messieurs, tout se réduit à ceci : Est-il nécessaire que les Chambres puissent être prévenues des objections que soulève un projet de loi soumis à leur délibération aussitôt que ce projet a été répandu dans le public; ou bien faut-il attendre que la discussion soit commencée? Si l'on voulait adopter la dernière alternative, autant voudrait dire qu'on ne pourrait pas écrire sur les objets qui nous sont présentés; car pour la plupart du temps, il arriverait que notre discussion serait épuisée avant les cinq jours. Par ces motifs, j'insiste très fort pour que la Chambre donne la préférence à la rédaction de la commission.

M. de Villèle, ministre des finances. Avant que la Chambre prononce, elle me permettra de la fixer sur le résultat de sa décision. Si la Chambre veut que, pendant toute la durée des sessions, l'article 1 qu'elle a voté soit sans aucune efficacité, elle doit adopter la rédaction présentée par la commission. M. le ministre de l'intérieur vous a prouvé qu'on pouvait lier à un article du budget un écrit sur toute espèce de matières; c'est surtout contre ceux qui veulent abuser d'une loi, que les précautions sont prises. L'amendement de la commission donne cette facilité à ceux qui en auraient la volonté. Si la Chambre veut, au contraire, se borner à atteindre un but louable et utile, c'est-à-dire d'empêcher qu'aucun ouvrage qui puisse éclairer ses discussions, lui soit soustrait, elle l'atteindra en adoptant la rédaction du gouvernement, qui a été faite dans cette intention.

L'orateur auquel je succède a pensé que la proposition du gouvernement aurait pour effet d'empêcher qu'on puisse rien imprimer sur les projets de loi. Messieurs, comment un retard de cinq jours pourrait-il rendre impossible la publication de ces écrits ? L'article excepte du dépôt les ouvrages publiés pendant la discuission des Chambres. Ils peuvent donc paraître aussitôt que la discussion commence, puisqu'on est prévenu cinq jours au moins avant l'ouverture d'une discussion. On pourrait même, si l'on veut, donner la faculté de publier immédiatement après le rapport fait par la commission. Je ne puis comprendre comment il y aurait quelque utilité au

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paravant, puisque le délai de cinq jours n'apporte aucune espèce d'obstacles à ces publications. Mais, d'un autre côté, songez aux abus qui vous ont été signalés par M. le ministre de l'intérieur. On ne manquera pas, pendant la durée des sessions, lorsqu'on voudra se soustraire à l'examen du ministère public, de rattacher les écrits qu'on publiera à quelque projet de loi présenté, et surtout au budget qui comprend tant d'objets divers. Voilà pourquoi nous croyons qu'il est de notre devoir de nous opposer à cet amendement, et de vous demander de préférer la rédaction du gouvernement.

M. Casimir Périer. Mais dans tous les cas on est toujours à même d'exercer des poursuites. Je demande la parole.

M. le Président. Elle est à M. de Berbis qui l'avait demandée.

M. de Berbis. Ce serait tout à fait se faire illusion que d'adopter l'article tel qu'il a été présenté par le gouvernement. Messieurs, il doit exister autant de liberté que possible sur toutes les matières qui sont soumises aux Chambres. Il est évident que du moment où le gouvernement a présenté un projet de loi aux Chambres, ce projet se trouve être en quelque sorte soumis non seulement à leurs délibérations, mais encore à toutes les observations qui peuvent être faites pour éclairer, soit le public, soit les Chambres. Prendre la chose dans un autre sens serait tout à fait illuscire; car il est arrivé que des projets de loi présentés aux Chambres, la loi des comptes par exemple, fut discutée et votée en un jour. M. de Villèle, ministre des finances. Trois mois après qu'elle avait été apportée.

M. de Berbis. J'ajouterai, Messieurs, qu'en adoptant l'article 1o nous avons donné à la société une garantie suffisante contre tous les écrits impies, immoraux, irréligieux et qui peuvent réellement nuire au gouvernement du roi; mais nous n'avons jamais entendu restreindre la liberté de la presse au point d'empêcher qu'un projet de loi puisse être discuté publiquement, librement; car, sans cela, il ne faut pas prétendre avoir dé gouvernement représentatif.

MM. Casimir Périer, Benjamin Constant et autres membres : Bravo!... bravo!...

M. de Berbis. Comme j'ai quelque chose d'important à dire, je prie la Chambre de vouloir me prêter quelque attention.

La loi du budget, comme l'a très bien observé M. le ministre de l'intérieur, renferme des questions politiques d'une haute importance. Je conçois qu'un auteur trouve moyen de rattacher à quelque partie du budget un sujet qui, dans le fond, s'en écarterait et contiendrait des choses répréhensibles. Mais, dans ce cas, les lois existantes sont là pour le châtier s'il a fait mal. Le ministère public n'est-il pas là pour le dénoncer aux tribunaux? Je ne vois donc nullement la nécessité de cette entrave qu'on voudrait mettre à la publication des écrits qui auraient rapport au projet de loi présenté. Ne pourrait-il pas arriver que ces écrits fussent poursuivis mal à propos, et qu'au moment de la discussion des projets de loi, on les empêchât de paraître dans le public et d'éclairer les Chambres elles-mêmes? Prenons, Messieurs, des mesures fortes contre la licence, contre ces écrits qui attaquent les mœurs et la

religion; mais laissons au gouvernement représentatif une liberté assez grande pour qu'on ne nous accuse pas d'avoir voulu en quelque sorte détruire la principale de nos libertés. (Nouveau mouvement d'adhésion à gauche.)

Comme l'a très bien dit notre honorable collègue M. Dudon, la commission a été de très bonne foi; elle a pensé que le gouvernement avait dans l'article 1er une garantie suffisante, et en même temps elle a cru qu'il avait été bien entendu qu'au moment de la présentation des projets de loi, il fallait plus de liberté que dans tout autre moment; et, partant de ce point, elle a voulu dégager de toute entrave les écrits propres à éclairer cette délibération, en se reposant sur les lois existantes pour réprimer les excès qui pourraient être commis.

M. Casimir Périer. Je demande la parole. Grand nombre de membres: Aux voix, aux voix; la clôture!

(La Chambre, consultée, ferme la discussion. La parole est à M. le rapporteur.)

M. Bonet, rapporteur. L'incertitude dans laquelle nous a laissés le silence du gouvernement sur les amendements proposés, ne nous a pas permis de nous préparer à lever les obstacles qu'on pourrait mettre à leur adoption. Toutefois, en ma qualité de rapporteur de la commission, je dois dire que l'amendement a été adopté à une grande majorité.

M. de La Bourdonnaye. A l'unanimité..... (M. de Moustier fait un signe négatif...)

M. Méchin. A l'unanimité, moins M. de Moustier.

M. Bonet, rapporteur. Le gouvernement ayant reconnu le principe que les écrits sur les projets de loi, depuis l'ouverture de la discussion jusqu'à la fin, seraient affranchis du dépôt; ce qui comprendrait tout le temps qui s'écoule jusqu'à ce que les deux Chambres aient prononcé sur ces projets de loi, la commission a cru pouvoir sans inconvénients étendre cette latitude depuis le moment de la présentation des projets de loi. Car, dès cette époque, les Chambres et le public ont besoin d'être éclairés par toutes les lumières qui peuvent leur arriver. Quand il s'écoule au moins trois mois entre le moment de la discussion du budget et la fin, quel inconvénient y auraitil à l'étendre ainsi que nous vous le proposons?

L'amendement de la commission est mis aux voix et adopté en ces termes : « Dans l'intervalle qui s'écoule entre la présentation de ces projets et la délibération définitive des Chambres. »> (Une longue agitation succède.)

M. le Président, M. Sirieys de Mayrinhac propose une modification au paragraphe 9; elle consiste à ajouter aux prospectus, catalogues non raisonnés, almanachs, les avis et affiches dont la publication aura été permise par l'autorité municipale. Il propose, en outre, de substituer le mot calendriers au mot almanachs, attendu qu'il existe des almanachs littéraires, almanachs des Muses et autres, qui peuvent contenir des choses répréhensibles.

M. Méchin. L'autorité municipale est investie d'un droit de police sur les avis et affiches, en vertu d'un arrêté du gouvernement provisoire,

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