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lait et du pain de maïs. Les études ou les classes recommencent après. A midi, le diner, pendant lequel on lit quelques bons livres. Au lieu de la récréation, nous avons introduit l'ouvrage des mains pendant trois heures et demie. Ces jeunes gens s'y livrent avec zèle; les uns travaillent au jardin, les autres abattent des arbres, les équarissent et les scient en planches. Il semble qu'ils n'aient fait que ce métier tonte leur vie. Ils m'ont élevé à eux seuls une maison de trente pieds de long, dont ils ont fait tous les bardeaux, les planchers, les portes et les fenêtres. Les classes, la lecture et les prières se succèdent jusqu'au souper, où on leur donne une tasse de sassafra, un peu de beurre, deux cuillerées de pommes sèches bouillies, avec du pain de maïs. Je me trouve toujours à la récréation du soir, quand je suis sur les lieux. On lit quelques passages des Lettres édifiantes, et M. David et moi nous tâchons d'égayer la conversation tout en instruisant ces jeunes gens. Le séminaire est fort pauvre. Mais plusieurs terres considérables, qui sont aujourd'hui de peu de valeur, en acquerront par la suite. Elles reposent sur ma tête, et je compte en assigner quelques-unes pour soutenir cet établissement.

M. Chabrat, que j'ai emmené de France, est entièrement consacré à l'œuvre des missions. Ses courses sont si longues et si multipliées que ce n'est guère que tons les quinze jours qu'il vient se reposer au séminaire, où il me comble de joie en me racontant, avec autant de simplicité que de gaieté, les grands biens que Dieu opère par son ministère. Qu'il y ait des prêtres parmi nous employés aux missions, c'est l'esprit de notre fondateur. Feu M. Emery avoit cu l'intention d'établir un noyan de mission chez les Illinois. Ce fut pour cela qu'il m'y envoya avec MM. Levadoux et Richard, et il fut fâché qu'on m'eût fait revenir à Baltimore. Me voilà aujourd'hui évêque de tous les pays qu'il avoit en vue. Mon diocèse va même s'étendre jusqu'à la mer Pacifique, et comprendra d'innombrables peuplades de sauvages qui ha bitent les bords du Missoury et ceux de la Columbia. Le gouverneur Clarke, avec lequel je suis lié depuis plus de vingt ans, m'a parlé souvent de ces peuples, qui l'ont bien accueilli dans son voyage, et qu'I a trouvés doux et humains. Il m'a inspiré un grand désir d'aller les visiter, et d'y prêcher la foi; mais mes fonctions ici, et encore plus' mon âge, se refusent à un pareil ministère. Pourquoi ne se trouve-t-it pas des prêtres jeunes et zélés pour entreprendre le défrichement de ces vastes contres? C'est d'Europe que je les attends. Le malheur est, qu'avec un diocèse presque aussi étendu que l'Europe, je suis le plus pauvre de tous les évêques. Je suis absolument hors d'état de payer le voyage des missionnaires qui voudroient nous venir aider. Je compte sur vos secours et votre zèle. Vous examinerez ce que vous pouvez faire, non pour moi, mais pour tant d'ames qui se perdent. Je vous ai exposé nos besoins. Ce que je voudrois surtout en ce moment, c'est un second prêtre pour aider M. David Nous manquons aussi de livres. Enfin si vous pouviez me faire passer quelques tableaux de piété, ce seroit un ornement pour nos pauvres églises.

Vous connoissez, monsieur et ami, les sentimens avec lesquels je suis bien, sincèrement,

Benoît-Joseph, évêque de Bardstown.

(Mercredi 13 décembre 1815.)

(No. 140.)

Vies des justes dans la profession des armes (1).

Vies des justes dans les plus humbles conditions de la société (2).

Telle est la foiblesse humaine que nous avons besoin d'exemples pour nous aider à marcher dans le sentier de la vertu. On se décourageroit aisément si on se trouvoit engagé seul dans cette route âpre. La présence de voyageurs fermes et déterminés qui la parcourent avec nous, est un stimulant qui nous empêche de nous apercevoir de la longueur et de la difficulté des chemins, et nous suivons leurs traces avec plus de confiance quand nous les voyons courir d'un pas assuré, sans s'embarrasser des obstacles. C'est donc par une singulière disposition de la Providence, qu'il n'est point de conditions dans la société qui ne nous offrent ses modèles. La vertu a brillé sur le trône comme dans la cabane, au milieu du monde et dans la solitude, dans les grands emplois comme dans les conditions obseures, dans les camps même et parmi le tumulte des combats. Ainsi chacun trouve dans le rang où Dieu l'a placé des encouragemens et des exemples, et les positions les plus difficiles présentent des secours pro

(1) Un vol. in-12; prix, 2 fr. 50 cent. et 3 fr. 25 cent. franc de port.

(2) Un vol. in-12; prix, 2 fr. 50 cent. et 3 fr. 25 cent. franç de port.

A Versailles, chez Le Bel, et à Paris, chez Adrien Le Clere. Tome VI. L'Ami de la Religion et du Roi.

1.

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portionnés. L'histoire des saints du christianisme confirmeroit abondamment cette vérité consolante. Tons les états y ont fourni des héros, qui se sont distingués par les plus hautes vertus, et qui ont combattu si vaillamment dans cette milice sainte qu'ils ont remporté la palme du triomphe; et le sexe le plus foible comme l'âge le plus tendre ont pris part à ces combats, et ont mérité par leur courage et leurs exploits d'obtenir aussi la récompense immortelle promise par celui dont la parole ne trompe jamais.

par

L'éditeur des deux ouvrages que nous annonçons, avoit publié un livre du même genre dans lequel il présentoit des modèles à la jeunesse, et nous rendimes compte, il y a peu de temps, de cette production de son zèle. Aujourd'hui nous avons ler de deux volumes qui se rapportent au même but. M. l'abbé Carron; car pourquoi ne nommerions-nous pas ce respectable écrivain? M. l'abbé Carron, toujours occupé de ce qui peut intéresser le service de Dieu et le salut des ames, a réuni dans ces deux volumes les vies de plusieurs personnages qui se sont sanctifiés dans des conditions diverses. Dans l'un, il nous montre des gens pauvres, des laboureurs, des hospitalières ennoblissant leurs travaux par l'esprit de piété, de soumission et de charité. Dans l'autre, il nous fait voir des guerriers honorant, par l'esprit de religion, la profession la plus exposée aux dangers du mauvais exemple. Ce dernier ouvrage contient les vies de onze militaires, dont plusieurs sont déjà célèbres dans nos annales, et dont les autres méritoient aussi d'être connus et célébrés. Ils appartiennent presque tous à des familles distinguées par leur naissance; mais ils se distinguèrent encore mieux par d'éclatantes

qualités. Ils sont presque tous François, et doivent, sous ce rapport, nous intéresser davantage. Honneur. donc au zèle éclairé de l'éditeur, qui sert si bien à la fois et la religion et son pays, en rappelant les guerriers aux devoirs qu'ils ont à remplir et comme chrétiens et comme François, et en leur montrant dans leurs généreux devanciers les modèles de l'honneur véritable et de la vertu sans tache! Les portraits séparés qu'a réunis ici M. l'abbé Carron ne seront surement pas sans effet, aujourd'hui que tout proclame la nécessité du retour à des idées plus justes et plus saines. Nous pourrons une autre fois détacher un de ces tableaux, et donner une notice succincte sur un serviteur zélé de son Roi, dont M. Carron nous fait connoître les belles qualités..

La base des Sociétés civiles et des Gouvernemens, ou l'Espoir des François fidèles à leur Religion et à leur Souverain; par M. l'abbé de Bréard de Neuville (1) imprimée à Augsbourg en 180 1.

:

Dans un temps où le vulgaire des écrivains étoit emporté par le torrent des nouvelles opinions, et où la souveraineté du peuple, consacrée comme principe, entraînoit après elle cette foule de conséquences que la raison auroit pu prévoir, mais qu'une terrible expérience a démontrées encore mieux être plus dangereuses encore qu'absurdes; lorsque la France, flottant entre le despotisme et l'anarchie, n'évitoit un

(1) Un vol. in-12; prix, 2 fr. et 3 fr. franc de port. A Paris, au bureau du Journal.

précipice que pour tomber dans un autre, et qu'éga rée par des publicistes ignorans, elle cherchoit à couvrir ses erreurs par de pompeuses théories, essayoit chaque année de constitutions nouvelles, et expioit ces essais malheureux par des agitations toujours renaissantes et par des désordres prolongés, il étoit digue d'un François ami de son pays, de travailler à fonder la société sur des bases plus fermes et plus sûres, et de montrer le vice radical de ces principes prétendus constitutifs qu'avoit rêvés la philosophie. C'est-là proprement le but de M. l'abbé de Bréard dans ce court volume, qui est plein de substance, et qui paroît être le fruit de longues méditations. Un aperçu rapide de son plan et de l'exécution de ce plan, ne sauroit manquer d'intéresser les lecteurs, qui connoissent toute l'étendue de la contagion des maximes révolutionnaires.

Pour expliquer naturellement l'origine des sociétés, dit l'auteur, il faudroit expliquer naturellement celle de l'homme, qui suppose une création naturellement inexplicable. L'homme de la nature, ou que Dieu eût abandonné à lui-même après l'avoir crée, n'eût jamais eu l'idée ni senti les besoins de s'associer. Il en auroit encore moins eu les moyens. Diroit-on qu'uu homme de génie s'éleva à la hauteur de l'état social, on des connoissances et des moyens nécessaires pour le créer, et qu'il en fit connoître et désirer les avantages? Il faudroit prouver son existence et ses œuvres, et quand on pourroit s'en dispenser, il faudroit encore expliquer comment les autres l'auroient tous compris sans langue, comment il leur auroit appris à tous celle qu'il auroit inventée, ou comment ils auroient tous et en même temps inventé la même langue; ce que

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