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( Mercredi 27 décembre 1815.)

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(No. 144.)

CONSIDÉRATIONS sur l'état actuel de la religion catholique en France, et sur la nécessité et les moyens de la rétablir; par M. l'abbé Cottret, professeur de la faculté de théologie, chanoine de Paris, et vicaire général de Coutances (†).....

Il n'est personne, pour peu qu'il s'intéresse à la religion, qui n'ait pensé avec amertume à l'état où elle se trouve parmi nous. Les pertes qu'elle a faites, Ja servitude et l'oppression où elle étoit réduite sous le dernier gouvernement, l'indifférence des uns, l'antipathie des autres, l'oubli profond où vit à cet égard un nombre, malheureusement trop grand, de François, la négligence à s'instruire, et les vices de l'éducation publique et particulière, la situation du clergé, qui voit disparoître chaque jour ses membres les plus distingués et les plus utiles, sans entrevoir même les moyens de réparer les lacunes que la mort laisse dans ses rangs, l'indigence où vivent la plupart des prêtres, et qui contribue encore au peu de succès de leur ministère, tout cela forme pour un ami de l'Eglise un spectacle d'autant plus affligeant, qu'il ignore comment elle pourra sortir d'un abîme qui se creuse de plus en plus. Si ces tristes considérations alar-ment le simple fidèle, à combien plus forte raison doivent-elles toucher des ecclésiastiques, qui sont

port.

(1)1 vol. in-8°.; prix, 2 fr. 50 cent. et 3 fr. franc de A Paris, de l'imprimerie de Belin, rue des Mathurins SaintJacques

Tome VI. L'Ami de la Religion et du Ror.

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comme les sentinelles avancées de la religion, et dont le devoir est de signaler ses dangers? Tout le monde applaudira donc à la pieuse sollicitude qui a porté M. l'abbé Cottret à élever la voix en faveur de I'Eglise. Un docteur, un professeur, un grand vicaire pouvoit-il rester muet dans de telles circonstances?

La brochure qu'il vient, de publier se divise tout naturellement en deux parties; des réflexions sur la situation actuelle de la religion, et des vues sur l'avenir. L'auteur commence par examiner comment nous en sommes venus au point où nous nous trou→ vons, et quelles ont été les causes de cet affoiblisscment progressif du ressort religieux. Mais il me semble que, pour offrir ici un tableau plus complet, il auroit dû remonter un peu plus haut qu'il n'a fait, et indiquer plus fortement cette ligue trop avérée d'és crivains qui, depuis plus de soixante ans, poursuivoient le christianisme comme un ennemi dout ils

avoient juré la ruine. Il n'est pas douteux que leurs efforts, leurs ouvrages, leur concert n'aient été la première et la plus active des causes du dépérissement de la religion. Leur audace croissant à mesure de la foiblesse qu'on mettoit à les réprimer, et leurs artifices suppléant à la frivolité de leurs argumens, ils eurent la triste gloire d'éteindre la foi dans le cœur de plusieurs de leurs concitoyens, et de jeter parmi nous une semence de discorde, et un brandon d'incendie dont nous éprouvons encore les ravages.

Mais M. Cottret paroît s'être borné à des causes plus prochaines et plus voisines de nous, quoique ces causes ne soient elles-mêmes que des effets par rapport à la cause principale que nous venons d'assigner. Il en compte six, l'impunité des mauvais li

vres, la mauvaise éducation, le défaut de prêtres, leur indigence, l'influence du dernier gouvernement, et le code qu'il a donné. Il développe ces diverses causes, sinon avec une grande profondeur de vues et une grande vigueur de pinceau, du moins avec assez d'exactitude et de raison. Il y a surtout, dans cette première partie de la brochure, deux morceaux où il m'a paru y avoir plus d'observations judicieuses; ce sont ceux où il est traité de l'éducation et du code. Sur le premier point, on s'aperçoit aisément que M. l'abbé Cottret a des connoissances particulières et précieuses. Employé lui-même dans l'éducation, et chargé de la conduite du petit séminaire, il a pu dans l'exercice assidu de ses fonctions observer beaucoup d'inconvéniens attachés au systême actuel, et son expérience donne ici un nouveau poids aux réflexions de son zèle. Ou croit pourtant s'apercevoir en quelques endroits que l'auteur, non-seulement ne veut se mettre mal avec personne, mais qu'il loue avec beaucoup trop de complaisance un corps et des particuliers dont la religion n'a pas eu toujours à se louer; tant il est difficile que nos places n'influent pas sur nos jugemens.***

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M. Cottret croit que, pour assurer à la jeunesse une éducation véritablement monarchique, il faut un régime d'enseignement qui soit rapproché du trône, -et qui tienne sous sa dépendance tous les établissemens, tous les citoyens qui appartiennent à l'instruction. Sans doute un tel régime peut avoir ses avantages. Mais est-il vrai de dire qu'il soit indispensable pour assurer à la jeunesse une éducation, monar chique? Ce régime n'existoit pas avant la révolution. II 'existoit pas sous Louis XIV, où l'éducation étoit aussi

monarchique que possible. M. Cottret ne se seroit-il pas exprimé plus juste s'il eût dit que ce régime convenoit peut-être aux circonstances, après des temps de troubles. Nous lui demanderous encore la permission de n'être pas de son avis sur un point assez important. M. Cottret ne paroît pas souhaiter le retour des anciennes corporations enseignantes. Il ne croit pas 'ce rétablissement possible, et cherclie à prouver que l'esprit du siècle y est contraire. It craint qu'on ne perde beaucoup de temps à ces essais infructueux et en attendant une restauration incertaine; et il fait beaucoup plus de fond sur le soin des maîtres actuels dans les Աversités, qu'il exhorte en passant à avoir fine croyance et des mœurs. Mais s'il étoit vrai qu'ils eussent besoin, pour avoir l'une et l'autre, des avis de d'auteur, s'il étoit vrai qu'il n'offrissent pas encore à cet égard de garantie suffisante, ce seroit,. ce semble, une raison de plus pour désirer, pour presser le retour de ces corporations, si tranquillisantes sons, ce rapport, qui regardoient l'éducation comme un devoir, et non comme un métier; et s'il est question d'essais je ne pense pas que ce soit aux corporations que cette dénomination puisse s'appliquer. Elles avoient fait leur preuves et elles comptent encore, pour la plupart, des membres qui ont été utiles dans cette partie, et qui s'y dévoueroient sans doute avec le même zèle. Le raisonnement de M. Cottret est donc précisément l'inverse de celui qu'il auroit dû faire, et on ne se seroit pas attendu que dans un ouvrage destiné à donner les moyens de rétablir la religion catholique, l'auteur auroit commencé par écarter un des plus puissans.. 75'u su içɔ191) Yom Je souscris plus volontiers à ce que Fauteur dit

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di code, et de l'affectation de n'y pas parler de rcligion, comme si c'eùt dû être une chose étrangère à la législation. Cet oubli calculé, cette profonde indifférence sur un objet si important, ont été sans doute d'un funeste exemple pour le peuple, et ce ne pouvoit être qu'au 19. siècle qu'on s'avisât de rayer le nom de Dieu d'un code de lois, et de ne compter pour rien nos obligations religieuses, et nos rapports avec la divinité dans l'acte où l'on détaille fort minutieusement nos obligations envers la société, et noș rapports les uns envers les autres. Ce systême est dû aux abstractions des philosophes du dernier siècle, qui ont soigneusement inculqué dans leurs écrits la nécessité d'isoler la législation de la croyance religiense, et les inconvéniens de les appuyer l'une par l'autre. Ils avoient leurs vues en prêchant ceite doctrine, qui ne repose au fond que sur des sophismes, et sur une métaphysique froide et desséchante.

Avant d'entrer dans le détail des vues d'amélioration que propose M. l'abbé Cottret, on nous permetira d'examiner quelques assertions qu'on trouve çà et là dans la première partie de sa brochure, et qui nous paroissent singulières ou hasardées. Il a cru devoir donner quelques éloges aux principes et à la conduite du clergé françois, et ce n'est pas ce que nous blâmous; mais il semble que ce ne devoit pas être aux dépens du clergé des autres églises. Chez nous, dit M. Cottret, le sacerdoce étoit essentiellement françois, essentiellement social..... Il est certain que chez aucune qutre nation de l'Europe, la religion catholique n'a jamais exercé une aussi utile influence. Ailleurs, elle obtenoit des pratiques; chez nous, elle commandoit des devoirs..... C'est parmi les prétres françois qu'on a re

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