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goise, devoit retrouver dans une autre assemblée vraiment nationale, à la fin de nos lougs malheurs, une existence analogue à notre situation et à la dignité de ses fonctions.

Il est temps enfin, Messieurs, de replacer à la tête de toutes nos institutions, cette religion si long-temps oubliée, ce frein de toutes les passions, et que nos philosophes eux-mêmes ont trouvé sublime. La religion catholique, apostolique et romaine, déclarée par nos lois religion de l'Etat, doit donc être honorée dans l'Etat. Ses ministres, par la même conséquence, ont droit d'attendre des représentans de la nation, un sort quí les tire de la position où nos malheurs les ont plongés.

Après avoir réclamé de votre justice, Messieurs, l'amélioration du sort de nos fidèles desservans, je viens vous proposer dans l'intérêt de la religion et dans celui de l'Etat, la suppression de toutes les pensions dont peuvent jouir les prêtres mariés, et ceux qui ont renoncé volontairement au sacerdoce.

Je ne crois pas avoir besoin d'entrer dans de grands développemens sur la proposition que je viens soumettre à la chambre; l'énoncé seul me paroît suffisant, pour réunir tous les esprits à un seul et unique avis. En effet, Messieurs, que pourroient même dire ceux qui sont l'objet de ma proposition? que pourroient-ils avancer en leur faveur? Je ne le conçois pas! Ils ne peuvent invoquer, pour le maintien de leurs pensions, que les décrets de l'assemblée du 19 juillet 1793 et du 17 septembre même année, qui disent : l'un, qu'ausune loi ne pourra, à l'avenir, priver de leur traitement les ministres du culte catholique qui se marient; et l'autre, que les pretres qui seraient inquiétés par leurs communes, à raison de leur mariage, seroient libres de se retirer où ils voudroient, et recevroient, dans le lieu qu'ils auroient choisi, leur traitement, aux frais de la commune qui les aurojt expulsés.

Je vous le demande, Messieurs, l'oubli de toute idée morale, et la perversité la plus grande, peuvent-elles être portées plus loin! Ils étoient instruits dans l'art affreux des révolutions, ces hommes qui ont sapé le trône et l'État dans son véritable fondement. Dès leurs premiers pas, ils ont été au but: la religion les gênoit, ils ont voulu l'avilir; ils se sont débarrassés de son frein, et en soutenant une classe d'hommes méprisés et méprisables, ils ont espéré corrompre la multitude en la forçant de garder au milieu d'elle des êtres qui avoient abjuré tout principe, et dont l'audace devoit augmenter en raison de leur conduite. Its n'ont que trop réussi, ces novateurs perfides, et nos malheurs présens doivent nous apprendre à détester leur ouvrage.

Comment les individus contre lesquels je m'élève justifieroient-ils qu'ils sont dignes des secours accordés par le gouvernement, et continués jusqu'à ce jour?

Certes, Messieurs, nous le savons tous, quel exemple effroyable ces hommes déhontes ont-ils donné à leurs concitoyens? que de maux n'ont-ils pas faits, et de, combien de maux ne sont-ils pas la cause? Si le libertinage a passé des grandes villes dans nos hameaux, n'est-ce pas à eux que nous pouvons en attribuer la plus grande partie? Scandale ambulant, ils le portent partout, et le mépris qui las suit est la trop

juste punition de leur affreuse conduite; ils ne peuvent donc réclamer avec justice.

Il ne faut pas vous le dissimuler, Messieurs, les coffres de l'État, par je ne sais quelle fatalité, paient ces individus souvent avant les fideles desservans de nos églises. J'ai eu plusieurs fois occasion, comme maire, de signer des certificats de vie pour les faire payer, avant même qu'il fût question du traitement de nos ecclésiastiques respectables. D'ailleurs, quelle différence mettriez-vous entre des fils coupables et des enfans fidèles, si, par l'État, ils sont traités de même? Ceux qui ont profité de toutes les phases de notre révolution, ceux qui n'ont écouté que la fougue de leurs passions, peuvent-ils être mis sur la même ligne que ceux qui sont toujours prêts à tout sacrifier à leurs devoirs?

La religion catholique, apostolique et romaine est déclarée la religion de l'État; elle doit donc être suivie en tous points, quant à sa discipline, par le gouvernement: or, elle ne reconnoît en aucune manière le mariage des prêtres; donc l'État ne doit rien à des individus qui, par le fait, ont rompu de leur propre volonté le lien sacré qui les unissoient à l'Église. Ils se sont jugés eux-mêmes, et, rentrés dans la simple classe de citoyens, ils ne peuvent plus être censés appartenir au corps qu'ils ont abandonné, et qui ne les connoît plus que pour les plaindre. Ne pourroit-on pas, Messieurs, sans grever l'Etat pour le moment, et en attendant une nouvelle décision de votre part, faire retourner au profit du clergé les pensions supprimées? Ne pourroit-on pas y joindre aussi ces pensions viagères accordées aux autres membres de cet ordre, dont la mort a éclairci les rangs.

Ne craignez pas, Messieurs, de prononcer sur le sort de tous les individus dont je viens de parler; outre qu'ils se sont rendus indignes de la pitié publique, par leur conduite, ils ont en grande partie un état ou une aisance indépendante; ils ont su se tirer de la misère où sont tombés ceux que leur fidélité et leur devoir ont entraînés pendant longtemps sur des rives étrangères, ou forcés d'exercer dans l'ombre leur ministère de paix.

Ces individus, pour braver l'opinion publique qui toujours les a accablés, pour se supporter eux-mêmes, ont dû profiter de tous les moyens qui se sont offerts à eux, pour se donner une aisance qui les relevât à leurs propres yeux, et les rendît moins à charge. Aussi, Messieurs, nous les avons vu figurer dans toutes les places lucratives, s'emparer des marchés, des fournitures, en un mot, penser au temps présent, dans l'espérance de pouvoir oublier le passé.

J'ai donc l'honneur de proposer à la chambre de reconnoître en principe que le sort des ecclésiastiques doit être amélioré; qu'une humble adresse soit faite à Sa Majesté, pour lui exprimer le vœu solennel de l'assemblée, et la supplier de faire présenter une loi à cet effet, aussitot que la situation des finances poorra le permettre.

J'ai l'honneur de proposer, en outre, qu'une humble adresse soit faite à Sa Majesté, pour la supplier de faire présenter une loi, tant dans l'intérêt de la religion que dans celui de l'Etat, pour la suppression totale de toutes les pensions dont peuvent jouir les prêtres mariés, ceux qui volontairement ont abandonné le sacerdoce.

et

(Mercredi 3 janvier 1816.)

(N. 146.)

Nous recevons quelques lettres de reproches sur les délais qu'éprouve la publication des Mémoires pour servir à l'Histoire ecclésiastique pendant le 18. siècle, et en effet les deux derniers volumes auroient dû paroître beaucoup plutôt. Nous pourrions nous excuser de ce retard en en détaillant les diverses causes, si nous ne craignions de fatiguer le lecteur par des minuties; nous ne ferons donc valoir ici que le soin que nous avons voulu mettre à rendre cet ouvrage digue de l'estime du public religieux. Ce soin a produit, surtout dans les dernières épreuves, des changemens qui ont allongé l'impression. Nous annonçons aujourd'hui avec plaisir que nous en sommes à la dernière épreuve de chaque volume, et qu'il ne nous reste plus à imprimer que la table qui doit terminer l'ouvrage. Cette table, qui sera double, l'une pour les matières, l'autre pour les auteurs, demandera encore quelque temps, et nous empêche de faire paroître l'ouvrage pour le commencement de l'année, comme nous nous en étions flattés. Mais nous pouvons promettre que l'époque de la publication est très-rapprochée, et nous nous hâterons d'en annoncer, dans ce Journal, le moment précis.

En attendant, nous insérons ici deux articles biogra phiques, tirés du 4o. volume. Ces articles font connotire deux hommes morts récemment, et sur lesquels il n'a encore été rien publié. Par-là nous acquittons la promesse que nous avions faite de donner une notice sur l'un deux, en même temps que nous mettons le lecteur à même de juger des recherches qu'a faites l'auteur des Tome VI. L'Ami de la Religion et du Roi, P

Mémoires, et de l'esprit dans lequel il a rédigé ces articles de biographic. Les deux hommes, dont il va être question, sont, le philosophe Naigeon et le constitutionnel Lecoz, deux personnages entre lesquels nous ne prétendons d'ailleurs instituer aucun rappro

chement :

Jacques-André Naigeon, littérateur et philosophe, naquit à Paris en 1738. Elève et ami de Diderot, il hérita de ses sentimens et de son zèle, et il les signala par plusieurs productions. Il travailla à la première Encyclopédie, et y donna entr'autres l'article Unitaires. Le Militaire philosophe, 1768, est de lui, et fut composé, dit-on, sur un manuscrit intitulé: Difficultés sur la religion proposées au P. Malebranche; le dernier chapitre est du baron d'Holbach. Ce fut Naigeon qui publia, en 1770, le Recueil philosophique, ou Mélange de pieces contre la religion, et qui retoucha et publia, en 1769, le Traité de la tolérance de Crell, déjà traduit du latin par le protestant le Cène. Ce fut lui aussi qui fut l'éditeur du Systême de la nature, et il y joignit un Discours préliminaire, qu'il fit imprimer à Londres. Il fut également l'éditeur de la traduction de Sénèque, par la Grange; de l'Essai sur la vie de Sénèque, de Diderot; du Conciliateur, de Turgot; des Elémens de morale, du baron d'Holbach, 1790, et de plusieurs des ouvrages philosophiques du même. En 1790, il fit imprimer une Adresse à l'assemblée nationale sur la liberté des opinions et sur celle de la presse. Il rédigea la Collection des moralistes anciens, et y joignit un Discours prélimi naire. Il avoit fait, en 1777, l'Eloge du médecin Roux, qui étoit, comme lui, de la société intime du baron d'Holbach, et on dit même qu'il coopéra à l'Histoire philosophique de Raynal. Mais ce qui distingue éminemment Naigeon, c'est le Dictionnaire de philosophie ancienne et moderne, qu'il rédigea pour l'Encyclopédie méthodique. Cet ouvrage, qui parut à une époque de vertige et de crimes, en porte la malheureuse empreinte. L'auteur y affiche l'immoralité, l'inhumanité, et l'athéisme dans toute leur turpitude. Ses expressions sont analogues à ses pensées. S'il parle des prophètes, c'est pour les appeler des fous. Les Pères étoient, pour la plupart, très-ignorans et d'une crédulité stupide... La supersti

tion est la gourme des hommes... Il faut emmuseler le prétre... Tel est le ton poli de ce doux prédicateur de la tolérance. Dans l'article Académiciens, il excuse les vices les plus honteux. Mais rien n'égale le ton que prend Naigeon dans l'article Meslier. Il cite le vœu attribué à ce curé: Je voudrois que le dernier des rois fút étranglé avec les boyaux du dernier des prétres. C'est-là, dit Naigeon, le vou d'un vrai philosophe, et qui a bien connu le seul moyen de tarir pàrtout en un moment la source des maux qui affligent depuis si longtemps l'espèce humaine... On écrira dix mille ans, si l'on veut sur ce sujet, mais on ne produira jamais une pensée plus profonde, plus fortement conçue, et dont le tour et l'expression aient plus de vivacité, de précision et d'énergie. Cet article est signé du citoyen Naigeon en toutes lettres, tom. III, pag. 239. Il avoit dit, à la page précédente, que le prédica teur le plus éloquent d'un Etat, c'est le bourreau. On voit que le citoyen Naigeon étoit à la hauteur de l'époque où il écrivoit; que s'il ne figura pas dans le nombre des bourreaux, il savoit faire l'apologie de leurs hauts faits, et qu'il étoit digne d'être le disciple de celui qui avoit dit :

Et ses mains ourdicoient les entrailles du prêtre,
A défaut d'un cordon pour étrangler les rois.

Il est à croire que Naigeon auroit bien voulu depuis rayer son nom accolé à tant d'infâmies; mais la Philosophie ancienne et moderne est là pour accuser sa mémoire, et on verra en lui l'admirateur et le complice des cruautés de 1793 et de 1794Il donna, en 1798, une édition complète de Diderot, en 16 volumes; en 1801, une de Rousseau, en 20 volumes, avec MM. Fayolle et Boncarel; et en 1802, une de Montaigne. Toutes sont accompagnées d'avertissemens et de notes rédigées dans le même esprit. Mais c'est surtout dans celle de Diderot que Naigeon s'est donné le plus de carrière. A travers tous les éloges qu'il prodigue à son maître, il lui trouve cependant, tant il est difficile, quelques momens de foiblesse. Il se seroit consolé, ce semble, que son ami eût payé sa hardiesse de sa tête, et s'écrie : Les lignes tracées avec le sang du philosophe sont bien d'une autre éloquence! Ailleurs, le pétulant éditeur nous révèle son secret tout entier. Diderot, dit-il, souvent témoin de la colère et de l'indignation avec laquelle je parlois des maux sans nombre que les prêtres,

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