Page images
PDF
EPUB

les religions et les dieux de toutes les nations avoient faits à l'espèce humaine, et des crimes de toute espèce dont ils avoient été la cause, disoit, d ́s vœux ardens que je formois, pectore ab imo, pour l'entière destruction des idées religieuses, quel qu'en fat l'objet, que c'étoit mon tic, comme celui de l'oltaire étoit d'écraser l'infame. Au moins, cela n'est pas dissimulé; et le ton de colère et d'indignation avec lequel Naigeon s'exprime, ajoute au prix d'un tel aveu, et est un té moignage éclatant de l'impartialité et de la modération d'un tel homme. On jugera si un tel suffrage n'est pas plus honfeux que flatteur pour le parti auquel il étoit attaché, et si la religion n'a pas quelques motifs de se consoler d'avoir eu pour adversaire et pour ennemi celui qui l'étoit aussi de l'humanité, qui a applaudi au veeu de Meslier, qui le regardoit comme le seul moyen de tarir nos maux, et qui trouvoit si admirable l'éloquence du bourreau. Nous n'avons pas besoin de dire que le même homme a mérité d'être inscrit dans le Dictionnaire des athées, où Maréchal le cite comme un de nos esprits-forts les plus décidés. Cependant Lalande lui a reproché depuis de ne pas oser convenir qu'il fût athée. Il paroît que Naigeon avoit eu la prétention de devenir sénateur, et qu'il craignoit que sa réputation d'athée ne lui fût nuisible. Ainsi il tomboit dans cette pusillanimité qu'il reproche, ame rement, dans son Dictionnaire, à Bayle, à Voltaire, à d'Alembert et à Diderot lui-même. Naigeon a fourni beaucoup de renseignemens, à l'auteur du Dictionnaire des ouvrages anonymes, sur les véritables auteurs des livres philosophiques pendant la dernière moitié du xvure. siecle. Ces renseignemens ont paru suspects à beaucoup de personnes, et on croit que Naigeon, soit par zèle pour la mémoire du baron d'Holbach, soit par toute autre raison, lui a fait l'honneur de lui attribuer des écrits auxquels le baron n'eut d'autre part que de les encourager et de les payer. Il étoit membre de l'Instítut, où plusieurs de ses confrères le voyoient avec peine siéger avec eux. La Harpe l'a tourné en ridicule dans sa Correspondance littéraire avec le grand-duc de Russie, tome II, pag. 235 et 302. Mais qu'est-ce que des ridicules auprès de l'horrible doctrine qu'affichoit Naigeon, et des voeux atroces qu'il a osé consigner dans sa Philosophie ancienne et moderne? Ce professeur d'athéisme et de barbarie mourut le 28 février 1811.

Claude le Coz, archevêque de Besançon, étoit né au diocèse de Quimper en 1740, et fut d'abord professeur au college Louis-le-Grand, puis principal au college de Quimper. Ces modestes fonctions ne sembloient pas devoir l'élever au ang des premiers pasteurs; mais la révolution lui ayant donné occasion de montrer son patriolisme, il en fut récompensé par l'évêché constitutionnel d'Ille-et-Vilaine, et fut sacré en cette qualité, le 10 avril 1791. Il prouva, comme de raison, dans d'éloquentes pastorales, la légitimité de sa mission, et prit la peine de réfuter les brefs de Pie VI. On le regarda comme l'auteur de l'Accord des vrais principes de l'Eglise, de la morale et de la raison sur la constitution civile du clergé, 1792; que l'auteur du Dictionnaire des ou vrages anonymes croit pourtant être de le Breton. En 1791, le Coz fut nommé membre de l'assemblée législative, qui succéda à la constituante, et s'il s'y montra toujours patriote ardent, du moins il ne fut pas ecclésiastique scandaleux. Il fut toujours opposé au mariage des prêtres, et dans une lettre, du 22 mai 1793, qui fut imprimée, il s'éleva avec quelque courage contre un de ses suffragans, qui avoit fait donner la bénédiction nuptiale à un prêtre. Cette démarche incivique fut peut-être la cause pour laquelle on le mit en prison sous la terreur; mais, en 1795, il reprit ses fonctions d'évêque, adhéra aux encycliques des réunis, et fut un des plus zélés dans ce parti. Dans une lettre pastorale, de 197, il déclama de la manière la plus injurieuse contre Pie VI, qu'il accusoit d'avoir provoqué une guerre de religion, et d'avoir fait couler le sang avec ses brefs homicides, et après ces fleurs de rhétorique, le bon prélat daignoit faire des voeux pour que le premier siége de la catholicité ne fût pas frappé des foudres que sembloit appeler sur lui une politique aussi fausse qu'anti-chrétienne. C'est ainsi qu'un évêque faisoit sa cour au Directoire, et traitoit le souverain Pontife, menacé chaque jour par un gouvernement violent et impie. En 1799, le métropolitain de l'Ouest, car tel étoit le titre de le Coz, tint un synode, dont il publia les statuts et réglemens, qui forment un volume in-12. Il s'y trouva une quarantaine de prétres sur plus de trois cents curés; c'est dire assez que l'autorité épiscopale du prélat constitutionnel n'étoit pas fort genéralement reconnue. Là, comme ailleurs, la plupart des prêtres avoient repoussé la constitution civile du clergé. Le

Coz publia, vers le même temps, un Avertissement pastoral sur l'état actuel de la religion catholique, et d'autres écrits de circonstances pour faire aimer la république et la révolution. Il eut l'honneur de présider aux deux conciles de 1797 et de 1801, et s'opposa au projet d'un sacramentaire françois, conçu par un abbé Ponsignon, et favorisé par l'évêque de Seine-et-Oise, Clément, et par celui de Loiret-Cher. On a sur ce sujet une lettre de le Coz, en date du 3 décembre 1799. Il y a aussi de lui des Observations sur les zodiaques d'Egypte, en 1802, et il fournit quelques morceaux aux Annales constitutionnelles de son collègue Desbois. On cite encore de le Coz une Défense de la révélation chrétienne et Preuves de la divinité de Jésus-Christ, contre le Mémoire en faveur de Dieu, de Delille de Sales, in-8°., 1802. Cette année là, l'évêque d'Ille-et-Vilaine ayant donné sa démission, fut fait archevêque de Besançon. L'intérêt de l'Eglise, le bien de la paix, la sévérité des règles, auroient demandé qu'il fit quelque réparation pour sa conduite passée, et les intentions du saint Siége à cet égard n'étoient pas équivoques. Mais la protection d'un homme en crédit, et la souplesse d'un agent ambitieux, qui trompa la cour de Rome, empêchèrent les rétractations, et le Coz eut bien soin de publier partout qu'il n'en avoit ni fait ni dû faire aucune. Il 's'expliqua ainsi entr'autres dans un Mandement, du 14 juin 1802, et n'omit aucune occasion de parler avec honneur de son administration à Rennes. En 1804, à l'occasion d'une lettre d'un de ses grands-vicaires, il fit l'apologie de la cons titution civile du clergé et de ceux qui l'avoient suivie. Il s'entoura d'évêques et de prêtres constitutionnels, et réserva pour eux les faveurs et les places, en même temps qu'il faisoit la guerre à ceux qui avoient tenu une autre conduite que lui, et qu'il avoit là charité d'en dénoncer et d'en faire exiler quelques-uns. Cependant, en 1804, lorsque le Pape vint à Paris, le Coz, mandé chez S. S., comme les autres constitutionnels, signa, après quelques difficultés, un acte ainsi conçu: Je déclare, en présence de Dieu, que je professe adhésion et soumission aux jugemens émanes du saint Siége et de l'église catholique, apostolique et romaine sur les matières ecclésiastiques de France. On ajoute que, dans l'entretien particulier que le Coz eut avec le souverain Pontife, il protesta avec larmes de sa sincérité. Si depuis il a

manifesté des dispositions contraires, ces variations prouveroient bien peu de fixité et de bonne foi, et n'honoreroient pas plus son caractère que sa cause. Il entra, vers le même temps, dans une controverse différente. Le 8 novembre 1804, il adressa aux ministres protestans de Paris une lettre pour les exhorter à la réunion avec l'église romaine, et le 25 mars 1807, il composa une autre Lettre à M. de Beaufort, jurisconsulte, sur son projet de réunion. Cette lettre, qui est longue et raisonnée, ayant attiré une réponse de M. de Beaufort, le prélat publia l'année suivante une troisieme Lettre aux acatholiques de son diocèse. Ce nouvel écrit, de 216 pages in-8°., peut servir de suite au précédent, qui en a 150. Tous deux annoncent dans l'auteur de l'instruction sur les matières de controverse. Le Coz avoit en effet des connoissances, et même une sorte de zèle. Mais nourri de longue main dans des préventions contre le saint Siége, il s'attacha à un parti, et ce fut la source de toutes ses fausses démarches. Il mit par ses opinions le trouble dans son diocèse, où le clergé étoit déclaré contre lui. Dans ces derniers temps surtout, il se montra aussi erroné en politique qu'en religion, et se rendit ridicule par son admiration pour Buonaparte, dont il servit la cause par des Mandemens, et surtout par une Instruction pastorale, du 20 décembre 1813, sur l'amour de la patrie. Il y exhortoit fortement ses diocésains à marcher pour repousser les alliés, qu'il dépeignoit comme des barbares portant partout le fer et le feu, à peu près comme, en 1804, il avoit, dans un autre Mandement, accumulé les injures contre le gouvernement anglois. Il s'épuisoit encore dans cet écrit en éloges pour son héros, et après la chute de celui-ci, on crut remarquer une extrême différence entre les louanges magnifiques qu'il lui avoit prodiguées, et la manière froide dont il parla du retour des Bourbons dans ses deux lettres pastorales, des 26 avril et 19 mai 1814. Aussi on sait que cette année là, lors du passage d'un prince auguste par Besançon, l'archevêque eut défense de paroître devant lui. On voulut intéresser la chambre des députés dans son affaire, et le Coz en conserva, à ce qu'il paroît, de la rancune contre nos princes. Quand Buonaparte revint de l'ile d'Elbe, il fut un des plus ardens à se déclarer pour lui, se hâta de venir à Paris lui présenter ses hommages, et publia sur son retour un nouveau Mandement, que l'on dit être

curieux. Il fut même la victime de son zèle; car ayant voulu prêcher, en quelque sorte, la croisade, et s'étant mis à parcourir, pour cet effet, son diocèse, il se fatigua tellement qu'il fut saisi d'une fluxion de poitrine qui l'emporta au bout de trois jours. Cette fin, et le zèle qui l'accéléra, étoient di, gnes d'un homme qui avoit toujours été un peu plus révo→ lutionnaire qu'il ne convenoit à un éêque, et qui ne pa roit pas avoir été doué d'un jugement bien sain et d'une pru dence consommée. L'époque de sa mort est le 3 mai 1814

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

[ocr errors]

PARIS. Nous avons déjà annoncé l'arrivée dans cette capitale de M. Cameron, évêque de Maximianopolis, et vicaire apostolique pour les plaines d'Ecosse. Depuis sont arrivés à Paris, M. Poynter, évêque d'Halie, et vicaire apostolique du district de Londres, et M. le coadjuteur de Cashell en Irlande. Ces prélats sont tous Venus pour le même objet. Ils sont députés par les églises de trois nations différentes pour solliciter la restitution de leurs biens. Ces biens sont situés en France; mais leur ont été donnés autrefois par des compatriotes qui vouloient pourvoir à l'éducation ecclésiastique des jeunes gens de leur pays. Les trois prélats demandent nonseulement qu'on les lenr rende; mais qu'on leur en rende aussi l'administration, dont jusqu'ici le gouvernement françois ne s'étoit pas mêlé. Ce fut Buonaparte qui imagina de créer une administration tout-à-fait séculière. Les colléges furent détournés de leur véritable destination, Les ecclésiastiques qui y avoient seuls droits en furent exclus, et les bourses furent données à des François qui n'avoient aucun titre pour cela. La jusfice et le bien de la religion exigent également que cet arrangement cesse. Les trois prélats demandent done que la restitution soit pleine et entière, que chaque na tion recouvre la partie des biens qui lui appartenoit,

[graphic][ocr errors][subsumed]
« PreviousContinue »