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Un autre député succède à la tribune à M. de Germini, et pense que le Roi a reconnu la compétence de la chambre, puisqu'il lui a soumis le projet, et il vote pour les amende→ mens de la commission. M. Siméon est d'un avis contraire." Le droit d'amnistie, dit-il, est une dérivation du droit de grâce, et n'est pas du ressort de la puissance législative. Si le Roi a communiqué le projet à la chambre, c'est uniquement pour lui donner plus de solennité. M. Siméon discute et combat les amendemens de la commission.

M. de la Bourdonnaye parle dans le sens de la majorité de la commission. Il fait un tableau animé des crimes de la révolution et des richesses acquises par ses auteurs; puis s'adressant aux ministres, il leur demande avec véhémence s'ils veulent assurer l'impunité de tous les crimes, et consacrer l'inviolabilité des régicides. S'animant de plus en plus, il leur demande compte de l'évasion de Lavalette. Il est interrompu par des murmures. M. de Vaublanc, après avoir répondu à ses interpellations, s'attache à justifier le projet des ministres. M. Ganilh, qui succède au ministre, défend aussi le projet.

Il est trois heures. La discussion continue. L'assemblée påroît partagée entre les deux avis.

Parmi les objets graves et importans qui occupent la chambre des députés, il n'en est point qui mérite plus de fixer l'attention du législateur que celui dont M. de Bonald entretint la chambre le 26 du mois dernier. C'étoit à cet écrivain éloquent qu'il appartenoit de traiter la question du divorce, et de faire entendre aujourd'hui à des collègues aussi bien intentionnés qu'éclairés, des vérités qu'il avoit vainement; adressées dans des temps moins heureux à des législateurs encore imbus des principes révolutionnaires. M. de Bonald étoit là sur son terrain, et ce sujet, qu'il avoit médité et approfondi, prenoit un nouvel intérêt sous une plume grave et forte. L'orateur l'a dévelop, avec Get enchaînement de vérités anciennes et de vues neuves qui tiennent à tout l'ensemble de sa théorie. Il s'est entouré de toutes les preuves qui établissent le dogme religieux et social de l'indissolubilité du mariage, et a invoqué tour à tour et le précepte du christianisme, et la voix de la morale, et le vœu de la société, et l'intérêt de la famille, et le cri de l'expérience. Il a rappelé ce grand mot du législa-". 1eur supréme des sociétés : Il n'en étoit pas ainsi au commencement. Il a montré comment le christianisme, révoquant ce qui n'avoit été toléré qu'à cause de la dureté de cœur d'un peuple indocile et grossier, épurà les lois, et abolit peu à peu les coutumes licencieuses et barbares,

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Le divorce fut de tous les désordres celui qui résista le plus long-temps à l'influence de la religion, et l'on vit les pontifes s'armer, pour le détruire, d'une rigueur que dans des temps de corruption nous sommes portés à croire imprudente; mais qui étoit peut-être l'effet d'une sagesse supérieure à leur siècle et au nôtre. La réforme vint relâcher de nouveau les liens du mariage, et la révolution les a rompus. On en a vu les funestes effets. Ils ont été tels qu'ils ont été sentis par les hommes les moins bien disposés en faveur de la religion et de la morale, et l'usurpateur abolit le divorce pour les membres de sa famille, et l'auToit aboli pour lui-même, si l'intérêt de son ambition, qui, à ses yeux, devoit passer avant tout, ne lui eût fait violer pour lui la loi qu'il imposoit aux autres.

Le divorce a toujours été cher aux partisans les plus ardens de la révolution, et ce monument de honte et de licence est resté dans notre Code pour accuser nos lois et nos mœurs. Si la religion, comme on n'ose plus le contester aujourd'hui, est le premier besoin da peuple, un des moyens de la rétablir est de lui rendre son autorité sur le mariage. Les lois nouvelles séparant la religion et la politique avec autant de soin que les anciens législateurs en mettoient à les réunir, ne considéroient le mariage que comme un contrat civil, sans aucun concours de l'autorité religieuse qu'elles affectoient de ne pas reconnoître; « et à ce propos, a dit M. de Bonald, j'oserai réclamer, au nom de la religion et des mœurs, au nom de la liberté individuelle, et même de la liberté des cultes, contre la tyrannie de ces unions dans lesquelles une jeune personne, trahie par sa propre foiblesse, par l'autorité de ses parens, et quelquefois, nous en avons vu des exemples, par une influence supérieure, en engagée seulement par l'acte civil, voit eluder, ou même formellement désavouer la promesse de la bénédiction nuptiale sur la foi de laquelle elle avoit douné sa main, sans qu'elle puisse obtenir justice d'un parjure, et forcée ainsi de vivre dans un état qui blesse également les mours publiques et sa propre conscience ».

L'orateur déduit ensuite, autant que les bornes d'un discours peuvent le permettre, les raisons qui doivent porter le législateur à prononcer l'indissolubilité du lien conjugal, raisons prises dans la nature même physique de l'homme, raisons prises dans la nature morale, raisons tirées de la loi civile, raisons tirées des considérations politiques. Nous ne le suivrons point dans cet exposé, où il trace fortement notre corruption, et nous fait rougir et du scandale de nos mœurs, et de la foiblesse de nos lois. Ce n'est pas assez, a-t-il dit, de rendre le divorce difficile; il faut rendre le mariage honorable, et ne pas ajouter, à toutes les causes de corruption qui agissent sí puissamment dans une société avancée, cette provocation à l'inconstance naturelle à l'homme, dont l'indissolubilité du lien conjugal doit être le remède. La religion catholique n'est même pas seule ici à réclamer cette indissolubilité. La question de l'abolition du divorce, qui n'a lieu en Angleterre que pour une seule cause, la plus grave de toutes, y a déjà été proposée plusieurs fois, et des écrivains protestans out reconnu la sagesse des maximes de l'église catholique à cet égard.

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Hatons-nous, Messicurs, de faite disparoître de notre législation cette loi foible et fausse qui la déshonore; cette loi, fille aînée de la philosophie, qui a bouleversé le monde et perdu la France, et que sa mère, honteuse de ses déportemens, n'essaie plus même de défendre; cette loi repoussée par la conscience du plus grand nombré, désa♣ vouée par les mœurs de tous, et dont ceux à qui elle est permise par leurs dogmes n'usent pas plus que ceux à qui elle est défendue, loi sį foible et si fausse que les legislateurs qui l'ont portée, en voulant qu'elle fût possible, ont cherché à la rendre impraticable, et en l'entourant de difficultés et d'obstacles, n'ont pas craint de la flétrir à l'instant même qu'ils la proposoient.....

>> Pour nous, Messieurs, dont un grand nombre est au moment de voir terminer, et peut-être pour toujours, une carrière à peine conmencée, laissons du moins, dans la loi fondamentale de l'indissolubilité du lien conjugal, un monument durable d'une existence politique si fugitive. Si le temps nous a manqué pour remplir une mission que nous avions reçue, que nous avions acceptée, résignés à en atteindre le terme, nous aurous du moins posé la première pierre, la pierre angufaire de l'édifice, que d'autres plus heureux acheveront de reconstruire. Premiers confidens des malheurs sans nombre que Pinvasion étrangère à attirés sur notre pays, et ministres des sacrifices rigoureux qu'elle lui impose, nous nous ferons pardonner par nos concitoyens cette douloureuse fonction, nous en serons soulagés à nos propres yeux si nous avons le temps de laisser plus affermics la religion et la morale. Je propose qu'il soit fait une respectueuse adresse à S. M. pour la supplier d'ordonner que tous les articles relatifs à la dissolution du mariage et au divorce, qui sont contenus aux chapitres 7 et 8 du titre V, et dans les chapitres 1, 2, 3, 4 et 5 du titre VI, soient retranchés du Code civil ».

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Telle est l'analyse de ce discours, où l'on retrouve partout le penscur profond, le sage législateur, le moraliste sûr. Mais ce qui est plus précieux encore c'est le caractère religieux qui y est empreint. M. de Bonald n'est point de ces publicistes frivoles ou perfides qui, comme il le disoit tout à l'heure, séparent la religion de la politique. Il pense avec raison que leur intérêt mutuel est de se prêter appui, et toutes deux se réunissent en effet pour proscrire une loi rendue à une époque de licence, de vertige et d'impiété, et faite pour disparoître dans des jours plus heureux. Son discours, dont nous regretions de n'avoir pu citer que de courts extraits, paroîtra digne à la fois et de l'orateur, et de l'assemblée devant laquelle il parloit, et de la cause qu'il avoit à défendre (1).

(1) Nous renvoyons ceux qui voudroient mieux connoître les principes de M. de Bonald, à un ouvrage excellent, dont il publia deux éditions, intitulé: Du Divorce considéré au 19o. siècle, relativement à l'état domestique et à l'état public de societé, etc.; 1 vol. in-8°.; prix, 3 fr. 60 c., et 4 fr. 50 c. franc de port. A Paris, ches Adrien Le Clere, au bureau du Journal.

(Samedi 6 janvier 18 16.)

(No. 147.)

Observations critiques sur l'éducation; par M. le Gac, prêtre, ancien professeur du collège de Quimper (1).

Lettre à MM. de la chambre des députés sur l'éducation publique et sur le choix des instituteur's (2).

Le Nouvel Emile, ou l'Histoire véritable de l'éducation d'un jeune seigneur françois expatrié par la révolution; par un ancien professeur à l'Université de Paris (3).

Ce seroit sans doute une comparaison assez curieuse que celle du systême actuel d'éducation avec le mode que l'on suivoit il y a cent ans; ce ne seroit pas un rapprochement moins piquant que celui des livres qui traitent aujourd'hui cette matière, avec les ouvrages que l'on publioit sur le même sujet il y a environ un' siècle. A cette époque, des hommes graves et sages écrivoient aussi sur l'éducation; mais leurs écrits ne ressemblent guère à la plupart de ceux que nous voyons éclore actuellement. Dans les premiers, on cherche vainement de l'esprit, des traits saillans, des vues neuves et hardies; on n'y trouvé que de la simplicité,

(1) Brochure in-12; prix, 75 cent., et 1 fr. franc de port. A Saint-Brieuc, chez Prud'homme, imprimeur; et à Paris, chez Adrien Le Clere.

(2) Ce petit ouvrage ne se vend pas.

(3) 4 gros vol. in-18; prix, 10 fr., et 14 fr. franc de port. A Paris, chez Laurens jeune, libraire, rue du Bouloi, no. 4; ét au bureau du Journal.

Tome VI. L'Ami de la Religion et du Ro1.

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de la clarté, de la méthode, du jugement et du sens. Leurs auteurs vont terre à terre, et marchent dans les sentiers battus, au lieu de s'élever à de hautes spéculations, et de tenter des essais aux dépens des générations à venir. Lisez le traité de l'Education des filles, de Fénélon; le traité du Choix et de la méthode des études, de Fleury; le Traité des études, de Rollin; l'Institution d'un prince, de Duguet; vous n'y verrez aucun systême, aucune prétention, rien d'extraor dinaire ni de brillant. Ces hommes si judicieux, et de plus, riches d'une longue expérience, n'avoient pas conçu l'éducation telle qu'on se l'est figurée de puis. Ils ne visoient pas à faire des prodiges de science, à éblouir par de spécieuses théories, à renverser les méthodes existantes pour en substituer d'autres arrangées avec art, et présentées d'une manière attrayante. Plus curieux d'être utiles que d'étonner, ils s'occupoient à perfectionner de plus en plus le mode usité par des améliorations douces et insensibles, et non par des changemens brusques; ils mettoient toujours en première ligne Dieu, la religion et la morale. C'étoit à cela qu'ils dirigeoient leurs instructious et leurs soins, et ils croyoient avoir rempli plus de la moitié de leur tâche quand ils avoient appris aux jeunes gens à honorer la piété, à être modestes, soumis, francs, affables, et à les convaincre que leur premier devoir étoit de servir Dieu selon la mesure de leurs talens.

Ces idées, si conformes à l'esprit d'un siècle religieux et aux vues pures et chrétiennes de ces illustres écrivains, se maintinrent tant qu'on ne voulut pas trop raisonner sur l'éducation. Mais vint la manie de l'analyse, des systêmes, des réformes complètes,

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